TOUT EST DIT

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mardi 1 mars 2011

Comment Palomares a survécu à la bombe

Victime de la chute accidentelle d'un engin atomique américain en 1966, la commune tente de tourner la page et de redevenir fréquentable en ouvrant un musée. Reste une question : que faire de la terre irradiée ? 

S’il est une chose qui fait consensus à Palomares (province d’Almería), c’est la lassitude. Après plus de 45 ans à porter le fardeau des bombes thermonucléaires [bombe H, à hydrogène] américaines tombées sur leur commune, les habitants en ont assez des politiques (exception faite de leurs édiles locaux) et de leurs promesses. Ils n’en peuvent plus des techniciens qui aujourd’hui seulement commencent à sortir de leur obscurantisme.
ls fuient aussi la presse, à cause de l’image terrible qu’elle a donnée de leur ville. Quant à la délégation américaine venue en visite le 21 février pour mesurer l’innocuité de la zone, ils ne lui ont demandé qu’une chose : qu’elle emporte une fois pour toutes la terre contaminée. Rien d’autre ne les intéresse. Quand ce sera fait, la municipalité entend construire un parc à thème sur l’histoire des technologies, de l’âge de bronze à l’ère atomique.

Une bombe lâchée lors d'une collision entre deux avions

"Palomares est stigmatisée, socialement et économiquement", déplorait le maire du village, Juan José Pérez, lors de la présentation du projet de Parc des civilisations et des technologies méditerranéennes. Le complexe, entre musée et parc de loisirs, s’élèvera à l’endroit où, le 17 janvier 1966, est tombée l’une des quatre bombes lâchées lors de la collision en plein vol, dans le ciel de Palomares, entre un énorme bombardier B-52 et un ravitailleur sur le point de l’approvisionner en combustible.
Bordés par des champs au nord et au sud, un lotissement à l’ouest et le cimetière du village à l’est, ces quelque 40 hectares entourés de clôtures sont fermés au public, comme le signalent plusieurs panneaux du Centre de recherches sur l’énergie, l’environnement et la technologie (Ciemat). "En dehors de la zone, le compteur Geiger ne signale aucune radiation, explique Igor Parra, représentant local de l’organisation Ecologistas en Acción. A l’intérieur en revanche, il crachote à certains endroits," poursuit-il, accompagné du maire de Palomares et du paléontologue Eudald Carbonell, lauréat du prix Prince des Asturies [Príncipe de Asturias] pour la recherche.
Ce dernier, co-directeur de la fondation Atapuerca [du nom de l’important site préhistorique de la province de Burgos], pourrait être le premier président du parc à venir. "Le projet n’en est encore qu’au stade de l’idée, précise-t-il. Je suis spécialiste des technologies préhistoriques, mais l’évolution des civilisations à travers les technologies m’intéresse beaucoup."

Une réputation tombée plus bas que terre

La région de Palomares se trouve au beau milieu du territoire de la culture d’El Argar qui était, il y a 4 000 ans, la civilisation urbaine la plus avancée d’Europe. La période couverte par le parc commencerait avec cette civilisation, pour aller jusqu’à l’ère nucléaire. Le hic, c’est qu’avant de construire quoi que ce soit, il faut décontaminer. Les Américains souhaitent dépolluer la terre, et les Espagnols qu’ils les en débarrassent. "L’évacuation des matériaux est de la responsabilité du gouvernement des Etats-Unis, mais aussi de l’Espagne", estime Eudald Carbonell, pour qui c’est là le seul moyen de compenser les dommages infligés à ce territoire. Une alternative est à l’étude : soit la dépollution sur place, avec l’important déploiement logistique que cela implique, soit l’envoi de la terre aux Etats-Unis pour décontamination.
"La venue de la délégation est une bonne nouvelle, mais les Américains vont-ils bien emporter tout ce qu’ils doivent emporter ?, s’interroge Igor Parra. L'heure des réparations a sonné." Après la chute des quatre bombes, les Américains n’avaient emporté qu’"un sixième du problème, environ 1 500 mètres cubes de terre", précise le militant écologiste résident de la commune; aujourd’hui, c’est plus de 6 000 mètres cubes qui doivent être transportés. "La solution pour Palomares n’est pas une question de budget, c’est un exercice de justice historique, et cela n’a pas de prix", insiste-t-il.
Chez les villageois, la méfiance règne. Dans un bar, plusieurs habitants regardent au journal télévisé un reportage sur la construction du parc et la visite de la délégation américaine. "Qu’ils viennent donc chercher cette terre, elle a fait suffisamment de mal", s’agace Andrés, le fils du propriétaire de la cafétéria 102 Tapas. Le mal dont il parle, ce n’est pas l’irradiation au plutonium. Non, Andrés parle de la réputation de la région, tombée plus bas que terre. "Je suis d’ici, comme toute ma famille, et nous sommes tous en bonne santé. Mes grands-parents sont morts à 90 ans, de vieillesse", raconte-t-il. Ce sont les anciens qui sont le plus excédés. Le maire Juan José Pérez l’avait dit, le matin : "On a les médias ici tous les jours, venus de tous les pays. Les habitants en ont ras-le-bol."

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