La situation s'éclaircit. Pas pour tout le monde, soyons clairs, et
certainement pas pour les ouvriers de PSA qui vont subir à la fois une
tempête médiatique, politique, et surtout sociale. Mais pour certains
membres du gouvernement, en revanche, la situation s'éclaircit
franchement. C'est notamment le cas d'Arnaud Montebourg Du Dressement
Très Progressif : de la position enviée d'homme à tout redresser, il
passe à celle de bouffon coloré et impuissant. Mais surtout ...
... Mais surtout, suite à l'annonce par PSA d'un plan de
restructuration conduisant à la suppression de 8000 emplois et la
fermeture du site d'Aulnay-Sous-Bois, on peut mesurer de façon très
précise l'ampleur du pouvoir réel dont dispose le vaporeux ministre.
Pour cela, on pourra regarder tout le déroulement de l'affaire, du point de vue politique et médiatique.
Tout commence, comme il se doit, par
l'annonce de la direction de PSA
à ses salariés. C'est, comme prévu et largement fuité dans la presse
les heures précédant l'officialisation de la nouvelle, une véritable
bombe puisqu'il s'agit de fermer purement et simplement le site
d'Aulnay, avec en conséquence la suppression de 8000 emplois. On ne peut
s'empêcher de penser à la fermeture,
20 ans avant,
du site de Renault à Boulogne-Billancourt, et on sait donc déjà à peu
près ce qui fera l'actualité sociale, économique et syndicale dans le
domaine automobile pour les prochains mois...
On pourrait noter que, comme pour Billancourt jadis, des signes
avant-coureurs d'une santé de plus en plus hésitante de l'automobile
française laissaient pourtant percevoir que ceci devait arriver un jour.
La multiplication récente des primes à la casse et autres bidouilles
gouvernementales pour soutenir à bout de bras cette industrie n'ont, en
définitive, que repoussé au frais de contribuables déjà saignés à blanc
une issue inéluctable. Par comparaison, les fabricants automobiles
étrangers qui ne furent pas aidés subirent, au déclenchement de la crise
en 2008, une violente chute de leur chiffre d'affaire et de leurs
ventes, qu'ils ont maintenant au moins en partie rattrapés. L'industrie
française, faussement protégée par les mesures gouvernementales
dispendieuses, savait déjà que le retour de bâton serait douloureux. Pas
étonnant, dès lors, que les rumeurs de fermetures allaient bon train
depuis plusieurs années.
La suite immédiate de l'annonce n'étonnera guère que les plus jeunes
d'entre nous. Comme prévu, le gouvernement, déjà au courant depuis des
mois si ce n'est des années, s'est immédiatement et hypocritement placé
sur ses ergots et, d'un petit cri strident et unanime, a clairement fait
savoir
sa totale désapprobation.
Plusieurs modes sont de mise :
"Gasp ! L'entreprise a massivement reçu des subventions",
"C'est un scandale car l'industrie automobile a un avenir en France",
pour une Martine Aubry remontée comme un coucou suisse. En effet, pour
elle, une entreprise qui reçoit des subventions massives de l’État est
une entreprise qui va -- forcément -- bien et dont l'avenir est --
obligatoirement -- florissant. C'est même un signe clair, vérifié pour
toutes les industries et toutes les entreprises : plus elles sont
subventionnées, moins elles font faillite. Et puis Martine, qui, on
l'oublie trop souvent, a elle-même conçu huit modèles différents de
voitures vendues à plusieurs millions d'exemplaires,
sait que
cette industrie a un avenir en France. En patronne de trois grands
groupes (automobiles, fusées techno-spatiales et débouteillage
industriel), elle a une idée précise et pertinente de ce qu'il faut
faire pour remettre toute la situation d'équerre, pif, paf, et elle ne
se gênera pas pour l'exprimer.
Et pour en venir au frétillant
gentleman farmer du Dressement Reproductif, il a déclaré sans ambages :
"Nous n'acceptons pas en l'état le plan présenté par PSA, sabre de bois !"
(L'option "scrogneugneu" a été écartée par un habile conseiller qui
jugeait cela trop passéiste.) Et bien sûr, aucune précision n'a été
fournie sur les terribles moyens de pression que le gouvernement
pourrait faire jouer sur le groupe privé.
En tout cas, le premier ministre, un certain Jean-Michel
Ero Ayro
Ayrault ... pardon on me dit qu'il se prénomme Jean-Marc, bref, peu
importe, le premier ministre a précisé que le ministre du Frétillement
Productif aurait pour mission de présenter dans les heures qui suivent
(maximum 300, plus ou moins 5%, disons le 25 juillet et n'en parlons
plus) un véritable "plan de soutien" à la filière automobile. Vite vite.
Le même Jean-Paul Héraut en a d'ailleurs profité pour lancer un petit
coucou sympathique à la direction de PSA, en lui demandant, si c'était
possible, sauf vot'respect, d'engager une concertation bien
bisou-compatible avec les partenaires sociaux, afin que toutes les
options soient bien discutées, tout ça, afin de pas trop faire de casse,
enfin, voilà. Évidemment, on saisit sans trop de mal que derrière sa
langue de bois, Jean-Jacques Haireau est à sec pour son pistolet à eau
et que sa seule arme encore capable de produire quelque chose est son
petit kit à bulles Dora l'Exploratrice. C'est mignon, un petit premier
ministre qui fait de jolies bulles irisées dans la tempête de Juillet...
Quant à Arnaud, lui, il a déjà rempli sa tâche. Il attendra calmement
le 25 juillet pour remettre sa copie au Conseil des Ministres (une
feuille petit format, petits carreaux, margée, écrit gros) dans laquelle
on trouvera peut-être un malhabile dessin de voiture, un touchant poème
aux rimes incertaines, ou un coloriage bigarré qui déborde un peu.
Ne nous leurrons pas :
le pauvret n'a, en réalité, aucun pouvoir.
Si on peut reprocher pas mal de choses à François Hollande (à
commencer par le temps pourri qui le poursuit), on ne peut pas lui
retirer un certain entregent politique et un talent de calculateur
certain. Or, cette affaire PSA illustre parfaitement ce calcul qui fut
mené dès le départ par le nouveau président, encombré qu'il était par ce
cuistre frémissant.
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Va falloir que je me mouille ! |
Ainsi, regardez la réaction de Moscovici dans cette affaire : bien
qu'en charge de toute l'économie et des finances, il fut pour le moins
en retrait (il est intervenu après tout le monde) et lorsqu'il s'exprime
enfin, souhaite
"que personne ne soit laissé sur le carreau, qu'une solution soit trouvée à chacun",
ce qui est renversant comme action, on en conviendra. En clair : le
malin a laissé la presse se jeter sur Montebourg comme la misère sur le
bas clergé.
De plus, comme le faisait judicieusement
remarquer Authueil
dans un billet daté du 30 juin, dans les textes, le pauvre ministre du
Redressement Inductif n'a quasiment aucun pouvoir si ce n'est celui
d'occuper la place, sous les sunlights. Sur le long terme, c'est assez
malin pour Hollande puisque tout le monde sait déjà que les plans
sociaux à la PSA vont très probablement se succéder ; à chaque fois,
Arnaud devra se cogner les petites grimaces télévisuelles et les
emportées lyriques sur ce que le gouvernement s'engagera à faire pour
sauver tout le monde. À chaque fois, le plan social ne sera modifié qu'à
la marge, histoire de lui faire vaguement conserver la face. À chaque
fois, il perdra un peu plus de sa superbe, déjà passablement amoindrie
après même pas deux mois de gouvernement.
Il faut se rendre à l'évidence : Montebourg n'est plus qu'un petit
fusible, ou, disons charitablement, un magnifique bouclier pour
Moscovici, qui pourra l'envoyer au feu à chaque nouvelle désagréable. Ce
con suffisant sera, au moins au début, ravi de faire de la présence
dans les productions folliculaires. Mais au rythme que la crise promet
d'atteindre, il n'est pas impossible que le jouet de Hollande se lasse
et tire sa révérence froufroutante.
Pendant ce temps, bien sûr, incompétence aidant, l'industrie française continuera d'agoniser.