Réunies à Saint-Cyr-sur-Loire, les troupes de la majorité attendent de sortir du "tunnel médiatique" de la primaire socialiste pour enfin en découdre.
Entre impatience et fébrilité à l'approche de la grande échéance de 2012, députés et sénateurs UMP trépignent, depuis deux jours, à Saint-Cyr-sur-Loire, près de Tours, où sont organisées les journées parlementaires du parti présidentiel. Ils n'ont, quoi qu'ils en disent, qu'un mot à la bouche : la primaire socialiste. D'un côté, beaucoup se montrent soulagés : elle n'a, selon eux, pas été aussi désastreuse pour eux qu'ils le redoutaient... "Une chose est sûre, il n'y aura pas, dimanche, de leader élu triomphalement, et donc, pas de dynamique incontestée pour le candidat choisi", martèlent-ils en substance. De l'autre, la stratégie particulièrement offensive des cadres du parti - et même du chef de l'État - à l'égard du principe d'une primaire fait débat, jusque chez les militants. Certains estiment en effet que l'UMP "se ridiculise" en ne reconnaissant pas franchement le "succès" du processus. D'autant qu'il est de plus en plus communément admis - outre le fait que son principe est inscrit dans le règlement de l'UMP - qu'il s'imposera en 2017. "La primaire devient, de fait, institutionnelle et incontournable. Et en 2017, il est évident qu'il y aura un vrai désir chez les militants et sympathisants", confie Axel Poniatowski, président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale.
Autre source de tension : la rivalité entre François Fillon et Jean-François Copé pour 2017, que le débat sur la primaire n'a fait qu'exposer encore plus au grand jour. Mais tous les arguments restent bons pour discréditer cette "longue séquence socialiste". Copé, Christian Jacob (président du groupe UMP à l'Assemblée) et Philippe Briand, le député local, n'ont pas trouvé de mots assez durs, vendredi, dans leurs discours d'ouverture, presque aux trois quarts consacrés à cette fichue primaire. Jacob a fustigé "l'incapacité du PS à avoir un leader naturel". Dans un style plus "café-théâtre", comme le note un membre de l'UMP, Briand a déclaré : "Nous sortons enfin de la période d'occupation... médiatique." Et de comparer la primaire citoyenne à une émission de télé-réalité, "à mi-chemin entre
Koh-Lanta et
La ferme des célébrités". Même le Premier ministre, dans son discours de clôture, y est allé de son bon mot : "Au Parti socialiste, les impétrants dissertent sur la démondialisation, comme autrefois les états-majors se disputaient sur le tracé de la ligne Maginot."
"Arnaud de Montebourg... quel joli nom !"
Sans compter les attaques contre les candidats eux-mêmes : "Arnaud de Montebourg... (sic) Quel joli nom ! Ce type-là est un type dangereux, je n'aurais pas voulu vivre en 1789 avec lui...", a lancé Briand, entre autres, devant un Copé hilare sur scène. Autant dire que les deux finalistes - "La dooouce Martine Aubry et le relooké François Hollande", comme les appelle Briand - ont dû avoir, eux aussi, les oreilles qui sifflaient, jeudi soir. "À force de maigrir comme ça, il va devenir aussi transparent que son programme !" a-t-il lancé, en particulier à l'attention du candidat le plus redouté par l'UMP. Car, exception faite d'Alain Juppé, tous continuent de penser en coulisse que François Hollande est le candidat le plus dangereux face à Sarkozy.
Alors, pour regonfler le moral des troupes, les cadres n'ont cessé d'annoncer le commencement d'une "nouvelle séquence". "Notre adversaire sera enfin identifié, on va pouvoir passer à la vitesse supérieure", a lancé Copé, jeudi soir, se voulant convaincant, malgré un air plus distrait qu'à l'accoutumée. Le secrétaire général a tenté de jouer les chefs de guerre : "Il va falloir reprendre notre uniforme, nous partons au combat au service de chaque Français." Vendredi, il se montrait encore un peu plus vindicatif, évoquant le "pugilat" socialiste : "Le temps des explications est maintenant venu", a-t-il répété. Avant de prévenir : "Mais il va être difficile pour le PS de faire la synthèse entre toutes ses contradictions." Enfin, histoire d'envoyer un message fort à ses troupes qui ont, elles aussi, soif d'en découdre, Copé a évoqué à la tribune la "cellule riposte" qu'il a lui-même créée, ainsi que la convention organisée par le parti, mardi, pour répondre "point par point" aux socialistes, "dans les règles, mais sans faiblir". Enjoignant à ses troupes de "gagner la bataille du mental", il a également évoqué la création d'un "comité de pilotage du projet", avec Bruno Le Maire, le ministre de l'Agriculture, en charge du programme présidentiel.
"La tête des députés est ailleurs"
Pendant ce temps, les habituels montaient au créneau, notamment auprès des médias, chacun dans son rôle. Nadine Morano, en particulier, n'a cessé de tirer à boulets rouges sur le projet socialiste et de discréditer ses candidats. Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP au Sénat, a de son côté joué les sages rassurants en expliquant que la défaite du parti majoritaire aux sénatoriales sera peut-être, en fin de compte, "salutaire" pour le parti.
Des discours plutôt combatifs, donc, dans un climat encore loin d'être euphorique. La présidentielle inquiète, mais les législatives aussi. "C'est tout simplement une ambiance de dernière journée parlementaire de mandature. La tête des députés est ailleurs", explique Axel Poniatowski, qui, comme d'autres, a dû filer retrouver sa circonscription sans attendre les discours de clôture, vendredi. Ces inquiétudes n'avaient pourtant pas échappé à François Fillon, qui a habilement témoigné sa reconnaissance aux parlementaires de terrain : "Je sais mieux que quiconque que les résultats des élections locales sont durs à vivre pour nos amis, difficiles à comprendre." Et de les implorer : "Pas de déception, pas de désertion ! (...) Nous n'avons pas à rougir de ce que nous sommes, de ce que nous voulons, de ce que nous avons fait."
Pour un conseiller de l'UMP, il y a eu "trois dimanches" dans la tête des parlementaires : la défaite au Sénat, il y a trois semaines, qui a bien sûr entraîné une certaine "baisse de moral". La semaine suivante, le retrait de Borloo, qui a été au contraire une "bonne surprise". Et puis dimanche dernier, le premier tour de la primaire, "qui aurait pu être beaucoup plus violent qu'il n'a été". Le quatrième, ce dimanche, est donc censé leur permettre de sonner la charge. "Rien n'est fini, rien n'est joué, tout commence, tout recommence", a conclu François Fillon. Le Parti socialiste est prévenu.