Passé le tumulte politique créé par le départ de Delphine Batho, François Hollande va devoir enclencher trois gros chantiers pour réellement relancer la France. Mais le refus – la peur même – du changement que manifestent les Français risque d’empêcher les nécessaires évolutions. Programme chargé. Le clash avec Delphine Batho, cette semaine pouvait laisser penser que le président de la République avait enfin décidé de reformer sa politique économique vers plus de pragmatisme. Officiellement en effet, Delphine Batho, ministre de l’Écologie a été licenciée pour avoir contredit publiquement la ligne budgétaire du gouvernement. Le président de la République et son premier ministre ne pouvaient pas accepter de nouveaux couacs.
Un ministre en désaccord, ça démissionne ou ça ferme sa gueule disait Chevènement. Delphine Batho pensait pouvoir tenir une ligne différente de la ligne officielle et se maintenir à son poste. Arrogance ou naïveté, le président de la République ne pouvait pas accepter que son autorité soit ainsi bafouée. Mais ce qui est important dans cette affaire, c’est que Delphine Batho, outre le fait qu’ elle ne digérait pas les coupes budgétaires, était porteuse d’une politique écologiste très radicale prônant une transition écologique rapide comme remède à la crise, avec à la clef un recul de l’industrie nucléaire et un développement des énergies renouvelables. Ce que personne dans le monde des affaires pouvait imaginer, pour des strictes raisons de compétitivité. Les entreprises occidentales ont besoin de baisser leurs coûts de production.
L’énergie représentant jusqu’à 30% des prix de revient, il est évident que tout le monde fait la course à l’énergie la moins chère. L’Amérique du Nord a découvert dans les gaz de schistes le moyen de relancer sa compétitivité. Du coup, ce que le monde des affaires français revendiquait depuis deux ans c’était l’autorisation d’expérimenter l’exploitation des gaz de schistes. Pour les écologistes, impossible, et Delphine Batho menait ce combat sans aucune réserve. Quand elle a été limogée, on s’est donc dit que François Hollande allait enfin donner un coup de canif au principe de précaution. En fait il n’en sera sans doute rien. Delphine Batho est partie pour non-respect de la solidarité gouvernementale dans le domaine budgétaire. La politique de l’énergie c’est autre chose. Pas question de se mettre à dos l’ensemble des écologistes et l’extrême gauche. et tant que la majorité présidentielle aura besoin de ses différents courants, tout ce qui est à la base du contrat présidentiel sera sanctuarisé…
François Hollande pourra se résoudre a tailler un peu dans les dépenses publiques, il saura le gérer politiquement avec les fonctionnaires.
Il pourra amorcer une réforme des retraites, il pourra nouer un compromis en expliquant que c’est le prix a payer pour continuer a s inscrire dans l’Europe solidaire. Il pourra même modifier le contrat de travail en négociant avec les syndicats. Il sait faire. Ça grognera, mais ça passera. Mais pour ce qui est des grands chantiers de reformes structurelles qui touchent aux fondement même du système, il sait trop les résistances idéologiques qu’ ils ne pourra pas vaincre sans casser sa majorité. Il n’ouvrira donc pas ces chantiers qui sont pourtant au cœur du blocage de la société française.
Le premier de ces chantiers porte sur le progrès technique. L’opinion publique française a peur du progrès technique. De l’innovation. C’est spectaculaire dans l’agro-alimentaires avec l’aversion pour les OGM. Spectaculaire dans l’énergie sur le nucléaire et les gaz de schistes. Cette inquiétude est complètement irrationnelle. Elle marque un manque de confiance totale dans l‘intelligence et la capacité de nos chercheurs à trouver des solutions sécurisés. Cette inquiétude, liée à la frilosité des politiques a engendre un écosystème décourageant pour l’entrepreneur, et dissuasif d innovations. Or l’innovation sous toutes ses formes, c’est le nerf de la guerre.
La solution à beaucoup de nos maux. L’interdiction d’innover avait d’ailleurs été légalisée par l’inscription du principe de précaution dans la Constitution. Ce que Jacques Chirac avait initié par démagogie et populisme, François Hollande ne le défera jamais, tant que ses alliés politiques l’utiliseront à des fins idéologiques L’innovation c’est le carburant d une croissance capitaliste. La gauche de la gauche cherche le secret d’une croissance non capitaliste et si elle ne la trouve pas, elle défendra la non-croissance. Le premier chantier qu’’il faudrait ouvrir est donc celui de la destruction du principe de précaution. C’est le mur contre la modernité.
Le deuxième chantier porte sur la mondialisation et la globalisation de l’économie. L’opinion publique française a peur de la mondialisation parce qu’elle pense que la mondialisation est porteuse de délocalisations industrielles, de destruction des productions et de chômage. C’est évidemment faux. La mondialisation détruit certes mais elle ne détruit que les secteurs qui ne sont pas compétitifs. La solution n’est donc pas de se protéger, de s’enfermer, mais d’affronter les contraintes de la productivité. François Hollande fera sans doute le minimum pour aider la compétitivité des entreprises, mais il n’engagera pas une grande politique pour envoyer les entreprises à l’exportation. Il laissera Arnaud Montebourg abimer l’image des industriels et l’attractivité de la France se dégrader.
Le troisième grand dossier est celui de la concurrence. La concurrence est porteuse de progrès or l’opinion publique française en a peur. Les Français ne veulent pas de cette compétition-là. Ils préfèrent des garanties d’emplois ou des parcours professionnels sécurisés. Des diplômes qui ouvrent les portes plutôt que des formations qui permettent de s’adapter aux changements. Le monde moderne entrainera de plus en plus la mobilité. Mobilité professionnelle. Mobilité géographique. La France est un pays qui a sacralisé la rente, l’indemnisation sociale, la protection, la perfusion.
François Hollande ne pourra pas changer ce qui est figé depuis tant de temps. Les quatre présidents de la République précédents ont pensé déréguler des professions entières. Ils ont envisagé de le faire. Les rapports se sont multipliés. Du premier rapport Nora, il y a trente ans et plus, au dernier rapport Attali demandé par Nicolas Sarkozy. Rien n’a changé ou presque. En Italie , Mario Monti a mis trois mois à appliquer 70% du rapport Attali. La France n’avait pas réussi en cinq ans à en assumer 10%. François Hollande n’a aucune raison de faire, ce que Nicolas Sarkozy n’avait pas réussi à lancer