mardi 12 octobre 2010
Jonction de malaises
Une bataille de l'opinion, disent-ils ! Comme si l'enjeu de ce qui se joue actuellement pouvait tenir dans les mots convenus des stratégies des uns et des autres et dans les équilibres auxquels chacun veille, du côté du pouvoir comme de celui des syndicats. Comme si la vérité du mouvement était dans les sondages et les effets d'annonce plus que dans la réalité du monde du travail, dans sa pénibilité, dans ses inégalités. Plus que dans ce simple constat que l'opinion est, depuis le début, contre la réforme des retraites et affirme que la borne des 60 ans est un acquis qui ne se discute pas. Pour le reste, le gouvernement se trompe en imaginant que la rupture n'est pas encore consommée et les syndicats aussi en croyant qu'ils peuvent donner des directives à l'opinion.
C'est au contraire l'opinion qui a entraîné les centrales dans le mouvement en les forçant à s'unir et à s'organiser pour être les haut-parleurs du mécontentement. Il y a quelque chose de très profond dans la manière dont est ressentie l'injuste pénalisation de ceux qui ont commencé à travailler tôt et celle des jeunes qui se sentent exclus du marché du travail et dont on a tort de croire qu'ils ne se sentent pas concernés par l'âge de la retraite. Sans doute est-ce dans cette possible jonction des malaises, que d'aucuns redoutent, quand d'autres le souhaitent, un mai 1968 à froid dont personne ne sortirait vainqueur.
Certes les jeunes sont plus sensibles au problème de leur emploi qu'à celui de la retraite. Mais ils ont bien compris que si on demande à leurs aînés de travailler plus, ce sont eux qui seront au chômage plus longtemps. Or ils ne veulent pas que l'on sacrifie leur formation et que l'on dévalorise leurs compétences dans des batailles qui se mènent autour des sectarismes politiques et de gesticulations bien éloignées de la réalité des retraites.
Le débat parlementaire s'accélère, le vote de la loi interviendra dans les prochains jours. Mais cela ne signifiera pas pour autant que les salariés et la jeunesse ne restent pas hostiles à la réforme. Malgré la paix apparente et le silence de la rue, l'incompréhension et les blocages resteront. L'opinion attendra son heure pour mener l'autre bataille.
Une bataille de l'opinion, disent-ils ! Comme si l'enjeu de ce qui se joue actuellement pouvait tenir dans les mots convenus des stratégies des uns et des autres et dans les équilibres auxquels chacun veille, du côté du pouvoir comme de celui des syndicats. Comme si la vérité du mouvement était dans les sondages et les effets d'annonce plus que dans la réalité du monde du travail, dans sa pénibilité, dans ses inégalités. Plus que dans ce simple constat que l'opinion est, depuis le début, contre la réforme des retraites et affirme que la borne des 60 ans est un acquis qui ne se discute pas. Pour le reste, le gouvernement se trompe en imaginant que la rupture n'est pas encore consommée et les syndicats aussi en croyant qu'ils peuvent donner des directives à l'opinion.
C'est au contraire l'opinion qui a entraîné les centrales dans le mouvement en les forçant à s'unir et à s'organiser pour être les haut-parleurs du mécontentement. Il y a quelque chose de très profond dans la manière dont est ressentie l'injuste pénalisation de ceux qui ont commencé à travailler tôt et celle des jeunes qui se sentent exclus du marché du travail et dont on a tort de croire qu'ils ne se sentent pas concernés par l'âge de la retraite. Sans doute est-ce dans cette possible jonction des malaises, que d'aucuns redoutent, quand d'autres le souhaitent, un mai 1968 à froid dont personne ne sortirait vainqueur.
Certes les jeunes sont plus sensibles au problème de leur emploi qu'à celui de la retraite. Mais ils ont bien compris que si on demande à leurs aînés de travailler plus, ce sont eux qui seront au chômage plus longtemps. Or ils ne veulent pas que l'on sacrifie leur formation et que l'on dévalorise leurs compétences dans des batailles qui se mènent autour des sectarismes politiques et de gesticulations bien éloignées de la réalité des retraites.
Le débat parlementaire s'accélère, le vote de la loi interviendra dans les prochains jours. Mais cela ne signifiera pas pour autant que les salariés et la jeunesse ne restent pas hostiles à la réforme. Malgré la paix apparente et le silence de la rue, l'incompréhension et les blocages resteront. L'opinion attendra son heure pour mener l'autre bataille.
A Marseille, réforme des retraites et conflit portuaire se rejoignent sur les quais
Au quinzième jour de grève consécutif des agents portuaires des terminaux pétroliers de Fos-sur-Mer et Lavéra (Bouches-du-Rhône), le patronat marseillais s’est invité dans le conflit qui oppose la CGT à la direction du Grand Port maritime de Marseille (GPMM).
Dans Les Echos du lundi 11 octobre, un collectif Touche pas à mon port a fait publier une page de publicité. Sur ce document, intitulé «The best job in the world», il est proposé de devenir grutier sur le port de Marseille avec un salaire de 4000 euros brut pour dix-huit heures de travail hebdomadaire, avec huit semaines de congés. L’emploi est «garanti à vie».
Jean-Luc Chauvin, président de l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône, justifie ce recours à la dérision par «une exaspération complète et totale». Avançant le chiffre de 20 millions d’euros de pertes pour l’économie locale, le représentant du Medef réclame l’intervention des forces publiques pour débloquer les accès et appelle à une application urgente de la réforme portuaire.
«C’est mensonger et outrancier, a répliqué Pascal Galéoté, dirigeant du syndicat CGT des bassins Est et des terminaux pétroliers. On est à 2140 euros pour 155 heures par mois. Le Medef aurait voulu jeter de l’huile sur le feu qu’il n’aurait pas pu faire mieux : les agents sont hallucinés par l’agression.»
Les négociations avec la direction devaient reprendre mardi matin 12 octobre, juste avant le défilé intersyndical marseillais. «Avec les nouvelles propositions que je ferai, s’il y a réellement une volonté de reprendre le travail, il y a matière à le faire», estime, confiant, Jean-Claude Terrier, président du directoire du GPMM.
FILIALISATION
Le conflit a trait aux conditions de transfert des outillages des terminaux pétroliers et des 220 agents à une filiale, Fluxel, dans laquelle GPMM restera majoritaire à hauteur de 60%, en raison du caractère stratégique de ce trafic.
Le principe de la filialisation avait été accepté par la CGT le 15 décembre 2008 à l’issue d’un précédent mouvement. Sans revenir sur ce volet de l’application de la réforme portuaire, la CGT considère que les menaces de réduction des capacités de raffinage françaises ont changé la donne économique.
«Lorsqu’on évoque une diminution du trafic de 63 millions à 47 millions de tonnes de brut, on se pose la question de la viabilité et donc de la pertinence de la filiale», oppose Pascal Galéoté.
Le port garantit le retour du personnel au sein de son effectif en cas de détérioration de la situation économique de Fluxel. Mais il refuse la revendication de la CGT d’avoir des bulletins de salaire à l’en-tête de GPMM. «Ce serait la négation de la réforme, selon M.Terrier. On a testé tous les scénarios, et, dans le plus noir, à savoir la fermeture de trois raffineries, aujourd’hui alimentées depuis les terminaux de Fos et de Lavéra, il n’y aurait pas besoin de toucher à la masse salariale.»
Les 220 agents en grève devaient être rejoints, mardi 12 octobre, par la communauté portuaire. La Fédération nationale des ports et docks CGT, qui a réclamé une cessation anticipée d’activité pour cause de pénibilité des métiers portuaires, a lancé un mot d’ordre de grève de vingt-quatre heures reconductible.
L'ART DE L'AMALGAME SYNDICALISTE EST CONSOMMÉ DÉSORMAIS, PASSONS À AUTRE CHOSE.
Le PS craint la fin du service public postal
Il demande au gouvernement de "cesser de jouer les apprentis sorciers, entre augmentation de capital hasardeuse et projets risqués".
Le PS a fait part lundi de ses craintes sur "la fin du service public postal" et a demandé au gouvernement de "cesser de jouer les apprentis sorciers, entre augmentation de capital hasardeuse et projets risqués".
Le PS "invite le gouvernement et les dirigeants de la Poste à enfin tenir compte du succès du référendum populaire en faveur d'un service postal accessible et universel, et à revenir sur ce plan".
"Il demande au gouvernement de cesser de jouer les apprentis sorciers, entre augmentation de capital hasardeuse et projets risqués, et de permettre à La Poste de se consacrer à sa mission de service public".
En mars, M. Bailly "annonçait vouloir profiter de l'augmentation de capital pour moderniser le service courrier, pour faire face à l'ouverture à la concurrence européenne et pour alléger la dette de l'entreprise publique", assure le PS.
Les socialistes déplorent un "changement de cap" du PDG avec "l'augmentation du capital (qui) servira désormais au développement de la Banque postale, du colis ou de la téléphonie mobile, au détriment de la véritable mission de la Poste".
A moins de trois mois de la libéralisation du marché qui interviendra le 1er janvier 2011, "ces déclarations contredisent les engagements pris et annoncent bien une remise en cause du service public postal", juge le PS.
TOUT UN BASTION DE L'ÉLECTORAT PS MIS À MAL PAR UNE MUTATION NÉCESSAIRE, VOILÀ QUI FAIT MAL.
Entre les jeunes et la retraite, le soleil...
Est-ce une malédiction française ? Pourquoi faut-il toujours qu'une offensive réformiste finisse par s'embourber dans une guerre de positions ? Comment le gouvernement a-t-il réussi à perdre en septembre la bataille de l'opinion qu'il semblait pourtant avoir gagné au printemps ?
Le président de la République bénéficiait de la conjonction exceptionnellement favorable de son volontarisme personnel et de la conscience - partagée par plus de deux Français sur trois avant l'été - de la nécessité de travailler plus longtemps pour sauver le régime de retraites par répartition. Une alliance rare. Qu'en a-t-il fait ? Fort de son succès initial, grisé à l'idée d'avoir raison seul contre tous ou presque, et persuadé que son courage ne serait comptable que devant l'histoire, le chef de l'exécutif a préféré s'emmurer dans le donjon de ses certitudes. Paré pour résister aux assauts pour finalement triompher à l'usure.
Au plus bas dans les sondages, le forcené de l'Élysée paie cher aujourd'hui ses rêves de bravoure. Car il ne faut pas s'y tromper : l'affaire Woerth, avec ses péripéties et ses rebondissements n'a pas vraiment pesé dans le retournement de l'opinion. Ce que la France, et pas seulement celle qui manifeste, n'a pas accepté, c'est le peu de considération qu'on a porté à ses interrogations et à ses refus.
Balayer d'un revers de main, l'injustice mécanique d'un dispositif qui, faute d'avoir choisi entre la durée de cotisation et l'âge légal de départ, pénalise inévitablement les salariés les plus modestes, c'était dangereux. Réduire la pénibilité à une évaluation de l'invalidité, voire de l'infirmité, c'était psychologiquement maladroit et politiquement désastreux. Limiter la prise en compte de l'inégalité dont les femmes sont victimes aux mères de famille de plus de trois enfants, c'était à la fois insuffisant et en décalage complet avec la réalité d'une société française très féminisée.
Et puis se sont ajoutées les déceptions. Les marges de manœuvre promises pour le débat au Sénat se sont réduites à quelques interstices vite bouchés. A l'image de son ministre du Travail, le gouvernement a opposé volontairement une image verrouillée fermant le ban d'un dialogue social croupion sur le refrain d'une souplesse impossible. Une espèce d'autisme qui a fini par exaspérer les salariés les plus modérés.
Pendant ce temps - de l'avis même d'économistes proches du pouvoir comme Nicolas Baverez - on n'a pas restructuré les caisses en profondeur, laissant planer le risque d'une rechute avant même 2018... Instinctivement, les jeunes - qu'on n'instrumentalise pas si facilement -, et même en panne de révolte, ont fini par flairer l'embrouille. Sous le soleil de ce mardi, ils seront évidemment décisifs.
Est-ce une malédiction française ? Pourquoi faut-il toujours qu'une offensive réformiste finisse par s'embourber dans une guerre de positions ? Comment le gouvernement a-t-il réussi à perdre en septembre la bataille de l'opinion qu'il semblait pourtant avoir gagné au printemps ?
Le président de la République bénéficiait de la conjonction exceptionnellement favorable de son volontarisme personnel et de la conscience - partagée par plus de deux Français sur trois avant l'été - de la nécessité de travailler plus longtemps pour sauver le régime de retraites par répartition. Une alliance rare. Qu'en a-t-il fait ? Fort de son succès initial, grisé à l'idée d'avoir raison seul contre tous ou presque, et persuadé que son courage ne serait comptable que devant l'histoire, le chef de l'exécutif a préféré s'emmurer dans le donjon de ses certitudes. Paré pour résister aux assauts pour finalement triompher à l'usure.
Au plus bas dans les sondages, le forcené de l'Élysée paie cher aujourd'hui ses rêves de bravoure. Car il ne faut pas s'y tromper : l'affaire Woerth, avec ses péripéties et ses rebondissements n'a pas vraiment pesé dans le retournement de l'opinion. Ce que la France, et pas seulement celle qui manifeste, n'a pas accepté, c'est le peu de considération qu'on a porté à ses interrogations et à ses refus.
Balayer d'un revers de main, l'injustice mécanique d'un dispositif qui, faute d'avoir choisi entre la durée de cotisation et l'âge légal de départ, pénalise inévitablement les salariés les plus modestes, c'était dangereux. Réduire la pénibilité à une évaluation de l'invalidité, voire de l'infirmité, c'était psychologiquement maladroit et politiquement désastreux. Limiter la prise en compte de l'inégalité dont les femmes sont victimes aux mères de famille de plus de trois enfants, c'était à la fois insuffisant et en décalage complet avec la réalité d'une société française très féminisée.
Et puis se sont ajoutées les déceptions. Les marges de manœuvre promises pour le débat au Sénat se sont réduites à quelques interstices vite bouchés. A l'image de son ministre du Travail, le gouvernement a opposé volontairement une image verrouillée fermant le ban d'un dialogue social croupion sur le refrain d'une souplesse impossible. Une espèce d'autisme qui a fini par exaspérer les salariés les plus modérés.
Pendant ce temps - de l'avis même d'économistes proches du pouvoir comme Nicolas Baverez - on n'a pas restructuré les caisses en profondeur, laissant planer le risque d'une rechute avant même 2018... Instinctivement, les jeunes - qu'on n'instrumentalise pas si facilement -, et même en panne de révolte, ont fini par flairer l'embrouille. Sous le soleil de ce mardi, ils seront évidemment décisifs.
Ce que disent les visages
Dans un récit à la première personne (1), l'historienne et critique d'art Dominique Baqué rapportait son expérience d'un site de rencontres sur Internet. En proie à la solitude, après un divorce, elle recherchait l'âme soeur. Cruelle désillusion : elle n'a rencontré que des prédateurs guettant des proies faciles dans ce vaste « hyper-marché du sexe ». Et elle a ce mot qui retient l'attention : « À aucun moment, je n'ai été envisagée. »Elle voulait dire qu'à aucun moment, lors de ces rencontres, elle n'a eu le sentiment d'être un visage, une présence offerte comme une énigme à accueillir et à déchiffrer pas à pas, dans la durée. Elle n'était qu'une figure dévisagée et un corps jaugé. La dimension poétique de la rencontre amoureuse cédait le pas au mouvement des pulsions aventureuses, sans phrase, sans dialogue. À l'image des films pornographiques, où il ne reste que des corps qui pourraient être sans tête, sans visage, avec le même effet visuel.
La reconnaissance d'autrui suppose de prendre en considération son visage, dans un face-à-face où se construit le rapport d'humanité. Et ce visage est infiniment plus que ce qui se livre au regard. Il est plus que la « figure ». Par-delà les traits physiques plus ou moins plaisants, il est le symbole d'une présence débordante dans l'échange de regards, y compris celui de l'aveugle, où s'exprime la demande : « Au mieux, aime-moi ; au pire, ne me tue pas. »
Le visage transfigure et appelle le respect. On se souvient de ces scènes bouleversantes du film Elephant Man où cet homme, affligé d'une tumeur de la face, implore d'une voix si douce : « S'il vous plaît, considérez que, derrière cette face abîmée, il y a quelqu'un. » Révélateur : lorsqu'on veut que quelqu'un perde la face, on commence par s'en prendre à son visage. D'où l'injure si violente : « Face de rat, trogne de.... »
Voilà pourquoi la mise en cause, par l'humoriste Stéphane Guillon, des traits physiques d'Éric Besson avait choqué. Ses propos étaient meurtriers. Il aurait pu méditer ce mot de Lévinas, le penseur de la responsabilité humaine : « Dès lors qu'autrui me regarde, j'en suis responsable. »
Mais si dévisager, c'est mettre à nu, réduire au physique, c'est aussi, dans un sens exactement opposé, disparaître en tant que visage. Ce qui arrive à une personne défigurée qui n'a pas d'autre désir que de retrouver un visage, même s'il diffère du sien. Par lui, la communication redevient possible. Par lui, le blessé réintègre la vie sociale. Ce blessé peut aussi l'être par les aléas de l'existence (rupture familiale, chômage...) qui font basculer dans le statut des « sans-visage » (2), absents de l'espace social comme de l'espace public.
Et comment ne pas penser à ces « sans-visage » que sont les femmes enfermées dans la prison de toile de la burqa ? Qu'elles y aient ou non librement consenti ne change rien au fait que cette tenue abolit la règle fondatrice de l'espace public démocratique, celle du « visage découvert ». Ainsi dé-visagée, il n'est d'ailleurs pas rare qu'elles se trouvent exposées au risque d'être défigurées (au vitriol...) si elles manquent aux devoirs de leur genre.
Envisager, c'est considérer et projeter. Être envisagé, c'est déjà être considéré.
(1) E-love, petit marketing de la rencontre, Anabet.
(2) Sans visages. L'impossible regard sur le pauvre, par Arlette Farge, Jean-François Laé, Patrick Cingolani et Franck Magloire (Bayard).
(*) Professeur de droit public à Brest.
La reconnaissance d'autrui suppose de prendre en considération son visage, dans un face-à-face où se construit le rapport d'humanité. Et ce visage est infiniment plus que ce qui se livre au regard. Il est plus que la « figure ». Par-delà les traits physiques plus ou moins plaisants, il est le symbole d'une présence débordante dans l'échange de regards, y compris celui de l'aveugle, où s'exprime la demande : « Au mieux, aime-moi ; au pire, ne me tue pas. »
Le visage transfigure et appelle le respect. On se souvient de ces scènes bouleversantes du film Elephant Man où cet homme, affligé d'une tumeur de la face, implore d'une voix si douce : « S'il vous plaît, considérez que, derrière cette face abîmée, il y a quelqu'un. » Révélateur : lorsqu'on veut que quelqu'un perde la face, on commence par s'en prendre à son visage. D'où l'injure si violente : « Face de rat, trogne de.... »
Voilà pourquoi la mise en cause, par l'humoriste Stéphane Guillon, des traits physiques d'Éric Besson avait choqué. Ses propos étaient meurtriers. Il aurait pu méditer ce mot de Lévinas, le penseur de la responsabilité humaine : « Dès lors qu'autrui me regarde, j'en suis responsable. »
Mais si dévisager, c'est mettre à nu, réduire au physique, c'est aussi, dans un sens exactement opposé, disparaître en tant que visage. Ce qui arrive à une personne défigurée qui n'a pas d'autre désir que de retrouver un visage, même s'il diffère du sien. Par lui, la communication redevient possible. Par lui, le blessé réintègre la vie sociale. Ce blessé peut aussi l'être par les aléas de l'existence (rupture familiale, chômage...) qui font basculer dans le statut des « sans-visage » (2), absents de l'espace social comme de l'espace public.
Et comment ne pas penser à ces « sans-visage » que sont les femmes enfermées dans la prison de toile de la burqa ? Qu'elles y aient ou non librement consenti ne change rien au fait que cette tenue abolit la règle fondatrice de l'espace public démocratique, celle du « visage découvert ». Ainsi dé-visagée, il n'est d'ailleurs pas rare qu'elles se trouvent exposées au risque d'être défigurées (au vitriol...) si elles manquent aux devoirs de leur genre.
Envisager, c'est considérer et projeter. Être envisagé, c'est déjà être considéré.
(1) E-love, petit marketing de la rencontre, Anabet.
(2) Sans visages. L'impossible regard sur le pauvre, par Arlette Farge, Jean-François Laé, Patrick Cingolani et Franck Magloire (Bayard).
(*) Professeur de droit public à Brest.
Le report de l'âge de la retraite sans décote de 65 à 67 ans voté par le Sénat
Le Sénat a voté ce soir une des mesures-phare de la réforme des retraites, qui repousse de 65 à 67 ans l'âge de la retraite sans décote quel que soit le nombre d'années de cotisation, mesure unanimement rejetée par la gauche et les syndicats.
L'exécutif est finalement parvenu à boucler ce soir, avant la journée de demain, le cœur de la réforme en faisant adopter l'article 6, qui reporte de 65 à 67 ans l'âge de la retraite sans décote. Cet article a été adopté par 174 voix contre 159. L'UMP a voté pour ainsi qu'une majorité de centristes. Les sénateurs centristes du MoDem ont voté contre de même que le PS, le CRC-SPG (communistes et parti de gauche) et le RDSE (à majorité radicaux de gauche).
Pourtant, les sénateurs de gauche, venus en force dans l'hémicycle, ont défendu inlassablement, en multipliant les prises de parole, des amendements ou des sous-amendements au projet. Ils ont également fait entendre leur opposition à la réforme par des points de presse tout au long de la journée.
En face, la majorité UMP et centriste, également très mobilisée, a fait montre à de rares exceptions près d'une unité sans faille pour soutenir le ministre du Travail, Eric Woerth.
L'autre article le plus important du texte, le report de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans (article 5), avait été adopté vendredi en fin d'après-midi. Le gouvernement avait également fait voter vendredi l'une des deux avancées qu'il avait annoncée la semaine dernière, sous forme d'amendement à l'article 6, à savoir le maintien du départ à 65 ans pour les parents d'enfants lourdement handicapés soignés à domicile.
La seconde mesure présentée par le gouvernement comme une concession, le maintien des 65 ans pour les mères de trois enfants nées entre 1951 et 1955 ayant arrêté de travailler pour les élever, a été adoptée lundi après-midi après avoir fait l'objet de nombreux sous-amendements. La seconde mesure présentée par le gouvernement comme une concession - maintien des 65 ans pour les mères de trois enfants nées entre 1951 et 1955 ayant arrêté de travailler pour les élever - a été adoptée lundi après-midi après avoir fait l'objet de nombreux sous-amendements.
Recul
Notre Président reculera-t-il sur les retraites ? La question est posée, au matin de la huitième journée de mobilisation. Mais il existe au moins deux fortes raisons de répondre non, dès maintenant. La première est dévoilée par Tony Blair, qu'il recevait hier à l'Elysée: «Si Nicolas Sarkozy s'éloigne de ses réformes, il perdra, écrit l'ancien Premier ministre britannique dans ses Mémoires. L'opinion lui pardonnera son prétendu train de vie luxueux, pas d'oublier ce pourquoi elle l'a élu». La seconde vient de Christine Lagarde: en politique, «les femmes projettent moins de libido, de testostérone, a estimé notre ministre de l'Economie. Cela aide dans le sens où on ne va pas nécessairement investir nos egos dans une négociation, en humiliant notre adversaire». Si la libido conforte la raison, et réciproquement, pourquoi voulez-vous qu'il recule ?
Notre Président reculera-t-il sur les retraites ? La question est posée, au matin de la huitième journée de mobilisation. Mais il existe au moins deux fortes raisons de répondre non, dès maintenant. La première est dévoilée par Tony Blair, qu'il recevait hier à l'Elysée: «Si Nicolas Sarkozy s'éloigne de ses réformes, il perdra, écrit l'ancien Premier ministre britannique dans ses Mémoires. L'opinion lui pardonnera son prétendu train de vie luxueux, pas d'oublier ce pourquoi elle l'a élu». La seconde vient de Christine Lagarde: en politique, «les femmes projettent moins de libido, de testostérone, a estimé notre ministre de l'Economie. Cela aide dans le sens où on ne va pas nécessairement investir nos egos dans une négociation, en humiliant notre adversaire». Si la libido conforte la raison, et réciproquement, pourquoi voulez-vous qu'il recule ?
Le débat des retraites à l’épreuve du temps
Le temps est au cœur de la réforme des retraites. Temps de travail, temps de repos, les gardiens du temps sont à la peine… Mais à l’évidence dans ce débat, le temps ne file pas à la même vitesse pour tout le monde… Aujourd’hui le parlement tient le métronome, le Sénat maîtrise le temps législatif. Et les sénateurs ne comptent pas leur temps, condamnés aux nuits blanches pour examiner le texte fissa. Car l’Élysée a fixé le temps réglementaire, sans pause ni mi-temps… Le temps syndical obéit lui à un autre tempo. Celui de la mobilisation. En deux temps, deux mouvements cette semaine. Et en cas de grève reconductible, sans limite de temps. Ne pas laisser de temps au temps, faire plier le gouvernement pendant qu’il est encore temps, tel est l’objectif. Aussi vrai que le vote de la loi suspendra le temps de la contestation… Encore que le CPE ait démontré qu’aussitôt promulguée une loi peut être annulée en un rien de temps… Le temps politique enfin : la gauche promet d’abroger la réforme en 2012. Soit en d’autres temps. Mais 2012, ce n’est pas dans si longtemps. Même la majorité impatiente fixe le même horizon, inquiète qu’elle est d’aborder cette échéance à contretemps si la réforme devait faire les frais du gros temps… Pressés de descendre dans l’arène, les jeunes vont dire quel est leur rapport au temps. Temps présent, temps futur, comment conjuguent-ils les temps ? Un sujet de réflexion, tout à fait de leur âge. Si l’emploi du temps leur permet.
Un contrat social à réinventer
Signe des temps ? La référence à la Seconde Guerre mondiale revient sans cesse dans le débat français, comme si la plus profonde crise économique depuis les années 1930 devait fatalement déboucher sur les horreurs des années 1940. La réforme des retraites, qui provoque aujourd'hui une nouvelle journée de mobilisation syndicale, n'y échappe pas. Députés, sénateurs, anciens résistants ont tour à tour dénoncé en substance « le démantèlement de l'héritage laissé par le Conseil national de la Résistance ».
Diable ! Ce programme politique adopté dans la clandestinité en 1944 constitue en effet un legs majeur. C'est lui qui allait déterminer les grandes lignes de l'organisation sociale d'après-guerre, une organisation qui est encore là aujourd'hui. Relisons donc avec curiosité ce texte fondateur rédigé à la fois par des gaullistes, des royalistes, des socialistes, et des communistes qui avaient alors beaucoup d'influence. Demanderait-il la minoration de la décote à partir de 62 ans et demi ? Ou exigerait-il la déduction d'un trimestre de cotisation chaque fois que le taux d'invalidité grimpe de 10 % ? Non point. Il prône tout simplement… « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ». Un principe qui recueille un consensus plus large que d'autres recommandations du CNR, comme la nationalisation des grandes banques, le droit d'accès des ouvriers aux fonctions de direction de l'entreprise ou le développement des coopératives de production.
En réalité, cet objectif d' « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours » est une injonction à agir vite. Il faut préserver des régimes mis à mal par la crise et des décennies de gestion imprévoyante, qui feront au total cette année 30 milliards d'euros de déficit ! Sinon, le déficit finira fatalement par peser sur les pensions servies. Et porter ainsi atteinte à la dignité de ceux qu'on préfère appeler aujourd'hui les seniors.
Mais pourquoi les Français ont-ils tant de mal à accepter des changements évidents ? C'est la gouvernance qui est ici en cause. Il faut revenir à ce qui s'est passé au sortir de la guerre. Pour tourner le dos aux errances qui avaient débouché sur la débâcle de 1940 et la catastrophe de la collaboration, pour fonder la « République nouvelle » voulue par le CNR, les gouvernants ont créé des institutions très ouvertes, gage de démocratie. Pour la politique, c'était la IV e République. Pour le social, c'était le paritarisme, « avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'Etat » comme le précisait le CNR. Les deux se sont révélés inefficaces. Côté politique, le constat a été vite dressé. L'élection des députés au scrutin proportionnel non tempéré par un verrouillage de la majorité à l'allemande a débouché sur une instabilité chronique (28 gouvernements en treize ans). Emiettement du pouvoir, irresponsabilité, déficit financier… Dès 1958, les Français ont voté pour la V e République. Mais, côté social, il en a été autrement. Le pouvoir était émietté et l'irresponsabilité de règle dès le départ, mais les comptes ne se sont pas dégradés tout de suite. Côté retraite, tout allait apparemment bien. Il y avait beaucoup de cotisants et peu de retraités, qui touchaient en moyenne leur pension pendant moins de dix ans (contre plus de vingt ans aujourd'hui). Côté santé, l'offre était restreinte - en soins, en médicaments, en hôpitaux. Et partout, la croissance faisait rentrer l'argent dans les caisses. Mais, depuis la cassure de la croissance dans les années 1970, l'équilibre devient plus compliqué. L'assurance-santé enchaîne sans fin les plans de rééquilibrages depuis les années 1980. L'assurance-vieillesse aussi, depuis maintenant près de vingt ans. Et ce n'est pas fini, car les pensionnés vont devenir de plus en plus nombreux alors que les cotisants vont se raréfier.
Signe des temps ? La référence à la Seconde Guerre mondiale revient sans cesse dans le débat français, comme si la plus profonde crise économique depuis les années 1930 devait fatalement déboucher sur les horreurs des années 1940. La réforme des retraites, qui provoque aujourd'hui une nouvelle journée de mobilisation syndicale, n'y échappe pas. Députés, sénateurs, anciens résistants ont tour à tour dénoncé en substance « le démantèlement de l'héritage laissé par le Conseil national de la Résistance ».
Diable ! Ce programme politique adopté dans la clandestinité en 1944 constitue en effet un legs majeur. C'est lui qui allait déterminer les grandes lignes de l'organisation sociale d'après-guerre, une organisation qui est encore là aujourd'hui. Relisons donc avec curiosité ce texte fondateur rédigé à la fois par des gaullistes, des royalistes, des socialistes, et des communistes qui avaient alors beaucoup d'influence. Demanderait-il la minoration de la décote à partir de 62 ans et demi ? Ou exigerait-il la déduction d'un trimestre de cotisation chaque fois que le taux d'invalidité grimpe de 10 % ? Non point. Il prône tout simplement… « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ». Un principe qui recueille un consensus plus large que d'autres recommandations du CNR, comme la nationalisation des grandes banques, le droit d'accès des ouvriers aux fonctions de direction de l'entreprise ou le développement des coopératives de production.
En réalité, cet objectif d' « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours » est une injonction à agir vite. Il faut préserver des régimes mis à mal par la crise et des décennies de gestion imprévoyante, qui feront au total cette année 30 milliards d'euros de déficit ! Sinon, le déficit finira fatalement par peser sur les pensions servies. Et porter ainsi atteinte à la dignité de ceux qu'on préfère appeler aujourd'hui les seniors.
Mais pourquoi les Français ont-ils tant de mal à accepter des changements évidents ? C'est la gouvernance qui est ici en cause. Il faut revenir à ce qui s'est passé au sortir de la guerre. Pour tourner le dos aux errances qui avaient débouché sur la débâcle de 1940 et la catastrophe de la collaboration, pour fonder la « République nouvelle » voulue par le CNR, les gouvernants ont créé des institutions très ouvertes, gage de démocratie. Pour la politique, c'était la IV e République. Pour le social, c'était le paritarisme, « avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'Etat » comme le précisait le CNR. Les deux se sont révélés inefficaces. Côté politique, le constat a été vite dressé. L'élection des députés au scrutin proportionnel non tempéré par un verrouillage de la majorité à l'allemande a débouché sur une instabilité chronique (28 gouvernements en treize ans). Emiettement du pouvoir, irresponsabilité, déficit financier… Dès 1958, les Français ont voté pour la V e République. Mais, côté social, il en a été autrement. Le pouvoir était émietté et l'irresponsabilité de règle dès le départ, mais les comptes ne se sont pas dégradés tout de suite. Côté retraite, tout allait apparemment bien. Il y avait beaucoup de cotisants et peu de retraités, qui touchaient en moyenne leur pension pendant moins de dix ans (contre plus de vingt ans aujourd'hui). Côté santé, l'offre était restreinte - en soins, en médicaments, en hôpitaux. Et partout, la croissance faisait rentrer l'argent dans les caisses. Mais, depuis la cassure de la croissance dans les années 1970, l'équilibre devient plus compliqué. L'assurance-santé enchaîne sans fin les plans de rééquilibrages depuis les années 1980. L'assurance-vieillesse aussi, depuis maintenant près de vingt ans. Et ce n'est pas fini, car les pensionnés vont devenir de plus en plus nombreux alors que les cotisants vont se raréfier.
Cette inefficacité de la gouvernance sociale, une exception française, est devenue l'un des principaux handicaps du pays. Comme toujours en France, le changement ne se fera pas en douceur. Pour réinventer un nouveau contrat social, il faudra ce que l'historien Jacques Marseille appelait une « rupture-élan » (1), comme celles vécues par la France avec Henri IV après l'Edit de Nantes ou avec Bonaparte en 1799. Il est sans doute trop tôt.
La France ne va pas assez mal.
(1) « Du bon usage de la guerre civile en France », Perrin, 2006.
La perfection perdue du marché
Un prix, deux messages, trois lauréats. En décernant son prestigieux prix de sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel à Peter Diamond, Dale Mortensen et Christopher Pissarides, la Banque de Suède donne en effet deux signaux essentiels qui s'inscrivent parfaitement dans l'air du temps. Premier signal, l'emploi est une question économique majeure, une évidence qu'il n'est jamais inutile de rappeler dans un monde où le nombre de chômeurs a bondi de 30 millions en trois ans. Même si leurs enseignements vont bien au-delà, les trois chercheurs ont été distingués pour leurs travaux sur le marché du travail. C'est une première pour un prix qui avait distingué à plusieurs reprises la théorie financière, les modèles mathématiques ou les analyses du commerce international.
Deuxième signal : le marché ne marche pas. Les lauréats du Nobel 2010 posent en effet au début de leurs travaux que la recherche d'un emploi a un coût, tout comme la quête d'un salarié à recruter. L'appariement de l'offre et de la demande n'a rien d'automatique ; la détermination d'un prix ne suffit pas à les égaliser. Les frictions, nombreuses, peuvent vite aboutir à un résultat éloigné de ce qui serait optimal à la fois pour les candidats à l'emploi et les recruteurs. Autrement dit, nous sommes ici très loin de ce que les économistes considèrent comme un marché parfait, celui qu'ils ont le plus étudié, au point de vouloir parfois façonner la réalité pour qu'elle y ressemble. L'homme est une machine trop sophistiquée pour être réductible à ses mécanismes.
L'imperfection du marché du travail justifie l'intervention de l'Etat, par exemple pour accompagner les chômeurs ou protéger l'emploi. C'est une vision aux antipodes de l'efficacité absolue du marché concurrentiel, qui avait valu le même prix il y a deux décennies au Français Maurice Allais, décédé samedi dernier ! Les recherches des trois lauréats ne séduiront pas pour autant tout le monde. Ils montrent par exemple clairement que l'augmentation des indemnités de chômage accroît la durée dudit chômage. Mais que cet allongement peut être utilement mis à profit pour que le chômeur trouve un poste plus adapté à son profil. Avec ce prix, le jury de Stockholm continue de récompenser des approches considérées antan comme de douces hérésies. En dix ans, il aura ainsi choisi d'honorer l'imperfection du marché du travail, la supériorité de certaines formes de gouvernance hors marché, l'asymétrie d'information et la neuroéconomie. C'est aussi le signe d'une discipline en profond renouvellement. Tant mieux !
Un prix, deux messages, trois lauréats. En décernant son prestigieux prix de sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel à Peter Diamond, Dale Mortensen et Christopher Pissarides, la Banque de Suède donne en effet deux signaux essentiels qui s'inscrivent parfaitement dans l'air du temps. Premier signal, l'emploi est une question économique majeure, une évidence qu'il n'est jamais inutile de rappeler dans un monde où le nombre de chômeurs a bondi de 30 millions en trois ans. Même si leurs enseignements vont bien au-delà, les trois chercheurs ont été distingués pour leurs travaux sur le marché du travail. C'est une première pour un prix qui avait distingué à plusieurs reprises la théorie financière, les modèles mathématiques ou les analyses du commerce international.
Deuxième signal : le marché ne marche pas. Les lauréats du Nobel 2010 posent en effet au début de leurs travaux que la recherche d'un emploi a un coût, tout comme la quête d'un salarié à recruter. L'appariement de l'offre et de la demande n'a rien d'automatique ; la détermination d'un prix ne suffit pas à les égaliser. Les frictions, nombreuses, peuvent vite aboutir à un résultat éloigné de ce qui serait optimal à la fois pour les candidats à l'emploi et les recruteurs. Autrement dit, nous sommes ici très loin de ce que les économistes considèrent comme un marché parfait, celui qu'ils ont le plus étudié, au point de vouloir parfois façonner la réalité pour qu'elle y ressemble. L'homme est une machine trop sophistiquée pour être réductible à ses mécanismes.
L'imperfection du marché du travail justifie l'intervention de l'Etat, par exemple pour accompagner les chômeurs ou protéger l'emploi. C'est une vision aux antipodes de l'efficacité absolue du marché concurrentiel, qui avait valu le même prix il y a deux décennies au Français Maurice Allais, décédé samedi dernier ! Les recherches des trois lauréats ne séduiront pas pour autant tout le monde. Ils montrent par exemple clairement que l'augmentation des indemnités de chômage accroît la durée dudit chômage. Mais que cet allongement peut être utilement mis à profit pour que le chômeur trouve un poste plus adapté à son profil. Avec ce prix, le jury de Stockholm continue de récompenser des approches considérées antan comme de douces hérésies. En dix ans, il aura ainsi choisi d'honorer l'imperfection du marché du travail, la supériorité de certaines formes de gouvernance hors marché, l'asymétrie d'information et la neuroéconomie. C'est aussi le signe d'une discipline en profond renouvellement. Tant mieux !
Erreurs de jeunesse
Jeter un pont entre les générations, enrôler dans une grande alliance anti-Sarkozy les lycéens et leurs aînés, leurs parents et leurs grands-parents, mobiliser les travailleurs de demain, d'hier et d'aujourd'hui dans le combat contre une réforme des retraites devenue, par-delà toute rationalité, « la » bataille stratégique du quinquennat, voilà donc au grand jour le rêve partagé par l'extrême gauche, le rêve caressé par certains socialistes.
Plus à craindre que les appels à des grèves reconductibles dans le secteur public, le péril jeune menace-t-il la réforme des retraites ? Oui, lycéens et étudiants seront plus visibles aujourd'hui dans les manifestations. Mais cela vaut d'être relativisé. Un infime pourcentage d'établissements du secondaire restent touchés. Et il se trouvera toujours 10 % de lycéens pour faire d'un conflit ordinaire le combat héroïque de toute une jeunesse. Quant aux étudiants, ils se heurteront bien à des « facs mortes » aujourd'hui, comme le leur souhaite l'Unef, mais ce sera surtout faute de professeurs.
Il ne faut jurer de rien cependant, car, dans une société qui consacre toujours plus de moyens à préserver le niveau de vie des plus de 65 ans qu'à lutter contre la pauvreté des moins de 25 ans, les jeunes ont mille raisons de s'enflammer. Mille moins une : la réforme des retraites. Parce que celle-ci vise, justement, à leur garantir un système aussi protecteur et solidaire que celui de leurs parents, sans trop accroître l'effort financier déjà considérable demandé aux revenus du travail et du capital. Parce que cette réforme réduit cette injustice absolue qui consiste à faire payer par la dette, donc par les futures générations d'actifs, une proportion croissante des pensions servies.
Rien ne serait moins dans l'intérêt de la jeunesse de 2010 que de se prendre de nostalgie pour la retraite à 60 ans, elle dont le coût économique explique en bonne partie la triste exception française en matière d'emploi des jeunes. Pour cette génération que François Hollande juge « sacrifiée », rien ne serait pire qu'un statu quo favorable aux plus âgés.
Et, si la réforme des retraites ne résout pas ce déséquilibre des générations, elle commence à le corriger, par exemple en augmentant de moitié le nombre des trimestres validés au titre du chômage non indemnisé. Une manière d'adoucir un peu cette « double peine » infligée à des jeunes contraints de trouver plus tard un emploi qu'ils quitteront plus vieux.
Jeter un pont entre les générations, enrôler dans une grande alliance anti-Sarkozy les lycéens et leurs aînés, leurs parents et leurs grands-parents, mobiliser les travailleurs de demain, d'hier et d'aujourd'hui dans le combat contre une réforme des retraites devenue, par-delà toute rationalité, « la » bataille stratégique du quinquennat, voilà donc au grand jour le rêve partagé par l'extrême gauche, le rêve caressé par certains socialistes.
Plus à craindre que les appels à des grèves reconductibles dans le secteur public, le péril jeune menace-t-il la réforme des retraites ? Oui, lycéens et étudiants seront plus visibles aujourd'hui dans les manifestations. Mais cela vaut d'être relativisé. Un infime pourcentage d'établissements du secondaire restent touchés. Et il se trouvera toujours 10 % de lycéens pour faire d'un conflit ordinaire le combat héroïque de toute une jeunesse. Quant aux étudiants, ils se heurteront bien à des « facs mortes » aujourd'hui, comme le leur souhaite l'Unef, mais ce sera surtout faute de professeurs.
Il ne faut jurer de rien cependant, car, dans une société qui consacre toujours plus de moyens à préserver le niveau de vie des plus de 65 ans qu'à lutter contre la pauvreté des moins de 25 ans, les jeunes ont mille raisons de s'enflammer. Mille moins une : la réforme des retraites. Parce que celle-ci vise, justement, à leur garantir un système aussi protecteur et solidaire que celui de leurs parents, sans trop accroître l'effort financier déjà considérable demandé aux revenus du travail et du capital. Parce que cette réforme réduit cette injustice absolue qui consiste à faire payer par la dette, donc par les futures générations d'actifs, une proportion croissante des pensions servies.
Rien ne serait moins dans l'intérêt de la jeunesse de 2010 que de se prendre de nostalgie pour la retraite à 60 ans, elle dont le coût économique explique en bonne partie la triste exception française en matière d'emploi des jeunes. Pour cette génération que François Hollande juge « sacrifiée », rien ne serait pire qu'un statu quo favorable aux plus âgés.
Et, si la réforme des retraites ne résout pas ce déséquilibre des générations, elle commence à le corriger, par exemple en augmentant de moitié le nombre des trimestres validés au titre du chômage non indemnisé. Une manière d'adoucir un peu cette « double peine » infligée à des jeunes contraints de trouver plus tard un emploi qu'ils quitteront plus vieux.
Washington et les limites de l'« Obamanomics »
Apériode exceptionnelle, remèdes hors normes. Deux ans après son arrivée au pouvoir, la doctrine économique de Barack Obama reste encore un mystère. Libéral de gauche défenseur du libre marché ? Néodémocrate à tendance clintoniste formé à l'école de Chicago ? Reaganien refoulé ou pragmatique blairiste ? C'est sur son pragmatisme revendiqué qu'il a remporté l'élection présidentielle de novembre 2008, en pleine récession, en gagnant le soutien décisif des « indépendants » centristes. Le miracle ne se reproduira pas forcément pour les élections de mi-mandat du 2 novembre. Car le flou apparent de son positionnement économique risque désormais de le pénaliser aux yeux des 15 millions de chômeurs américains. Mises en lumière par l'éclatement de l'équipe économique de la Maison-Blanche et le prochain départ programmé de son chef d'orchestre, Lawrence Summers, les lacunes de l'« Obamanomics » - un terme désormais plus souvent utilisé par ses adversaires que par ses supporters -, menacent de se transformer en béances face au désarroi d'une classe moyenne dominée par l'anxiété.
« Sa rhétorique a été très antibusiness, mais son action s'est révélée très probusiness », a récemment lancé le milliardaire George Soros dans le cadre d'un discours remarqué à la Columbia University. Riche de sous-entendus, cette critique paradoxale du milliardaire philanthrope américano-hongrois, traditionnel soutien du Parti démocrate, reflète bien les ambiguïtés de l'« Obamanomics », en partie inspiré des idées du Hamilton Project, le think tank fondé par Robert Rubin. Quelle sera la ligne de l'administration démocrate après le scrutin du 2 novembre ? Vat-elle amorcer un virage centriste à la Clinton, ou poursuivre une ambitieuse politique de relance des investissements dans les infrastructures et les technologies vertes en reportant la question du déficit à l'après-2012 ? Saura-t-elle, ou voudra-t-elle, faire adopter par le Congrès le « plan de relance bis » que la plupart des économistes jugent aujourd'hui indispensable pour prévenir un « double dip » ? Quel sera le profil du successeur de Lawrence Summers, l'économiste en chef de la Maison-Blanche parfois considéré comme un « suppôt » de Wall Street, même s'il commence à dénoncer tardivement le poids excessif des lobbies ? Autant d'inconnues qui brouillent encore le bilan de l'administration Obama et menacent de peser lourdement sur le résultat du 2 novembre.
Dans la tradition politique américaine, les élections législatives de mi-mandat constituent une forme de référendum sur la performance de l'administration en place. C'est bien le problème pour Barack Obama, dont la cote de confiance est tombée de 66 % à 45 % en un an et demi, même si elle est remontée d'un point en septembre (1). Il n'est pas dit que les républicains soient assurés de remporter les 39 sièges nécessaires à un basculement de la majorité en leur faveur à la Chambre. Mais le Parti démocrate risque de payer un lourd tribut aux ambiguïtés de l'« Obamanomics ». Compte tenu du climat général d'anxiété (avec un Américain sur sept désormais sous le seuil de pauvreté) - que la nouvelle menace de « guerre des monnaies » ne contribue pas à apaiser -, les experts tablent sur un gain de 35 à 50 sièges pour le Parti républicain. Même si Lawrence Summers met en avant le faible coût du plan de sauvetage de Wall Street (entre 0,3 % et 2 % du PIB, selon les éléments pris en compte) face aux résultats décevants du « Recovery Act » de 814 milliards de dollars sur le front du chômage, l'équipe économique de la Maison-Blanche semble aujourd'hui se disloquer sur un aveu de semi-échec, ou du moins de demi-mesures. Le milliardaire George Soros a beau jeu de dénoncer les insuffisances patentes du plan de relance ou de juger inopportun et irréaliste l'objectif officiel de réduction du déficit fédéral de moitié (de 10 % à 5 % du PIB) d'ici à 2013. Il n'est pas le seul. Le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz a embrayé en regrettant qu'un tiers du « stimulus » de 2009 ait été gaspillé dans des baisses d'impôts inopérantes et en jugeant trop courte la durée du plan de relance. « Le sauvetage des banques n'a pas eu d'autre succès que d'éviter un désastre, et la réforme bancaire ressemble à un gruyère », a-t-il récemment déclaré dans le cadre du World Business Forum à New York. Injuste ? Pour Barack Obama, le Recovery Act n'en reste pas moins le plus important investissement public dans la recherche-développement, l'éducation et les infrastructures depuis Dwight Eisenhower au début des années 1950. Contrairement à Bill Clinton, dans son fameux discours du 27 janvier 1996, il n'a pas l'intention de tourner le dos à l'intervention publique en décrétant « la fin de l'ère du Big Government » en période de crise. Mais le flou de sa stratégie sur l'urgence d'un plan de relance bis et la gestion du déficit risque d'entamer sa crédibilité.
« Ma théorie économique centrale est le pragmatisme : comprendre ce qui marche », avait confié Barack Obama au « New York Times » en août 2008, en refusant de se laisser enfermer sous une étiquette. Mais l'électeur moyen a besoin de repères traditionnels. Faute de reprise suffisante, le président démocrate découvre aujourd'hui les limites de sa posture « postpartisane » sur l'économie, et va devoir clarifier sa doctrine pour 2012.
Apériode exceptionnelle, remèdes hors normes. Deux ans après son arrivée au pouvoir, la doctrine économique de Barack Obama reste encore un mystère. Libéral de gauche défenseur du libre marché ? Néodémocrate à tendance clintoniste formé à l'école de Chicago ? Reaganien refoulé ou pragmatique blairiste ? C'est sur son pragmatisme revendiqué qu'il a remporté l'élection présidentielle de novembre 2008, en pleine récession, en gagnant le soutien décisif des « indépendants » centristes. Le miracle ne se reproduira pas forcément pour les élections de mi-mandat du 2 novembre. Car le flou apparent de son positionnement économique risque désormais de le pénaliser aux yeux des 15 millions de chômeurs américains. Mises en lumière par l'éclatement de l'équipe économique de la Maison-Blanche et le prochain départ programmé de son chef d'orchestre, Lawrence Summers, les lacunes de l'« Obamanomics » - un terme désormais plus souvent utilisé par ses adversaires que par ses supporters -, menacent de se transformer en béances face au désarroi d'une classe moyenne dominée par l'anxiété.
« Sa rhétorique a été très antibusiness, mais son action s'est révélée très probusiness », a récemment lancé le milliardaire George Soros dans le cadre d'un discours remarqué à la Columbia University. Riche de sous-entendus, cette critique paradoxale du milliardaire philanthrope américano-hongrois, traditionnel soutien du Parti démocrate, reflète bien les ambiguïtés de l'« Obamanomics », en partie inspiré des idées du Hamilton Project, le think tank fondé par Robert Rubin. Quelle sera la ligne de l'administration démocrate après le scrutin du 2 novembre ? Vat-elle amorcer un virage centriste à la Clinton, ou poursuivre une ambitieuse politique de relance des investissements dans les infrastructures et les technologies vertes en reportant la question du déficit à l'après-2012 ? Saura-t-elle, ou voudra-t-elle, faire adopter par le Congrès le « plan de relance bis » que la plupart des économistes jugent aujourd'hui indispensable pour prévenir un « double dip » ? Quel sera le profil du successeur de Lawrence Summers, l'économiste en chef de la Maison-Blanche parfois considéré comme un « suppôt » de Wall Street, même s'il commence à dénoncer tardivement le poids excessif des lobbies ? Autant d'inconnues qui brouillent encore le bilan de l'administration Obama et menacent de peser lourdement sur le résultat du 2 novembre.
Dans la tradition politique américaine, les élections législatives de mi-mandat constituent une forme de référendum sur la performance de l'administration en place. C'est bien le problème pour Barack Obama, dont la cote de confiance est tombée de 66 % à 45 % en un an et demi, même si elle est remontée d'un point en septembre (1). Il n'est pas dit que les républicains soient assurés de remporter les 39 sièges nécessaires à un basculement de la majorité en leur faveur à la Chambre. Mais le Parti démocrate risque de payer un lourd tribut aux ambiguïtés de l'« Obamanomics ». Compte tenu du climat général d'anxiété (avec un Américain sur sept désormais sous le seuil de pauvreté) - que la nouvelle menace de « guerre des monnaies » ne contribue pas à apaiser -, les experts tablent sur un gain de 35 à 50 sièges pour le Parti républicain. Même si Lawrence Summers met en avant le faible coût du plan de sauvetage de Wall Street (entre 0,3 % et 2 % du PIB, selon les éléments pris en compte) face aux résultats décevants du « Recovery Act » de 814 milliards de dollars sur le front du chômage, l'équipe économique de la Maison-Blanche semble aujourd'hui se disloquer sur un aveu de semi-échec, ou du moins de demi-mesures. Le milliardaire George Soros a beau jeu de dénoncer les insuffisances patentes du plan de relance ou de juger inopportun et irréaliste l'objectif officiel de réduction du déficit fédéral de moitié (de 10 % à 5 % du PIB) d'ici à 2013. Il n'est pas le seul. Le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz a embrayé en regrettant qu'un tiers du « stimulus » de 2009 ait été gaspillé dans des baisses d'impôts inopérantes et en jugeant trop courte la durée du plan de relance. « Le sauvetage des banques n'a pas eu d'autre succès que d'éviter un désastre, et la réforme bancaire ressemble à un gruyère », a-t-il récemment déclaré dans le cadre du World Business Forum à New York. Injuste ? Pour Barack Obama, le Recovery Act n'en reste pas moins le plus important investissement public dans la recherche-développement, l'éducation et les infrastructures depuis Dwight Eisenhower au début des années 1950. Contrairement à Bill Clinton, dans son fameux discours du 27 janvier 1996, il n'a pas l'intention de tourner le dos à l'intervention publique en décrétant « la fin de l'ère du Big Government » en période de crise. Mais le flou de sa stratégie sur l'urgence d'un plan de relance bis et la gestion du déficit risque d'entamer sa crédibilité.
« Ma théorie économique centrale est le pragmatisme : comprendre ce qui marche », avait confié Barack Obama au « New York Times » en août 2008, en refusant de se laisser enfermer sous une étiquette. Mais l'électeur moyen a besoin de repères traditionnels. Faute de reprise suffisante, le président démocrate découvre aujourd'hui les limites de sa posture « postpartisane » sur l'économie, et va devoir clarifier sa doctrine pour 2012.
(1) Sondage Gallup du 4 octobre.Pierre de Gasquet est correspondant des « Echos » à New York.
La mitraille de Chine
La confrontation monétaire et économique s'accentue entre le monde et la Chine. A cause d'un autisme dont on a relevé les dommages sur les équilibres internationaux. Ce n'est pas, à vrai dire, que sa politique soit délibérément agressive. Mais quand on est si gros, de simples réactions égoïstes ordinaires se traduisent en déstabilisations des autres, comme ferait un hippopotame se grattant à bord d'une chaloupe. Le Premier ministre chinois l'a bien expliqué récemment à ses interlocuteurs européens : remédier trop vite à la sous-évaluation de sa monnaie, ce serait entraver ses exportations et laminer les marges de ses entreprises, déjà très minces selon lui. Or ce plaidoyer est aussi un aveu ; le développement chinois est essentiellement fondé sur sa capacité exportatrice, elle-même étayée par des salaires bas, des garanties sociales indigentes, une exploitation destructrice de l'environnement, un déménagement du territoire. La monnaie réduite au statut de mitraille n'est que le symbole d'une économie et d'une société de piètre qualité. C'est assez dire qu'on ne parle pas le même langage.
Il sera difficile dans ces conditions de conduire des négociations dans une grammaire commune (comme l'attestent par ailleurs les palinodies sur les droits de l'homme). Les travaux à venir du G20 auront donc intérêt à éviter les discours et, en quelque sorte, à s'exprimer par signes. Il y en a quelques-uns : le double jeu des Etats-Unis, pour cause de créances chinoises, libère l'Europe de sa solidarité avec eux. Les « émergents » autres que la Chine n'ont pas les mêmes intérêts, ce dont elle peut tirer parti. Les prix chinois peuvent être « moralisés » par un prélèvement compensatoire aux frontières européennes… Enfin et surtout, avec ses 500 millions de consommateurs, le premier marché du monde, c'est bien l'occasion pour l'Europe d'exister. Ce message s'adresse au président du G20, Nicolas Sarkozy.
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