TOUT EST DIT

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lundi 11 juin 2012

Dettes publiques : l’heure de l’effacement est venue !

Y a-t-il encore un sens à rembourser des dettes publiques qui ne sont plus génératrices de croissance ? Et la Grèce n'est pas la seule en cause puisque la contagion à d’autres pays est déjà en cours. Pas plus qu'il ne s’agit d'un moratoire que les créanciers privés devraient supporter, ils n’en ont plus les moyens. Il est temps de réfléchir à un programme général de remise des dettes dans la zone euro par la Banque centrale européenne. (1/2)
Au milieu de la tempête autour des dettes publiques, et alors que la tornade d’un éventuel éclatement de l’euro se profile, les autorités européennes sont en train de préparer les institutions d’après-crise. C’est effectivement une bonne idée que d’introduire des éléments de fédéralisme monétaire et bancaire (Mario Draghi), voire de fédéralisme budgétaire (euro-obligations). Mais que se passe-t-il si la solidarité européenne autour de l’euro s’épuise avant l’été ? Tout le monde compte sur le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui doit entrer en vigueur en juillet. Cependant, dans la forme prévue, il prétend n’acquérir que des actifs sains – des obligations publiques d’états ayant déjà accompli un effort budgétaire significatif – alors que la situation exige de nettoyer le marché des actifs pourris – soit des créances dont la contrepartie réelle a disparu.
Si l’on accepte le verdict des faits que les déficits budgétaires ont été incapables de générer de la croissance, alors il est clair que les dettes qui ont accompagné ces déficits ont perdu leur collatéral en termes de croissance. On peut, par extension, imaginer que le contribuable futur paiera la dette présente. Mais ce sera ôter à la croissance future et rendre ainsi le poids du remboursement plus difficile encore. Rien de tout cela ne devrait surprendre les spécialistes, rares, des mécanismes de déflation par la dette : l’impasse est certaine, aujourd’hui et demain.
A circonstances exceptionnelles, remèdes exceptionnels. Puisqu’il n’y a plus de puissance génératrice de croissance derrière les dettes publiques accumulées, effaçons-les ! Comme on l’a ici ou là proposé, il ne s’agit pas de remettre les dettes de la seule Grèce – puisque la contagion à d’autres pays est déjà en cours ; il ne s’agit pas d’un moratoire que les créanciers privés devraient supporter – ils n’en ont plus les moyens. Non, il s’agit d’un programme général et systématique de remise des dettes de l’ensemble des pays de la zone euro par la Banque centrale européenne.
Concrètement, ce programme comporte trois étapes et une contrepartie :
  • La Banque centrale européenne achète toute la dette publique de tous les états de la zone euro, à leur valeur faciale, en n’en laissant sur le marché que l’équivalent de 50 % du PIB de chaque pays.
  • Immédiatement, elle cesse d’exiger un intérêt sur cette dette qu’elle détient. L’effet boule de neige de la dette s’arrête immédiatement et les efforts de rigueur peuvent commencer à porter leurs fruits.
  • Car la contrepartie de ce rachat massif est l’inscription dans la Constitution de chaque état membre d’un objectif contraignant d’équilibre budgétaire sur les sept dernières années.
  • A l’échéance de ces dettes, la BCE les remet si et seulement si le pays a profité de cette respiration pour rétablir les comptes publics. Si tel n’était pas le cas, les dettes ne seraient pas effacées et porteraient intérêt.

Évidemment, ce système viole les règles élémentaires de la comptabilité. En fait, il n’est pas interdit d’inventer une ligne agissant comme contrepartie de la dette annulée. Elle pourrait s’écrire : « contribution de la BCE à la résolution de la Très Grande Crise Mondiale ». De ce fait, la perte d’actifs de la BCE ne serait imputable à ses actionnaires les États.
Une fois ce tour de passe-passe comptable réalisé, il devient possible de faire le pas vers le fédéralisme monétaire et budgétaire dont on a feint de découvrir tardivement qu’il était une condition nécessaire au bon fonctionnement de la monnaie unique.


Portrait de François Hollande : Une photo ratée de Depardon est-elle encore une œuvre d’art ?

Le portrait de "François Hollande. Président" par le photographe Raymond Depardon a fait couler beaucoup d'encre et donné lieu à de nombreux commentaires. Mais si Depardon avait tout raté comme il le voulait ? Juste le ratage souhaitable... La preuve de son génie artistique ?
Depardon a tout raté comme il le voulait pour le portrait de François Hollande président. Pas plus qu’il n’était nécessaire. Juste le ratage souhaitable. Mais une photo ratée de Depardon, c’est encore une œuvre d’art ?
La photographie comme la peinture, en tant qu’œuvre artistique, est d’abord une affaire de la volonté. Il n’est pas d’œuvre d’art qui vienne à l’artiste, comme ça, par hasard, parce qu’ici et maintenant, il se serait cassé la figure de son cheval et il aurait « vu ». Et donc, peint, écrit, sculpté et photographié, il n’y a pas d’art accidentel. Quand on réalise une œuvre, c’est qu’on l’a voulu. Ensuite, la question est de savoir si l’œuvre est réussie. Si c’est vraiment une œuvre d’art. La photo de communiant du petit neveu avec son appareil offert par sa marraine ne peut pas donner grand-chose. Ou bien ce serait un accident. Mais comme il n’y a pas d’art-accident...
En revanche, la photo prise par un artiste a plus de chance d’être une œuvre d’art. Parce que l’artiste a l’œil, il est entraîné, la technique il l’a maîtrise totalement, il sait qu’il faut vouloir. Il sait que le hasard n’y est pour rien. Il sait que l’œuvre est un projet et l’aboutissement du projet. Donc, quand l’artiste arrête son choix sur une photo ratée, c’est qu’elle répond à un programme artistique. Il sait qu’elle est ratée. Il a voulu le ratage. Il l’a travaillé. Un ratage artistique, c’est une volonté de destruction, de négation, c’est une volonté de communiquer quelque chose.

Une photo comme tout le monde : Ratée !

Des exemples ? On peut prendre la dernière photo de Depardon. « François Hollande » président. 
On sait - le making off est très documenté sur la prise de la photo - que Depardon s’est totalement libéré de la contrainte technique. Lui qui s’est promené dans toute la France avec un appareil pesant 250 kg, monumental et fragile, pour photographier la France éternelle, des boutiques des petits villages et des campagnes à taille humaine, a voulu, pour cette photo, la liberté de l’appareil qu’on porte avec soi, du numérique, de l’argentique, de l’informatique… Et pas de ces optiques monstrueusement immobiles, ces plaques gigantesques et tout le personnel qui va avec.

Donc, pas de pied pour éviter le « bougé », pas de calculs savants pour éviter le « flouté », pas de travail sur l’intensité lumineuse pour éviter contre-jour et effets d’ombres. Le résultat est à la hauteur de ce qu’il voulait : il y a du flouté, du bougé et du contre-jour. Si la photo avait été prise par le neveu avec son nouvel appareil, on aurait souri : « il y a encore quelques progrès à faire ». Avec Depardon on a aussi souri. Mais, là c’était un sourire de connivence. Il avait tout raté comme il le voulait. Pas plus qu’il n’était nécessaire. Juste le ratage souhaitable.
Et c’était voulu avec le président. Une photo de président de la République, c’est comme un portrait de roi. Louis XIV par Hyacinthe Rigaud : ce n’est pas un travail innocent. Le peintre fait du roi un grand homme, et même gigantesque, non seulement parce que Louis XIV était un géant pour son époque, non seulement parce qu’il en rajoutait des tonnes en portant des talons très hauts pour rehausser sa taille et en imposer psychologiquement et physiquement, mais aussi parce qu’il fallait montrer à ses sujets et au monde entier un "Grand Roi", de droit divin, protecteur des arts, des armes et des lois.

On voit bien que le travail de l’artiste, n’était rien autre ici que de porter un message fort. Celui du "Grand Roi", celui du "Roi Soleil". C’est évidemment la même chose lorsque Depardon rate les photos du président. C’est l’annonce d’un programme
. Derrière chaque détail de cette photo, quelque chose est dit de la France, des Français, de leur président, du Monde, du temps qu’il fait et des lendemains qui chantent. Parler de la France en ratant une photo, ce n'est pas parler d'un raté. C'est commettre une œuvre d'art !

Foin des palais et des honneurs !

Un décor, c’est connu, c’est fait pour mettre en valeur, contextualiser, donner des indications de lecture de l’œuvre, voire imposer un sens à la lecture de cette dernière. Il y a des présidents sans autre fond que des couleurs. Il y a des présidents qui ont été photographiés devant des décors, dans le genre bibliothèque, posant leur main droite, en général, sur un fragment de colonne dorique.
Le cadre en dit beaucoup. Il faut marquer que Depardon, en toute simplicité, use de l’opposition ombre du premier plan et clarté du fond de la photo, pour parler du temps qui vient et qui s’écoule. Le temps des honneurs est riant. C’est celui du Palais. Il est dans le lointain, car s’il ne faut pas oublier la solennité de la fonction. Cependant il ne faut pas en faire autre chose qu’un pur cadre dans lequel l’humain se déploie. Le Palais est loin parce que le président est proche ? Mais surtout, il y a Palais, c’est indéniable. Incontournable. On est dehors. Et le dehors c’est la vie, le vrai, la réalité. A l’opposé des livres et de leur prétention à tout contenir, à tout avoir dit et à donner une onction purement intellectuelle au « sujet » de la photo.
En même temps, le Palais se devine et ne s’impose pas, car les détails du fond ont été abolis par le flouté de Depardon. En somme, il a l’air de s’excuser d’être le Palais de la présidence tout en donnant à penser, soleil, lumière, fond champêtre, ciel bleu, irradiations d’un été chaleureux qu’il est l’Elysée, un Olympe rieur et plein de gaieté. Tout ceci est mis en valeur par la démarche du président. Oui ! On voit bien que le président est en marche, comme la France et vers la France. Il s’éloigne des fastes du Palais pour venir vers nous. En toute simplicité. Mais aussi, il quitte le passé (le vieux Palais) pour s’avancer vers l’avenir (Nous, les Français). Depardon n’est pas un grand photographe pour rien.

Des Draps ou des Drapeaux ?

Restons dans le décor. Tout au fond, en clignant bien les yeux, il semble, sur la façade du Palais, que des linges sont pendus et orientés vers le soleil, mis à sécher probablement. La photo, floutée-bougée interdit une investigation plus précise. On n’est pas dans une photo à la hollandaise où mêmes les détails qu'on ne peut pas voir sont visibles. C’est une photo "Depardon" qui renouvelle le genre Depardon, en rupture avec son enquête de la France profonde où tout est donné à voir, y compris les panneaux de stationnement. Là, on a du mal à voir. Et c’est un fait exprès ! Ce n’est pas une maladresse de débutant. Si on ne voit pas bien, c’est qu’il n’y a peut être pas de quoi s’appesantir !
Que devine-t-on ? Des draps gigantesques puisqu’accrochés au faîte d’une aile du château, ils retombent jusqu’en bas. Sont-ce des draps de lit ? Il aurait été plaisant de donner à penser qu’ils sont à l’image de ces draps tâchés de rouge que les peuplades un peu primitives exigent des nouveaux mariés. Depardon dit-il qu’il y a dans la présidence de François Hollande une sorte d’union charnelle, humaine entre l’homme, le président, et la Nation, la France. Après tout, il y a eu Léda et son cygne, Danaé et sa pluie d’or.

Non, décidément, il n’y a pas de hasard dans un grand œuvre par un grand artiste. La symbolique est encore plus forte, quand on s’aperçoit, muni d’une loupe, d’une longue vue ou d’un regard de Lynx, qu’il s’agit des drapeaux. Le Français et l’Européen. Le symbole du drap nuptial est complètement élucidé. Union de l'Homme et de sa Nation, Union de la Nation à Europe. Le drame antique est joué. Le drap teinté de rouge est mis à la fenêtre. Consumatum est
A t-on épuisé le mystère du "dit des draps" par Depardon. Non certes, car, il faut aussi, dire un mot du lointain dans lequel sont propulsés les Draps-Drapeaux. 

La France n’est-elle qu’un fond de photographie ?

La France est-elle donc maintenant reléguée dans le lointain ? Un lointain flouté, pas net et pas clair ? N’est-elle qu’un élément banal d’une toile de fond ? Est-elle comme l’Europe et l’horizon : une ligne imaginaire qui recule au fur et à mesure qu’on avance ? Est-elle seconde, dans son histoire, sa personnalité, son image, par rapport aux peuples.

Renvoyer les drapeaux au statut de draps, n’est-ce pas énoncer que le président n’est pas « que » président des Français? N’est pas « que » un membre éminent de l’Europe ? N’est-ce pas aussi, parler du président, libéré des Palais, libéré des temps anciens, libéré de toutes ces vieilleries qui entraveraient cette marche, dont on a vu, qu’elle va de l’avant.

Vers nous, et d’abord vers Depardon, qui, sûrement, ému a su transcrire en flouté-bougé le frisson artistique que cette marche décidée lui a inspiré.

Le président de l’ombre ?

Pour Depardon, la symbolique du drap nuptial est complétée par la symbolique de l’émergence du président. D’habitude dans les photos d’amateurs, le neveu dont on a parlé par exemple, on évite les contre-jours. D’instinct, on comprend que le contre-jour obscurcit le sujet photographié. Si ce qu’on veut montrer se détache sombre sur un fond lumineux, évidemment le résultat, c’est qu’on voit mal le sujet. Depardon a choisi un gigantesque contre-jour. A dessein. On ne l’expliquera plus qu'il n'y a pas de hasard. Il y a là de la volonté, une forte intention. Comme partout en Art.
Ici, Depardon nous montre une silhouette qui est dans l’ombre. Vient-elle du fond lumineux, éclaboussé du soleil d’un été idéal ? Le président viendrait de la lumière pour rentrer dans l’ombre ? Où à l’inverse, il aurait surgi de l’ombre. Venu à une sorte de naissance, quittant l’ombre matricielle pour surgir à la lumière douce et tamisée de la chambre de travail ? Draps nuptiaux-Drap-eaux qui coulent. Encore une puissante symbolique. Le président dans l’ombre n’est cependant pas le président de l’ombre. Il ne peut pas être une ombre de président, on ne peut l'associer à Scarron : «  …. l'ombre d'un cocher, qui, tenant l'ombre d'une brosse, nettoyait l'ombre d’un carrosse ».  

Depardon a tout simplement figuré que l’espace du président n’est pas celui des ors et des fastes des Palais. Il est celui, calme et tempéré, de nos jours habituel, où l’ombre suit la lumière. Il nous dit suivant Valery : « … Mais rendre la lumière, Suppose d'ombre une morne moitié ».
C'est pour cela que le président d'après Depardon, fait plutôt morne ?

Rien dans les mains, rien dans les poches

Il faut en venir à l’homme lui-même. Nous avons tourné autour du président évoquant le fond du tableau et aussi la forme, floutée, bougée, contre-jour, parlé de son union et du drap qui parlait de consommation. Nous avons parlé de son émergence. Il faut parler maintenant de ce travail si beau, mais si difficile, que Depardon nous a livré, révélant le président et montrant l’homme. Bien sûr, rien d’original dans la tenue. Le président ne sortira pas de l’ombre au moyen de fleurs multicolores dans les cheveux ou en tutu.
Le président est cravaté. Il est costumé. Il est décoré. A peine. Il faut bien qu’il le soit. Tout est discret. Rien n’est au soleil n’est-ce pas ? Rien ne rutile. Ni ne cliquète. Ni ne blingue-blingue. Rien. C’est là que le génie du photographe s’impose véritablement. Il a réussi à photographier "rien".

Attention, il ne faut prêter à Depardon une intension politique de type anarchiste. On ne doit pas dire de lui qu’il a roulé tout le monde en photographiant le Président pour montrer « Rien ». Depardon est ici au paroxysme du message. En effet, pourquoi, avoir photographié un personnage aux mains ballantes, pendues au bout de bras ballants ? Parce que le Président qui émerge vient au monde des chefs d’Etats, avec rien dans les mains. C’est clair. C’est montré. La veste est solidement fermée. Il n’y a pas de protubérance indiquant un portefeuille bien rempli. Il n’a rien dans son portefeuille. L’homme est au premier plan, devant nous, à portée de nos mains. Il n’a rien. On ne peut rien lui prendre. Il n’a rien à donner. Il se livre à nous dans le dénuement le plus total.
Cette attitude n’est pourtant pas si simple. Si le président vient à nous, il ne se montre pourtant pas de face. Il n’est pas animé par le souci du don pur. Il est légèrement tourné, l'épaule gauche se dégageant vers l’arrière. Depardon nous dit ainsi que si le président vient vers nous, il pourrait tout aussi bien, revenir en arrière. Il est prêt à retourner dans le Palais. 

Un demi président

Il vient à nous avec ce demi-sourire qui convient à une demi-photo. Ce n’est pas une photo en buste. Ce n’est pas une photo en pied. C’est une photo à demi. Le demi-sourire du président répond au cadrage. Les sourcils formant accent circonflexe sont une mimique bien connue en France qui dit « vous m’avez posé une question ? ». Le visage, éclairé d’un fin sourire, nous dit que ce n’est pas un homme de certitudes qui s’avance. C’est un homme comme tout le monde, à qui on a dit de faire le président et de ne pas se faire remarquer.
Une belle leçon de photographie !


la République a-t-elle définitivement exclu le peuple ?

La "gauche plurielle" fait course en tête au 1er tour des législatives, mais la structure du pays semble être passée à droite. L’addition des voix de l’UMP et du Front national approche les 50%. Une domination qui ne se traduit pas encore en nombre de sièges, et qui pose sérieusement la question de la représentativité du mode de scrutin, en particulier pour les catégories populaires.
Le 23 avril, François Hollande avait recueilli 34% des suffrages parmi les diplômés de l’enseignement supérieur, et seulement 21% parmi les personnes sans diplôme. Inversement, Marine Le Pen avait recueilli plus de 50% des voix parmi les sans diplôme, et 8% parmi les diplômés de l’enseignement supérieur.
Le paysage était plus que jamais posé : la France d’en-bas est de droite, voire d’extrême-droite. La France des beaux quartiers est de gauche. L’un des enseignements majeurs des législatives est de confirmer jusqu’au symbole cette fracture sociologique dans l’électorat.
Le résultat d’Hénin-Beaumont en est la preuve ! Jean-Luc Mélenchon ne passera pas le cap du second tour, avec un résultat très loin de ses espérances affichées. Son appel aux valeurs traditionnelles de la gauche de combat, ses invocations lyriques envers un peuple qui apparaît de plus en plus imaginaire, de plus en plus romantique, n’ont pas permis à sa mayonnaise de prendre.
Le Front national apparaît bien comme le représentant incontestable de ces Français paupérisés par la crise et angoissés par l’avenir. C’est un signe des temps. La désindustrialisation fait son œuvre. Déjà, lorsque les "Florange" avaient marché sur Paris, ils avaient mal accueilli la tentative de récupération de leur mouvement par le Front de gauche.
Les ouvriers français, menacés par la concurrence internationale, par le libre-échange, confrontés localement à la concurrence d’une main-d’œuvre immigrée moins exigeante dès qu’il s’agit de salaires ou de droits sociaux, se sentent menacés. Le phénomène est préoccupant. Jusqu’ici la République leur avait donné le sentiment d’être une chance, d’être leur planche de salut. Aujourd’hui, elle est devenue l’espace d’une élite qui les méprise et ne parle plus le même langage qu’eux.
Sur tout cela, la gauche n’a qu’à s’en prendre qu’à elle-même. Chaque fois qu’elle se targue de parler au peuple, c’est en lui envoyant des messagers qui incarnent son contraire. Jean-Luc Mélenchon, par exemple, est entouré d’une clique d’idéologues qui n’ont jamais mis les pieds dans une usine et ne connaissent de la vie que les manuels des années 1970 sur la Révolution Française. Le rejet est inévitable. Il est loin le temps du Parti communiste où un passage par l’usine était un moment inévitable du parcours politique.
Au-delà de ce phénomène circonstanciel, la structure du pays semble être passée à droite. Même si la gauche remporte (ce qui sera probablement le cas) une majorité de suffrages, en termes de voix, elle est à ce stade minoritaire.
Avec l’effondrement du Modem, une majorité autre se dessine : l’addition des voix de l’UMP et du Front national approche 50%. Même si cette domination ne se traduit pas encore en nombre de sièges, notamment du fait du mode de scrutin, il est difficile de ne pas noter cette étrangeté : à majorité parlementaire de gauche, majorité démographique de droite.
Jusqu’à quand nos institutions s’offriront-elles le dangereux luxe de ne pas refléter l’expression du pays ?
Il semblerait que François Hollande songe, à l’automne, à ouvrir une réflexion sur ce sujet. C’est un sujet périlleux pour lui. Il aura d’ici là franchi de multiples Rubicon. Le collectif budgétaire et la loi de Finances 2013 vont soit l’obliger à opérer des arbitrages impopulaires qui risquent de décevoir un électorat encore bercé d’illusions, soit le contraindre à endosser une effrayante dégradation des comptes publics. Le dialogue avec l’Allemagne aura ou non porté ses fruits : la redoutable Angela Merkel semble avoir subrepticement tissé autour de notre président une étouffante toile diplomatique. La situation générale du continent se sera probablement dégradée dans des proportions inattendues.
Mais chiche, discutons de la réforme du mode de scrutin, en avalisant la distorsion entre la majorité politique et la majorité réelle. Et laissons les événements en tirer toutes les conséquences. Le peuple est souverain. Le peuple décidera si, oui ou non, les législatives de 2012 marquent l’agonie de la démocratie représentative.