mardi 1 mars 2011
Des charges si peu sociales
seules les autruches relèveront la tête, rassérénées par les toutes nouvelles données de l'Insee sur le coût du travail en France. Bien sûr, c'est un soulagement de constater que, dans notre industrie de main-d'oeuvre, où elle surestimait à tort le coût horaire du travail - jusqu'à le voir 4 euros plus cher en France qu'en Allemagne -, la statistique officielle conclut désormais à une quasi-parité. Les deux rives du Rhin seraient donc de même niveau, elles que l'on croyait dénivelées. Mais, pour trois raisons au moins, nul ne saurait se contenter de ce constat.
A coûts unitaires du travail identiques, d'abord, l'industrie germanique demeure plus compétitive que la nôtre. L'explication de ce phénomène est dans l'écrasante supériorité du made in Germany. En vingt ans, la manufacture française a perdu son atout maître, qui était celui de la qualité. Sauf rares exceptions, alors que nos exportateurs et les leurs se battent sur les mêmes créneaux, comme la mécanique ou l'équipement, les acheteurs étrangers préfèrent, lorsqu'ils le peuvent, payer plus cher la fiabilité, la technicité, la modernité allemandes. C'est la conséquence d'une décennie perdue pour l'innovation et la recherche, qui commence seulement à être regagnée depuis trois ans à force de puissantes incitations fiscales.
Ensuite, si l'on mesure le coût du travail non pas dans la seule industrie manufacturière mais dans l'ensemble de l'économie marchande, l'heure de main-d'oeuvre française apparaît bel et bien plus chère non seulement que l'allemande (de près de 3 euros) mais que la moyenne des 17 pays de la zone euro (de 6 euros). Or cet écart-là, qui ne cesse de se creuser, est au moins aussi préoccupant que l'autre car il reflète la perte de compétitivité de deux de nos points forts à l'export, l'agriculture et les services, lesquels mériteraient que les pouvoirs publics accordent à leurs PME un dixième des attentions et subventions qu'ils prodiguent aux PMI.
Les chiffres publiés hier par l'Insee décrivent, enfin, une inquiétante singularité française, dans la structure du coût du travail : le poids des charges payées par rapport au salaire perçu. C'est la cruelle traduction des trajectoires opposées choisies depuis dix ans par une Allemagne qui, à force de réduire son Etat providence, a diminué le poids des cotisations et par une France qui a continué de l'augmenter. Or, loin de favoriser les salariés, cette fuite en avant vers le social est devenue antisociale : le coût total des augmentations devenant excessif pour l'employeur, cela les freine avec une redoutable efficacité. La hausse du coût du travail en France ne finit même pas dans la poche des salariés.
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