L'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) s'est dotée, lundi 15 mars, d'un nouveau président, mais la guerre des chefs continue au sein du puissant syndicat de l'hôtellerie-restauration. Le conflit qui oppose la présidente déchue, Christine Pujol, au reste de l'organisation a pris depuis quelques jours des allures de vaudeville. Ravitaillée par la fenêtre, dormant sur la moquette et privée de télévision, celle qui se considère encore comme la patronne des lieux refuse de quitter son bureau du 22, rue d'Anjou, dans le 8e arrondissement de Paris. Enfermée avec sa directrice de la communication, Claire Cosson, elle conteste sa destitution. "Peu importe l'élection de Roland Héguy, ça ne change rien à ma position", affirme-t-elle.
Depuis cinq jours, les deux femmes vivent barricadées au troisième étage du siège de l'UMIH, deux vigiles surveillant le bâtiment. "On nous a supprimé les bouteilles d'eau, enlevé la machine à café, les toilettes ont été fermées à clé, mais on tient bon", se plaint Christine Pujol. Chaque jour, des amis apportent aux recluses des vivres qu'elles hissent dans un sac relié à un cordon. Pour se maintenir en forme, la présidente déchue fait même un peu de stretching. "Comme ça, je ne suis ni énervée, ni déprimée."
UNE POLITIQUE TROP "PERSONNELLE"
A la tête de cinq établissements à Carcassonne, Christine Pujol, 61 ans, préside l'UMIH depuis septembre 2008. Ses détracteurs lui reprochent de ne pas avoir suffisamment défendu les restaurateurs après l'adoption de la TVA à 5,5 %. Accusés d'avoir maintenu leurs tarifs, les restaurateurs en ont voulu à leur présidente de ne pas être montée au créneau. Davantage que ses erreurs de communication, c'est la manière de faire de la présidente qui a posé problème. "Elle s'est approprié un dossier qu'elle maîtrisait mal et s'en est servi pour se faire connaître", regrette Dany Deleval, vice-présidente de l'UMIH et co-listière de Christine Pujol en 2008. Pour elle, la recluse a mené une politique bien trop "personnelle", se comportant "en chef de famille, alors qu'on lui demandait d'agir en chef d'équipe".
"Je voulais réformer ce syndicat, le dépoussiérer", se défend Christine Pujol. Le changement passait par une démocratisation de la confédération. La présidente voulait faire "plus de place aux adhérents", en finir avec certaines pratiques. "Malheureusement, c'est l'omerta qui a primé, affirme-t-elle. Mon prédécesseur (André Daguin, NDLR) a passé son temps à faire de la représentation. Ce nétait pas ma conception de notre mission."
Son coup de force, Christine Pujol l'oppose au "putsch" monté par le "camp Daguin". Elle refuse de reconnaître la validité de l'assemblée générale extraordinaire qui l'a destituée le 24 novembre 2009 à Nantes. "Je veux bien partir, mais à condition que ça se fasse dans la légalité. Or les statuts n'ont pas été respectés", dit-elle. "On nous affirme que 97 % des votants se sont prononcés en faveur d'un départ, mais nous ne disposons pas des feuilles d'émargement. Impossible de savoir qui a vraiment voté", explique Claire Cosson.
"JE SUIS LA PRÉSIDENTE, JE SUIS LA PRÉSIDENTE"
Pour la nouvelle direction, qu'importe que l'assemblée générale extraordinaire ait été légale ou non, puisque la présidente n'a plus de majorité au sein de la confédération syndicale. "C'est vrai que la procédure n'a pas suivi son cours normal, mais il existe dans la jurisprudence des exemples de destitutions similaires. Ce qui est sûr, c'est que Mme Pujol n'est plus légitime", affirme Rémi Barousse. L'avocat des "putschistes" a déposé un référé pour obtenir son expulsion des bureaux de l'UMIH, invoquant des craintes pour la santé mentale de la présidente. "J'ai assisté à son coup de force, raconte-t-il. Venue avec deux serruriers, elle esquissait des pas de danse dans le couloir, répétant 'Je suis la présidente, je suis la présidente'."
Jeudi 11 mars, Christine Pujol aurait proposé un accord à ses adversaires par l'intermédiaire de Jean-Marc Banquet d'Orx, trésorier de l'UMIH. Selon Me Barousse, la présidente était prête à démissionner si la nouvelle direction s'engageait à prendre en charge ses frais d'avocats et à lui payer son salaire de présidente depuis novembre. Elle aurait également réclamé un poste honorifique au sein de l'organisation.
Un récit démenti par la principale intéressée. Persuadée que ses adversaires veulent la "démolir", elle assure être "parfaitement cool". "Je ne me jetterai pas par la fenêtre", dit-elle en riant. "La vérité, c'est que je suis une vieille syndicaliste et que je n'ai pas l'habitude de plier à la moindre difficulté." Mardi, la justice doit examiner le référé déposé par l'avocat de la nouvelle direction. Christine Pujol sait qu'elle sera "probablement expulsée" et contrainte de "retourner dans [sa] province". Mais qu'importe : comme elle l'affirmait au Midi libre, "une cathare ne capitule jamais."
Elise Barthet