TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 6 octobre 2010

Les grèves reconductibles secteur par secteur

Alors que le débat parlementaire sur la réforme des retraites se poursuit au Sénat, les initiatives en faveur de grèves reconductibles ont fleuri ces derniers jours, face à la détermination du gouvernement à reculer l'âge de départ en retraite. Le point, secteur par secteur, avant la nouvelle journée de mobilisation nationale du mardi 12 octobre.

SNCF. La CGT-cheminots, premier syndicat de l'entreprise, proposera mercredi après-midi aux autres syndicats de la SNCF un préavis de grève reconductible à partir du 12 octobre pour la défense des retraites, a indiqué mercredi son secrétaire général, Didier Le Reste. Trois syndicats – FO, CFTC, CFE-CGC – avaient déjà annoncé le dépôt d'un préavis de grève reconductible. Les quatre syndicats représentatifs de cheminots - CGT, l'UNSA, SUD-Rail et Fgaac-CFDT - doivent se réunir, mercredi après-midi, pour arrêter une position commune. SUD-Rail et la Fgaac ont déjà indiqué qu'ils étaient favorables à des préavis reconductibles.

RATP. Lundi, le syndicat CGT de la RATP, le premier de l'entreprise publique, a déposé un préavis de grève illimitée. "Ce préavis couvre l'ensemble des services et des catégories professionnelles de la RATP à compter du lundi 11 octobre, 22 h 30, et ce pour une durée illimitée", indique un communiqué de la CGT de l'entreprise.
FO et SUD prônent la même chose. La CFDT a déposé mercredi un préavis de grève reconductible à partir du 12 octobre. "La reconduction du mouvement dépendra de l'importance de la mobilisation et de la réponse du gouvernement", précise la CFDT-RATP. Un dirigeant national de la CGT relativise toutefois : la grève avait été assez peu suivie à la RATP le 23 septembre (16 % de grévistes selon la direction).
Dans les autres réseaux de transports urbains, la CGT appelle à prolonger le mouvement jusqu'au 30 octobre.
Total. La CGT-Total appelle à une grève reconductible à compter du 12 octobre "dans toutes les raffineries" du groupe contre la réforme des retraites, a-t-on appris mardi auprès du porte-parole du syndicat, qui a précisé que la question de la grève reconductible était également en débat pour toute la fédération CGT de la Chimie
Ports et docks. A son tour, la fédération CGT de la mer a appelé mardi à "des mouvements de grève reconductible à compter du 12 octobre" sur le thème de la pénibilité, qui touche aux retraites ainsi qu'à la nouvelle convention collective prévue par la réforme portuaire. Les terminaux pétroliers de Fos-sur-Mer et Lavera (Bouches-du-Rhône) étaient toujours bloqués mercredi matin, au dixième jour d'un mouvement de grève de leurs agents.
Routiers. Le mouvement reconductible pourrait également concerner les routiers. "Les salariés du transport routier marchandises sont aussi prêts à se mobiliser à partir du 12 octobre" note la CGT des transports dans un communiqué.

IMF chief warns on exchange rate wars

Governments are risking a currency war if they try to use exchange rates to solve domestic problems, the head of the International Monetary Fund has warned.

The comments by Dominique Strauss-Kahn came before the yen fell as a result of the Bank of Japan shifting towards quantitative monetary easing, cutting its key interest rate and proposing a new fund to buy government bonds and other assets.

“Translated into action, such an idea would represent a very serious risk to the global recovery . . . Any such approach would have a negative and very damaging longer-run impact.”

The yen dropped against the dollar on Tuesday after the BoJ announced its decision. Government bonds, stocks and gold prices all rose on the expectation that central banks of the world’s biggest economies would embark on a round of quantitative easing.

In recent weeks several major economies have taken measures to relieve upward pressure on their currencies. Japan intervened in the currency markets to sell yen for the first time in six years. Brazil has threatened intervention to hold down the real, and on Monday doubled a tax on foreign purchases of bonds in an attempt to reduce inflows.

Last week Guido Mantega, Brazil’s finance minister, warned of a currency war. “We have seen reports that some emerging countries whose economies face big capital inflows are saying that maybe it is time to use their currencies to try to gain an advantage, particularly on the trade side,” Mr Strauss-Kahn said. “I don’t think that is a good solution.”

Mr Strauss-Kahn was speaking ahead of the annual meetings of the IMF and World Bank in Washington this weekend, at which the troubled global economy and the imbalances in current account deficits are likely to feature prominently.

European policymakers said they had disagreed with Wen Jiabao, the Chinese premier, after meetings in Brussels.

Jean-Claude Juncker, chairman of the group of eurozone finance ministers, said there was a “divergence of analysis” between the Chinese and the European authorities. “We think the Chinese currency is broadly undervalued,” he said.

This week Mr Wen said China would buy Greek government bonds as a sign of confidence in the country’s ability to escape default. But economists said Chinese purchases of bonds would also push up the euro against the renminbi.

RETRAITES – Pourquoi les femmes sont-elles désavantagées ?

La bataille des retraites s'annonce plus difficile au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. L'UMP ne dispose pas de la majorité absolue au Palais du Luxembourg. Elle aura donc besoin des voix centristes. La majorité ne veut pas toucher aux mesures d'âge, mais semble accepter des amendements concernant la retraites des femmes. A droite comme à gauche en effet, nombreux sont ceux qui estiment que la réforme les pénalise.

Des inégalités accentuées avec la réforme ?
- La hausse du nombre de trimestres nécessaires pénalise les femmes plus que les hommes, car elles sont plus nombreuses à devoir travailler jusqu'au seuil de départ à taux plein. Ainsi, 21 % des femmes ont attendu 65 ans pour liquider leur retraite l'an dernier (contre 13 % des hommes), car leur carrière est souvent incomplète ou hachée. S'il manque des trimestres à beaucoup de femmes, c'est en général parce qu'elles ont cessé le travail pour élever leurs enfants. Si la réforme est votée telle quelle, elles attendront deux années de plus pour toucher leur pension.
- Les femmes touchent des pensions inférieures à celles des hommes, car elles ont exercé des fonctions moins bien rémunérées. De plus, 30,2 % des femmes sont employées à temps partiel, or le montant de la pension est calculé sur les 25 meilleures années de carrière. Pour réduire ces inégalités de salaires, le texte du gouvernement prévoit une pénalité de 1 % de la masse salariale pour les entreprises encore mal définie.

Sortir des idées reçues
Cinq membres du gouvernement (Eric Woerth, Nora Berra, Nathalie Kosciusko-Morizet, Nadine Morano et Georges Tron) ont signé lundi une tribune dans Le Monde pour dénoncer des schémas qui ne correspondent plus à la réalité. S'ils admettent que des inégalités "criantes et inacceptables" existent entre hommes et femmes, ils estiment que le différentiel s'estompe rapidement. Les femmes qui cessent de travailler pour élever leurs enfants valident tout de même des trimestres pendant cette période. Dans le nouveau texte, les indemnités touchées à la place du salaire pendant le congé maternité seront intégrées dans le calcul. De plus, "les femmes qui ont eu des enfants bénéficient d'une majoration de durée d'assurance de deux ans pour chaque enfant." Ils rappellent que le projet du gouvernement donne "l'accès au minimum vieillesse à 65 ans, quel que soit le nombre de trimestres" et que "l'un des défis majeurs" est de garantir l'égalité salariale entre les sexes.

Corriger les écarts
La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) et la délégation aux droits des femmes du Sénat ont recommandé le maintien du taux plein à 65 ans pour "les personnes ayant pris un congé parental ou pour soins apportés à un enfant malade". De plus, la Halde souhaite le calcul de la pension sur "les 100 meilleurs trimestres", ce qui pénaliserait moins les personnes à temps partiel. Gérard Larcher, le président du Sénat, propose pour l'instant de bloquer l’âge du taux plein à 65 ans pour les mères de trois enfants ou plus, pour celles nées entre 1950 et le début des années 60. Un geste qui ne suffira peut-être pas à calmer le mécontentement de la rue…

La '' guerre des changes ''

Les principaux responsables économiques européens ont insisté hier, lors du sommet entre l’UE et l’Asie, pour que la Chine réévalue le yuan, dont elle se sert comme d’un puissant levier à l’exportation.

L’Europe a accentué la pression hier sur la Chine pour qu’elle laisse sa monnaie s’apprécier, au dernier jour d’un sommet entre l’UE et l’Asie et alors que la crainte d’une « guerre des changes » mondiale s’accentue face à la crise économique. Les trois principaux responsables économiques européens – le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, et le commissaire européen aux Affaires monétaires, Olli Rehn, – ont invité fermement Pékin à plus de flexibilité du taux de change du yuan, à l’issue d’une rencontre avec le Premier ministre chinois Wen Jiabao à Bruxelles.

Ils ont demandé une appréciation « significative » du yuan, a déclaré Juncker, reconnaissant ouvertement un hiatus avec Pékin sur le sujet. « Les autorités chinoises ne partagent pas notre appréciation », a-t-il convenu. La veille, dès l’ouverture du sommet des principaux pays d’Asie et d’Europe (Asem), Wen avait poliment renvoyé dans les cordes les Occidentaux, qui soupçonnent Pékin de faire de la dévaluation compétitive pour doper ses exportations et sa croissance. La chancelière allemande, Angela Merkel, a enfoncé le clou hier en affirmant, à propos de la Chine, que « les taux de change devaient être les plus réalistes possibles ». Et le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a jugé « difficile d’affirmer que la sous-évaluation de cette devise (le yuan) n’a pas d’effets sur les flux commerciaux », dans une interview au Monde. « Tôt ou tard les Chinois devront réévaluer leur monnaie pour des raisons internes », a-t-il ajouté. Cette confrontation feutrée devrait se poursuivre aujourd’hui à l’occasion d’un sommet UE-Chine prévue à Bruxelles.
Euro frappé

De fait, l’inquiétude grandit dans le monde face à l’impression que les grandes puissances sont engagées dans une « guerre des changes » pour affaiblir leurs devises respectives afin d’exporter davantage. Ce risque, souligné par le FMI, affecte particulièrement l’euro qui, contrairement au yuan ou au dollar, gagne en vigueur alors même que l’Union monétaire traverse une grave crise de confiance suite aux problèmes de la Grèce et à présent de l’Irlande. D’où l’insistance des dirigeants européens hier. Cette situation pourrait accroître les tentations protectionnistes, mettent en garde des économistes.

Face à cette situation, le chef de l’Etat français Nicolas Sarkozy a plaidé à Bruxelles pour un « nouvel ordre monétaire » mondial, en vue de la présidence du G20 qu’il assumera à partir du 12 novembre. Un haut responsable allemand a toutefois jugé l’idée « floue » à ce stade.

Malgré les échanges aigre-doux sur les changes, le sommet de l’Asem (Asia Europe Meeting) s’est achevé par un communiqué consensuel d’une vingtaine de pages qui se garde d’évoquer le sujet. Le texte adopté par 46 pays représentant 58 % de la population mondiale, souhaite un accord global « contraignant » sur le climat, à deux mois de la conférence de Cancun.

Du virtuel au réel


La peine est encore virtuelle : il y a appel, Jérôme Kerviel n'est pas incarcéré et les astronomiques dommages et intérêts de 4,9 milliards sont tout simplement impossibles à rembourser. Donc, une condamnation virtuelle pour des fraudes également virtuelles ? Non, la Société Générale a perdu beaucoup d'argent après en avoir gagné énormément, grâce au trader Kerviel qui jonglait avec les milliards. En solo, semble-t-il, et, selon sa défense, devant une hiérarchie impassible... tant que l'argent rentrait.
Si la peine reste pour l'instant virtuelle, le jugement ne l'est pas, loin de là. Il condamne un homme en soulignant ses fautes. Mais il blanchit la banque et, au-delà, toute la martingale de ce système financier vermoulu qui, selon le FMI, a coûté 2 200 milliards à l'économie mondiale ! La rapacité universelle à l'origine de la grande crise de 2007 est en quelque sorte couronnée. Et l'absolution est donnée pour les prises de risques passées inaperçues tant qu'elles permettaient d'engranger...
Ce verdict tombe aussi dans un climat social particulièrement tendu en pleine réforme controversée des retraites sans oublier la baisse du pouvoir d'achat et les hausses qui font compter chaque euro. Dans ce contexte, ce jugement renforce à tort ou à raison l'impression générale de vivre dans une société de plus en plus inégalitaire. Il étale des sommes énormes - le quotidien des banques, apparemment - en faisant ouvertement porter la responsabilité pénale du scandale financier sur un seul salarié. Pas sur l'entreprise, même si son PDG Daniel Botton a été poussé vers la sortie.
Pourtant, en juillet 2008, la Commission bancaire avait infligé un blâme et une amende de quatre millions d'euros à la Société Générale pour des « carences graves du système de contrôle interne » ! En d'autres termes, les problèmes étaient évidents. Qu'un trader-équilibriste ait exploité ces failles constitue une faute que personne ne nie. Mais la faute ne devrait-elle pas aussi incomber au staff responsable de ce « filet de sécurité » plus ou moins troué ? Que la justice pénale ne se soit pas prononcé sur cet aspect est incompréhensible pour beaucoup.
Il est vrai que la deuxième banque française (en capitalisation boursière), et l'une des plus importantes du monde, se doit d'inspirer confiance.


Gagneuse

Il sera donc dit, selon le juge Pauthe, qu'un jeune homme d'à peine trente ans a « porté atteinte à l'ordre économique mondial ». Et qu'une très grande banque française, aux bureaux pleins d'intelligences surdiplômées, n'aura rien vu, rien su, rien pu. Et puisque, selon le juge Pauthe, il n'y a en cette affaire qu'un seul coupable, Jérôme Kerviel, prédateur d'une innocente victime, la Société Générale, le premier sera censé renflouer la seconde jusqu'au dernier cent - après quelques années de prison… Il est simple et bien ordonné, le monde selon le juge Pauthe. S'il en avait le pouvoir, sans doute ferait-il porter à Jérôme Kerviel la culpabilité de la crise financière mondiale, et de la pénurie alimentaire. Quant à la SocGen, rebaptisée avant même d'être lavée de tout soupçon, elle se réjouit. Mais continuera-t-elle d'encourager les petits Kerviel à être de bonnes gagneuses ?

Bernard Clavel, le franc conteur


Bernard Clavel ressemblait à ses livres. Il était franc, massif, avec des mains larges et dures. Un masque de paysan têtu lui servait de carapace. En voilà un, comme les grands arbres, que les racines tenaient profond. Avec aussi, dans l’œil, une étrange lueur qui disait la passion des départs. Ce terrien paradoxal ne cessa jamais de déménager. À peine le croyait-on établi au Canada qu’il avait déjà filé vers l’Irlande, puis les bords de Loire, la Bresse, les vignes du Bordelais, la Savoie... Une puissante curiosité guidait son pas de campagnard.
Sur son passage, partout, le Jurassien a semé des romans beaux et forts. Il racontait les fleuves, les chevaux, les forêts. Et donc les bateliers, les cavaliers, les trappeurs… Car si la nature envahit ses énergiques récits, on y entend toujours battre le cœur des hommes.
Ainsi voyageait le natif de Franche-Comté qui, au temps des vaches maigres, fut tour à tour ouvrier, bûcheron, lutteur de foire, employé de la sécu…
Outre-Atlantique, cette biographie à la Jack London lui aurait valu un supplément d’estime. Chez nous, pas trop. Les salons de Saint-Germain-des-Prés le boudaient un peu. Ça tombe bien, il préférait l’air pur ! L’auteur de “Malataverne” n’était pas du genre à confondre les mondanités avec la découverte du monde. Ni à brader sa liberté pour une poignée de cerises médiatiques. La foule émue de ses fidèles lecteurs l’aimait aussi pour ça.

La Cour des comptes favorabl au gel du point d'indice des fonctionnaires

Le "gel du point" d'indice des fonctionnaires "jusqu'à fin 2013 semble techniquement nécessaire" pour stabiliser la masse salariale de l'Etat et "respecter l'objectif global de maîtrise de dépenses publiques", estime la Cour des comptes dans un rapport rendu public mardi 5 octobre.
Réalisé à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, le rapport de la Cour des comptes souligne que "dans les dernières années, l'écart moyen" entre les prévisions de masse salariale et le coût réél était "de l'ordre de 0,4 %". Ainsi, en 2009, la masse salariale a augmenté de 800 millions d'euros (1 %) par rapport à la loi de finances initiale. A lui seul, le coût des heures supplémentaires dans l'éducation nationale s'est accru de 140 millions d'euros, note le rapport.

Selon la Cour, "si la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux est maintenue, avec une rétrocession aux agents de la moitié des économies induites, la masse salariale pourrait en principe être stabilisée avec des revalorisations du point de la fonction publique limitées à 0,25 % par an et une croissance des mesures catégorielles et diverses limitée à 100 millions d'euros".

D'AUTRES LEVIERS APRÈS 2013

Pour autant, souligne-t-elle, en raison des "risques de dérive (...) d'erreurs ou de mauvaise estimation", pour stabiliser la masse salariale de l'Etat, "un gel du point jusqu'à fin 2013 semble techniquement nécessaire". "Un strict plafonnement des enveloppes de mesures catégorielles et diverses, à 400 millions d'euros pour la rétrocession de la moitié des gains de productivité plus 100 millions d'euros pour les autres mesures en moyenne de 2011 à 2013 est aussi une mesure nécessaire".

Toutefois, à plus long terme, admet la Cour des comptes, le gel du point ne pourra pas être prolongé, puisque les fonctionnaires verront leur taux de cotisation vieillesse augmenter, comme le prévoit le projet de réforme des retraites. Au-delà de 2013, il faudra donc "d'autres leviers". La Cour suggère par exemple une réflexion sur la réduction du taux de rétrocession de 50 % des économies induites par les gains de productivité. Elle plaide aussi pour "d'amples réformes structurelles".

Le point d'indice des 5,2 millions de fonctionnaires, augmenté de 0,5 % au 1er juillet, sera gelé en 2011. Fin juin, le gouvernement avait renvoyé les décisions salariales pour 2012 et à 2013 d'autres discussions.

Argent, sexe et cerveau


Prenez dix-huit volontaires, mettez-leur la tête dans un scanner. Lancez alors deux sortes de jeux, les uns où l'on gagne de l'argent, les autres où l'on visionne des images érotiques. Vous obtiendrez ce résultat : des zones différentes du cerveau se trouvent stimulées. Les gains financiers activent certaines zones de la partie antérieure du cortex orbito-frontal, la plus récente dans l'évolution humaine. Avec les représentations sexuelles, des zones de la partie postérieure, plus ancienne, entrent en action. Voilà ce qu'on vient d'apprendre.
Hors du milieu scientifique, pareille découverte risque de produire une sorte de sidération. On pensera d'abord à ces 18 volontaires. Ont-ils conservé les sommes gagnées ? Quel était leur montant ? A partir de combien d'argent voit-on le cortex réagir ? Et d'où venaient les fonds ? On pourrait s'interroger ensuite sur les conclusions. Serait-ce que chaque plaisir doit rester à sa place ? Le lucre derrière le front, le stupre et la fornication un peu en arrière - une zone pour chaque chose, et pas de mélange ni de confusion. Le cerveau de la prostituée va donc se réjouir d'un « cadeau » à tel endroit, mais s'activer ailleurs en désirant ses amants de coeur. Pourtant, il doit bien exister des fétichistes du billet de banque ou des nymphomanes du Loto. Quelle pourrait bien être leur imagerie cérébrale ?
Dès qu'on s'y attarde un peu, cette division du travail au sein du cerveau suscite des interrogations abyssales. En effet, l'excitation sexuelle est aussi vieille que l'espèce tandis que l'argent, à l'échelle de l'évolution, est une invention toute récente. Que faisaient donc les zones du cerveau qu'éveille l'argent avant que celui-ci existe ? Des plaisirs complexes les activaient-ils déjà ? Ceux de la guerre, du meurtre, de la conquête ? Ceux de la domination et du pouvoir ? Ces catégories sont-elles pertinentes ?
Chemin faisant, on en vient à se demander si cette découverte est vraiment surprenante. Chacun sait bien, par expérience vécue, que les plaisirs sont multiples, distincts, impossibles à confondre. Gagner au poker peut être jouissif, mais ce n'est pas un orgasme. On compare coït et succès financier, on ne les confond pas. Ces registres sont ressentis comme distincts. Que leur traitement s'effectue dans des zones cérébrales différentes, somme toute, ne surprend pas.
En revanche, il y a de quoi s'inquiéter. Car des contrôles se profilent derrière ces découvertes. Quand on saura exactement quels neurones s'affolent dans les salles des marchés, les casinos ou les hippodromes, on pourra calmer le jeu - ou l'intensifier -avec quelques molécules sur mesure. Il en ira de même pour les récidivistes, les bars de nuit ou les clubs échangistes. A condition évidemment de supposer résolues - ou négligeables -une kyrielle de questions éthiques et philosophiques. Or ces interrogations font de la résistance.
Par exemple, on persiste à demander quelle relation unit ce qu'on voit au scanner et ce qui se passe dans le psychisme. Pensées, désirs, plaisirs sont-ils produits par les synapses ? Provoquent-ils, au contraire, leurs modifications ? Depuis 1896, où Bergson publie « Matière et mémoire », jusqu'aux travaux de Jean-Pierre Changeux et des plus récents cognitivistes, des bibliothèques entières approfondissent ces questions. En les modifiant en tous sens, mais sans les résoudre. Sans doute ces milliers de pages, d'expériences et d'hypothèses font-elles avancer, à petits pas, la connaissance.
Mais qu'on ne se leurre pas sur la longueur du chemin. Entre ce qu'on connaît à présent des réactions du cerveau et l'infinie variété de nos joies, le fossé est immense. Quel genre d'excitation du cortex accompagne donc le fait de lire « La Dame de pique » de Pouchkine, quand on est joueur ? Et quand on ne l'est pas ? La lecture de « Roméo et Juliette » active-t-elle les mêmes zones du cerveau que « La Philosophie dans le boudoir » ? A côté de nos plaisirs sans nombre, l'imagerie cérébrale reste pauvre.

TVA, alpha et oméga

S'il y a un reproche que nul ne peut faire à la majorité c'est d'être en manque d'imagination fiscale. Juste après que le Premier ministre, François Fillon, a avancé l'idée louable d'abolir conjointement l'ISF et le bouclier fiscal, voilà que le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé, relance le concept de « TVA sociale », en le rebaptisant, plus habilement, « TVA anti- délocalisations ». Ancien ministre du Budget, le même avait, au printemps, ressuscité le projet de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu. Pour la droite, le grand mérite de ces contributions est de nourrir ce débat d'idées qui fait encore défaut à la gauche.
Le risque de ces initiatives, cependant, est de mettre dans les esprits plus de perplexité que de sérénité. Car, en matière de révolution fiscale, les vraies lumières sont aussi rares que les faux-semblants sont nombreux. Ainsi, quel que soit son nom, l'idée consistant à relever la TVA et à baisser les charges sociales des entreprises at-elle, de loin, les apparences du génie économique. Voilà qui, d'une pierre deux coups, permettrait de créer de l'emploi et d'améliorer la compétitivité des produits français - à l'extérieur par un effet de dévaluation, à l'intérieur par un effet de compétitivité. L'Allemagne aux performances redevenues insolentes n'a-t-elle pas montré le chemin en portant le taux de sa TVA de 16 % à 19 %, le 1 er janvier 2007 ?
A bien y regarder, l'arme est moins fatale qu'il n'y paraît. Ses partisans oublient souvent de rappeler que, sur les trois points pris outre-Rhin, deux ont servi à baisser les déficits… Et, au moment où elle cherche à se rapprocher du modèle fiscal de l'Allemagne, à profiter des efforts de celle-ci pour stimuler sa consommation alors que sa propre demande privée faiblit, la France peut-elle s'offrir le luxe de creuser l'écart avec la TVA allemande ? D'autant que, si l'objectif est de créer un vrai choc fiscal de compétitivité, ce n'est pas d'un point qu'il faudrait relever cette taxe, mais de plusieurs. Cette idée a surtout pour défaut de faire du coût du travail la source majeure de nos difficultés. A notre manque criant d'investissement dans les nouvelles technologies, à notre retard d'innovation, à notre insuffisance de main-d'oeuvre qualifiée, à notre rigidité persistante du marché du travail, la « TVA sociale » offrirait peu de réponses. Elle vaut d'être examinée comme l'accessoire, pas comme l'alpha et l'oméga d'une stratégie de compétitivité.

Un coupable, une victime

Le jugement rendu dans l'affaire Kerviel a le mérite d'être clair. Sans doute même un peu trop. Les juges ont désigné un coupable et un seul, l'ancien trader. Et une victime et une seule, la banque qui l'employait.
Une seule victime ? En condamnant Jérôme Kerviel à payer à la Société Générale la somme aussi énorme qu'absurde de 4,9 milliards d'euros - somme que la banque, il faut le rappeler, avait choisi, avant la décision, de ne pas mettre en recouvrement -les juges intronisent spectaculairement Kerviel dans son rôle préféré, celui de victime.
Il n'est qu'à voir les réactions suscitées par ce jugement hors norme : une fois de plus, entend-on partout, c'est le lampiste, le sans-grade, le misérable qui doit payer - même si, en pratique, il ne versera pas un sou à la banque. Une fois de plus, la justice écrase le « petit » et préserve le « système »…
On connaît trop ce mode de défense : ce fut le sien pendant près de trois ans. On connaît trop le relativisme sur lequel il prospère, travers d'une époque où vérité et rumeurs, faits établis et complots supposés sont facilement traités sur un pied identique. Dans cette mise en scène où tout le monde se vaut, il arrive un moment, c'est le but, où l'on ne sait plus très bien qui est qui, un moment où la victime devient coupable et le coupable victime. D'un dernier effet de manche, il est temps alors de porter l'estocade : faut-il être naïf pour ne pas voir où se cachent les « vrais coupables » !
Après trois ans de ce théâtre dans lequel Kerviel a excellé, le jugement offre naturellement un tout autre dénouement. La lecture des 70 pages de la décision, le rappel minutieux des faits, conduisent à la conclusion implacable que l'ancien trader a bel et bien commis une fraude absolument massive. Une fraude qui a fait perdre à la banque et à ses actionnaires, vraies victimes trop oubliées de l'affaire, 4,9 milliards d'euros.
Le fraudeur démasqué, sa défense de victime « cynique » mise en pièces, la peine de prison était inéluctable. En revanche, l'application stricte du droit pénal aboutit à cette aberration qui le condamne en plus à la réparation intégrale du préjudice subi par la Société Générale. Or la démesure de la sanction financière et son caractère automatique ne rendent pas compte de l'extrême complexité d'un dossier dans lequel la banque a reconnu la défaillance de ses contrôles internes et a été condamnée pour cela par le régulateur. Sans doute la condamnation du fraudeur eût-elle été plus forte si les carences graves de la banque avaient été mises en balance dans le jugement.