mardi 4 novembre 2014
Jean-Claude Juncker et les dangers de l’habileté
Jean-Claude Juncker et les dangers de l’habileté
Pour quiconque aime l’Europe et espère trouver en elle une partie de l’avenir de la France, l’installation d’une nouvelle Commission est un événement : succédant à une équipe Barroso accusée de tous les maux, la Commission Juncker réunit de solides qualités parmi lesquelles une naissance sous les meilleurs auspices : pour la première fois en effet, le président et ses vingt-sept membres ont reçu, directement ou indirectement, l’onction du suffrage universel. Leur légitimité initiale est donc forte.
D’où vient cependant cette impression de malaise, cette sensation que l’équipe ne part pas avec les meilleures chances ? De la personnalité de certains commissaires, bien sûr, au premier rang desquels se trouve Pierre Moscovici, sorte de Vidocq bruxellois, arnaqueur budgétaire lorsqu’il était ministre en France devenu flic communautaire une fois installé en Belgique. Mais comme il n’est pas le seul commissaire à se retrouver ainsi dans un étrange contre-emploi, on flaire la manœuvre. Et si l’habileté était ce qui manquait le plus au président Barroso, elle risque d’être la première faiblesse de Jean-Claude Juncker. Homme de compromis, spécialiste des combinaisons arrachées au bout de la nuit bruxelloise, le nouveau patron des Vingt-huit symbolise en effet tout ce que l’Europe est capable de produire comme petits arrangements entre pays. Ce n’est pourtant pas de demi-mesures, de plans de relance imaginaire ou d’armistices bancals sur les dossiers les plus conflictuels (la discipline budgétaire, la liberté de circulation et la politique migratoire) dont les Européens ont besoin pour retrouver le goût de l’Union, mais d’une vraie vision. Si la nouvelle équipe est là pour zigzaguer en cherchant à ne mécontenter personne sans parvenir à satisfaire quiconque, nous Français, aurons l’impression d’avoir déjà donné, avec les résultats que l’on sait.
Le retour de M. 3%
Le retour de M. 3%
Au fond, les choses sont assez simples : un homme d’Etat se caractérise par sa constance et sa capacité à ne pas dévier de son socle. A cet égard, le Président François Hollande est exemplaire. Quelques mois avant la primaire socialiste, sa position dans les sondages l’avait fait surnommer « Monsieur 3% ». En mai dernier, c’était encore ce pourcentage qui traduisait le désir des Français de le voir se représenter. Et voilà que le chiffre maudit refait surface : 3% seulement des personnes interrogées jugent réussie sa politique de l’emploi. Tel le capitaine Haddock et son sparadrap, il n’arrive pas à se débarrasser du nombre maléfique. Reste un mystère : comment se fait-il qu’avec un tel talisman, le chef de l’Etat ne parvienne pas à limiter les déficits publics à 3% ?
Terrorisme écolo
Terrorisme écolo
Jets de bouteilles d’acide, de cocktails Molotov et de pavés, tirs de mortiers, coups de barres de fer… Venus pour « casser » – voire tuer – du flic, le ban et l’arrière-ban de l’extrême gauche s’en sont donnés à cœur joie pendant tout l’après-midi de samedi à Nantes, Toulouse ou encore Dijon, comme ils l’avaient déjà fait le week-end dernier sur le site de Sivens. Des déchaînements de violence anarcho-trotskistes qui se multiplient dans l’impunité la plus totale et sont même en passe de faire plier le gouvernement.
Stop à l’impunité !
Censées rendre hommage à Rémi Fraisse, ces manifestations à l’appel de divers groupes anticapitalistes avaient en vérité pour objectif de « casser du flic », comme en témoignent les nombreuses armes (dont des haches !) saisies sur les quelque 35 personnes interpellées à Nantes, Toulouse et Dijon. Des villes qui ont fait l’objet d’une véritable guérilla urbaine des heures durant, au cours de laquelle une dizaine de personnes ont été blessées. Dont un policier touché par une bouteille remplie d’acide…
Dimanche encore, près de 300 militants d’extrême gauche se rassemblaient illégalement dans le nord-est de Paris pour en découdre avec les forces de l’ordre, qui ont procédé à 76 interpellations, dont 19 gardes à vue. De source policière, certains des interpellés avaient encore dans leurs sacs « des marteaux, des pinces, des casques, des poings américains, des pétards et des engins incendiaires ».
Capitulation en vue
Une situation absolument inconcevable en un temps où la moindre altercation impliquant un individu « d’extrême droite » ou prétendu tel entraîne illico la dissolution du ou des mouvements dont il est sympathisant. Alors que les groupuscules d’extrême gauche, dont certains entrent clairement dans la catégorie « terroriste », saccagent régulièrement des centres villes et s’en prennent violemment aux forces de l’ordre depuis des années, aucun d’entre eux n’a en effet, à ce jour, été dissous. Une impunité scandaleuse très justement dénoncée samedi par le FN.
Mais il y a pire encore. Alors que les forces de l’ordre pansaient dimanche leurs blessures et que l’on commençait à déblayer les gravats à Nantes et à Toulouse, le ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, préparait les Français à une lamentable capitulation devant ces groupuscules, en expliquant qu’il y avait eu « manifestement une erreur d’appréciation » dans le dossier du barrage de Sivens et qu’un « tel ouvrage ne serait plus possible aujourd’hui » !
Discrimination, sexisme et rasoirs roses exorbitants
Même si la France, citoyenne et guillerette, trottine tous les jours vers les vastes prairies de l’égalitarisme total nous assurant à tous du miel et du lait par tsunamis onctueux, il n’en reste pas moins d’importants combats à mener pour s’assurer que nous arriverons tous à destination sans nous perdre en chemin. Aujourd’hui, nous découvrons avec stupeur une pierre de plus, jetée sur la route pourtant lisse qui doit nous mener au bonheur intégral : les produits féminins seraient bien plus chers que les produits masculins.
Or, s’il existe bien une règle absolue à laquelle personne n’échappera dans tout pays qui se veut égalitaire, c’est celle qui dit qu’on ne doit discriminer personne et, mieux, qu’on doit absolument accommoder tout le monde. Et ça tombe bien : la France est le pays qui a placé au rang d’art le fait d’accommoder les choses entre elles, comme en cuisine avec le sucré et le salé, ou en politique avec les blaireaux et les ânes. Accommoder les producteurs avec leurs consommatrices ne devrait donc pas relever de l’impossible, qui n’est pas Français et ça tombe donc encore mieux.
Tout part du constat d’une banalité presque violente que certains produits, destinés à des femmes, sont plus chers que leurs équivalents masculins.
Grâce à l’enquête de terrain mené par une volée de trentenaires ne reculant devant aucun effort pour découvrir une vérité jusqu’alors cachée de tous, le pays découvre petit-à-petit l’ampleur de la conspiration qui s’est jouée, depuis des décennies, contre la moitié de la population. C’est le collectif Georgette Sand, toute jeune association manifestement fort bien introduite auprès des médias, qui aura alerté l’opinion sur cet extraordinaire scandale, grâce à l’habile truchement d’un communiqué de presse facile à gober sans mâcher et à digérer pour le journaliste-pigiste du 21ème siècle. Et c’est Gaëlle Couraud, apparemment désignée par le collectif pour porter fièrement sa parole, qui s’est écriée :
« On s’est rendu compte que sur des produits de la consommation quotidienne, les femmes étaient systématiquement taxées ! »
Diable ! Ainsi donc, les femmes subiraient une « taxe rose » ! Ainsi, un déodorant (de couleur rose) pour les femmes sera vendu 4,15€ alors que le même en noir, insidieusement libellé « pour homme », ne sera vendu que 4,11€, soit une différence de 4 centimes. On pourrait, devant la modestie de la différence, hausser des épaules. Ce serait une grave erreur, parce que cette dernière est parfois bien plus importante, comme chez le coiffeur où le shampoing-coupe-brush s’étalonne gentiment autour de 8€ là où la même opération s’affiche à un 13€ indécent pour les femmes.
Le pays vacille. Les foules, en effroi, s’agitent et la tension est à son comble. Qui va bien pouvoir se lever et, enfin, mettre un terme à ces discriminations abominables ? Rassurez-vous : cette question, aussi rhétorique que conne, est heureusement répondue avec vélocité parPascale Boistard, qui est, comme vous le savez bien évidemment, la secrétaire d’état payée avec vos sous pour se charger des droits des femmes qui ne comprenaient apparemment pas celui, indispensable, d’acheter des produits masculins lorsqu’ils sont les mêmes que ceux des femmes, mais moins chers :
« C’est une injustice qui ne doit pas perdurer. »
C’est pourquoi, entre deux réformes dantesques et autres annulations de taxes virulentes dont le pays est maintenant perclus, les agents de la forteresse de Bercy se pencheront sur le cas épineux qui leur est présenté : une enquête sera lancée, des relevés seront faits, des actions seront prises et les coupables seront, soyez-en assurés, punis. Ouf, on a évité le pire.
Mais pas l’avalanche de facepalms.
Encore une fois, on est ici dans le même raisonnement boiteux que celui qui présuppose que les femmes sont victimes de discriminations salariales, et subiraient un plafond de verre qui leur interdirait des postes hauts placés comme grutier ou commandant de bord (ou qui relèguerait Christiane Taubira aux karaokés d’estrade). La réalité, comme bien souvent, est bien plus complexe que ce que les féministes de combat, les bobos et autres lutteurs anti-discrimination tous azimuts sont capables d’appréhender.
La réalité, c’est par exemple que si les femmes étaient systématiquement moins chères que les hommes à l’embauche, les patrons (dont on leur reproche d’être toujours trop près de leurs sous) n’embaucheraient plus d’hommes, et réaliseraient ainsi de substantielles économies sur leur masse salariale. Mais s’il ne le font pas, c’est à l’évidence qu’il y a un complot sexiste patriarcal et tant pis pour le rasoir d’Occam (dont la version rose se vend manifestement très mal).
La réalité, c’est que lorsqu’on le leur demande, les femmes préfèrent majoritairement être dirigées par des hommes que par des femmes. Là encore, il semble évident que l’enquête qui, depuis plusieurs décennies, parvient régulièrement à cette conclusion est réalisée par une bande de machos dominateurs. Aucune autre explication n’est possible.
Quant aux honteuses différences de prix entre les produits, l’énorme bruit de fond médiatique causé par la « révélation » du collectif de vaillants branleurs et de courageuses cruches en cache la raison pourtant fort simple : le marché, qui est l’agglomération rationnelle et inévitable de millions de choix individuels, a montré sans réfutation possible que c’est exactement ce que les gens voulaient. Non, le déodorant rose pour femme n’est pas le même que le déodorant noir pour homme et oui, certaines femmes sont effectivement prêtes à payer un peu plus pour avoir un emballage rose.
En toute logique, le collectif devrait s’en prendre à ces individus-là qui ont le mauvais goût de choisir une telle couleur pour un déodorant, qui ont le porte-feuille suffisamment détendu pour se permettre ce genre de folies. Mais voilà, s’en prendre à eux, c’est refuser la liberté de ces individus qui achètent des déodorants plus chers en toute connaissance de cause, ou (plus grave) sous-entendre qu’ils sont trop cons pour mesurer la différence.
Du reste, le collectif n’a pas mené l’étude inverse, qui aurait montré que certains produits, certains services, sont effectivement plus coûteux pour les hommes que pour les femmes (parce qu’avec les hommes, c’est bien fait pour eux, peut-être ?). Entre les chaussures et le prêt-à-porter (notoirement plus cher pour les hommes que pour les femmes, quantités écoulées obligent sans doute), et certains services gratuits pour les femmes mais pas pour les hommes (les entrées en boîtes de nuit, par exemple), on comprend qu’en réalité, la différence s’inscrit dans une démarche tout à fait logique et que la discrimination (i.e. la différenciation, la segmentation de marché) répond à la fois à un besoin pour le consommateur, et à une contrainte pour le producteur.
Enfin, on peut s’interroger franchement sur le bon sens de l’œuvre du collectif : à quoi peut bien servir la pétition lancée ? Combien pèseront les 20.000 (ou même 100.000 signatures) récoltées devant les millions d’actes individuels qui valident tous les jours, consciemment ou non, les stratégies des vendeurs et les attentes des acheteurs ? Le risque évident n’est bien sûr pas dans les petits crobards pétitionnaires, mais dans la suite qui leur sera donnée, sous forme d’un énième lobbying gouvernemental ou parlementaire, qui aboutira, une fois de plus, à une règlementation (ou pire, à une contre-taxe).
Et d’après vous, qu’adviendra-t-il de la liberté des prix lorsque ce lobbying sera passé ?
Pourquoi la France coule
Depuis une quarantaine d’années, l’Europe et les entreprises françaises internationales ont permis de sauver la France du naufrage. Mais cela ne suffit plus pour nous maintenir à flot : nous coulons.
Le gouvernement français est passé sous le contrôle de la Commission européenne après n’avoir pas tenu sa promesse de réduire la dette publique. En réalité, depuis trente ans, les gouvernements se sont tous montrés incapables d’équilibrer leur budget. La contradiction entre cette gestion catastrophique de l’État et la relative prospérité de la France reste un mystère. « Le gouvernement français se trompe sur tout, et pourtant le pays fonctionne », me déclarait Milton Friedman dans les années 1980. Milton Friedman expliquait cette contradiction entre une politique économique étatisée et un taux de croissance relativement satisfaisant par la fraude et le marché noir. « On ne paye pas ses impôts et l’on n’applique pas les réglementations trop strictes : les entrepreneurs peuvent donc continuer à produire et à innover. »
Dans le cas où l’hypothèse de Friedman serait juste, le marché noir et la fraude ne suffisent pas, aujourd’hui, à maintenir la croissance. Pour décrire la tendance, les médias emploient une expression paradoxale : croissance négative. La population française augmentant de 1% par an, une croissance négative signifie que le revenu par personne décline. Pour la classe moyenne, le choc peut être moins violent – on hérite d’un capital ou d’une maison de campagne. Pour les plus jeunes, la croissance négative signifie moins d’espoirs et pas d’emplois. Même pour les enfants de la bourgeoisie, les stages non rémunérés sont devenus la norme.
Cet effondrement de l’économie française ne doit pas être imputé exclusivement au gouvernement socialiste. Il est vrai que François Hollande n’a guère amélioré les choses en déclarant, lors de son élection, qu’il considérait le monde de la finance comme son pire ennemi, pour clamer deux ans plus tard son amour pour les entrepreneurs. Si Hollande était un vrai socialiste, les entrepreneurs pourraient s’adapter : plus déstabilisant, il se montre imprévisible. Ses gouvernements promettent de réduire la dette publique, mais elle augmente. Hollande annonce aux entrepreneurs qu’il va leur simplifier la vie, mais ajoute de nouvelles réglementations au nom de la protection de l’environnement. Ces étranges politiques n’expliquent pas à elles seules la tragédie en cours : le déclin a vraiment commencé dans les années 1980, quand le gouvernement n’a pas vu que la mondialisation nouvelle allait détruire la manière française traditionnelle de gérer l’économie par des monopoles, des marchés fermés etun capitalisme de copinage. Au lieu de Margaret Thatcher et Ronald Reagan, les Français ont élu une série de présidents centralisateurs, de gauche comme de droite. Au lieu de déréglementation et de souplesse, tous ces dirigeants ont, sans exception, augmenté les impôts et les réglementations. Le paroxysme de cette tendance à contretemps fut atteint en 1998, avec la loi des 35 heures, qu’aucun gouvernement n’a encore osé supprimer.
Il nous faut aussi dépasser l’hypothèse de Friedman pour comprendre comment une poignée d’entrepreneurs français parvient encore à générer de la croissance. L’économie française ne s’effondre pas encore pour deux raisons essentielles. Tout d’abord, un nombre de très grandes entreprises parvient à contourner les restrictions en devenant globales. L’armement, les transports, les chaînes de distribution, le luxe, les banques et les compagnies d ‘assurance font la plupart de leurs affaires, et de leurs profits, à l’étranger. Seul leur siège social reste à Paris, pour bénéficier de l’image positive du « made in France ». Si leurs performances sont notables sur le marché international, il faut souligner que toutes ces entreprises ne datent pas d’hier. Parmi les 40 premières entreprises françaises qui dominent le marché, aucune n’a moins de 50 ans. En France, l’entreprenariat est davantage fondé sur un héritage bien géré que sur l’innovation.
Le second pilier qui maintient l’économie française est l’Europe. Les États européens restent les premiers clients de la France. La centralisation française est compensée par le marché libre de l’Union européenne : l’Europe limite la tendance française à tout réglementer et tout nationaliser. La Banque centrale européenne a mis un terme à la longue histoire d’amour entre la France et l’inflation. Si l’Euro semble fragile, le Franc était un fléau, menant, à travers l’inflation, à la déstabilisation répétée de la société.
Depuis une quarantaine d’années, l’Europe et les entreprises françaises internationales ont donc permis de sauver la France du naufrage. Mais ces bouées de sauvetage ne suffisent plus pour nous maintenir à flot : nous coulons. Le processus est probablement trop lent pour susciter un véritable sentiment d’urgence. Il est vrai que l’on parle de réformes, mais aucun leader politique et peu de commentateurs n’osent être précis sur le contenu de ces réformes. En un mot, la France aurait besoin d’une « destruction créatrice », le mot de Joseph Schumpeter (en 1940 quand il enseignait à Harvard) pour décrire le capitalisme en action. Manuel Valls ne va pas dans ce sens. Si le gouvernement était vraiment sérieux, il prendrait deux décisions radicales : abolir les 35 heures et autoriser l’exploitation du gaz de schiste, abondant. Ces deux verrous sont des freins à la croissance et des tabous politiques. Hélas ! Manuel Valls répète qu’il ne brisera pas ces idoles, mais se consacre à des « réformes », aussi insignifiantes que le nombre des régions. Il ne faut pas uniquement rejeter la faute sur sa lâcheté politique : il paraît impossible d’être élu en France avec un programme fondé sur le libre marché, quand un tiers de la population vit d’un emploi dans le secteur public ou de l’aide publique.
Voici pourquoi, pour la première fois dans l’histoire de France, des jeunes entrepreneurs quittent en masse leur pays pour commencer une nouvelle vie ailleurs : le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et la Chine étant leurs destinations de choix. Un tel exil volontaire est sans précédent. On estime à trois millions le nombre de citoyens français, la plupart jeunes et actifs, ayant choisi de rester français mais pas en France. Ils rentreront chez eux pour les vacances, rendre visite à leurs vieux parents ou pour leur retraite. Le futur de l’économie française pourrait bien se trouver hors de France.
Sur le chemin d’Athènes
Écoutons bien Giscard lorsqu’il prédit qu’avant dix-huit mois, la France se retrouvera dans la situation de la Grèce, obligée de se placer sous la tutelle du FMI.
En fin de semaine dernière, la Commission européenne a écrit à Michel Sapin, notre distingué ministre des Finances et des Comptes publics, pour lui signifier que le projet de budget de la France pour 2015 ne tenait pas la route. Bruxelles s’inquiète notamment du déficit budgétaire qui s’accroît à nouveau et va venir grossir une dette qui étouffe progressivement toute l’économie. Vexé comme un pou, François Hollande a déclaré que le gouvernement français répondrait à cette lettre mais sans rien changer à son projet de loi de finances. Finalement, lundi soir, le gouvernement a amendé le budget en diminuant les charges de 3,6 milliards d’euros.
Bien sûr, certains diront que la Commission européenne n’a pas à nous donner des leçons, alors qu’elle a laissé l’Espagne et le Portugal aller dans le mur sans crier gare. Bien sûr, d’autres diront que le président de la République a bien raison de tenir tête à ces technocrates bruxellois qui veulent humilier la France. Bien sûr, derrière toute cette correspondance formelle, il y a aussi le jeu ambigu de l’Allemagne, qui veut contraindre notre pays à respecter les traités sans interférer elle-même dans notre politique budgétaire et dans les réformes annoncées. Il n’empêche que c’est la première fois dans son histoire que la France est sommée de donner des explications sur ses comptes publics, donc sur sa politique à moyen terme, les moyens qu’elle se donne et les réformes qu’elle envisage. C’est la première fois que la France, cinquième économie au monde et l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu pourvu du droit de veto, prend publiquement des coups de règle sur les doigts, comme le cancre de la grande classe européenne. C’est dire si le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe, lui qui n’avait pas hésité à mener la politique de la chaise vide à Bruxelles, entre juin 1965 et janvier 1966.
Mais il y a plus grave que la lettre, écrite en anglais, d’un obscur commissaire européen nous demandant quelques explications techniques. Au cours du week-end dernier, et en plein milieu des vacances de la Toussaint, l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing a accordé une longue interview à nos confrères du Figaro. Du haut de ses 88 ans, il se permet de remettre l’église au milieu du village. « Depuis dix ans, la France, comme tous les pays de l’Europe latine, s’est laissée aller au dévergondage budgétaire », assène-t-il d’emblée avant de rappeler que « les déficits ont des conséquences invisibles sur la dette. L’opinion ne les mesure pas. Elle croit qu’il existe un trésor caché qui payera la dette ». Et l’ancien chef de l’État de prédire le pire : « Aujourd’hui, nous sommes protégés par des taux d’intérêt très bas, mais c’est provisoire. […] Le changement de la politique monétaire américaine aura des conséquences sur les taux d’intérêt exigés par les créanciers de l’État français. Ce jour-là, notre pays risque de se retrouver dans la situation qu’a connue la Grèce. Les pouvoirs publics seront conduits à demander l’aide du FMI. ».
Autant VGE n’a pas toujours fait preuve de clairvoyance en matière sociétale ou d’immigration lorsqu’il était à l’Élysée, autant peu nombreux sont ceux qui peuvent prétendre que son jugement économique n’est pas fondé. Tout jeune ministre des Finances du général de Gaulle, il avait même préparé l’instauration d’une règle d’or pour empêcher la France de tomber dans le piège de l’endettement.
Tout cela donne du crédit à ses propos lorsqu’il voit la France emprunter le chemin de la Grèce, avec une dette qui va dépasser dans les mois à venir 100 % de notre richesse nationale et des intérêts annuels qui représentent 48 milliards d’euros. Le pire sera surtout le moment où les investisseurs étrangers commenceront à prendre peur. Déjà, la semaine passée, l’un des principaux gestionnaires américains de fonds spéculatifs a annoncé qu’il vendait tout ce qu’il détenait en titres de la dette française et qu’il achetait des actions grecques !
Et encore, l’ancien président de la République est optimiste lorsqu’il déclare que ce scénario apocalyptique pourrait intervenir d’ici dix-huit mois. Tout indique qu’il devrait se produire bien plus vite. Surtout si la croissance française ne redémarre pas, si Manuel Valls est contraint de quitter Matignon, si la gauche, comme l’a reconnu François Rebsamen, demeure « en situation d’échec » et si François Hollande se refuse à renverser la table d’un État providence en faillite. Il ne lui restera plus alors qu’à rejoindre le perron de l’Élysée et à attendre l’arrivée de Christine Lagarde, directrice générale du FMI, venant lui annoncer qu’elle a accepté de prendre la France sous sa tutelle.
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