vendredi 5 décembre 2014
Le retour du sparadrap du capitaine Haddock
Après le long et désastreux feuilleton de la taxe à 75 %, la promesse de François Hollande de ne plus augmenter aucun impôt d'ici à 2017 risque de devenir son nouveau morceau de sparadrap, celui dont le capitaine Haddock ne parvient jamais à se défaire.
Sur le fond, l'engagement, réitéré hier par Michel Sapin, est louable : après des hausses massives des prélèvements, il faut alléger la pression pour retrouver de la compétitivité et soutenir la croissance. Il s'agit aussi de donner un cap, des garanties, alors que les entreprises comme les ménages n'y croient pas. Mais voilà le hic : comme ils ont été échaudés par les promesses non tenues (la fameuse « pause fiscale » de 2013), ils n'y croient toujours pas. D'autant que, comme le reconnaît le ministre des Finances, l'engagement doit être entendu en mettant de côté les mesures déjà décidées et courant jusqu'en 2017 : hausse des cotisations retraite, de la taxe carbone, de la contribution sur l'électricité, etc. Sans parler des impôts locaux, que l'Etat ne maîtrise pas. Ce scepticisme généralisé va être encore alimenté par le vote, dans la nuit de mardi à mercredi à l'Assemblée, d'une nouvelle taxe ciblée sur la grande distribution, avec l'appui du gouvernement et contre l'avis de la rapporteure du budget, Valérie Rabault (PS). Un mois après l'annonce du chef de l'Etat de l'arrêt de toute hausse d'impôt, la contradiction est flagrante. L'exécutif avait déjà bien du mal à justifier la litanie des taxes du collectif budgétaire - surtaxe sur les résidences secondaires, taxe de séjour, taxe sur les banques, sur les bureaux, etc. - arguant du fait que ces projets étaient déjà lancés (mais pas votés) quand François Hollande s'est exprimé le 6 novembre… La taxe sur les surfaces commerciales met à bas ce fragile justificatif. Comment croire qu'aucun impôt d'aucune sorte n'augmentera pendant trois ans quand le gouvernement est incapable de tenir parole pendant un mois ? La promesse est intenable. Christian Eckert le sait bien, lui qui avait estimé que l'on ne pouvait graver dans le marbre un tel engagement. Le secrétaire d'Etat au Budget n'en a pas fini de se démener avec le sparadrap…
Au-delà de la perte de crédibilité de la parole présidentielle, l'argumentaire employé à propos de la taxation des grandes surfaces a de quoi inquiéter les entreprises. Il s'agit de récupérer le crédit impôt compétitivité emploi qui leur est versé, au motif que ce secteur est protégé de la concurrence internationale. Ce qui ouvre la voie à bien des mesures de ce type dans différents secteurs… Enfin, la propension de l'exécutif à utiliser l'arme fiscale pour boucler son budget interpelle. Le plan de 3,6 milliards détaillé hier, qui a permis à la France d'éviter un veto de Bruxelles, ne comprend aucune mesure d'économie nouvelle. Il en faudra beaucoup plus pour convaincre la Commission, au printemps, de ne pas sanctionner la France.
Qu’exprime le score de Bruno Le Maire au Congrès de l’UMP ?
Bruno Le Maire est-il le signe d’un renouveau au sein de la droite ?
Dimanche matin, Bruno Le Maire, fort des 29,18% obtenus lors de l’élection du président de l’UMP, était en une de tous les journaux. S’il ne faut pas exagérer la portée de ce score en criant à la révolution au sein du premier parti d’opposition, il faut tout de même noter les tendances et les aspirations que celui-ci exprime. Et celles-ci sont très intéressantes dès lors que l’on prend conscience du fait que les militants UMP représentent majoritairement la frange la plus « radicale », comme tout adhérent à un parti, des sympathisants de droite et du centre.
Bruno Le maire, incarnation du « renouveau » au sein de l’UMP ?
Tout d’abord, les suffrages exprimés en faveur de Bruno Le Maire sont évidemment le signe d’une volonté de changement des pratiques politiques au sein de l’UMP. En effet, l’ex-ministre de l’agriculture a fait du « renouveau » le cœur de sa campagne en déclinant des propositions pour réformer la vie publique : non-cumul des mandats, limitation du nombre de mandats dans le temps, démission des élus de la fonction publique… Plus que ces mesures, qui n’ont rien de révolutionnaires, le « renouveau » a été incarné par les personnes qui se sont engagées dans le sillage de Bruno Le Maire. La cinquantaine de parlementaires, la centaine de maires et l’armée de « jeunes BLM », réseau que le député de l’Eure a construit durant ces deux dernières années, ont fortement contrasté avec la vieille garde sarkozyste, que le nouveau président de l’UMP s’est pourtant appliqué à cacher. Certains ont fait le parallèle entre ces jeunes militants ou sympathisants aux t-shirt aux couleurs criardes et les jeunes giscardiens. Cette comparaison, non sans un poil de moquerie envers l’homogénéité sociologique des jeunes BLM, souligne néanmoins comment Bruno Le Maire semble incarner le renouvellement ou la modernisation de la vie politique comme Valéry Giscard d’Estaing en son temps.
Au-delà de la volonté de renouvellement de la vie publique, on peut lire dans le score de Bruno Le Maire, la manifestation d’un changement de culture politique des militants UMP. On a souvent décrit les adhérents du parti comme des Français dont la tradition bonapartiste ou gaulliste – appelez ça comme vous le souhaitez – les rendait dépendant d’un chef dont ils attendaient presque tout. Cette conception césariste de la vie publique les rendait relativement imperméables aux affaires politico-judiciaires de leur leader, à ses revirements politiques ou à ses échecs. Il faut dire que les plus vieux de la vieille ont su rester dans le parti malgré les scandales au sein du RPR avec les Chirac et autre Pasqua, avant de supporter tour à tour l’affrontement Copé/Fillon, Bygmalion, le « sarkothon »… On peut presque y voir une forme de cynisme, un dédain affiché envers quelconque moralisation de la vie publique.
Nicolas Sarkozy, étant conscient de l’ampleur de cette culture politique au sein de l’UMP, en redoutable politicien qu’il est, a très bien su en jouer. Sur les neuf affaires judiciaires dans lesquelles il est impliqué, silence-radio ou négation en bloc. Aucune critique de son quinquennat précédent. Présentation de son retour comme une nécessité pour la France après deux ans de prise de hauteur.« Non seulement j’ai envie, mais j’ai pas le choix » assénait-il à Laurent Delahousse pour annoncer son retour. Son retour à la tête de l’UMP était alors conçu comme le moyen d’un plébiscite qui consacrerait sa légitimité.
Cependant, il semble que cette conception de la vie publique a fait son temps. À travers le vote pour Bruno Le Maire, presque un tiers des militants ont exprimé une volonté d’oxygéner la classe politique, de laisser la place à une nouvelle génération. Ils ont été sensibles à la « campagne de terrain » de l’ancien ministre de l’agriculture, non pas commencée en Juin dernier, mais en 2012, depuis la défaite de Nicolas Sarkozy. Certes, ce dernier a nettement remporté la présidence de l’UMP, mais la différence avec son score de 2004 (85 %) indique que celui qui, plus que quiconque, a cherché à incarner et personnaliser le pouvoir doit faire face à une mutation de la culture politique de son parti. Et si celle-ci est en cours au sein des militants du parti, alors elle est déjà bien avancée parmi les sympathisants de droite et du centre. Bruno Le Maire l’a bien compris en annonçant que ce vote n’était qu’un début pour le « renouveau ».
Une volonté de remettre les sujets primordiaux au cœur du débat
Enfin, bien qu’il ait été relativement peu question de son programme politique national, Bruno Le Maire ayant cherché à faire une campagne directement adressée aux militants, certaines de ses idées pour la France ont pu être néanmoins esquissées. Par un discours qui n’a rien de révolutionnaire et dans lequel on peut même voir des contradictions, notamment sur la vision de l’Europe ou sur la réforme territoriale, il faut reconnaître le mérite de M. Le Maire d’avoir cherché à remettre les sujets primordiaux au cœur du débat. Exit les débats sans fin sur le mariage pour tous, exit les polémiques sur l’immigration ou l’identité nationale, le discours du député de l’Eure a su trancher avec les digressions de Nicolas Sarkozy sur la définition de la République ou sur la nécessité du leadership en politique. Il a remis les sujets majeurs sur la table à savoir la liberté économique, la réforme de notre modèle administratif et social et l’éducation avec une volonté de « parler vrai ». Les militants UMP, ainsi que tous les Français, ont apprécié cette constance dans ses propos qui font beaucoup de bien au débat politique.
Retraité grâce à Pékin
Retraité grâce à Pékin
Pour peu que l’on ait l’esprit cynique, il est des nouvelles réjouissantes. Apprendre que les Chinois vont financer le trou de la sécu est l’une d’elles. Leurs épargnants pourront en effet bientôt acheter de la dette sociale française en yuans. C’est dire qu’ils financeront en partie nos retraites et contribueront à notre protection sociale. Qu’ils participent à notre confort de vie illustre l’abnégation de ce grand peuple. Ce qui, l’on en conviendra, est assez méritoire de la part d’une nation où les salaires sont si bas, l’assistance aux travailleurs quasi nulle et la pénibilité une notion inconnue. Notre reconnaissance est telle que nous devrions être prêts à admettre que la Joconde, notre Joconde, représente une esclave chinoise comme le prétend un chercheur italien.
Le Président d’une République du scandale
Le Président d’une République du scandale
Le serment d’un « comportement en chaque instant exemplaire » ? Un artifice de campagne, égaré dans une anaphore devenue énumération des promesses bafouées. L’engagement sur « l’exemplarité des responsables publics, totale » ? Une autre finasserie présidentielle, pour couper court au scandale. Après le fiasco de la « République irréprochable » de son prédécesseur, François Hollande promettait la vertu, l’honnêteté, l’intransigeance, l’honneur. Résultat, nous avons eu Cahuzac, Morelle, Thévenoud, Arif et, maintenant, Lamdaoui. A la droite affairiste devait succéder – classique – la gauche morale. Résultat, au plus proche du pouvoir élyséen, nous avons les suspicions de conflit d’intérêts, d’usage de faux, de fraude fiscale, d’abus de biens sociaux.
Face à toutes ces affaires, la condamnation de comportements personnels ne saurait suffire. Sans que sa probité soit mise en cause, le chef de l’Etat est a minima coupable de légèreté, de défaut de lucidité. Mais pire, sous couvert de beaux principes déclamés, le Président contribue au délitement de la démocratie, décomposition qu’il aspirait à stopper. Car aux belles âmes qui prétendent faire barrage aux extrêmes, comment ne pas opposer que ce sentiment d’impunité, de déconnexion à la réalité fait le jeu du Front national, de l’abstention, de l’exaspération sociale ? Et aux défenseurs de la réforme, comment ne pas répliquer que le discrédit de la parole politique, le mensonge et la dissimulation corrodent la confiance, cette espérance sans laquelle rien n’est possible ? A d’autres le « tous pourris » ; mais plus que jamais la reconstruction de notre cadre politique devient une priorité, le préalable à tout rebond.
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