- La Banque centrale européenne achète toute la dette publique de tous les états de la zone euro, à leur valeur faciale, en n’en laissant sur le marché que l’équivalent de 50 % du PIB de chaque pays.
- Immédiatement, elle cesse d’exiger un intérêt sur cette dette qu’elle détient. L’effet boule de neige de la dette s’arrête immédiatement et les efforts de rigueur peuvent commencer à porter leurs fruits.
- Car la contrepartie de ce rachat massif est l’inscription dans la Constitution de chaque état membre d’un objectif contraignant d’équilibre budgétaire sur les sept dernières années.
- A l’échéance de ces dettes, la BCE les remet si et seulement si le pays a profité de cette respiration pour rétablir les comptes publics. Si tel n’était pas le cas, les dettes ne seraient pas effacées et porteraient intérêt.
lundi 11 juin 2012
Dettes publiques : l’heure de l’effacement est venue !
Y a-t-il encore un sens à rembourser
des dettes publiques qui ne sont plus génératrices de croissance ? Et la
Grèce n'est pas la seule en cause puisque la contagion à d’autres pays
est déjà en cours. Pas plus qu'il ne s’agit d'un moratoire que les
créanciers privés devraient supporter, ils n’en ont plus les moyens. Il
est temps de réfléchir à un programme général de remise des dettes dans
la zone euro par la Banque centrale européenne. (1/2)
Au milieu de la tempête autour
des dettes publiques, et alors que la tornade d’un éventuel éclatement
de l’euro se profile, les autorités européennes sont en train de
préparer les institutions d’après-crise. C’est effectivement une bonne
idée que d’introduire des éléments de fédéralisme monétaire et bancaire
(Mario Draghi), voire de fédéralisme budgétaire (euro-obligations). Mais
que se passe-t-il si la solidarité européenne autour de l’euro s’épuise
avant l’été ? Tout le monde compte sur le Mécanisme européen de
stabilité (MES) qui doit entrer en vigueur en juillet. Cependant, dans
la forme prévue, il prétend n’acquérir que des actifs sains – des
obligations publiques d’états ayant déjà accompli un effort budgétaire
significatif – alors que la situation exige de nettoyer le marché des
actifs pourris – soit des créances dont la contrepartie réelle a
disparu.
Si l’on accepte le
verdict des faits que les déficits budgétaires ont été incapables de
générer de la croissance, alors il est clair que les dettes qui ont
accompagné ces déficits ont perdu leur collatéral en termes de
croissance. On peut, par extension, imaginer que le
contribuable futur paiera la dette présente. Mais ce sera ôter à la
croissance future et rendre ainsi le poids du remboursement plus
difficile encore. Rien de tout cela ne devrait surprendre les
spécialistes, rares, des mécanismes de déflation par la dette :
l’impasse est certaine, aujourd’hui et demain.
A
circonstances exceptionnelles, remèdes exceptionnels. Puisqu’il n’y a
plus de puissance génératrice de croissance derrière les dettes
publiques accumulées, effaçons-les ! Comme on l’a ici ou là
proposé, il ne s’agit pas de remettre les dettes de la seule Grèce –
puisque la contagion à d’autres pays est déjà en cours ; il ne s’agit
pas d’un moratoire que les créanciers privés devraient supporter – ils
n’en ont plus les moyens. Non, il s’agit d’un programme général
et systématique de remise des dettes de l’ensemble des pays de la zone
euro par la Banque centrale européenne.
Concrètement, ce programme comporte trois étapes et une contrepartie :
Évidemment, ce système viole les règles élémentaires de la comptabilité.
En fait, il n’est pas interdit d’inventer une ligne agissant comme
contrepartie de la dette annulée. Elle pourrait s’écrire :
« contribution de la BCE à la résolution de la Très Grande Crise
Mondiale ». De ce fait, la perte d’actifs de la BCE ne serait imputable à
ses actionnaires les États.
Une fois ce
tour de passe-passe comptable réalisé, il devient possible de faire le
pas vers le fédéralisme monétaire et budgétaire dont on a feint de
découvrir tardivement qu’il était une condition nécessaire au bon
fonctionnement de la monnaie unique.
Portrait de François Hollande : Une photo ratée de Depardon est-elle encore une œuvre d’art ?
Le portrait de "François Hollande.
Président" par le photographe Raymond Depardon a fait couler beaucoup
d'encre et donné lieu à de nombreux commentaires. Mais si Depardon avait
tout raté comme il le voulait ? Juste le ratage souhaitable... La
preuve de son génie artistique ?
Depardon a tout raté comme il le voulait pour
le portrait de François Hollande président. Pas plus qu’il n’était
nécessaire. Juste le ratage souhaitable. Mais une photo ratée de
Depardon, c’est encore une œuvre d’art ?
La
photographie comme la peinture, en tant qu’œuvre artistique, est d’abord
une affaire de la volonté. Il n’est pas d’œuvre d’art qui vienne à
l’artiste, comme ça, par hasard, parce qu’ici et maintenant, il se
serait cassé la figure de son cheval et il aurait « vu ». Et donc,
peint, écrit, sculpté et photographié, il n’y a pas d’art accidentel. Quand on réalise une œuvre, c’est qu’on l’a voulu.
Ensuite, la question est de savoir si l’œuvre est réussie. Si c’est
vraiment une œuvre d’art. La photo de communiant du petit neveu avec son
appareil offert par sa marraine ne peut pas donner grand-chose. Ou bien
ce serait un accident. Mais comme il n’y a pas d’art-accident...
En
revanche, la photo prise par un artiste a plus de chance d’être une
œuvre d’art. Parce que l’artiste a l’œil, il est entraîné, la technique
il l’a maîtrise totalement, il sait qu’il faut vouloir. Il sait que
le hasard n’y est pour rien. Il sait que l’œuvre est un projet et
l’aboutissement du projet. Donc, quand l’artiste arrête son choix sur une photo ratée, c’est qu’elle répond à un programme artistique.
Il sait qu’elle est ratée. Il a voulu le ratage. Il l’a travaillé. Un
ratage artistique, c’est une volonté de destruction, de négation, c’est
une volonté de communiquer quelque chose.
Une photo comme tout le monde : Ratée !
Des exemples ? On peut prendre la dernière photo de Depardon. « François Hollande » président.
On
sait - le making off est très documenté sur la prise de la photo - que
Depardon s’est totalement libéré de la contrainte technique. Lui qui
s’est promené dans toute la France avec un appareil pesant 250 kg,
monumental et fragile, pour photographier la France éternelle, des
boutiques des petits villages et des campagnes à taille humaine, a
voulu, pour cette photo, la liberté de l’appareil qu’on porte avec soi,
du numérique, de l’argentique, de l’informatique… Et pas de ces optiques
monstrueusement immobiles, ces plaques gigantesques et tout le
personnel qui va avec.
Donc, pas de pied pour éviter le « bougé », pas de calculs savants pour éviter le « flouté », pas de travail sur l’intensité lumineuse pour éviter contre-jour et effets d’ombres. Le résultat est à la hauteur de ce qu’il voulait : il y a du flouté, du bougé et du contre-jour. Si la photo avait été prise par le neveu avec son nouvel appareil, on aurait souri : « il y a encore quelques progrès à faire ». Avec Depardon on a aussi souri. Mais, là c’était un sourire de connivence. Il avait tout raté comme il le voulait. Pas plus qu’il n’était nécessaire. Juste le ratage souhaitable.
Donc, pas de pied pour éviter le « bougé », pas de calculs savants pour éviter le « flouté », pas de travail sur l’intensité lumineuse pour éviter contre-jour et effets d’ombres. Le résultat est à la hauteur de ce qu’il voulait : il y a du flouté, du bougé et du contre-jour. Si la photo avait été prise par le neveu avec son nouvel appareil, on aurait souri : « il y a encore quelques progrès à faire ». Avec Depardon on a aussi souri. Mais, là c’était un sourire de connivence. Il avait tout raté comme il le voulait. Pas plus qu’il n’était nécessaire. Juste le ratage souhaitable.
Et c’était voulu avec le président. Une photo de président de la République, c’est comme un portrait de roi. Louis XIV par Hyacinthe Rigaud
: ce n’est pas un travail innocent. Le peintre fait du roi un grand
homme, et même gigantesque, non seulement parce que Louis XIV était un
géant pour son époque, non seulement parce qu’il en rajoutait des tonnes
en portant des talons très hauts pour rehausser sa taille et en imposer
psychologiquement et physiquement, mais aussi parce qu’il fallait
montrer à ses sujets et au monde entier un "Grand Roi", de droit divin,
protecteur des arts, des armes et des lois.
On voit bien que le travail de l’artiste, n’était rien autre ici que de porter un message fort. Celui du "Grand Roi", celui du "Roi Soleil". C’est évidemment la même chose lorsque Depardon rate les photos du président. C’est l’annonce d’un programme. Derrière chaque détail de cette photo, quelque chose est dit de la France, des Français, de leur président, du Monde, du temps qu’il fait et des lendemains qui chantent. Parler de la France en ratant une photo, ce n'est pas parler d'un raté. C'est commettre une œuvre d'art !
On voit bien que le travail de l’artiste, n’était rien autre ici que de porter un message fort. Celui du "Grand Roi", celui du "Roi Soleil". C’est évidemment la même chose lorsque Depardon rate les photos du président. C’est l’annonce d’un programme. Derrière chaque détail de cette photo, quelque chose est dit de la France, des Français, de leur président, du Monde, du temps qu’il fait et des lendemains qui chantent. Parler de la France en ratant une photo, ce n'est pas parler d'un raté. C'est commettre une œuvre d'art !
Foin des palais et des honneurs !
Un
décor, c’est connu, c’est fait pour mettre en valeur, contextualiser,
donner des indications de lecture de l’œuvre, voire imposer un sens à la
lecture de cette dernière. Il y a des présidents sans autre fond que
des couleurs. Il y a des présidents qui ont été photographiés devant des
décors, dans le genre bibliothèque, posant leur main droite, en
général, sur un fragment de colonne dorique.
Le cadre en dit beaucoup.
Il faut marquer que Depardon, en toute simplicité, use de l’opposition
ombre du premier plan et clarté du fond de la photo, pour parler du
temps qui vient et qui s’écoule. Le temps des honneurs est riant. C’est
celui du Palais. Il est dans le lointain, car s’il ne faut pas oublier
la solennité de la fonction. Cependant il ne faut pas en faire autre
chose qu’un pur cadre dans lequel l’humain se déploie. Le Palais est
loin parce que le président est proche ? Mais surtout, il y a Palais,
c’est indéniable. Incontournable. On est dehors. Et le dehors c’est la
vie, le vrai, la réalité. A l’opposé des livres et de leur prétention à
tout contenir, à tout avoir dit et à donner une onction purement
intellectuelle au « sujet » de la photo.
En même
temps, le Palais se devine et ne s’impose pas, car les détails du fond
ont été abolis par le flouté de Depardon. En somme, il a l’air de
s’excuser d’être le Palais de la présidence tout en donnant à penser,
soleil, lumière, fond champêtre, ciel bleu, irradiations d’un été
chaleureux qu’il est l’Elysée, un Olympe rieur et plein de gaieté. Tout
ceci est mis en valeur par la démarche du président. Oui ! On voit bien
que le président est en marche, comme la France et vers la France.
Il s’éloigne des fastes du Palais pour venir vers nous. En toute
simplicité. Mais aussi, il quitte le passé (le vieux Palais) pour
s’avancer vers l’avenir (Nous, les Français). Depardon n’est pas un grand photographe pour rien.
Des Draps ou des Drapeaux ?
Restons
dans le décor. Tout au fond, en clignant bien les yeux, il semble, sur
la façade du Palais, que des linges sont pendus et orientés vers le
soleil, mis à sécher probablement. La photo, floutée-bougée interdit une
investigation plus précise. On n’est pas dans une photo à la
hollandaise où mêmes les détails qu'on ne peut pas voir sont visibles. C’est
une photo "Depardon" qui renouvelle le genre Depardon, en rupture avec
son enquête de la France profonde où tout est donné à voir, y compris
les panneaux de stationnement. Là, on a du mal à voir. Et c’est
un fait exprès ! Ce n’est pas une maladresse de débutant. Si on ne voit
pas bien, c’est qu’il n’y a peut être pas de quoi s’appesantir !
Que
devine-t-on ? Des draps gigantesques puisqu’accrochés au faîte d’une
aile du château, ils retombent jusqu’en bas. Sont-ce des draps de lit ?
Il aurait été plaisant de donner à penser qu’ils sont à l’image de ces
draps tâchés de rouge que les peuplades un peu primitives exigent des
nouveaux mariés. Depardon dit-il qu’il y a dans la présidence de
François Hollande une sorte d’union charnelle, humaine entre l’homme, le
président, et la Nation, la France. Après tout, il y a eu Léda et son
cygne, Danaé et sa pluie d’or.
Non, décidément, il n’y a pas de hasard dans un grand œuvre par un grand artiste. La symbolique est encore plus forte, quand on s’aperçoit, muni d’une loupe, d’une longue vue ou d’un regard de Lynx, qu’il s’agit des drapeaux. Le Français et l’Européen. Le symbole du drap nuptial est complètement élucidé. Union de l'Homme et de sa Nation, Union de la Nation à Europe. Le drame antique est joué. Le drap teinté de rouge est mis à la fenêtre. Consumatum est.
Non, décidément, il n’y a pas de hasard dans un grand œuvre par un grand artiste. La symbolique est encore plus forte, quand on s’aperçoit, muni d’une loupe, d’une longue vue ou d’un regard de Lynx, qu’il s’agit des drapeaux. Le Français et l’Européen. Le symbole du drap nuptial est complètement élucidé. Union de l'Homme et de sa Nation, Union de la Nation à Europe. Le drame antique est joué. Le drap teinté de rouge est mis à la fenêtre. Consumatum est.
A t-on épuisé le
mystère du "dit des draps" par Depardon. Non certes, car, il faut aussi,
dire un mot du lointain dans lequel sont propulsés les Draps-Drapeaux.
La France n’est-elle qu’un fond de photographie ?
La
France est-elle donc maintenant reléguée dans le lointain ? Un lointain
flouté, pas net et pas clair ? N’est-elle qu’un élément banal d’une
toile de fond ? Est-elle comme l’Europe et l’horizon : une ligne
imaginaire qui recule au fur et à mesure qu’on avance ? Est-elle
seconde, dans son histoire, sa personnalité, son image, par rapport aux
peuples.
Renvoyer les drapeaux au statut de draps, n’est-ce pas énoncer que le président n’est pas « que » président des Français? N’est pas « que » un membre éminent de l’Europe ? N’est-ce pas aussi, parler du président, libéré des Palais, libéré des temps anciens, libéré de toutes ces vieilleries qui entraveraient cette marche, dont on a vu, qu’elle va de l’avant.
Vers nous, et d’abord vers Depardon, qui, sûrement, ému a su transcrire en flouté-bougé le frisson artistique que cette marche décidée lui a inspiré.
Renvoyer les drapeaux au statut de draps, n’est-ce pas énoncer que le président n’est pas « que » président des Français? N’est pas « que » un membre éminent de l’Europe ? N’est-ce pas aussi, parler du président, libéré des Palais, libéré des temps anciens, libéré de toutes ces vieilleries qui entraveraient cette marche, dont on a vu, qu’elle va de l’avant.
Vers nous, et d’abord vers Depardon, qui, sûrement, ému a su transcrire en flouté-bougé le frisson artistique que cette marche décidée lui a inspiré.
Le président de l’ombre ?
Pour
Depardon, la symbolique du drap nuptial est complétée par la symbolique
de l’émergence du président. D’habitude dans les photos d’amateurs, le
neveu dont on a parlé par exemple, on évite les contre-jours.
D’instinct, on comprend que le contre-jour obscurcit le sujet
photographié. Si ce qu’on veut montrer se détache sombre sur un fond
lumineux, évidemment le résultat, c’est qu’on voit mal le sujet.
Depardon a choisi un gigantesque contre-jour. A dessein. On ne
l’expliquera plus qu'il n'y a pas de hasard. Il y a là de la volonté,
une forte intention. Comme partout en Art.
Ici,
Depardon nous montre une silhouette qui est dans l’ombre. Vient-elle du
fond lumineux, éclaboussé du soleil d’un été idéal ? Le président
viendrait de la lumière pour rentrer dans l’ombre ? Où à l’inverse, il
aurait surgi de l’ombre. Venu à une sorte de naissance, quittant l’ombre
matricielle pour surgir à la lumière douce et tamisée de la chambre de
travail ? Draps nuptiaux-Drap-eaux qui coulent. Encore une puissante
symbolique. Le président dans l’ombre n’est cependant pas le président
de l’ombre. Il ne peut pas être une ombre de président, on ne peut
l'associer à Scarron : « …. l'ombre d'un cocher, qui, tenant l'ombre
d'une brosse, nettoyait l'ombre d’un carrosse ».
Depardon a tout simplement figuré que l’espace du président n’est pas celui des ors et des fastes des Palais. Il est celui, calme et tempéré, de nos jours habituel, où l’ombre suit la lumière. Il nous dit suivant Valery : « … Mais rendre la lumière, Suppose d'ombre une morne moitié ». C'est pour cela que le président d'après Depardon, fait plutôt morne ?
Depardon a tout simplement figuré que l’espace du président n’est pas celui des ors et des fastes des Palais. Il est celui, calme et tempéré, de nos jours habituel, où l’ombre suit la lumière. Il nous dit suivant Valery : « … Mais rendre la lumière, Suppose d'ombre une morne moitié ». C'est pour cela que le président d'après Depardon, fait plutôt morne ?
Rien dans les mains, rien dans les poches
Il
faut en venir à l’homme lui-même. Nous avons tourné autour du président
évoquant le fond du tableau et aussi la forme, floutée, bougée,
contre-jour, parlé de son union et du drap qui parlait de consommation.
Nous avons parlé de son émergence. Il faut parler maintenant de ce
travail si beau, mais si difficile, que Depardon nous a livré, révélant
le président et montrant l’homme. Bien sûr, rien d’original dans la
tenue. Le président ne sortira pas de l’ombre au moyen de fleurs
multicolores dans les cheveux ou en tutu.
Le
président est cravaté. Il est costumé. Il est décoré. A peine. Il faut
bien qu’il le soit. Tout est discret. Rien n’est au soleil n’est-ce pas ?
Rien ne rutile. Ni ne cliquète. Ni ne blingue-blingue. Rien. C’est là
que le génie du photographe s’impose véritablement. Il a réussi à
photographier "rien".
Attention, il ne faut prêter à Depardon une intension politique de type anarchiste. On ne doit pas dire de lui qu’il a roulé tout le monde en photographiant le Président pour montrer « Rien ». Depardon est ici au paroxysme du message. En effet, pourquoi, avoir photographié un personnage aux mains ballantes, pendues au bout de bras ballants ? Parce que le Président qui émerge vient au monde des chefs d’Etats, avec rien dans les mains. C’est clair. C’est montré. La veste est solidement fermée. Il n’y a pas de protubérance indiquant un portefeuille bien rempli. Il n’a rien dans son portefeuille. L’homme est au premier plan, devant nous, à portée de nos mains. Il n’a rien. On ne peut rien lui prendre. Il n’a rien à donner. Il se livre à nous dans le dénuement le plus total.
Attention, il ne faut prêter à Depardon une intension politique de type anarchiste. On ne doit pas dire de lui qu’il a roulé tout le monde en photographiant le Président pour montrer « Rien ». Depardon est ici au paroxysme du message. En effet, pourquoi, avoir photographié un personnage aux mains ballantes, pendues au bout de bras ballants ? Parce que le Président qui émerge vient au monde des chefs d’Etats, avec rien dans les mains. C’est clair. C’est montré. La veste est solidement fermée. Il n’y a pas de protubérance indiquant un portefeuille bien rempli. Il n’a rien dans son portefeuille. L’homme est au premier plan, devant nous, à portée de nos mains. Il n’a rien. On ne peut rien lui prendre. Il n’a rien à donner. Il se livre à nous dans le dénuement le plus total.
Cette
attitude n’est pourtant pas si simple. Si le président vient à nous, il
ne se montre pourtant pas de face. Il n’est pas animé par le souci du
don pur. Il est légèrement tourné, l'épaule gauche se dégageant vers
l’arrière. Depardon nous dit ainsi que si le président vient vers nous,
il pourrait tout aussi bien, revenir en arrière. Il est prêt à retourner
dans le Palais.
Un demi président
Il
vient à nous avec ce demi-sourire qui convient à une demi-photo. Ce
n’est pas une photo en buste. Ce n’est pas une photo en pied. C’est une
photo à demi. Le demi-sourire du président répond au cadrage.
Les sourcils formant accent circonflexe sont une mimique bien connue en
France qui dit « vous m’avez posé une question ? ». Le visage,
éclairé d’un fin sourire, nous dit que ce n’est pas un homme de
certitudes qui s’avance. C’est un homme comme tout le monde, à qui on a
dit de faire le président et de ne pas se faire remarquer.
Une belle leçon de photographie !
la République a-t-elle définitivement exclu le peuple ?
La "gauche plurielle" fait course en
tête au 1er tour des législatives, mais la structure du pays semble être
passée à droite. L’addition des voix de l’UMP et du Front national
approche les 50%. Une domination qui ne se traduit pas encore en nombre
de sièges, et qui pose sérieusement la question de la représentativité
du mode de scrutin, en particulier pour les catégories populaires.
Le 23 avril, François Hollande
avait recueilli 34% des suffrages parmi les diplômés de l’enseignement
supérieur, et seulement 21% parmi les personnes sans diplôme.
Inversement, Marine Le Pen avait recueilli plus de 50% des voix parmi
les sans diplôme, et 8% parmi les diplômés de l’enseignement supérieur.
Le paysage était plus que jamais posé : la France d’en-bas est de droite, voire d’extrême-droite. La France des beaux quartiers est de gauche. L’un des enseignements majeurs des législatives est de confirmer jusqu’au symbole cette fracture sociologique dans l’électorat.
Le résultat d’Hénin-Beaumont en est la preuve ! Jean-Luc Mélenchon ne passera pas le cap du second tour,
avec un résultat très loin de ses espérances affichées. Son appel aux
valeurs traditionnelles de la gauche de combat, ses invocations lyriques
envers un peuple qui apparaît de plus en plus imaginaire, de plus en
plus romantique, n’ont pas permis à sa mayonnaise de prendre.
Le
Front national apparaît bien comme le représentant incontestable de ces
Français paupérisés par la crise et angoissés par l’avenir. C’est un
signe des temps. La désindustrialisation fait son œuvre. Déjà,
lorsque les "Florange" avaient marché sur Paris, ils avaient mal
accueilli la tentative de récupération de leur mouvement par le Front de
gauche.
Les ouvriers français,
menacés par la concurrence internationale, par le libre-échange,
confrontés localement à la concurrence d’une main-d’œuvre immigrée moins
exigeante dès qu’il s’agit de salaires ou de droits sociaux, se sentent
menacés. Le phénomène est préoccupant. Jusqu’ici la République leur
avait donné le sentiment d’être une chance, d’être leur planche de
salut. Aujourd’hui, elle est devenue l’espace d’une élite qui les
méprise et ne parle plus le même langage qu’eux.
Sur
tout cela, la gauche n’a qu’à s’en prendre qu’à elle-même. Chaque fois
qu’elle se targue de parler au peuple, c’est en lui envoyant des
messagers qui incarnent son contraire. Jean-Luc Mélenchon, par
exemple, est entouré d’une clique d’idéologues qui n’ont jamais mis les
pieds dans une usine et ne connaissent de la vie que les manuels des
années 1970 sur la Révolution Française. Le rejet est inévitable. Il est
loin le temps du Parti communiste où un passage par l’usine était un
moment inévitable du parcours politique.
Au-delà de ce phénomène circonstanciel, la structure du pays semble être passée à droite.
Même si la gauche remporte (ce qui sera probablement le cas) une
majorité de suffrages, en termes de voix, elle est à ce stade
minoritaire.
Avec l’effondrement du Modem, une majorité autre se dessine : l’addition des voix de l’UMP et du Front national approche 50%. Même si cette domination ne se traduit pas encore en nombre de sièges, notamment du fait du mode de scrutin, il est difficile de ne pas noter cette étrangeté : à majorité parlementaire de gauche, majorité démographique de droite.
Jusqu’à quand nos institutions s’offriront-elles le dangereux luxe de ne pas refléter l’expression du pays ?
Il
semblerait que François Hollande songe, à l’automne, à ouvrir une
réflexion sur ce sujet. C’est un sujet périlleux pour lui. Il aura d’ici
là franchi de multiples Rubicon. Le collectif budgétaire et la loi de
Finances 2013 vont soit l’obliger à opérer des arbitrages impopulaires
qui risquent de décevoir un électorat encore bercé d’illusions, soit le
contraindre à endosser une effrayante dégradation des comptes publics.
Le dialogue avec l’Allemagne aura ou non porté ses fruits : la
redoutable Angela Merkel semble avoir subrepticement tissé autour de
notre président une étouffante toile diplomatique. La situation générale
du continent se sera probablement dégradée dans des proportions
inattendues.
Mais chiche, discutons de la
réforme du mode de scrutin, en avalisant la distorsion entre la majorité
politique et la majorité réelle. Et laissons les événements en tirer
toutes les conséquences. Le peuple est souverain. Le peuple décidera si,
oui ou non, les législatives de 2012 marquent l’agonie de la démocratie
représentative.
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