Le 11 février, au soir de la chute d'Hosni Moubarak, le président américain saluait « la force morale de la non-violence qui a, une fois de plus, incliné l'arc de l'Histoire vers la justice ». Ce discours renvoyait à un autre, celui du 4 juin 2009 où, au Caire, Barack Obama s'était adressé au monde islamique. Il promettait « un nouveau commencement » des relations qui ne se limiteraient plus à la simple « lutte contre le terrorisme ». Cette promesse a commencé à être réalisée, grâce aux Tunisiens et Égyptiens qui ont refusé les atteintes dictatoriales à leur dignité.
Comment comprendre cette amorce d'une nouvelle politique étrangère américaine ?
Le jeune président qui avait pris la parole au Caire, quatre mois après son installation, n'avait guère d'expérience en politique étrangère. Pourtant, il en savait des choses importantes, dont il avait parlé dans son autobiographie, Les rêves de mon père (1995), et auxquelles il est revenu dans L'audace d'espérer (2006). Il évoque sa jeunesse en Indonésie pour critiquer le cynisme qui se servait de la Guerre froide pour justifier le soutien aux tyrans corrompus et la naïveté de ceux qui, après la chute du Mur, en 1989, ignoraient le ressentiment suscité par la culture américaine. Et refusaient de voir que la démocratisation pouvait faire place aux conflits ethniques et religieux.
Si Barack Obama a été élu, c'est en partie en raison d'un fort rejet de la politique étrangère messianique du gouvernement Bush. Dès lors, on s'est rabattu sur la realpolitik. Celle-ci fut conduite par des experts qui avaient fait leurs preuves du temps de la présidence de Bill Clinton, dont Hillary Clinton, nommée secrétaire d'État. Prirent part aussi aux décisions plusieurs généraux et « tsars » responsables par régions : Israël-Palestine, Afghanistan-Pakistan, etc.
Entre 2009 et 2011, la politique étrangère d'Obama a été en proie à de longues hésitations. Ensuite, ce fut l'augmentation des forces en Afghanistan, puis l'échec des négociations au Proche-Orient, dû au refus israélien d'arrêter la colonisation des territoires occupés.
Arrivent la Tunisie, puis l'Égypte. Après une brève interrogation, le Président s'affirme ; des décisions sont prises. Hillary Clinton a martelé hier : « Il est temps pour Kadhafi de partir, maintenant, sans autre violence ou retard. » Est-ce vraiment une nouvelle donne ?
Il ne faut pas oublier que l'expérience la plus importante d'Obama a été celle d'un militant, d'un organisateur qui cherche à réunir des gens pour agir ensemble pour effectuer un changement qui vient de la base. Une telle orientation ne se conjugue pas très bien avec la politique étrangère, qui passe par le sommet.
Il n'est pas surprenant que le réveil d'un sentiment de dignité bafouée au Maghreb ait fait vibrer une corde chez Barack Obama. Bien sûr, il reste prudent, il sait que les choses peuvent mal tourner en Libye, où Khadafi se battra jusqu'à la fin, violente. Il sait aussi que la démocratie n'est jamais acquise une fois pour toutes. Néanmoins, un tournant est pris.
La traduction française du deuxième livre d'Obama éclaire peut-être la nouvelle attitude à la Maison-Blanche, en transformant le substantif « espoir » en un verbe : « espérer ». C'est-à-dire mettre enfin en pratique son désir d'une vie digne... Celle dont rêvaient son père et ses amis de jeunesse indonésiens.
Dick Howard est professeur émérite à Stony Brook University, New York, auteur d'Aux origines de la pensée politique américaine (Pluriel).
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