Moins de trois semaines après le début de l'opération française au Mali, son premier objectif est atteint. L'avancée sur Bamako des groupes islamistes venus du Nord du pays a été stoppée. La ville de Gao a été reprise samedi. Tombouctou, ville mythique pour tous les amoureux du désert, n'est plus, depuis hier, sous la terreur des bandes armées. C'est une authentique libération pour les populations civiles. On ne peut que s'en réjouir.
Endiguer l'avancée de ces groupes islamo-mafieux était une nécessité pour Paris. Plus de six mille ressortissants français se trouvent au Mali. Ne pas intervenir n'aurait pas seulement voulu dire laisser un État se faire kidnapper. C'était exposer la France, déjà prise explicitement pour cible depuis des années par Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), à une délicate et sans doute douloureuse opération de sauvetage.
C'est la raison pour laquelle tout s'est accéléré, ces dernières semaines, laissant le gouvernement français assez seul en première ligne. Même si les risques d'un Sahel déstabilisé sont loin de ne concerner que l'Hexagone. François Hollande a assumé la décision d'intervenir. En prenant soin de rappeler le soutien de l'Onu et la demande expresse du Mali. En limitant la mission dans ses objectifs. En prenant soin, aussi, de ne fixer aucune limite de temps. Dès le 12 janvier, il parlait de « temps nécessaire ».Et pour cause. Ce n'est qu'une bataille qui vient d'être gagnée à Tombouctou. Le plus dur commence.
Pour des raisons évidentes et immédiates. Les groupes armés sont militairement plus facilement délogeables des villes et beaucoup moins vulnérables, en revanche, dans les montagnes du désert. La phase deux de l'opération, aider le Mali à retrouver son intégrité, va être insidieuse et ne sera pas aussi limpide que celle à laquelle nous venons d'assister ¯ à dire vrai, sans images ¯ depuis près de trois semaines.
Mais il est des raisons plus profondes. Elles touchent au facteur temps et à la complexité du dossier politique. En dix ans, le Mali est passé du statut de promesse démocratique sur le continent africain à une zone de non-droit explosive pour tout le Sahel. En 2002, l'organisation Transparency International, qui cartographie le poids de la corruption sur le gouvernement du monde, plaçait Bamako au 72e rang sur 185. Autrement dit, dans la bonne moitié.
Aujourd'hui, c'est précisément la corruption et le délitement de toute autorité qui a livré le pays aux bandes armées. En une décennie, le fragile édifice politique malien n'a pas résisté à la pression énorme de plusieurs facteurs concomitants : grand banditisme, poudrière libyenne, réseaux islamistes, revendications d'autonomie des Touaregs.
Le banditisme international s'est calé sur les parcours traditionnels du Sahara pour activer ses trafics d'armes, de drogue, de migrants. Sous Kadhafi, Bamako-Tripoli est devenu un axe majeur de tous ces trafics. La chute du Colonel a eu un effet boomerang à tous les niveaux.
Face à ces processus qui dépassaient largement le cadre malien, la France et l'Europe n'étaient pas de simples spectateurs. Politique migratoire, développement, coopération civile, militaire.... Il serait réducteur de plaquer les schémas de la France-Afrique sur la situation au Sahel. Mais il faudrait être aveugle pour ne voir, dans la bataille de Tombouctou, qu'un affrontement entre les forces du bien et celles du mal. C'est la bataille du développement qui est en jeu. Elle prendra plus de dix-sept jours.