TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 12 juillet 2011

Zone euro : "Une décision sur la Grèce pourrait apaiser les peurs"

Alors que les pays de la zone euro peinent à trouver un accord sur les modalités d'un nouveau plan d'aide à la Grèce, le scénario d'une contagion est en train de se mettre en place. Les marchés européens craignent que la crise de la dette atteigne aussi l'Italie et l'Espagne. La propagation est-elle inévitable ? Pour Céline Antonin, économiste au département analyse et prévision du Centre de recherche en économie de Sciences Po, il faut impérativement prendre une décision claire sur la Grèce.

Comment est née la peur d'une contagion de la crise de la dette ?
Céline Antonin : La crainte existe depuis le déclenchement de la crise grecque, avec, en mai 2010, la prise de conscience du taux d'endettement et du déficit important de ce pays. Cela a attiré l'attention sur le cas d'autres pays fragiles, notamment l'Irlande, ensuite le Portugal. D'emblée, le risque de contagion a été évoqué.
Depuis, c'est la crainte d'une propagation de la crise qui a motivé la création du fonds européen de stabilité financière. Plus récemment, le débat a été relancé avec la discussion autour du deuxième plan d'aide à la Grèce. L'impossibilité de trouver un accord sur ce plan, ainsi que les difficultés rencontrées par d'autres pays, suscitent la crainte.
La contagion de la crise de la dette est-elle inévitable ?
C'est difficile à dire, parce que le cas grec comporte tout de même des spécificités qui ne sont pas forcément partagées par d'autres pays : une situation très dégradée avant la crise en termes de dette publique, un déficit creusé à des niveaux pas atteints par d'autres pays européens, des problèmes d'ordre structurel comme le manque de compétitivité, l'évasion fiscale, et l'économie souterraine...
Certes, les pays les plus fragilisés vont sûrement subir le contrecoup de la Grèce,  notamment les pays aidés par le fonds européen de stabilité financière : l'Irlande et le Portugal. Mais la situation des uns n'est pas forcément transposable aux autres, même si en termes d'endettement public et de déficit, tous les pays européens ont connu des difficultés après la crise.

L'indécision européenne n'aggrave-t-elle pas la situation ?
Il faut prendre des positions claires, en commençant par une décision rapide sur la Grèce : la temporisation sur ce cas augmente les risques de contagion. Il est normal que différentes voix s'expriment, mais il faut montrer que l'Union européenne et le Fonds monétaire international sont solidaires, décider jusqu'à quel point ils sont prêts à aider le pays, et de quelle façon. C'est aussi l'incertitude qui crée la situation que nous vivons actuellement : on ne sait pas si la Grèce va faire partiellement défaut, ou si elle sera totalement aidée par l'UE et le FMI, ou encore si les créanciers privés vont participer, et dans quelle mesure... Une décision claire contribuerait à apaiser les peurs.
Puis il faut construire une véritable Europe budgétaire qui s'appuie sur un peu plus que quelques indicateurs de Maastricht. Il s'agit notamment de décider si on se dirige vers un système fédéral, où on émettrait des obligations européennes, en faisant régner la solidarité au sein de l'UE. Si ce n'est pas le cas, il faut le dire clairement, et accepter qu'un pays fasse défaut, avec les conséquences que cela peut avoir sur les autres économies.
Les responsables européens jouent la carte de la dédramatisation. Est-ce une bonne stratégie ?
Ils n'ont certainement pas intérêt à jouer la carte du catastrophisme. De toute façon, les agences de notation en rajoutent déjà suffisamment. Ce n'est pas la peine d'agiter le spectre de l'angoisse. Ils ont raison, mais le plus important est de prendre des décisions en espérant qu'elles fassent consensus.

 

“C'est l’euro, stupides !”

Sceptiques sur le plan de sauvetage grec, les marchés s'en prennent désormais aux dettes espagnole et italienne. Pour la presse espagnole, la faute en revient aux responsables européens, incapables de défendre la monnaie unique avec des réponses communes.
"Chute libre", titre El Periódico, qui rapporte l'effondrement des Bourses espagnole et italienne sous les attaques contre la dette des deux pays. "Sur la montagne russe" de la dette souveraine, "l'Espagne et l'Italie ont dévalé hier une pente plus vertigineuse que jamais", ajoute le quotidien barcelonais. L'Espagne avait pourtant "fait ses devoirs" en matière de déficit budgétaire et de réformes structurelles.
Pour El Periódico, le problème est avant tout "la fragilité des institutions de l'UE et le nationalisme vétuste de ses responsables, Angela Merkel en tête",  ainsi que leur "retentissante incapacité à privilégier la défense de la devise commune aux intérêts nationaux. C'est à dire l'euro, stupides !", s'exclame Enric Hernández, le directeur du quotidien.
Pour El País, on est désormais face à une "situation insoutenable à court terme pour la solvabilité espagnole et surtout pour l'italienne" car "en Espagne l'explosion des intérêts de la dette étouffe une quelconque reprise" économique. Le quotidien souligne "la très mauvaise gestion de la crise", du fait de "l'absence d'un gouvernement économique européen capable de prendre des décisions" , une absence "qui a semé le désordre dans les finances européennes et invalidant les programmes d'ajustement de plusieurs pays, et qui pourrait même être la cause de la disparition de l'euro". Pour El País"il est aujourd'hui question de survie [de la monnaie unique]: toute la pléiade d'institutions doivent se mettre péniblement d'accord pour sauver l'euro et elles ne peuvent plus attendre pour un nouveau plan de sauvetage pour la Grèce".
Alors que La Vanguardia constate que "les Italiens vivent maintenant ce que les Espagnols ont vécu il y a une année et cherchent, incrédules, pourquoi les marchés doutent de leur solvabilité", El Mundo insiste sur "l'état d'urgence dans lequel se trouve l'économie européenne" après "l'irruption de l'Italie dans le groupe des pays punis". "La crise de la dette souveraine a cessé d'être périphérique pour toucher le noyau de l'euro : la troisième économie de la monnaie unique et un membre du G8".
"Jusqu'où montera le prix de la dette pour le Trésor ?", s'interroge le quotidien. "C'est le drame que nous vivons avec la crise : plus ca va mal, plus nous sommes maltraités par les marchés, qui étouffent toujours plus nos possibilités de reprise. Et tout cela parce que les institutions européennes ne se lancent pas dans une vraie politique économique commune". "Trichet a raison, ajoute El Mundo : La crise nous apprend que la seule façon de la maîtriser c'est avec une plus profonde intégration économique".

La bataille d’Italie sera cruciale

La péninsule n'est pas la pire économie de l'UE, mais sa dette publique et sa faible croissance en font une cible pour la spéculation. Et maintenant que ce nouveau front est ouvert, c'est ici que pourrait se jouer l'avenir de la monnaie unique. 

La bataille de l’euro a commencé pour de bon. Edward Altman, analyste chez Classis Capital, l’avait prévu il y un mois déjà : "La bataille finale pour la survie de l’euro sera menée, non pas en Espagne, mais sur les plages pittoresques et entre les cathédrales d’Italie". Beaucoup pensent qu’au final, une faillite de la Grèce peut être absorbée. Mais cela ne vaut pas pour l’Italie.
La troisième économie de la zone euro, derrière l’Allemagne et la France, est trop grosse pour qu’on la laisse faire faillite, pour reprendre la formule employée lors de la crise américaine de 2008. Mais elle est également trop grosse pour être sauvée. 
La dette souveraine grecque s’élève à 350 milliards d’euros, celle de l’Italie à 1 600 milliards. La Grèce paie, en intérêts sur cette dette, l’équivalent de 6,7 % de son produit intérieur brut (PIB), mais l’Italie 4,8 %, soit plus que le Portugal. Dans la communauté financière, d’aucuns, à l’instar de Michael Riddell, de M&G Investments, regardent au-delà de la bataille et pronostiquent un "carnage". En réalité, le résultat est tout autre que prévu. Le même Altman souligne que "l’issue de la bataille n’est pas claire".

Un socle économique pas si catastrophique

Malgré la montagne de dettes et la charge des intérêts, les fondamentaux de l’économie italienne, au-delà des incertitudes politiques, restent meilleurs que ceux des autres pays européens en crise.
Contrairement à la Grèce, les comptes publics, hors intérêts, sont à l’équilibre. Les deux tiers de la dette publique se trouvent entre les mains de banques et de particuliers italiens, et le pays possède une large base industrielle susceptible d’être relancée avec les exportations.
D’un autre côté, l’Italie connaît une croissance économique anémique. Si chaque année, le PIB progresse et que, hors intérêts, le ratio dette/PIB augmente au lieu de diminuer, alors aux rythmes actuels de la croissance économique, sa réduction est une chimère. Ainsi, la banque Barclays Capital prévoit pour 2050 un ratio dette/PIB encore égal au niveau actuel de 120 %. Cette double lecture de la situation italienne explique pourquoi la spéculation financière a attendu si longtemps avant d’attaquer l’Italie. 
Pour les spéculateurs, un effondrement de l’euro et l’extrême volatilité qui en découlerait représentent une aubaine. Mais, simplement parce que l’euro est en jeu, l’Europe s’engagerait à le défendre et les Etats-Unis se rangeraient à ses côtés. Une analyse des données réalisée par M&G, montre que les banques européennes qui ont souscrit des obligations italiennes, se sont assurées contre un défaut de paiement en achetant des CDS (credit default swaps), surtout auprès des banques américaines. En cas de défaillance de l’Italie, les banques américaines devaient débourser d’énormes sommes. 

Fonds spéculatifs américains contre obligations italiennes

Mais tout cela est largement connu. Qu’est-ce qui a changé, alors, début juin, pour convaincre les fonds spéculatifs américains d’intervenir massivement sur la dette souveraine italienne ? Selon le Financial Times, depuis environ un mois, les fonds spéculatifs ont commencé à procéder à des ventes à découvert d’obligations d’Etat à moyen et long terme (BTP, Buoni del Tesoro poliennali). Derrière cette stratégie, il n’y a pas de détérioration particulière des finances publiques italiennes. 
Dans une large mesure, outre des incertitudes concernant l’action du gouvernement, tout dépendrait de l’attitude des banques italiennes vis-à-vis de la dette publique nationale. Pendant longtemps, expliquent les analystes de Citigroup, elles ont acheté systématiquement des BTP, en se finançant auprès de la Banque centrale européenne (BCE). 
La différence entre les intérêts payés et perçus leur assure de coquets bénéfices. Selon certaines estimations, les banques italiennes auraient détenu des BTP à hauteur de 150 % de leur capital plus les réserves. Mais ces derniers mois, cette stratégie serait devenue petit à petit moins rentable, alors que dans le même temps, ces mêmes banques voyaient leurs problèmes de financement s’aggraver, le coût de ce dernier tendant à suivre celui de la dette publique.
Cela, souligne-t-on chez Citigroup, ne signifie pas que les banques italiennes sont en train de vendre des BTP. Mais elles en achètent moins, déchargeant sur des investisseurs étrangers peu enthousiastes la tâche de combler le fossé qui se crée au moment de l’offre des titres publics. La spéculation se serait lancée sur cette baisse attendue de la demande, redoublant l’offensive avec une attaque en Bourse contre les banques elles-mêmes. 
Et maintenant ? Après l’effondrement d’hier, le rendement sur les BTP à dix ans s’est envolé, passant de 4,62 % à 5,68 % en l’espace de seulement cinq semaines. Et dans le monde de la finance, on pointe du doigt une sorte de règle des 7%. Gary Jenkins, de Evolution Securities, l’explique ainsi : dans le cas de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal, quand les rendements ont dépassé les 7 %, l’étape suivante a été le sauvetage. Mais plus on approche de ce seuil, plus les choses s’accélèrent. En moyenne, ces trois pays sont restés au-dessus des 5,5 % pendant 43 jours d’échanges, avant de franchir les 6 %. Puis ils se sont maintenus pendant 24 jours au-dessus des 6 % avant d’arriver à 6,5 %. Et après 15 jours, ils ont franchi les 7 %.

DÉMAGOGIE !

Interdisons le tabac!




La zone euro n'exclut plus un défaut grec

Les ministres de la zone euro n'ont pas réussi à s'entendre, lundi, sur les modalités d'une participation du secteur privé à un nouveau plan d'aide à la Grèce.

 Incapable de s'entendre sur les modalités d'une participation du secteur privé à un nouveau plan d'aide à la Grèce, la zone euro a ouvert lundi la voie à un défaut grec, accélérant une vague de défiance généralisée sur les marchés européens. Paris et les Bourses européennes dégringolaient mardi matin dans le sillage de l'euro, alors que l'écart de rendement entre les emprunts souverains de l'Italie, désormais dans la tourmente, et ceux de l'Allemagne, références de la zone euro, a atteint un nouveau record à 339 points de base.
Au terme de huit heures de discussions qualifiées d'intenses par plusieurs diplomates, les ministres se sont séparés lundi soir sans clarifier quelles options de la participation des banques, compagnies d'assurances et fonds d'investissements à un second plan grec étaient envisagées, se limitant à charger un groupe technique de les étudier au cours des prochains jours. Surtout, ils sont revenus sur leur promesse d'éviter coûte que coûte un "événement de crédit" et un "défaut sélectif" en Grèce, perspective qui avait pourtant été spécifiquement écartée lors d'une précédente réunion de l'Eurogroupe, puis par les chefs d'État et de gouvernement des Vingt-Sept. Seule l'opposition de la Banque centrale européenne à cette possibilité a été reprise dans la déclaration finale.
Selon plusieurs sources, trois options d'une participation du secteur privé au nouveau plan grec restent sur la table. Mais au terme des discussions lundi, deux ont particulièrement la cote : celles d'un rachat de ses propres obligations par l'État grec et, principalement, celle d'un "swap" d'obligations grecques existantes contre de nouveaux titres à la maturité allongée, poussée par l'Allemagne. Cette dernière solution, qui permettrait de réduire de manière conséquente le fardeau de la dette grecque, avait déjà été proposée par Berlin et discutée début juin avant d'être finalement écartée, car elle impliquait un "défaut sélectif" de la Grèce, auquel s'opposaient la BCE et la France.
Clarification annoncée
L'ensemble de la zone euro s'était rallié à cette position après un accord entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, mais ce consensus a volé en éclats lundi, une semaine jour pour jour après que l'agence de notation Standard & Poor's a indiqué que la troisième option, celle proposée par la France d'un "roll-over" de la dette grecque arrivant à maturité d'ici 2014, entraînerait également un tel "défaut sélectif". Face aux vives divisions qui se sont matérialisées lundi soir et à la page blanche qui s'offre de nouveau à eux, les ministres ont chargé un groupe technique de clarifier les options disponibles au cours des prochains jours.
Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a indiqué que l'ambition des ministres des Finances était de pouvoir arrêter les contours du nouveau plan grec "dès que possible" et une nouvelle réunion de l'Eurogroupe pourrait être organisée d'ici une dizaine de jours, ont indiqué plusieurs sources. De manière inattendue, ils ont en revanche décidé de revoir de nouveau les conditions et le champ d'intervention du fonds de sauvetage "zone euro" (FESF), via notamment un allongement des maturités et un abaissement des taux d'intérêt des prêts versés au pays en difficulté. Mardi matin, le Premier ministre français François Fillon a assuré sur les ondes d'Europe 1 que l'UE, si besoin, pourrait encore augmenter la capacité effective de ce fonds, qui vient d'être portée à 440 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent des prêts du Fonds monétaire international. Il a par ailleurs estimé qu'il ne fallait pas céder à la panique sur les marchés.

Buzz


Martine Aubry est-elle alcoolique ? C’est paraît-il la question du jour. La vieille rumeur qui continue de faire le buzz, qui provoque nos commentaires sur le net et au comptoir. S’agissant d’une candidate à la présidence de la République, l’interrogation n’est certes pas sans importance. Et puis il n’y a rien d’autre d’excitant dans l’actualité... Juste une guerre en Afghanistan, qui vient de tuer le soixante-quatrième soldat français. Et une guerre en Libye, où sont également engagés des soldats français. Et encore, on allait l’oublier, une crise financière qui dure et prospère depuis plus d’un an, se rapprochant toujours davantage de nos portefeuilles. Tout cela est grave, nous le savons bien, mais tellement compliqué : essayez donc de faire le buzz sur les taux de la dette ou le Grand Jeu afghan... Alors que l’alcoolisme supposé de Martine Aubry, ça coco, c’est de l’or en buzz !

Le Courrier, capteur de la présidentielle

La presse quotidienne régionale n'a pas vocation à regarder passer le train de la présidentielle en se languissant, tel un spectateur lointain et désabusé d'un rendez-vous qui serait confisqué par les professionnels de la politique. Elle remplira pleinement son rôle d'observateur exigeant d'un enjeu démocratique majeur. Les Français se passionnent pour lui, ils le montreront. C'est pourquoi le Courrier picard, à l'instar de ses confrères, proposera régulièrement à ses 291 000 lecteurs les résultats de sondages BVA, en partenariat avec Orange et RTL. Le premier de la série, réalisé à la veille de la clôture du dépôt de candidatures aux primaires socialistes, consacre les deux hyper-favoris, Hollande et Aubry, et tend à reléguer irréversiblement Royal au rang des outsiders. Il confirme la montée en puissance de la patronne du PS qui avait semblé hésitante à son entrée en lice, sinon paralysée par le souffle furieux de l'affaire DSK. Elle rattrape son rival qui, parti de loin et de bas, continue de tracer sa route. À l'évidence, la décision se fera sur la présidentiabilité des duellistes : Hollande incarnerait une vision, une capacité à diriger la France ; Aubry, une autorité et les valeurs de gauche. L'un et l'autre, en termes d'intentions de vote, dominent Sarkozy qui certes enregistre une légère embellie mais pâtit toujours de la désaffection de l'opinion. Il n'a pas vraiment tiré profit d'une séquence pourtant favorable - entre la libération des otages, la nomination de Lagarde et l'étalage de la fortune de DSK - et serait battu dans le cas d'un retour, hypothétique, du célèbre inculpé. À neuf mois de l'échéance, le pays exprime une envie de gauche.

Et maintenant, l’Italie ?

Voilà plus d’un an qu’au chevet de la Grèce comateuse, les États de l’Eurogroupe et ses docteurs ès Finances administrent le même traitement : la saignée suivie de perfusions à coup de milliards et sans doute 110 de plus cet automne, moins pour sauver la Grèce que pour stabiliser l’euro dans son catéchisme monétaire.

Bien que le traitement ne semble pas réussir, l’addition des égoïsmes nationaux et les sempiternelles querelles autour du malade interdisent toute autre médication. Il est vrai que le traité de Lisbonne et les statuts de la BCE ne donnent guère de latitude aux « médecins ». Déjà, par rapport aux textes, les États et la BCE friseraient la limite juridiquement permise par les traités...

Voilà des mois, aussi, que le mot « contagion » est sur toutes les lèvres. C’est fait. Les doutes sur les capacités européennes à faire face à la crise ont propagé les virus grec, irlandais et portugais à l’Espagne mais surtout à l’Italie, la troisième économie de la zone Euro. Avec un scénario répétitif connu d’avance : la grimpée des taux d’émissions sous des intérêts enflant par peur du risque jusqu’à atteindre des montants un jour impossibles à honorer. En creusant encore plus la dette publique à l’origine de la situation (en Italie, 120 % du PIB à comparer avec les 85 % de la France et les 150 % de la Grèce). À cela s’ajoute le facteur politique d’un gouvernement Berlusconi en pleine déliquescence.

L’alerte est au rouge avec l’affolement général qui a gagné hier toutes les bourses et en premier lieu les valeurs bancaires engagées dans les diverses dettes souveraines. Un affolement également perceptible à Bruxelles où les ministres de l’Eurogroupe devaient, en principe, se consacrer aux suites du sauvetage grec. Autant dire que l’Italie a dominé la rencontre... pour finalement encourager Rome, sous une belle solidarité verbale et des propos lénifiants du style « l’Italie ne pose pas de problème », mais en priant le gouvernement de réduire les dépenses budgétaires, selon le leitmotiv cher à la chancelière Merkel. Que faire d’autre, sinon rassurer ? Les 750 milliards des fonds de stabilité devraient être doublés s’il fallait intervenir pour l’Italie. Impensable et impossible !

N’en déplaise à l’Allemagne, si elle ne veut pas recourir à la planche à billets, la zone euro a besoin d’une autre gouvernance, plus politique, plus interventionniste et vraiment fédérale jusqu’au niveau de la BCE de Francfort. Du moins, si l’Euroland veut survivre.

Cruelle ironie : les États-Unis, si le Congrès n’autorise pas une rallonge à ses 15 000 milliards de dollars de dettes, seront en cessation de paiement le 2 août, comme le sont déjà divers États dont le Minnesota. Une sombre perspective qui ne semble guère préoccuper les agences de notation obnubilées par les dettes européennes et toujours prêtes à rappeler le vieux continent au vertueux ordre monétaire et financier.

Il est vrai que l’Europe reste un nain politique emmailloté par les intérêts nationaux qui l’empêchent de grandir....

Prolonger l'opération en Libye, jusqu'où ?

Ainsi que le veut la Constitution, quatre mois après le début de l'intervention militaire en Libye, le Parlement français est appelé, aujourd'hui, à autoriser ou non la poursuite de l'engagement des forces armées. Aucune surprise n'est à attendre. Un assez large consensus devrait se dégager pour la poursuite d'une opération devenue, pourtant, de plus en plus singulière au fil des mois.

Officiellement, il est interdit de parler de guerre même si, depuis le 19 mars, le territoire libyen est un champ de bataille sur lequel nos avions larguent des munitions. Officiellement, cette opération est menée sous l'égide de l'Otan, même si une large majorité de ses pays membres n'y participent pas et si les États-Unis se sont placés, pour la première fois, en retrait. Officiellement, le colonel Kadhafi n'est pas un objectif militaire en tant que tel. Enfin... il l'a été sans l'être explicitement et, apparemment, ne le serait même plus. Plus tout à fait.

Les raisons de ces ambiguïtés étaient campées dès le 19 mars et parfaitement délimitées par le texte, autant que par les non-dits, des deux résolutions (1970 et 1973) du Conseil de sécurité de l'Onu légitimant l'intervention. La première posait un veto préalable à toute intervention terrestre, la seconde autorisait le recours à tous les moyens pour protéger les populations civiles.

On savait que les États-Unis ne voulaient pas ouvrir un nouveau front. Ils ont donc adopté une attitude de retrait alors que, durant la première guerre du Golfe, les opérations en Bosnie et au Kosovo, les interventions en Afghanistan et en Irak, ce sont eux qui dirigeaient les opérations. Cette fois, l'Europe est mise face à ses responsabilités et, dans cette affaire, seuls Londres et Paris ont assumé le rôle d'ordinaire tenu par les Américains.

En ont-ils les moyens ? Jusqu'à quand ? Dans quel but ? Toutes ces questions seront en toile de fond du débat parlementaire d'aujourd'hui. L'intervention a déjà coûté à Paris plus d'un million par jour qui vient s'ajouter à l'autre million déjà dépensé pour l'Afghanistan. Les enquêtes d'opinion commencent à montrer que le soutien initial des Français s'effrite de semaine en semaine.

Car si, en quatre mois, la rébellion a progressé au Nord-Ouest (grâce notamment au récent parachutage d'armes acheminées par la France) et si le front s'est stabilisé à l'est de Tripoli, rien pour l'heure ne permet de présenter comme imminente la chute de Kadhafi. Tripoli reste à prendre.

Or, à la veille d'une année électorale, le temps presse pour Paris. Pour des raisons budgétaires, mais aussi d'opportunité politique. La France a eu un rôle moteur dans l'intervention, elle ne voudrait pas le garder dans l'enlisement. Cet enlisement porte un nom : Mouammar Kadhafi, dont le maintien au pouvoir au-delà de l'été résonnerait comme une insolence de plus en plus embarrassante.

Cela explique la politique des deux fers au feu pratiquée depuis quelques semaines. D'un côté, Paris accentue la pression militaire au point de livrer des armes au Conseil national de transition ; de l'autre, on multiplie les contacts, on négocie en coulisse une sortie de scène de l'imprévisible Guide libyen. Il y a quatre mois, il fallait sauver Benghazi. Ce fut fait. La question posée aujourd'hui aux parlementaires est d'autant moins simple que le départ de Kadhafi, souhaité par tous, ne peut pas venir du ciel.

L'union sacrée autour de la Grèce se fissure

Les modalités d'une participation du secteur privé à un second plan d'aide à la Grèce continuent lundi de diviser les responsables européens tandis que Christine Lagarde au FMI n'est pas "prête à parler d'un deuxième plan d'aide".

Les modalités d'une participation du secteur privé à un second plan d'aide à la Grèce continuaient lundi de diviser les responsables européens, qui ont engagé une série de réunions cruciales à Bruxelles sur fond de défiance des marchés à l'égard de la zone euro.
Selon une source proche de ces réunions, aucune décision ne devrait intervenir lundi et les ministres devraient appeler à ce qu'un travail technique soit réalisé sur plusieurs solutions techniques visant à réduire le fardeau de la dette grecque avec pour objectif de parvenir à un accord d'ici fin juillet.
Les trois options actuellement sur la table sont celle proposée par la France d'un "roll-over" de la dette grecque arrivant à maturité d'ici 2014, celle d'un rachat d'obligations par l'Etat grec et celle d'un "swap" d'obligations grecques existantes contre de nouveaux titres à la maturité allongée.
Les discussions portent également sur la possibilité de modifier la ligne européenne agréée fin juin tour à tour par les ministres des Finances puis les chefs d'Etat et de gouvernement selon laquelle un "défaut sélectif" doit absolument être évité.
Face aux difficultés à s'entendre, les ministres ont suspendu leurs discussions après 21h00. Celles-ci ont repris vers 22h00, mais sans garantie à ce stade de parvenir à une solution, a-t-on appris de source diplomatique.
"Il est très probable qu'une nouvelle réunion de l'Eurogroupe soit convoquée pour la fin juillet, afin de valider les solutions sur lesquels des groupes techniques travailleront d'ici là", a dit une source.
Une source familière avec les positions allemandes a d'ailleurs indiqué que Wolfgang Schäuble avait remis sur la table des discussions la possibilité d'un échange d'obligations.
Cette dernière option, qui permettrait de réduire de manière conséquente le fardeau de la dette grecque via une participation du secteur privé, avait déjà été proposée par l'Allemagne et discutée début juin avant finalement d'être écartée car elle impliquait un "défaut sélectif" de la Grèce, auquel s'opposait la Banque centrale européenne et la France.
Mais l'Allemagne a jugé que les deux autres options d'un rachat d'obligations et d'un "roll-over" étaient "problématique" ou n'auraient aucun effet significatif.
Changement de discours au FMI.
Quant au Fonds monétaire international, il n'est pas encore en mesure d'évoquer les conditions ou les termes d'un deuxième plan d'aide à la Grèce, a déclaré lundi sa directrice générale, Christine Lagarde, lors de sa première table ronde avec les agences de presse de Washington.
"A mes yeux, nous n'en sommes pas au stade des discussions sur les conditions et les termes, la durée et le volume, et rien ne doit être tenu pour acquis", a-t-elle averti.
Divisés sur les modalités d'une participation du secteur privé, les pays de la zone euro ont décidé de différer leurs décisions sur ce dossier, prenant le risque d'une accélération de la contagion à des pays comme l'Espagne et l'Italie.
"En ce moment, l'Italie est clairement confrontée à des problèmes, qui sont essentiellement dus au marché et auxquels, j'en suis sûre, le gouvernement italien et ses partenaires seront attentifs", a-t-elle poursuivi, souhaitant davantage de croissance à l'appui des mesures de consolidation budgétaires.
Le FMI a procédé récemment à un examen de la situation économique de la Péninsule et "certains chiffres italiens sont excellents", a souligné l'ex-ministre française des Finances, qui a succédé début juillet à Dominique Strauss-Kahn.
Christine Lagarde a par ailleurs indiqué sans plus de précisions que des changements de l'organigramme du FMI seraient annoncés mardi.
Le Chinois Min Zhu, conseiller spécial de Dominique Strauss-Kahn, devrait être nommé à un poste de directeur général adjoint créé par la directrice générale, dit-on de source proche de l'institution.
Tout notre temps...
Les responsables de la zone euro ont le temps, jusqu'à septembre, pour convenir d'un deuxième plan de sauvetage pour la Grèce, a estimé mardi le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble.
"Nous avons le temps sur la Grèce. La prochaine tranche (d'aide) est prévue en septembre", a dit le ministre dans une interview sur la station de radio Deutschlandfunk. "D'ici là, un nouveau programme doit être décidé.
Les ministres des Finances de la zone euro se sont entendus lundi pour revoir à nouveau les conditions et le champ d'intervention du fonds de sauvetage "zone euro" (FESF) mais ont en revanche renvoyé à une date ultérieure toute décision sur la participation du secteur privé à un second plan d'aide à la Grèce.

Grèce, Italie : Merkel met la pression pour résoudre la crise de la dette

Alors que les principaux responsables économiques européens se réunissaient, lundi 11 juillet, pour entamer une série de discussions sur le deuxième plan d'aide à la Grèce, la chancelière allemande Angela Merkel a pressé ses partenaires de prendre des décisions rapides sur ce nouveau plan de sauvetage. Elle a également demander à l'Italie de montrer sa bonne volonté pour redresser ses finances publiques.


La Grèce a besoin d'un nouveau plan d'aide "à très très courte échéance", a déclaré Mme Merkel lors d'une conférence de presse, une injonction à ses partenaires à se mettre d'accord rapidement sur les modalités d'une aide à Athènes, si possible avant septembre. "L'Allemagne n'a jamais dit qu'il fallait attendre jusqu'à l'automne" pour préciser le plan d'aide à la Grèce, avait dit un peu plus tôt son porte-parole, Steffen Seibert.
LA BOURSE DE MILAN CHUTE DE PLUS DE 4%
A Bruxelles, le ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble a même été plus loin en déclarant : "S'il n'avait tenu qu'à l'Allemagne, nous aurions déjà un nouveau programme pour la Grèce, mais tout le monde n'était pas prêt."
La situation sur les marchés, où l'Italie est dorénavant dans le collimateur des investisseurs en raison des craintes de contagion de la crise de la dette, renforce la pression sur les dirigeants européens pour trouver une solution rapide pour Athènes. L'indice vedette de la Bourse de Milan, le FTSE MIB, creusait ses pertes lundi vers 16 heures et chutait de plus de 4 %.
L'Italie justement "doit envoyer elle-même un signal important qui est l'adoption d'un budget répondant à des exigences d'économies et de consolidation", a aussi désiré la chancelière allemande. "J'ai eu hier au téléphone à cet effet le président du conseil", a-t-elle déclaré.
Le gouvernement italien avait mis au point, jeudi 7 juillet, un plan de rigueur de 40 milliards d'euros d'ici 2014, devant être adopté par le Parlement "avant la pause estivale", mais celui-ci n'a pas convaincu les investisseurs.
LE SPECTRE DE LA CONTAGION
Ceux-ci s'inquiètent de vives tensions apparues au sein de l'équipe gouvernementale italienne, ainsi que d'un début de scandale autour du ministre des finances, Guilio Tremonti. Signe que le marché redoute un sauvetage de l'Italie, après ceux de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal, les taux d'intérêt sur la dette italienne à dix ans atteignent un niveau record. Lundi, l'emprunt italien à dix ans pointait à 5,4 % environ, soit le double du taux d'intérêt attaché à son équivalent allemand, le Bund.
Mme Merkel s'est dite "fermement convaincue" que le Parlement italien adopterait rapidement le budget transposant le plan de rigueur, qualifié de "très convaincant" par son ministre des finances.
M. Schäuble a tenté de minimiser les craintes de contagion de la crise à l'Italie, jugeant que les spéculations en ce sens constituaient "l'énervement habituel avant de telles réunions" et qu'il ne fallait "pas les prendre trop au sérieux".
A un déjeuner de travail réunissant plusieurs hauts responsables européens suit à Luxembourg une réunion des ministres des finances de la zone euro. Selon Berlin, le cas italien n'est pas à l'ordre du jour lundi, et la Grèce reste la priorité.
La chancelière, dont le pays est le plus gros contributeur aux aides consenties aux pays européens en difficulté, a rappelé que "tous les partenaires de la zone euro étaient fermement décidés à défendre la stabilité de l'euro dans son ensemble".

Grèce et Israël: la nouvelle idylle méditerranéenne

La crise des flottilles, au départ du Pirée et à destination de Gaza, intervient au moment où Israël et la Grèce se rapprochent. Le président grec effectue une visite de deux jours dans le pays, jusqu'à mardi. Une première dans l'histoire des relations entre les deux pays.

Il ne doit pas en revenir lui-même: Carolos Papoulias, le président de la République hellénique, a posé ce dimanche le pied sur le sol israélien. Celui qui fut naguère un ardent zélote de la politique arabe de la Grèce entre dans l'Histoire comme le premier chef de l'Etat grec à venir en Israël. 
Georges Papandréou, le chef du gouvernement y est certes passé en 2010 pour amorcer un rapprochement inédit avec l'Etat Hébreu. Une première également. Surtout que son père Andréas Papandréou, ancien Premier ministre, était un fidèle soutien de Yasser Arafat. Lorsque ce dernier fut obligé de quitter le Liban en 1982 sous la menace de l'armée israélienne, c'est en Grèce qu'il se rendit, avant de trouver refuge à Tunis. 
Les temps ont changé. Ce changement de cap diplomatique s'illustre par le soutien des Grecs dans la crise des flottilles, remarqué par Shimon Peres qui les en a remercié ce lundi matin
Plus la Turquie s'éloigne, plus la Grèce se rapproche
Athènes n'a jamais été un chaud supporter de l'Etat hébreu par le passé. Il n'existe une ambassade grecque à Tel-Aviv que depuis 1990. L'alliance avec l'ennemi atavique turc n'avait pas franchement aidé à l'amitié avec les Hellènes. 
L'assaut meurtrier du Mavi Marmara l'an dernier, puis l'échec des négociations la semaine dernière avec Ankara, ont encore rapproché les deux nouveaux alliés. 
A la suite de cette affaire, la Turquie avait d'ailleurs fermé son espace aérien à Tsahal... qui était du coup venue s'entraîner au dessus du territoire grec. L'antagonisme est mécanique: à mesure que l'alliance turque se refroidit, les relations avec la Grèce se réchauffent. 
L'axe Athènes-Tel-Aviv qui se dessine pourrait aboutir sur la construction d' un pipeline, comme le notait The Economist en novembre dernier. Les champs gaziers trouvés au large des côtes israéliennes pourraient être acheminés en Europe via un gazoduc sous-marin qui déboucherait dans le Péloponnèse. Vu la situation économique de la Grèce, ça ne peut qu'être une bonne nouvelle pour elle. Problème, Israël, Chypre et le Liban se disputent toujours quant au légitime propriétaire de ces hydrocarbures. 
La question des Grecs orthodoxes d'Israël
Le sort réservé à l'Eglise grecque orthodoxe de Jérusalem, toujours dirigée par un Grec guidant une communauté arabe, constitue la pierre d'achoppement entre la Grèce et Israël. Il influait sur la politique pro-palestinienne d'Athènes. Celle-ci se veut en effet la protectrice de ces croyants, présents en Terre Sainte depuis les premiers temps du christianisme. 
Cette communauté est peu en phase avec les autorités israéliennes, comme l'illustre l'affaire du patriarcat de Jérusalem en 2005. Le patriarche Irénée 1er a été déposé par le Synode pour avoir vendu indûment, selon ses adversaires, des biens de la communauté à des investisseurs juifs. Israël a mis deux ans pour reconnaître sa déposition. Le patrimoine de la communauté grecque orthodoxe est un enjeu politique majeur dans la vieille ville de Jérusalem et dans le pays, où elle constitue l'un des premiers propriétaires fonciers. Le parlement israélien, la Knesset, est même construit sur un terrain loué au Patriarcat de Jérusalem. 
Pourtant, les églises chrétiennes de Jérusalem se plaignent du traitement par les autorités israéliennes de leurs biens historiques. L'historien-voyageur anglais William Dalrymple, dans son ouvrage "Dans l'ombre de Byzance: Sur les traces des chrétiens d'Orient", observait que "les découvertes archéologiques liées au judaïsme étaient traitées avec soin et respect mais que les vestiges chrétiens, eux, ne bénéficiaient d'aucune attention". La nouvelle alliance devra se saisir de cette question, si elle ne veut pas en rester au stade d'une idylle estivale. 

Plus de démocratie ne règle rien

L’Union européenne est confrontée à une multitude de problèmes. Mais ce n'est pas dans un partage des responsabilités qu'elle trouvera son salut. Les élites doivent au contraire étendre leur pouvoir, écrit le politologue Herfried Münkler. Extraits. 

Entre leurs réactions contradictoires face aux révoltes du monde arabe et leurs hésitations devant la crise de l’euro, les élites politiques européennes offrent en ce moment un bien triste spectacle. Cédant tour à tour à l’indécision, à la paralysie et à la fuite en avant, les responsables européens accumulent erreur sur erreur dans l’espoir de reprendre le contrôle des marchés.
Depuis qu’elles doivent apporter la preuve de ce qu’elles avancent depuis si longtemps – à savoir que l’Europe est une grande puissance mondiale aux plans politique et économique -, les élites européennes ne cessent de trébucher. Toutefois incapables de reconnaître leurs erreurs, elles célèbrent en chacun de ces faux pas le salut de l’Europe et de la monnaie unique. La déplorable image de l’Europe aujourd’hui est en bonne partie due à l’impuissance de ses élites. 

Améliorons les compétences légales des élites

Devant une telle faillite des élites, il n’est guère surprenant d’entendre des appels renouvelés à une démocratisation de l’Europe. Comme si le peuple devait réussir là où les élites ont échoué. Puisqu’il doit de toutes façons payer pour les erreurs de ces dernières, pourquoi ne pas réclamer un pouvoir accru sur le gouvernement de l’Europe ? 
Si à première vue ce raisonnement paraît logique, il est pourtant loin d’être avisé. Les élites de Bruxelles et de Strasbourg garderont en effet toujours la haute main sur l’Europe, même après sa démocratisation. Le seul pouvoir du peuple européen – si tant est que celui-ci existe – consisterait à réagir devant les échecs manifestes des responsables et à les remplacer par des élites de l’opposition. Il n’est pas certain que cela change fondamentalement quelque chose.
L’Europe était à l’origine un projet porté par les élites et dont il était prévu que la démocratisation serait réalisée lorsque l’occasion se présenterait. Les rares tentatives de démocratisation de l’Europe ont donc été menées sans grande conviction.
A cela s’ajoutait une certaine méfiance vis-à-vis des électeurs ; un sentiment que les élections des députés européens – élus au suffrage direct depuis la fin des années 70 – n’ont guère contribué à faire évoluer : aucun suffrage n’enregistre de taux de participation plus bas que ces élections qui offrent aussi souvent leurs meilleures chances aux partis populistes. Les populations européennes n’ont jamais formé un peuple européen. Seule la démocratisation pourra les aider à le devenir, répliquent aujourd’hui les démocrates.
Si cela n’est pas faux sur le principe, il faudrait toutefois que l’Europe réunisse des caractéristiques sociaux-économiques et politico-culturelles dont elle est encore très loin. En témoigne le sentiment croissant de méfiance alimenté en Europe par la crise de l’euro. Actuellement, les partisans de la démocratisation confortent les forces centrifuges sur le continent. En dépit de toutes leurs erreurs et maladresses, ce sont pourtant les élites qui maintiennent l’Europe unie. Dès lors, au lieu de démocratisation, ne devrait-on pas plutôt réfléchir aux moyens d’améliorer les compétences légales des élites ? 
Le fait qu’un pays comme la Grèce, dont l’économie représente entre 2 % et 2,5 % de la zone euro, puisse mettre l’existence de la monnaie unique en péril, nous montre clairement que cette construction politique souffre de sérieux défauts de conception. Toutes les récriminations possibles à propos des fraudes perpétrées par la Grèce lors de sa demande d’adhésion à l’euro, sur les manquements administratifs du gouvernement (qui ne possède même pas de registre national du cadastre) ou sur le manque de volonté et de discipline de certaines catégories de la population, ne sont qu’accessoires. Le véritable problème est que tous ces errements étaient connus depuis dix ans et que personne n’en a tiré aucune conséquence. 
On croyait le projet européen capable de voler de ses propres ailes, et de soutenir la Grèce. Négligeant les facteurs vraiment importants, l’Europe s’est lancée dans un débat identitaire, culturo-religieux lui permettant d’accueillir la Grèce, la Bulgarie et la Roumanie tout en fermant la porte à la Turquie. Les élites se caractérisent par leur capacité à poser les bonnes questions. En l’occurrence, les élites européennes n’ont pas su se montrer à la hauteur. 
Autre exemple de la faillite des élites européennes, il avait été proclamé qu’avec l’introduction de l’euro sur le vieux continent, non seulement on assisterait à l’avènement d’un marché qui serait plus grand que son équivalent américain, mais qu’en outre, l’euro aurait ce qu’il faudrait pour devenir, aux côtés du dollar, la deuxième devise de référence de l’économie mondiale.
A l’époque, on avait fait fi de l’idée que pour garantir la consolidation stratégique d’un tel projet, il faudrait au moins se doter d’une agence de notation européenne capable de damer le pion à ses homologues new-yorkais. Espérant remettre en cause la domination du dollar et du même coup tous les avantages dont bénéficiaient les Etats-Unis, on a positionné la monnaie unique dans un environnement sans protection : elle était susceptible d’être attaquée à tout moment, car les agences de notation américaines pouvaient s’en prendre à ses membres les plus faibles et faire pression sur eux.
C’est seulement maintenant que l’on commence sérieusement à réfléchir à une agence de notation de ce type, dont le but et la fonction sont transparents. Cette erreur ne s’explique peut-être que par la fixation des élites sur la prospérité, plutôt que de penser à la lutte stratégique pour la puissance et l’influence. On peut même dire que les élites européennes ont été victimes des explications qu’elles ont fournies pour légitimer le projet aux yeux de leur propre population. Elles se considéraient elles-mêmes comme des bons géants plutôt que comme un acteur de la politique du pouvoir qui, à l’extérieur, se bat pour ses intérêts, et s’impose à l’intérieur. Confondre légitimation et stratégie : en politique, c’est un pêché impardonnable.

Le besoin d'une nouvelle constitution politique

Les exemples de cette grave faillite des élites au niveau européen ne manquent sans doute pas. Mais ce qui importe, c’est que cette démission ne peut être rectifiée par les élites elles-mêmes, et que la tentative de contrebalancer ce manquement par une démocratisation forcée ne peut qu’aboutir à une désintégration désordonnée de l’Europe. Dans la situation actuelle, une démocratisation ne ferait qu’accroître la latitude d’action des acteurs antieuropéens tout en augmentant le nombre de ceux qui jouent de leur droit de veto à Bruxelles.
L’Europe ne verra pas d’élites plus capables arriver au pouvoir, et celles qui s’y trouvent aujourd’hui ne commettront pas moins d’erreurs, elles n’agiront pas avec plus de détermination, elles ne défendront pas avec plus de volonté les intérêts européens, tant que le cadre sanctionnant le comportement desdites élites, à savoir la Constitution européenne, n’aura pas été fondamentalement repensé. 
La crise actuelle n’est peut-être pas une condition idéale pour une démocratisation, mais elle offre assurément l’occasion de réviser le traité de Lisbonne. Par le passé, on parlait volontiers de l’axe Paris-Bonn, voire Paris-Berlin, lequel devait rester intact si l’on voulait que l’Europe puisse avancer. 
Entre-temps, la charge qui pèse sur cet axe est devenue trop lourde. On attend des Allemands qu’ils prennent davantage la direction des opérations, mais dès qu’ils le font effectivement, ils suscitent la contestation, pour ne pas dire le rejet. En Europe, la périphérie a trop de pouvoir et le centre n’en a pas assez. Tant que cela ne changera pas, l’UE et l’euro ne sortiront pas de la crise. Il est peut-être difficile de procéder à une nouvelle répartition du poids politique en Europe, mais il n’empêche que cela est plus que nécessaire.
Avant un élargissement à l’Est, il faut débattre du futur développement de l’Union. Mais ce débat est masqué par un choix fallacieux entre "intégration et élargissement”. Il aurait fallu se poser la question de savoir à quel point le centre devait être fort afin de pouvoir absorber une plus grande périphérie. 
Désormais, c’est la périphérie qui domine le centre, qui lui dicte ses priorités politiques ainsi que le rythme de ses processus de décision. Même si l’on parvient à se sortir de la crise de l’euro et de la banqueroute grecque, le problème subsistera, et c’est pour cela que de telles crises risquent de se reproduire n’importe quand. Une faillite plus ou moins ordonnée de la Grèce ne constituerait qu’un tout petit pas sur la voie du sauvetage de la monnaie unique. Une nouvelle constitution politique de l’Europe, voilà ce qui représenterait une étape décisive — une nouvelle constitution où, d’ailleurs, la démocratisation serait une véritable option, et non un synonyme de déchéance et de désintégration.