Le Parti socialiste souhaite reconquérir les classes populaires qui se sont progressivement détournées de la gauche depuis 1981. Un challenge impossible?
Reconquête, car, oui, les classes populaires se sont tournées vers Nicolas Sarkozy en 2007, et le FN aujourd'hui. Loin de la gauche.
Pourtant, le divorce entre la gauche et les classes populaires ne date pas d'hier. "Dès que la gauche arrive au pouvoir, les ouvriers commencent à s'en détacher. Lors des législatives de 1993, une majorité d'ouvriers votent à droite tandis qu'aux élections présidentielles de 1995, Jean-Marie Le Pen arrive déjà en tête des votes dans cet électorat", analyse Nonna Mayer, chercheuse au centre d'études européennes de Sciences Po - CNRS.
Le contexte géopolitique explique également cette mutation du vote ouvrier. Vote de protestation, comme l'explique, dans son livre A quoi sert le Parti communiste, le politologue Georges Lavau, celui-ci s'est déplacé depuis le début des années 90 vers le Front national, en partie à cause de la chute de l'union soviétique et du modèle communiste.
Signe que le vote ouvrier est d'abord protestataire, "40 à 60% des électeurs qui ont voté pour Jean-Marie Le Pen lors des différentes présidentielles auxquelles il s'est présenté ne souhaitaient pas qu'il soit président" analyse le sociologue Sylvain Crépon.
Opération reconquête
Dans ces conditions, le Parti socialiste peut-il renouer avec les classes populaires? C'est en tout cas l'objectif affiché par certains cadres socialistes, tels que François Kalfon qui vient de publier L'équation gagnante. Pour ce secrétaire national chargé des études d'opinion au sein du PS, la victoire en 2012 ne se fera qu'à ce prix.
Mais le 10 mai 1981 mis à part, le Parti socialiste n'a jamais réussi à être majoritaire chez les ouvriers. "L'idée que la classe ouvrière vient naturellement à la gauche et au PS en particulier est une aimable plaisanterie", constate le député de Paris Jean-Marie Le Guen.
Une analyse que confirme Sylvain Crépon: "Depuis les années 80 et 90, le PS est perçu comme un mouvement d'intellectuels sans relais au sein des classes populaires."
L'ancien député de l'Essonne Pierre Juquin estime que "le PS n'a pas assez promu les ouvriers dans ses rangs à l'exception notable de Pierre Bérégovoy".
Constatant que les classes d'employés et d'ouvriers sont aujourd'hui très interpénétrées, François Kalfon pense que le Parti socialiste doit leur répondre simultanément en défendant en priorité "les intérêts du monde du travail".
Mais s'attaquer aux préoccupations des classes populaires ne suffira pas. Il faudra également savoir leur parler. Pour Sylvain Crépon, le Parti socialiste pâtit justement d'une communication inadaptée aux quotidiens des ouvriers: "Beaucoup d'électeurs frontistes ne comprennent pas les discours de gauche et se disent: 'ce n'est pas fait pour moi'".
Pour ce sociologue, "la grande réussite de Nicolas Sarkozy en 2007, c'est justement d'avoir tenu un discours accessible qui faisait sens pour cet électorat". Le PS sait ce qui lui reste à faire pour retrouver la joie du 10 mai 1981.