Il semble maintenant acquis que la Grèce va sortir de l’Euro. Et
puisque cette hypothèse devient plus crédible à mesure que les
borborygmes des politiciens dépassés par les événements deviennent plus
incompréhensibles, penchons-nous le temps d’un court billet sur ce qui
pourrait arriver dans ce cas-là…
Tout d’abord, il faut préciser que cette sortie ne pourra pas avoir lieu dans n’importe quelle condition.
Comme le rappelle à bon escient le Dr. North sur son blog (et lisible
en français sur Contrepoints),
la Grèce ne sortira que si elle le veut vraiment : les traités ne
permettent pas de bouter un pays fautif hors de la zone euro ; eh oui,
que voulez-vous, les habiles rédacteurs du traité européen n’ont
absolument pas prévu de possibilité de sortie ni même de sanction. Cette
absence en dit long sur la façon dont a été vue la mise en place de la
zone euro : c’est un processus continuel, sans retour arrière possible,
sans erreurs ni problèmes possibles.
Et surtout, ce fut un traité basé sur la foi inébranlable que chacun
des participants se comporterait comme un parfait gentleman (ou
gentlestate, dans le cas qui nous occupe). Autrement dit : au moment
même où l’encre des signatures séchaient sur le papier du traité, on
savait que chacun des signataires aurait tout intérêt à en tirer le
maximum de profit. Il ne tint finalement qu’à la morale luthérienne des
États du Nord de l’Europe de n’avoir pas cédé à la tentation évidente de
monnayer leurs lubies avec l’argent gratuit des autres, ce que les
États du Sud, à commencer par la Grèce, rapidement suivie par l’Espagne,
l’Italie et la France, pas la dernière à se goinfrer gratis, ne se sont
pas gênés pour faire.
Le fait est maintenant que la Grèce devra donc sortir
« volontairement » : on comprend dès lors les pressions de tous les pays
pour que l’encombrant membre débiteur s’en aille et évite d’entraîner
dans sa chute (inévitable, maintenant) le reste des pays qui lui sont
arrimés par un traité et une monnaie mal foutus. Une pression possible
pourrait être un refus de la BCE à
financer phynancer en pure perte les prochaines échéances grecques, et là, paf la faillite…
À ce moment, l’option la plus simple pour le pays est de purement et
simplement répudier toute la part de sa dette souveraine détenue par le
secteur privé et par la BCE. On peut raisonnablement penser que les
dettes contractées auprès du FMI seront, elles, honorées autant que
possible : la Grèce aura besoin de cet allié, n’en ayant plus aucun du
côté des Européens. La Grèce qui sort de l’Euro veut donc dire, peu ou
prou, que 90 à 100% de ses dettes souveraines seraient annulées. De
loin, ça peut ressembler à un gros ballon d’oxygène que certains
gauchistes s’empresseraient de saisir. Mais c’est de loin, seulement…
Car sortir de l’Euro veut aussi dire, pour la Grèce, introduire une nouvelle monnaie. Le retour de la drachme (
préparé ou non
par le reste des Européens) pourrait être fait, au départ et pour des
raisons de facilités, avec un taux simple genre 1 drachme pour 1 euro.
Le joyeux plantage de centaines de milliards de dettes entraînera
mécaniquement la dévaluation dans la seconde de cette monnaie. Plusieurs
experts l’estiment à au moins 40% (1,66 drachme pour 1 euro). Une
dévaluation plus forte est parfaitement envisageable. Parallèlement,
tous les contrats et instruments financiers sous loi grecque sont
libellés en drachme, toujours avec le taux officiel de 1:1. Et comme ça,
c’est parfaitement prévisible, on peut s’attendre à un
bank run d’ampleur nationale en Grèce (d’ailleurs, ce
bank run a déjà commencé, bien qu’il ne soit pas encore en mode panique).
En clair, si « paf la faillite de l’État grec », l’étape quelques
microsecondes après est « paf le système bancaire grec ». Évidemment,
tous les
autres contrats et instruments financiers, ceux-là en
monnaies étrangères, deviennent difficiles voire impossibles à honorer
(eh oui : avec une monnaie en carton, cela devient plus compliqué, d’un
coup, de rembourser ses dus). À la panique bancaire succède
raisonnablement une panique économique des secteurs commerciaux en
relation avec l’étranger.
Autrement dit, la sortie de la Grèce signifie très concrètement que
le pays devra passer par une dépression carabinée, avec un gouvernement
totalement incapable d’emprunter ensuite en drachme (ou à des taux
quasiment rigolos, parce que rigOlO contient deux O, qui font comme des 0
dans 100%)…
Soyons clair : l’avenir grec est particulièrement peu plaisant.
Et côté zone euro, regardons à présent les joyeux membres de la Confrérie de la Monnaie Qui Donne La Colique.
Sur le plan politique, le départ de la Grèce signifie qu’à partir de
ce point, n’importe quel pays peut, à son tour, partir. Évidemment, il y
a toujours la situation douloureuse où les petits copains se
rassemblent et désignent un vilain canard pour le kicker hors de la zone
(l’Espagne, le Portugal, l’Irlande puis la France et/ou l’Italie
pourraient correspondre à la description). Le marché sentira cette
possibilité, ce qui se traduira concrètement par une fuite, d’abord
ténue, puis visible et enfin massive, des capitaux de ce pays vers
d’autres plus solides.
Ici,
on peut déjà se poser la question : dans les pays qui sont actuellement
en difficultés, lesquels subissent les fuites de capitaux les plus
importantes ? Et d’ailleurs, je ne parle pas que des capitaux
financiers, ici, le capital humain étant, in fine, la richesse future
d’un pays, le raisonnement se tient aussi pour celui-là… À ce propos, on
comprendra qu’une solide augmentation des taxes et des impôts est
exactement la bonne mesure à mettre en place pour exacerber encore ce
mouvement (wink wink nudge nudge mon cher François H).
L’autre possibilité, bien sûr, est que certains prendront cette mesure
avant d’y être forcé, voire le feront pour limiter la casse chez eux. Qu’en pense Angela ?