Un buzz efficace
Ces entrepreneurs
exaspérés sont dans une grande majorité des créateurs de start-up,
évoluant dans le numérique. Ils se connaissent et ont l'habitude
d'échanger sur les réseaux sociaux, Twitter et Facebook. Alors, quand le
mécontentement commence à monter à la suite des premières prises de
position publiques dans la presse (cf la tribune de Jean-David Chamboredon sur La Tribune)
et sur Twitter, le volume de discussions qu'il génère augmente
rapidement. C'est à ce moment là que des pros du marketing viral et des
réseaux sociaux (Fabien Cohen, Carlos Diaz, Yael Rozencwajg) sentent
qu'il faut organiser ce buzz pour lui donner une autre dimension,
pressentant qu'il peut agréger un sentiment général de trahison et de
détresse ressenti par beaucoup d'entrepreneurs.
Ils choisissent
un nom accrocheur ("les Pigeons"), facilement illustrable, et marqué
high-tech (Xavier Niel, qui s'abonne tout de suite au compte Twitter des
Pigeons, a traité les clients des trois grands opérateurs de "pigeons"
au moment du lancement de Free Mobile, et le terme est resté) ; et un
hashtag décalé (#geonpi), dont l'aspect codé a pour effet d'augmenter le
sentiment communautaire de ceux qui savent le déchiffrer. Ils créent un
compte Twitter et une page Facebook.
Si le buzz est si efficace,
c'est aussi qu'il est relayé par des personnalités influentes et
médiatiques, comme Marc Simoncini - le fondateur de Meetic-, et parce
qu'il porte sur une revendication de fond tout en reposant sur un
message ultra simplifié, facilement digérable. Le nombre d'"amis" sur
Facebook croît rapidement, grâce à la participation des entrepreneurs et
à tous ceux, simples salariés, qui estiment que le gouvernement freine
la croissance et la compétitivité en tapant bêtement sur les
entreprises. Dès que le sujet devient assez chaud pour ouvrir des
négociations avec le gouvernement, les Pigeons décident d'annuler la
manifestation prévue dimanche et organisée via Facebook. Laissant sur le
carreau les entrepreneurs qui protestaient pour autre chose que la
taxation des plus-values de cession.
Un message ultra-simplifiéPigeon
(Petit Larousse 96), sens figuré : Dupe, gogo ; plumer un pigeon. C'est
mieux que du marketing, de la simplification à outrance. Par la force
du message, c'est toute la population des entrepreneurs français qui
s'est sentie concernée par le plumage en règle du gouvernement. Pourtant
à y regarder de plus près, la mesure litigieuse ne concerne qu'une très
faible partie des entrepreneurs. Par le jeu des exemptions et
abattements fiscaux, le chiffre de 60,5% qui circule va s'appliquer à
ceux qui investissent sur de très courtes périodes dans l'espoir de
tirer rapidement des plus-values. C'est aujourd'hui surtout le cas des
entreprises de la high-tech. Mais les fameux start-upers qui ont
organisé la fronde sont de sympathiques jeunes patrons, si éloignés de
l'imaginaire du riche PDG du CAC... Pour eux, plus facile de défendre le
sentiment de la persécution de l'esprit d'entreprise. D'ailleurs les
auto-entrepreneurs ont été les premiers à rallier le mouvement. Ces
derniers protestaient en fait contre l'alignement du niveau des
cotisations sociales sur celles des indépendants. Pas grand-chose à voir
a priori avec cette mesure de justice fiscale qui veut que les revenus
du capital soient taxés à même hauteur que ceux du travail.
Une étincelle dans un contexte explosifDepuis
les élections présidentielles, la grogne des patrons ne cesse de
monter. Il faut dire que ces derniers devront supporter 10 milliards
d'euros d'imposition en 2013, afin de ramener le déficit budgétaire vers
la barre des 3% du PIB. Parmi les mesures qui laissent un goût amer aux chefs d'entreprises,
il y a bien sûr, la taxe à 75%. Mais ce n'est pas tout : la gauche
semble avoir déployé un véritable arsenal pour se mettre les entreprises
à dos : alourdissement de l'ISF, suppression des niches fiscales liées à
l'ISF, encadrement des salaires dans les grandes entreprises publiques,
hausse des prélèvements sur les stock-options, etc. Enfin les
auto-entrepreneurs se plaignent d'une hausse de leurs cotisations qui
pourraient rien moins que tuer leur régime.
Dans ce contexte tendu, le projet de taxation des plus values de
cession a mis le feu aux poudres, et entraîné une mobilisation générale
particulièrement efficace. Cantonné au départ aux créateurs de start-up,
le mouvement Geonpi a vite été épaulé par le Medef.
S'adressant par écrit aux députés, sénateurs, maires de grandes villes
et villes préfectures, présidents de conseils généraux et régionaux,
l'organisation patronale a demandé leur soutien pour obtenir des
aménagements : un abattement de 40% sur toute plus-value, l'exonération
des plus-values de cessions au-delà de huit ans, etc... Laurence Parisot
en a profité pour lancer sa formule choc de racisme anti-entreprise.
La droite en a profité elle aussi pour dénoncer une chasse aux patrons.
Le gouvernement n'a pas reculé simplement devant les start-up mais
devant la pression de l'ensemble des chef d'entreprises.Des relais privilégiés dans les médias
Dès le lundi 1er octobre, la presse s'empare du buzz qui a monté tout le week-end. La presse en ligne notamment (y compris L'Expansion.com),
parce qu'elle est à l'affût de tout ce qui bouge sur son média et que
ses journalistes suivent les comptes Twitter des entrepreneurs
médiatiques. Mais aussi parce que le mouvement simplifie son travail en
fournissant une mesure immédiate de la mobilisation, de nombreux
témoignages et des argumentaires, tant de partisans que d'opposants. Et
puis, la nouveauté de la protestation surprend : même la presse
internationale, comme le Financial Times,
lui consacre des articles. Les journaux et les sites d'information
ouvrent leurs colonnes et leurs pages web à des lettres ouvertes qui
alimentent le débat comme celle de Jean-Luc Besset, président fondateur
de Live2times, qui prend à partie François Hollande, sur Economie matin.
Mais ils passent aussi les frondeurs à la critique et reviennent sur la
réalité de leurs affirmations. La consécration arrive le jeudi, en une
des Echos avec ce titre : "Fiscalité : l'Elysée recule face à
la fronde des start-up". L'heure est désormais au bilan et au décryptage
du mouvement comme le fait très bien Le Monde : Pigeons : génèse d'une mobilisation efficace.
Un enjeu budgétaire limitéLe
recul rapide du gouvernement est-il vraiment surprenant face aux
risques encourus? Car l'enjeu budgétaire de la mesure concernant la
revente d'entreprises par les créateurs de start-up est
vraisemblablement très limitée. Ce n'est en effet qu'une déclinaison de
l'alignement général de la fiscalité du capital sur celle du travail.
L'impact sur la cession d'actions et de droits sociaux est censé
rapporter au total un milliard d'euros en 2013, chiffre qui comprend ce
que paieront de nombreux épargnants, et non des chefs d'entreprises.
Sans parler du fond du problème, le jeu n'en valait pas probablement pas
la chandelle...
vendredi 5 octobre 2012
Les Pigeons: pourquoi ça a marché
La Grèce est-elle la Norvège de demain?
464 milliards d'euros sur 25 ans
Evidemment, il ne suffit pas de se baisser pour transformer ces réserves en argent comptant et trébuchant. Athènes a déjà lancé une étude concrète sur la réalisation de la prospection du gaz crétois. Le résultat est attendu pour la mi-2013. Mais les espoirs sont grands: l'étude s'attend à des recettes globales de 464 milliards d'euros pour l'Etat sur 25 ans. Soit 18,6 milliards d'euros chaque année. C'est 9% du PIB du pays en 2011 (mais il baisse chaque année!). Un chiffre «très conservateur», souligne les auteurs de l'étude.
Le salut, mais pas tout de suite...
Actuellement, les importations grecques de produits énergétiques atteignent 5% du PIB. Du coup, si ces réserves rêvées deviennent réalité, la Grèce pourrait devenir exportatrice de gaz. Et son déficit courant se transformer en excédent ! Reste cependant à avoir la confirmation de ces études et la mise en œuvre concrète de la prospection. On sait qu'en Grèce, les réalisations concrètes sont souvent délicates. D'autant que l'Etat dispose d'une faible marge de manœuvre. Les discussions avec la Troïka demeurent toujours très difficiles et le risque de défaut est loin d'avoir disparu. Le gaz pourrait sauver la Grèce, mais pas de ses difficultés actuelles.
L'économie française toujours plus proche de la récession
L'Insee qui s'attendait à une très légère croissance en fin d'année 2012, table désormais sur une stricte stagnation de l'activité économique au second semestre. Sur l'ensemble de 2012, le PIB progresserait à peine (+0,2%) Avant la chute en 2013?
Les conjoncturistes de l'Insee jouent la prudence. Dans un point de
conjoncture publié jeudi soir, ils prennent acte de la récession qui a
marqué l'Europe au deuxième trimestre. Et ils estiment que le PIB
devrait continuer de reculer au sein de la zone euro, d'ici à la fin de
2012. Notamment en raison des politiques d'austérité. «Les mesures de
maîtrise des déficits publics, le regain d'inflation et la dégradation
du marché du travail pèseraient fortement sur le pouvoir d'achat des
ménages européens» et «ceux-ci continueraient de réduire leurs dépenses»
soulignent les experts de l'Institut de la statistique. Cette baisse de
la demande des ménages entraîne un recul de l'investissement, qui
contribue à faire chuter encore plus l'activité économique.
Escrocs et bonimenteurs |
Mais la France échapperait à cette récession européenne, si l'on en croit l'Insee. Certes, l'institut a revu encore à la baisse le niveau de l'activité au second semestre 2012. En juin, il prévoyait une très légère progression du PIB au cours des troisième et quatrième trimestre de cette année. Désormais, il affiche le chiffre zéro, pour chacun de ces trimestres. Pas de récession, contrairement à qui se passe dans la zone euro. Mais une stricte stagnation, quasiment équivalente à la conjoncture allemande. Outre-Rhin, le PIB augmenterait à peine, de 0,1%, au troisième comme au quatrième trimestre, estime l'Insee. Au total, sur l'ensemble de 2012, le PIB français augmenterait très peu, de 0,2%. Un chiffre proche de celui affiché par Bercy, dans ses hypothèses budgétaires (+0,3%), et que défend donc le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici.
Le chômage revu encore à la hausse
Pour autant, si la France échapperait à la récession d'ici à la fin de l'année -l'Insee ne se prononce pas encore pour 2013- la situation économique et sociale continuerait de se détériorer. L'économie perdrait 67.000 emplois salariés au second semestre -une baisse qui reste encore limitée au regard de la faiblesse de l'activité-, ce qui entraînerait une nouvelle hausse du chômage. L'Insee a revu à la hausse sa prévision de taux de chômage pour la fin de l'année. Les chômeurs (au sens du BIT) représenteraient en décembre 10,6% de la population active (contre 9,8% fin 2011), Dom compris.
Sous l'effet des hausses d'impôt et du ralentissement des salaires, le pouvoir d'achat des ménages enregistrerait en 2012 son plus net recul depuis 1984, confirme l'Insee, qui avait déjà fait cette prévision en juin dernier.
Il baisserait de près de 1,5% par ménage. Mais la consommation ne reculerait pas autant, les Français choisissant de puiser dans leur épargne. Une hypothèse audacieuse? «C'est toujours ce qui s'est produit lors des épisodes précédents» argumentent les experts de l'Insee. Ainsi, grâce à la baisse de l'épargne, la consommation resterait stable en 2012 (-0,1%), tout comme l'investissement des entreprises (-0,2%). En fait, le vrai soutien à la demande intérieure viendrait des administrations, dont les dépenses augmenteraient de 1,3%. Les exportations progresseraient faiblement (+2,1%), en regard de tendances passées.
Recul
Hollande veut le report à 2015 des élections cantonales et régionales
Terrorisme sémantique
Anne Hidalgo, premier adjoint au maire de Paris, a décrété
clairement et publiquement une complicité de Marine Le Pen et de son
parti avec les nazis qui occupèrent la France, trente ans avant la
création du FN. Encore un symptôme, grossier en l’occurrence, de cette
manie insane de manipuler l’Histoire aux fins de néantiser l’autre.
Les nazis en usèrent en leur temps – et on ne saurait trop
conseiller à Mme Hidalgo de consulter des textes de leur propagande.
Elle s’aviserait peut-être que la gauche française perçoit les gens du
FN à peu près comme les nazis définissaient les juifs : des êtres a priori moralement
inférieurs. Une analyse sémantique circonstanciée prouverait que la
démonologie médiévale s’est recyclée dans le patois médiatico-politique
contemporain pour clouer le FN au pilori d’un manichéisme infantile. On
imagine l’élan de solidarité de la classe politique, gauche et droite
confondues, si un cinglé s’était risqué à présumer une connivence de
Mme Hidalgo avec l’hitlérisme ou ses fondés de pouvoir. On peut
regretter par le fait que l’honneur de Mme Le Pen, qui a porté plainte,
n’ait été défendu par personne. Qu’à ses débuts le parti fondé par Le
Pen ait recyclé des nostalgiques du pétainisme, c’est un fait. Il y en
eut aussi dans le RPF de De Gaulle, et pareillement à la SFIO.
Mais Mme Hidalgo n’a cure des réalités historiques, à supposer
qu’elle en connaisse les rudiments ; son amalgame grotesque vise à
dénier à Marine Le Pen toute dignité, pour ne pas dire toute humanité,
en sorte que chacun de ses propos soit tenu pour injustifiable par
principe. Ainsi fonctionne la pensée totalitaire, et aussi celle des
paranoïas dans les maisons de santé ad hoc. Ça fait un peu froid
dans le dos, s’agissant d’une dame qui peut-être sera un jour maire de
Paris. Je n’ai jamais voté pour le FN, qui de père en fille a servi
sans désemparer la soupe au PS. Mes différends avec ce parti sont
nombreux, certains portant sur la forme, d’autres sur le fond. Mais je
ne puis accepter qu’un pharisaïsme haineux affecte à ses dirigeants et
ses militants un coefficient moral négatif. Je les considère comme des
adversaires politiques “normaux”, pas comme des bannis ou des
hors-castes. Question de probité… morale élémentaire. Si le FN est
“antirépublicain”, comme l’a affirmé Mme Hidalgo, qu’on l’interdise !
Encore faudra-t-il que l’on sache qui mérite le brevet de
républicanisme, qui ne saurait y prétendre, et en vertu de quoi. Nul ne
se hasarde à expliciter le distinguo, et pour cause.
Si j’avais un reproche à adresser à Mme Le Pen, ce serait
plutôt d’en rajouter dans un anticléricalisme évocateur des débuts de
la IIIe République avec son dégagement contre les signes religieux dans
“l’espace public”. En poussant aussi loin le bouchon d’un laïcisme
passablement rétro, elle rejoint une fois de plus Mélenchon et mon fond
religieux s’insurge ; je ne souhaite pas que la piété soit mise au
rancart, sous réserve évidemment qu’elle ne soit pas manipulée par des
candidats au terrorisme.
Comme on le voit, je suis en désaccord avec Mme Le Pen sur la
nature de la menace – réelle – que fait peser sur la France l’ampleur
des flux migratoires et l’acculturation subséquente de plusieurs
millions de Français. Pour autant, je ne la juge pas moins
“républicaine” que Mme Hidalgo. Pas moins respectable. La diabolisation
de son parti ne serait que l’octroi gratis d’une bonne conscience aux
gogos s’il ne rémunérait en outre un cynisme récurrent depuis feu le
régime de Mitterrand. C’est pourquoi il serait sain – et moralement
souhaitable – que l’on en finisse avec cette triche.
Kropoly, es-tu là ?
Quand
ils sortent de son hôtel, mon cousin, ils marchent d’un pas conquérant
et montrent ce sourire aisé et distant que les Italiens nomment sprezzatura et
que l’on appelle dédain. Une fois assis dans leur berline, en
descendant les rues de la plaine Monceau, ils se gonflent d’avoir rendu
visite à un grand homme en exil.
Ils goûtent encore au plaisir intense que donnent le clair-obscur
des coulisses, le grincement des poulies du destin. Pendant un jour,
une semaine, un mois, de salons en soupers, ils saupoudrent les
conversations de leur visite secrète. “Lorsque j’étais chez Kropoly”,
comme une formule magique fait, en un instant, tourner tous les
visages. Les esprits, dès lors, sont en proie à une terrible curiosité
que voilent les tristesses de l’envie. Écoutez leur récit héroïque :
aucun des points de sa barbe naissante ne manque à l’inventaire.
La blancheur de son col, le gris de sa redingote, l’élégante
austérité de son bureau, son visage émacié qui contraste avec les
bajoues de François de LaHaye : chaque minute, chaque détail, est comme
un talisman. Ils ne peuvent tout vous confier (c’est le propre de ceux
qui comptent) mais ce n’est pas un pensionné, un émérite, qui leur a
fait l’honneur de les recevoir : c’est un homme d’État. L’un vous dira
que Martial Kropoly affiche un bonheur sans faille depuis qu’il a quitté
le pouvoir, quand un autre s’épanchera sur la discrète mélancolie que
l’ancien président ne parvient pas à dissimuler. Qui dit vrai ?
A en croire ses amis, la politique et son train prosaïque lui
apparaissent désormais bien trop “pot-au-feu” : il a connu l’air vif des
sommets entre rois, il ne se penchera plus sur l’océan des médiocrités
publiques.
Sans cesse sur l’ouvrage, il ne perdrait rien de la marche du monde,
de la nuit de nos finances, des étranges constellations du budget et
de la pluie de taxes que les jacobins font tomber sur le pays.
Tout cela n’est pas faux, mon cousin, mais qui peut croire qu’un
homme, nourri dès son plus jeune âge au lait de la politique, se
change, en un jour, en observateur circonspect ? Certes, M. Kropoly se
penche sur les querelles des unionistes comme on regarde des fourmis
s’agiter sur un morceau d’écorce, mais, comme un enfant, il ne perd rien
des va-et-vient et s’en amuse. François du Falard, Rodolphe Castanier,
députés et anciens ministres défilent dans son bureau, l’appellent sur
son étrange cornet. Il leur livre ses conseils, ne dissimule pas ses
reproches, leur confie ses visions.
Ces jours-ci, les couvertures des gazettes lui ont dessiné le visage conquérant des jours de campagne. Les ventes de l’Omnibus et de la Virgule, me dit-on, ont, de ce fait, augmenté…
Aux gazetiers, pourtant, Martial Kropoly n’ouvre pas sa
porte. Son silence assourdit Paris qui se console en tenant le registre
de ses visiteurs. À l’heure où j’écris cette lettre, il se murmure
qu’un déjeuner doit réunir Martial Kropoly, son épouse, Gauvain
Thuillier et Patrocle de Bièvres. Les dignitaires unionistes,
croyez-moi, ne connaissent pas le menu, mais en pâlissent déjà de
jalousie.
La vérité est qu’une génération fort maigre, celle des prétendants,
observe cette retraite avec, au cœur, une cruelle inquiétude. Ils
entendent Martial Kropoly évoquer la campagne de France comme la plus
belle de son existence. Il voit l’ombre de M. de Bièvres, le redoutable
conseiller, s’étendre, de nouveau, sur leur domaine. Ils assistent
désemparés à l’éclosion d’une jeune garde prête à tout pour défendre
l’ancien chef de l’État. Les plus fins ont compris dans quel piège les
unionistes, par convenance et pusillanimité, sont en train de tomber.
Laissez-moi vous dire la prophétie d’un grand prêtre du kropolysme.
Elle est saisissante. Il la prononce comme le psalmiste.
Les unionistes veulent revenir au temps immobile du vidame d’Ussel,
ils verront leurs troupes se disloquer. La déliquescence jacobine
profitera aux frontistes plus qu’aux unionistes. C’est aux élections
municipales qu’aura lieu le désastre. Certains iront chez madame du
Halga, d’autres attendront désespérément un chef. Nous verrons çà et là
des alliances de circonstance. La panique sera telle que le peuple de
droite se tournera vers le seul capable de vaincre les jacobins…
Pour être brillante et fort sensée, cette prédiction reste une
prédiction. Elle révèle cependant le mot qui hante l’esprit de Martial
Kropoly. Un mot aventureux comme Napoléon, machiavélique comme le
général de Montcornet. Un mot sur lequel ils furent innombrables à
fonder une espérance et qui concentre les ressources inouïes de la
politique. Un mot qui, à lui seul, renverse le destin : le recours…
François du Falard : ancien premier ministre, député de Paris ; Rodolphe Castanier : secrétaire général des unionistes
Aurélie Filippetti avait-elle besoin de ridiculiser la cause des femmes en prenant la défense de Valérie Trierweiler comme elle l'a fait ?
L'erreur de casting à la culture |
Hollande et la gauche Grand Guignol
Les psycho-criminologues adorent parler de passage à l'acte mais cette expression s'applique à tout le monde, aux politiciens aussi bien qu'aux amoureux.
Quand il n'est pas inspiré par la folie, le passage à l'acte nécessite ce courage qui, comme disait Stendhal dans sa Chartreuse, "consiste à choisir le moindre mal, si affreux qu'il soit encore".
François Hollande est-il doté de ce courage ?
Après le coup de massue fiscal que l'on sait, il faudrait beaucoup de
mauvaise foi pour l'accuser de pleutrerie. Il est bien passé à l'acte.
Il a même osé annoncer, le bravache, qu'il n'y aurait pas "un euro de
plus" d'endettement de l'État à la fin du quinquennat.
Espérons.
En attendant, c'est sur les moyens prévus pour y parvenir qu'il y a
beaucoup à redire. Au risque de provoquer une récession, le gouvernement
va donc faire les poches des ménages et des entreprises pour continuer à
nourrir un État ventripotent qui, la panse pleine, continue toujours de
crier famine. N'est-il pas temps, au contraire, de le mettre au régime ?
Tel l'amoureux (ou le contribuable) qui remet chaque jour sa déclaration au lendemain, François Hollande hésite, comme Jacques Chirac
puis Nicolas Sarkozy, à réduire vraiment ces pharaoniques dépenses
publiques qui, en France, sont parmi les plus élevées d'Europe (56 % du
PIB, contre 46 % pour l'Allemagne). Ce sont elles qui sont à l'origine
de tous nos malheurs, symbolisés par une dette publique qui, après avoir
augmenté de 42 milliards entre les deux premiers trimestres de l'année,
culmine désormais à 1 832,6 milliards d'euros.
C'est s'exposer à une tempête d'insultes que pointer ce paradoxe :
notre administration publique, pourtant si dentue et si coûteuse, est
au-dessous de la moyenne sur le plan de l'efficacité quand on compare
ses performances à celles des autres pays européens (1). Elle est comme
le tonneau des Danaïdes : plus vous la remplissez, plus elle fuit de
partout.
Dans Le déni français (2), livre à lire et faire lire d'urgence, Sophie Pedder, chef du bureau de The Economist
à Paris, l'explique bien : pour ce qui est du rapport qualité-prix, le
compte n'y est pas. Alors que la France dépense plus que d'autres pays
pour la santé, l'éducation ou la formation professionnelle, les
résultats ne suivent pas, loin de là.
Le chapeau est trop grand pour François Hollande :
il serait injuste de le lui faire porter, même si la gauche a
historiquement sa part dans le grand désastre national que nous vivons,
résultat de nos "Trente Piteuses" qu'il faudrait rebaptiser les "Trente
Honteuses". Trente ans que de calamiteux politiciens de droite ou de
gauche, sans foi ni loi et ne voyant jamais plus loin que le bout de la
prochaine élection, ont plombé les finances du pays, sous prétexte de
relancer la croissance et de grappiller quelques points dans les
sondages. Tel est leur lamentable legs au pays. S'ils ont une
conscience, ils sont à plaindre.
Au cas où François Hollande
voudrait réussir et pas seulement plaire à la gauche Grand Guignol,
antieuropéenne et bouffeuse de riches, il ne peut décemment se borner à
des hausses d'impôts. Le scénario est déjà écrit : relevant d'une vision
mécanique de l'économie, elles déprimeront davantage le pays sans
rapporter autant que prévu.
Désolé de jouer au "Monsieur-faut-que-ça-rate",
mais le choc fiscal ne résoudra rien tant que le pouvoir n'aura pas
réduit les bourrelets de l'État, quitte à investir plus dans la
recherche et l'éducation. Sans oublier de traiter les deux sujets qui,
après avoir si longtemps tétanisé la droite, font hurler la vieille
gauche décatie : la compétitivité et la flexibilité qui, seules, peuvent
relancer la machine économique.
En ce qui concerne la première,
ce ne fut que du bonheur d'entendre, par la bouche du Premier ministre,
que la baisse du coût du travail n'était plus un sujet tabou.
L'idéologie dominante, pas seulement à gauche, a longtemps interdit de
soulever cette question, sous peine d'être traité aussitôt de suppôt du
grand capital, complice des exploiteurs et buveur de sang du pauvre. Si,
depuis la création de l'euro, le coût salarial par unité produite a
progressé de 30 % contre 7 % en Allemagne, c'est qu'il y a un problème,
identifié depuis longtemps : des charges excessives en comparaison de
celles de nos concurrents. D'où la désindustrialisation rampante. D'où
la baisse de la part des exportations françaises dans les échanges
mondiaux, passées de 5,7 à 3,3 % en dix ans. D'où, enfin, l'abyssal
déficit du commerce extérieur qui, à 70 milliards d'euros, l'an dernier,
fait froid dans le dos.
Pour redresser vraiment le pays, François Hollande doit rompre.
Avec son programme, avec la gauche Grand Guignol et avec le
radical-attentisme qui aura été l'idéologie des trois derniers
présidents des "Trente Honteuses".
1. Selon une étude de la Banque centrale européenne.
2. JC Lattès. On ne se lassera pas également de recommander la lecture de Réveillez-vous !, de Nicolas Baverez (Fayard), et de Qui va payer la crise ?, de François Lenglet (Fayard).
Hollande, l'Européen traumatisé
Le président, fervent défenseur du "oui" au référendum de 2005, se montre désormais muet sur les questions européennes.
On ne reconnaît plus l'enfant de Jacques Delors. François Hollande
l'Européen a disparu sous une couette protectrice. Pas question de
montrer le bout du nez sur un sujet qui lui a valu tant de déboires lors
du dernier référendum de 2005. Les Français avaient voté "non" alors
que le premier secrétaire du PS de l'époque avait fait campagne pour le "oui". La claque. Le Corrézien en est resté traumatisé.
Alors,
aujourd'hui, moins il parle d'Europe, mieux il se porte. Il n'en a pas
dit un mot à la télévision lors de son 20 heures sur TF1, lorsqu'il a
annoncé son calendrier du changement. Et il a donné pour consigne à
Jean-Marc Ayrault de faire le service minimum sur les perspectives de la
construction européenne. À la tribune de l'Assemblée, le Premier ministre avait comme seule préoccupation de limiter le nombre de votants socialistes contre le traité européen.
Inutile,
donc, d'en rajouter sur les lendemains radieux d'une intégration plus
poussée. Au contraire, le mot d'ordre était de démontrer qu'il n'y avait
aucune perte de souveraineté de la France. On ne sait si cette méthode
convaincra les Français, ou les élus récalcitrants. Mais le chef de
l'État pense se mettre ainsi à l'abri des poussées d'urticaire
antieuropéennes.
Il faut reconnaître que, pour l'heure,
Europe rime avec austérité et chômage. L'opinion, tout en ne voulant pas
sacrifier l'euro, est sévère avec les contraintes imposées par
Bruxelles. En politique avant tout, François Hollande ne prend pas le
vent de face. En faisant cela, il semble manquer de vision. Mieux vaut,
se dit-il, une absence de vision qu'une nouvelle confrontation. L'unité
de la majorité passe avant l'avenir de la France. Au moins dans les
mots.