samedi 22 mars 2014
Washington fait vaciller la Bourse de Moscou
Les sanctions occidentales contre, notamment, la « banque personnelle des hauts responsables russes » commencent à perturber l'économie de la Russie.
Après la deuxième salve de sanctions américaines et européennes, l'ours russe a perdu de sa superbe. Le principal coup de griffe a été asséné par Washington et a fait vaciller la Bourse de Moscou, dont l'indice RTS a perdu, vendredi, 1,27 %. Le titre Novatek, producteur de gaz contrôlé par un proche de Vladimir Poutine, Guennadi Timtchenko, a reculé de près de 8 %. Ce dernier fait partie des cinq oligarques membres de la fameuse coopérative Ozero, un groupe de propriétaires de datchas fondé en 1996 à Saint-Pétersbourg autour de Vladimir Poutine. Tous sont frappés par les sanctions américaines. Privé de visa, Iouri Kovaltchouk voit aussi ses avoirs personnels aux Etats-Unis gelés, tout comme sa banque, Rossiya, considérée par le département d'État comme «la banque personnelle des hauts responsables russes».
Dans la foulée, tous les clients de cet établissement financier, 17e au classement des avoirs, ont vu leur cartes Visa et Mastercard bloqués, seulement accessibles au retrait dans les distributeurs. Les deux grandes sociétés de paiement ont pénalisé six autres banques russes, dont SMP, un établissement contrôlé par les frères Rotenberg, eux-mêmes proches du chef du Kremlin. Ultime effet boule de neige des sanctions américaines, les agences Fitch et S & P ont révisé à la baisse la note souveraine de la Russie, qui passe pour Standard & Poors, de «stable» à «négative». «Cela signifie que les grands fonds d'investissement vont revoir leur stratégie au détriment de la Russie», souligne Evguenia Kanakhina, analyste chez Pallad Asset management.
Le pouvoir russe a encaissé le choc sans broncher. Vladimir Poutine a même ironisé sur les sanctions américaines. Faisant mine de méconnaître la banque Rossiya, le chef du Kremlin a annoncé à la télévision son intention d'ouvrir un compte dans cet établissement afin d'y faire «transférer son salaire». Il a conseillé aux autres clients de Rossiya de délaisser Visa et Mastercard au profit de prestataires financiers… chinois. Alors que le ministère des Affaires étrangères avait dévoilé, dès jeudi soir, une contre-liste de représailles aux sanctions américaines, le président russe a demandé, hier, à son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, de «s'abstenir» d'une telle initiative.
Toujours à la télévision, ce dernier s'est vu confier la tâche de faciliter la constitution d'une équipe d'observateurs de l'OSCE en Ukraine: une initiative que les chancelleries occidentales réclament désespérément. «Ces déclarations, que Poutine est susceptible de contredire quelques heures plus tard, n'ont aucune signification», estime la kremlinologue Maria Lipman, qui critique la «voie dangereuse» empruntée par son pays. «Suivre le chemin de ceux qui sont ouvertement russophobes et isoler la Russie est une voie sans issue», a répliqué Sergueï Lavrov.
Entre abstention et punition
Entre abstention et punition
Le syndrome du “tous pourris” peut faire monter le FN et l’abstention. Mais ne sauvera pas le PS d’une sanction des urnes…
Depuis trente et un ans, on n’aura pas connu d’élections plus politiques. Dernières du genre : les municipales de mars 1983 qui, deux ans après la victoire de François Mitterrand, avaient vu la gauche perdre ses plus beaux bastions (Nantes, Grenoble, Reims, Saint-Étienne…) et Jacques Chirac réaliser le grand chelem à Paris en conquérant vingt arrondissements sur vingt.
Le désaveu qui frappe François Hollande étant infiniment plus profond que la déception qu’inspirait alors son modèle, tout devrait concourir à ce que, ces 23 et 30 mars, les candidats du pouvoir (même quand ils évitent d’arborer la rose socialiste) subissent un choc en retour meurtrier sur l’air bien connu de “sortez les sortants !”. Leur seul espoir, qui n’existait pas en 1983 : que le syndrome du “tous pourris”, revenu en force ces derniers jours, fasse monter le Front national à un niveau tel qu’il puisse se maintenir dans un maximum de villes afin de fixer des voix qui, du même coup, ne se reporteront pas sur l’UMP.
Ce beau calcul n’est pas sans faille : rien ne dit en effet qu’au lieu de profiter essentiellement au parti de Marine Le Pen (qui, rappelons-le, ne présente pas de candidats partout, loin s’en faut), la multiplication des affaires n’incite pas, d’abord, à l’abstention. Or chacun sait que la victoire va à ceux qui mobilisent le mieux — ou le moins mal — leurs électeurs. Qui peut prétendre sans rire que la gauche est, même légèrement, en meilleure forme que la droite ?
La tirade des mais
La tirade des mais
Car il y a pléthore de mais quand au simple énoncé de la nécessité un téméraire s'aventure. Mais qu'en adviendra-t-il de la proximité, mais le département fait partie de notre histoire, mais les régions sont à taille européenne, mais l'intercommunalité est une efficace mise en commun, mais on va ainsi réduire encore l'emploi, mais c'est ignorer qu'il faut être au contact du terrain pour bien décider et gouverner à Paris.
Dans cette tirade des mais que régulièrement on nous sert, jamais vous n'entendrez parler de clientélisme, de cumul de mandats, de laxisme, d'indemnités, de blocages clochemerlesques, de ces élections où les signatures d'élus sont si importantes… Et pourtant il est temps d'interrompre cette dérive que l'on est bien aimable de baptiser du nom d'une pâtisserie alors que c'est d'une folie dépensière qu'il s'agit. 36.786 communes, le record d'Europe, et un empilement de pouvoirs qui défie le bon sens quand la crise ne fait que creuser les inégalités et les déchirures territoriales en accroissant les tensions sociales et politiques.
Demain dans 64 communes les électeurs ne voteront pas faute de candidats. On s'est lamenté d'abondance sur ce qui serait une perte de vitalité de la démocratie locale. Or ce n'est que le sens de l'histoire. Il faut mordre dans le millefeuille, rassembler les communes et les adosser aux métropoles pour en faire les outils du mieux vivre partout et pour tous.
Ecoutes : Valls informé par la "cellule anti-Sarko"
Comme l’a révélé le Canard enchaîné le 12 mars — et contrairement à ce qu’a affirmé Manuel Valls —, le ministre de l’Intérieur était au courant de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy avant la parution du journal le Monde du 7 mars.
Mais le locataire de la Place Beauvau n’a pas été informé par la hiérarchie policière classique. Christian Lothion, le patron de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) jusqu’en décembre 2013, est d’ailleurs très remonté contre le fait qu’un policier de la police judiciaire l’ait court-circuité et ait pu transmettre directement l’information de la mise sur écoute de Sarkozy au ministre. Un policier haut placé nous confirme par ailleurs que des “notes blanches” circulent de plus en plus à l’Intérieur. Elles seraient rédigées par les policiers en charge des écoutes de Sarkozy. Ceux-ci, ayant accès à leur contenu intégral, feraient remonter au ministre les informations essentielles via un circuit parallèle organisé par une cellule officieuse. Cette cellule serait composée de policiers de la sous-direction en charge de la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière, exécutants, et de leur ancien patron, l’actuel directeur de la police judiciaire parisienne, Bernard Petit. Grâce à ces “notes blanches”, des extraits d’écoutes téléphoniques ou des procès-verbaux d’auditions censés rester secrets peuvent être transmis en toute discrétion au ministre de l’Intérieur et à l’Élysée sans qu’il y ait — “officiellement” — de violation du secret de l’instruction.
Selon que vous serez puissant ou misérable…
Pas de chance (une nouvelle fois) pour le gouvernement dans sa lutte contre le chômage : les défaillances d’entreprise ont progressé de près de 4 % durant les deux premiers mois de l’année. Selon une étude publiée conjointement par Deloitte et Altares, 11 400 sociétés ont arrêté leurs activités en janvier et février. Pas un secteur n’est épargné, contrairement à l’année 2009 où les effets de la crise s’étaient fait sentir dans l’immobilier et l’industrie. Les deux cabinets de conseil prévoient que l’année 2014 se terminera avec plus de 60 000 faillites d’entreprise (un chiffre légèrement inférieur à celui enregistré en 2013), ce qui représente près de 270 000 emplois.
Ce sont les plus petites entreprises qui paient aujourd’hui le plus lourd tribut à la crise, surtout celles qui n’exportent pas : leurs marges diminuent inexorablement et ce, pour la troisième année consécutive. « L’évolution du taux d’épargne des PME suit celle du taux de marge », constate l’Observatoire du financement des entreprises dans son rapport publié en janvier 2014. Ce qui a conduit les PME, pour celles qui le pouvaient, à recourir à la dette. « L’endettement total a continué à croître de 2,7 % en 2012 », poursuit l’Observatoire, qui constate une faible demande de crédits, surtout pour ceux destinés aux investissements, donc à préparer la croissance future.
Signe d’une plus grande sélectivité des banques dans les dossiers de financement des PME, le taux d’obtention des crédits est passé de 83 % en 2011 à 78 % en septembre 2013. Mais la situation est sans doute bien pire, car les petites entreprises seraient de plus en plus nombreuses à s’autocensurer, craignant un refus des établissements bancaires qui demandent des garanties toujours plus importantes aux chefs d’entreprise. Ces derniers ont sûrement un avis éclairé sur la facilité avec laquelle Bouygues et Numericable ont bouclé en quelques jours un financement de plusieurs milliards d’euros pour s’attirer les faveurs de Vivendi, auprès d’établissements bancaires où ils ont eux-mêmes leur compte ainsi que celui de leur PME. « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », écrivait Jean de La Fontaine dans les Animaux malades de la peste. Il n’avait pas tort…
Tout commence aux municipales
Parce que c’est là que se constituent le réseau et l’enracinement du parti qui vous porte ensuite durant la campagne de la présidentielle et des législatives.
La défaite socialiste de 2002 s’est préparée aux municipales de 2001 ; la victoire socialiste de 2012 s’est construite à partir des municipales de 2008. Certes, cela paraît facile à dire quand on connaît les résultats ; on peut toujours affirmer que Lionel Jospin a été éliminé du second tour de la présidentielle de 2002 par sa propre faute, que François Hollande a moins été élu par son propre succès que par la défaite (courte) de Nicolas Sarkozy. Il n’empêche : c’est aux élections municipales que tout commence. Parce que c’est là que se constituent le réseau et l’enracinement du parti qui vous porte ensuite durant la longue campagne des “quatre tours” (présidentielle et législatives), là que se fabriquent les personnalités, que se jouent les réputations, que se révèlent les ambitions.
Si Jospin perd son combat en 2002, alors que tout Paris le donne gagnant, c’est parce que ça “flotte” derrière lui : la victoire de la gauche à Paris et à Lyon l’année précédente a masqué sa défaite dans 59 villes de plus de 10 000 habitants. Les points que la droite a marqués vont permettre à Chirac de mieux résister l’année suivante au premier tour et de triompher au second. Au contraire, aux municipales du printemps 2008, la droite au pouvoir est durement sanctionnée : la gauche reprend 90 villes de plus de 10 000 habitants. À partir de là, elle va s’incruster, surmonter sa crise de leadership et se remettre en ordre de bataille. Ces villes de plus de 10 000 habitants représentent la moitié de la population française : plus qu’un échantillon, c’est la représentation de notre réalité politique. Directeur général délégué de l’institut Ipsos, expert de la carte électorale, Brice Teinturier s’interrogeait la semaine dernière devant les invités de la Revue des deux mondes : le résultat de 2014 sera-t-il pour François Hollande équivalent à ce qu’il fut pour Lionel Jospin en 2001 (− 59 villes) ou, plus brutal, de l’ordre de ce qu’il a été pour Nicolas Sarkozy en 2008 (− 90) ? Si la défaite est inscrite, son ampleur dépend d’un facteur clé : le taux d’abstention.
Il y a trente ans, au scrutin de 1983, il était en moyenne, d’un tour à l’autre, de 20 %. Il a bondi à 32 % en 1995 et a continué de monter depuis, jusqu’à se rapprocher des 35 % en 2008. Les sondages le situent cette année entre 38 et 40 %. Le climat de défiance généralisée n’y est pas pour rien ; quand la cote de confiance de l’exécutif se situe à moins de 20 %, on ne peut pas être surpris. Selon une étude d’Ipsos, 8 % des électeurs — oui, 8 % — font encore confiance à leurs partis politiques… Brice Teinturier a voulu en savoir plus : il a décelé une “abstention différentielle” dans le comportement électoral de la gauche et de la droite : à gauche, l’électorat est démoralisé pour les motifs que l’on sait, à droite en revanche, il est prêt à se mobiliser. De cette mobilisation dépend son succès. Au contraire, le vote de dissidence, de diversion, comme le blanc ou l’abstention, profite toujours à l’adversaire. La multiplication des triangulaires, avec la présence du Front national au second tour, est à peu près le seul espoir sur lequel compte la gauche pour écarter la sanction sans appel que mérite sa politique.
Un maire est élu pour six ans, un mandat plus long que celui du président de la République. Que la gauche soit battue dans trois ans, son réseau d’élus locaux préparera sa revanche. Prenez le cas d’André Laignel, maire socialiste de l’une de ces villes de plus de 10 000 habitants, Issoudun, sous-préfecture de l’Indre : son sixième mandat s’achève, il se présente pour un septième ! C’est à lui que l’on doit la phrase célèbre, prononcée en 1981 quand il était député : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. » Une doctrine qu’il applique chez lui à la lettre : l’opposition n’a pas voix au chapitre ; les conseils municipaux se tiennent en moins de dix minutes et tout y est verrouillé, emplois muni cipaux, logements, marchés publics, associations, moyens d’expression, partout où se pratique l’achat de voix. Eh bien, les socialistes ont fait de Laignel le patron de leur Comité des finances locales ! Des caricatures comme celle-ci, il en existe bien d’autres (voir Ces maires autoritaires, éditions L’inventaire).
Inquiets, Hollande et les ténors du PS se cramponnent à l’idée d’un enjeu local, espérant pouvoir se maintenir dans un certain nombre de “villes médiatiques” comme paravent de leurs revers ailleurs. Mais de ces défaites-là découleront les suivantes : aux sénatoriales, en septembre prochain, puis aux conseils généraux et aux assemblées régionales, en 2015. Pour la droite, l’enjeu est national, c’est celui de la reconquête. Toute voix va compter.
Le sens particulier des municipales 2014
Le sens particulier des municipales 2014
La vie publique nationale ressemble chaque jour un peu plus à un trou noir où s’abîment nos idéaux, nos convictions, nos espérances.
A quoi se résume-t-elle en effet ?
- Une dictature des passions individuelles haineuses, le règne des règlements de compte, des détestations gratuites, de l’envie de tuer ;
- Une personnalisation des enjeux qui frôle la bêtise quand les jeux de personnes l’emportent sur tout le reste ;
- Un monde sans foi ni loi, nihiliste, où absolument tous les coups sont permis, y compris les pires atrocités, non pas sanglantes puisque notre époque a Dieu merci horreur du sang, mais au regard des valeurs et des principes démocratiques ou de la simple éthique et sens du respect d’autrui ;
- Un néant politique total, l’absence de tout sens de l’avenir, du bien commun, d’idéal, de programme, de projet.
- Un sectarisme sans précédent, une guerre civile froide qui touche à des niveaux d’absurdité jamais atteints dans la mesure où elle repose sur du vide ;
- Un univers névrotique, franchouillard (au mauvais sens de l’expression) replié sur lui-même, à courte vue, incapable de tout recul, de prendre de la perspective, d’ouvrir les yeux sur la vaste monde et sur l’histoire ;
- L’absence de perspectives d’avenir : nulle personnalité nouvelle n’est là pour incarner l’espoir (M. Juppé et M. Fabius, en tête des sondages d’opinion, ne représentent pas vraiment la nouveauté…), nul courant, nulle équipe, nul programme ne semble émerger.
Est-ce le reflet global d’un pays qui s’effondre dans son ensemble, en particulier sur le plan intellectuel, celui de l’esprit critique ? Est-ce une grande illusion médiatique, un écran de fumée recouvrant un pays qui regorge de créativité, d’énergie et de dynamisme ? Pour tout dire, je n’en sais rien… Mais je trouve que les élections municipales offrent une respiration, une bouffée d’air frais – faute d’être forcément pur – dans ce climat morbide. Les mairies sont un lieu où s’expriment l’engagement au service d’autrui, le sens des projets concrets et réalistes, la modération et le dialogue – en dehors des clivages partisans – l’ambition de se rendre utile. Bref, la tentation de l’abstention aux municipales pour punir la classe politique (que je dénonce dans le Figaro du 21 mars) est à mes yeux un contresens. Je suis d’ailleurs de plus en plus convaincu qu’un éventuel renouveau du pays partira non pas du "star system", mais de la base, du terrain, des citoyens qui s’engagent dans la discrétion et l’anonymat en faveur de l’intérêt général.
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