samedi 31 mars 2012
Rama Yade revient et Bayrou recule
Pour son journal de campagne, Christophe Barbier s'arrête sur trois événements de la semaine. Le meeting réussi de François Bayrou au Zénith, qui ne lui permet tout de même pas de remobiliser ses électeurs, les arrestations d'islamistes - et leur récupération politique, et le retour annoncé de Rama Yade vers Nicolas Sarkozy.
L'insécurité de retour au galop
Le fait divers est clos mais l'histoire continue. On voit des
prédicateurs soudain surgir des mosquées, se faire interpeller, et le
candidat-président se reprendre à espérer. La dérive meurtrière de Merah
a relégué la crise aux oubliettes. La question sociale avait envahi la
campagne, elle en a été chassée. Cette présidentielle ressemble à un
zapping électoral. C'était pourtant écrit. Les Français éliraient leur
président sur l'économie. Nicolas Sarkozy le clamait dans son habit de
capitaine dans la tempête ; il appellerait même Angela Merkel sur
l'estrade. Il s'est ravisé. Marine Le Pen surferait sur la sortie de
l'euro. Elle a remisé sa chimère au placard et s'est recentrée, façon de
parler, sur les valeurs sûres de l'extrême droite - insécurité,
immigration - teintées d'islamophobie. Nicolas Sarkozy, lui, n'a pas il
est vrai attendu la tragédie pour changer de stratégie et revenir aux
fondamentaux qui permettent de marquer les clivages et de glisser la
poussière du bilan sous le tapis. Cette stratégie d'évitement produit
son effet sondagier, reste à savoir comment les Français, dont les
préoccupations restent très majoritairement tournées vers
l'insécurité... de l'emploi, réagiront. Car si les coups de filet contre
les milieux islamistes sont nécessaires et approuvés, si le combat
contre une idéologie radicale ne saurait être ralenti par le calendrier
électoral, la ficelle est un peu épaisse. Le candidat est hyper-réactif,
que n'a-t-il, comme président, frappé plus tôt et plus fort ! Et dans
la surenchère du moment, est-il raisonnable, quelle que soit l'émotion,
qu'il compare le traumatisme de Toulouse au cataclysme du 11-Septembre ?
Chirac : "Personne n'a dit autant de mal de moi que Sarkozy !"
C'est peu de dire
que la campagne présidentielle n'intéresse pas Jacques Chirac. Il ne
lit guère les journaux, regarde à peine la télévision. Mais il est resté
rivé à son écran pour suivre
les développements de l'affaire Mohamed Merah, l'auteur revendiqué des
tueries de Toulouse et de Montauban. Bien sûr, l'ancien président a
aussitôt voulu écrire aux familles des sept victimes, au président du
Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), au grand
rabbin de France.
A ce dernier, il a dit combien il était "horrifié par la tuerie" commise le 19 mars dans le collège Ozar-Hatorah de Toulouse, où trois enfants ont péri. "Je tenais, en ces moments si douloureux pour la communauté juive, à vous dire mon immense peine et ma grande douleur devant un acte de barbarie inqualifiable", écrit-il, assurant Gilles Bernheim qu'il est à ses côtés "dans cette terrible épreuve".
Et soudain, c'est le président éternel qui parle : "C'est la Nation tout entière qui est endeuillée et pleure (...). Comme à chaque fois qu'elle est frappée en son coeur, la République doit se rassembler et se lever pour protéger toutes ses filles et ses fils, et lutter sans merci contre toutes les formes de terrorisme, de racisme et d'antisémitisme." Même retiré de la vie politique, même doté d'une santé chancelante et souvent absent à lui-même, il garde la force de ces mots, fussent-ils rédigés pour lui et non par lui. A chacun de ses correspondants, il a adressé quelques lignes de sa main.
Pour le reste, et en dépit des manifestations appuyées de soutien de Bernadette Chirac à Nicolas Sarkozy - "Il sera réélu", "Je suis une militante du sarkozysme" -, l'ancien président s'en va répétant qu'il votera Hollande. "Il est en dents de scie, mais il est parfaitement net et clair quand il le dit", note un ami.
En 2007, il avait confié à Pierre Péan : "Je me fous éperdument que Sarkozy ou tel autre... Je me fous de beaucoup de choses." En 2012, il a retrouvé sa virulence contre le président sortant. Alors qu'il a mis un point d'honneur, une fois élu, à ne jamais critiquer son prédécesseur François Mitterrand et qu'il s'est astreint au silence depuis cinq ans sur son successeur, il a martelé devant un visiteur familier : "Personne n'a dit autant de mal de moi que Sarkozy, vous m'entendez bien, personne !"
EMBARRASSANT AVEU
L'ancien président a-t-il jugé que son épouse était allée trop loin en assurant que le candidat socialiste n'avait "pas le gabarit d'un président" ? Toujours est-il que l'élue de Corrèze a fait machine arrière, pour le site de Nice-Matin, mercredi 28 mars : "Qu'est- ce que je vais vous dire sur François Hollande ? (...) Oublions cela. Est-ce qu'il ne vous est pas arrivé dans la vie, une fois, de dire un mot qui est un p'tit peu... trop... fort par rapport à ce qu'on pensait ?"
L'état de santé de Jacques Chirac lui permettra-t-il d'aller voter en Corrèze, dimanche 22 avril et dimanche 6 mai ? La mémoire vacillante de l'ancien président a rendu sa vie compliquée et éprouvante. Ses proches s'interrogent sur l'éventualité d'un vote par procuration. Nul doute qu'ils y voient aussi le moyen d'éviter les micros tendus à la sortie des urnes vers un embarrassant aveu.
A ce dernier, il a dit combien il était "horrifié par la tuerie" commise le 19 mars dans le collège Ozar-Hatorah de Toulouse, où trois enfants ont péri. "Je tenais, en ces moments si douloureux pour la communauté juive, à vous dire mon immense peine et ma grande douleur devant un acte de barbarie inqualifiable", écrit-il, assurant Gilles Bernheim qu'il est à ses côtés "dans cette terrible épreuve".
Et soudain, c'est le président éternel qui parle : "C'est la Nation tout entière qui est endeuillée et pleure (...). Comme à chaque fois qu'elle est frappée en son coeur, la République doit se rassembler et se lever pour protéger toutes ses filles et ses fils, et lutter sans merci contre toutes les formes de terrorisme, de racisme et d'antisémitisme." Même retiré de la vie politique, même doté d'une santé chancelante et souvent absent à lui-même, il garde la force de ces mots, fussent-ils rédigés pour lui et non par lui. A chacun de ses correspondants, il a adressé quelques lignes de sa main.
Pour le reste, et en dépit des manifestations appuyées de soutien de Bernadette Chirac à Nicolas Sarkozy - "Il sera réélu", "Je suis une militante du sarkozysme" -, l'ancien président s'en va répétant qu'il votera Hollande. "Il est en dents de scie, mais il est parfaitement net et clair quand il le dit", note un ami.
En 2007, il avait confié à Pierre Péan : "Je me fous éperdument que Sarkozy ou tel autre... Je me fous de beaucoup de choses." En 2012, il a retrouvé sa virulence contre le président sortant. Alors qu'il a mis un point d'honneur, une fois élu, à ne jamais critiquer son prédécesseur François Mitterrand et qu'il s'est astreint au silence depuis cinq ans sur son successeur, il a martelé devant un visiteur familier : "Personne n'a dit autant de mal de moi que Sarkozy, vous m'entendez bien, personne !"
EMBARRASSANT AVEU
L'ancien président a-t-il jugé que son épouse était allée trop loin en assurant que le candidat socialiste n'avait "pas le gabarit d'un président" ? Toujours est-il que l'élue de Corrèze a fait machine arrière, pour le site de Nice-Matin, mercredi 28 mars : "Qu'est- ce que je vais vous dire sur François Hollande ? (...) Oublions cela. Est-ce qu'il ne vous est pas arrivé dans la vie, une fois, de dire un mot qui est un p'tit peu... trop... fort par rapport à ce qu'on pensait ?"
L'état de santé de Jacques Chirac lui permettra-t-il d'aller voter en Corrèze, dimanche 22 avril et dimanche 6 mai ? La mémoire vacillante de l'ancien président a rendu sa vie compliquée et éprouvante. Ses proches s'interrogent sur l'éventualité d'un vote par procuration. Nul doute qu'ils y voient aussi le moyen d'éviter les micros tendus à la sortie des urnes vers un embarrassant aveu.
CHIRAC N'A JAMAIS ÉTÉ UN BON PRÉSIDENT, IL N'A RIEN GLANDÉ PENDANT TOUT LE TEMPS DE SES MANDATURES, IL A TÂTÉ LE CUL DES VACHES TOUT EN SE GRATTANT LES ROUBIGNOLLES.
Je vole, tu voles…
« voler pour gagner de l’argent ». Il ne s’agit pas d’une injonction. Ni d’un conseil. C’est un cri. Venu de Grèce, où ces mots sont tagués sur les murs.
Bien que d’un lointain écho, cet appel à rébellion nous est compréhensible. Et choque en tant que tel. Parce qu’il n’est pas question de voler pour manger, s’habiller, se loger. Le but est clairement de « gagner de l’argent ». Constat numéro un : à nos besoins élémentaires s’ajoute l’absolue nécessité du gain monétaire.
On frémit à ce slogan, aussi, pour sa subversion explicite. Comme si étaient placées en équivalence l’immoralité de voler et celle de gagner de l’argent. Sans doute traduit-il le désenchantement suscité par des inégalités de plus en plus appuyées. Les masses qui se sacrifient en Grèce, se révoltent en Espagne, se serrent la ceinture en Grande-Bretagne, forment un contraste saisissant avec un pays comme l’Allemagne et ses airs de gagnant au Loto du commerce extérieur. Constat numéro deux : le désespoir qui monte chez les plus mal lotis ne les rend sûrement pas moins envieux, ni aveugles.
Enfin, le slogan grec du « Voler pour gagner de l’argent » a ceci de gênant qu’il ravale des projets politiques au rang de mièvreries passagères, voire de bluettes circonstancielles. En ces périodes électorales, les « travailler moins » de la gauche, ou les « travailler plus » de la droite, livrent un rapport un poil plus distant à la question des revenus, presque poétique. Troisième et dernier constat : l’argent finit par acquérir une dimension révolutionnaire.
Perdues ou pas, les causes de la Grèce, de l’Espagne, ou de tous les faillibles suivants, vont bien au-delà d’un slogan. Avant, l’Europe était une fédération d’État. C’est devenu une collection de notes financières. Avant, habitaient sur ce continent des Européens. Maintenant y vivent surtout des débiteurs. À l’image de la France qui préserve sa balance publique. Mais au prix de quoi ? L’endettement, encore…
« Un nouveau contrat social »
« Le temps n'est pas à la revanche du peuple contre le gouvernement des riches », écrit, dans Libération du 19 mars, Pierre Beckouche, professeur à la Sorbonne. Il ajoute : « C'est surtout l'insertion de la France dans la mondialisation qui est l'enjeu. »
Cela suppose d'avoir réponse à une dizaine de questions nationales qui
ne sont pas d'abord partisanes : l'Europe fédérale, l'Euroméditerranée,
la dette publique, le déficit de nos comptes, l'élévation socialement
équitable de l'âge de la retraite, le système fiscal, le statut de la
fonction publique, la création d'entreprises, la transition énergétique,
les révolutions numériques, biologiques, nanotechnologiques, la réforme
de l'enseignement primaire, l'urbanisme et la ségrégation sociale.
On le voit, ces questions touchent tout le monde : elles exigent des réponses solides si l'on veut éviter l'enlisement progressif de notre pays.
Malheureusement, les élections qui devraient permettre de proposer des solutions sont l'occasion de dénigrer l'autre qu'on s'efforce de discréditer, qu'on traite, au besoin, en ennemi. Comment pourrait-on alors écouter tranquillement les arguments opposés, entretenir le nécessaire débat contradictoire, reconnaître ce que l'autre apporte de positif, s'enrichir de son point de vue ? Comment ensuite pourrait-on vraiment coopérer et travailler ensemble loyalement à l'instauration du Bien Commun ? On sème le doute dans les esprits. « Il est hélas plus facile de caricaturer la réalité pour faire 'saliver' sur les riches que d'argumenter de manière rationnelle », écrit Pierre Méhaignerie, dans le livre qu'il vient de publier, Une France forte et juste, et il ajoute : « La France doit sortir du pessimisme et d'un certain climat de méfiance sinon elle aura beaucoup de difficultés à réduire ses faiblesses... Aux petites phrases, aux conflits de personnes, je revendique le combat d'idées, la modération, l'absence de caricatures... La première exigence que l'on attend des hommes politiques est qu'ils disent la vérité. »
Un pacte incontournable : union nationale
Or, précise M. Beckouche, « la scène politique française reste dominée par un jeu théâtral de discrédit de l'adversaire, de la simplification de ses positions et de l'opposition radicale, factice... C'est ce qui empêche un consensus qui est à portée... un nouveau contrat social auquel la plupart des acteurs du pays serait prêt, pour autant qu'on n'instrumente pas les débats, qu'on laisse un minimum de temps pour la confrontation des arguments et l'appropriation collective du résultat. »
Pour Pierre Méhaignerie, « il appartient aux partis politiques de dire la vérité, de réduire les blocages, de mobiliser les énergies. » C'est en effet bien différent des petites polémiques qui nous enferment alors que « la crise est d'une telle ampleur qu'elle appelle nécessairement une remise en cause profonde ».
C'est à ce genre de remise en cause profonde qu'aboutit M. Beckouche, qui conclut, dans Libération : « Nous avons besoin, pour réussir, de la gauche réformiste, de la droite parlementaire, des Verts et des centristes... Nous avons cinq ans pour préparer un pacte dont le nom peut fasciner ou horripiler, mais qui est incontournable : une union nationale sur au moins deux mandats quinquennaux. » On le voit, les enjeux sont de taille. Saurons-nous relever, plus tôt que trop tard, les défis qui sont aujourd'hui devant nous ?
On le voit, ces questions touchent tout le monde : elles exigent des réponses solides si l'on veut éviter l'enlisement progressif de notre pays.
Malheureusement, les élections qui devraient permettre de proposer des solutions sont l'occasion de dénigrer l'autre qu'on s'efforce de discréditer, qu'on traite, au besoin, en ennemi. Comment pourrait-on alors écouter tranquillement les arguments opposés, entretenir le nécessaire débat contradictoire, reconnaître ce que l'autre apporte de positif, s'enrichir de son point de vue ? Comment ensuite pourrait-on vraiment coopérer et travailler ensemble loyalement à l'instauration du Bien Commun ? On sème le doute dans les esprits. « Il est hélas plus facile de caricaturer la réalité pour faire 'saliver' sur les riches que d'argumenter de manière rationnelle », écrit Pierre Méhaignerie, dans le livre qu'il vient de publier, Une France forte et juste, et il ajoute : « La France doit sortir du pessimisme et d'un certain climat de méfiance sinon elle aura beaucoup de difficultés à réduire ses faiblesses... Aux petites phrases, aux conflits de personnes, je revendique le combat d'idées, la modération, l'absence de caricatures... La première exigence que l'on attend des hommes politiques est qu'ils disent la vérité. »
Un pacte incontournable : union nationale
Or, précise M. Beckouche, « la scène politique française reste dominée par un jeu théâtral de discrédit de l'adversaire, de la simplification de ses positions et de l'opposition radicale, factice... C'est ce qui empêche un consensus qui est à portée... un nouveau contrat social auquel la plupart des acteurs du pays serait prêt, pour autant qu'on n'instrumente pas les débats, qu'on laisse un minimum de temps pour la confrontation des arguments et l'appropriation collective du résultat. »
Pour Pierre Méhaignerie, « il appartient aux partis politiques de dire la vérité, de réduire les blocages, de mobiliser les énergies. » C'est en effet bien différent des petites polémiques qui nous enferment alors que « la crise est d'une telle ampleur qu'elle appelle nécessairement une remise en cause profonde ».
C'est à ce genre de remise en cause profonde qu'aboutit M. Beckouche, qui conclut, dans Libération : « Nous avons besoin, pour réussir, de la gauche réformiste, de la droite parlementaire, des Verts et des centristes... Nous avons cinq ans pour préparer un pacte dont le nom peut fasciner ou horripiler, mais qui est incontournable : une union nationale sur au moins deux mandats quinquennaux. » On le voit, les enjeux sont de taille. Saurons-nous relever, plus tôt que trop tard, les défis qui sont aujourd'hui devant nous ?
Contre l’islamisme : la laïcité, ou autre chose ?
Mohamed Merah ayant attiré l’attention sur la réalité de l’islamisme
en France, les autorités ont décidé de supprimer les visas accordés
dans un premier temps à quatre prédicateurs qui sont désormais
« soupçonnés », comme on dit, d’inciter à la haine et à la violence. Ils
étaient attendus au congrès de l’Union des Organisations islamiques de
France (UOIF, proche des Frères musulmans) qui se tient au Bourget du 6 au 9 avril (oui, à l’occasion de Pâques…).
Les quatre prédicateurs concernés par l’interdiction sont les
Saoudiens Ayed Bin Abdallah Al Qarni et Abdallah Basfar, l’Egyptien
Safwat Al Hijazi, et le Palestinien Akrima Sabi. Celui-ci, selon une
source gouvernementale française, a affirmé que « des centaines de
femmes sont prêtes à se sacrifier ou à sacrifier leurs propres
enfants ». Al Qarni aurait lui qualifié, dans un ouvrage, les juifs de
« frères des singes et des porcs ». Al Hijazi aurait revendiqué son
antisémitisme, appelant sur une chaîne de télévision à « dévorer les
juifs avec (les) dents », selon la même source. Quant à Abdallah Basfar,
il aurait légitimé « le fait de battre son épouse si elle n’obéit pas à
son mari ».
Deux autres de ces délicats prédicateurs ont renoncé d’eux-mêmes à
faire le déplacement, Nicolas Sarkozy ayant notamment appelé l’émir du
Qatar en début de semaine pour dire « indésirable » la venue du Cheikh
sunnite Youssef Qaradaoui.
La vraie information n’est pas, ici, le fait que ces prêcheurs du
Coran intégral ne soient plus les bienvenus en France. C’est qu’ils
aient pu l’être. Et qu’un rassemblement où l’on brûle de les entendre
puisse se tenir, sans que soit posé de questions, aux portes de Paris…
Bien entendu, il est certainement intéressant du point de vue du
renseignement et de la surveillance de l’islam en France de pouvoir
jauger son discours et d’identifier ses sympathisants. Mais c’est une
attitude qui est déjà sur la défensive. Une attitude qui prend acte
d’une présence, d’un courant, d’un risque majeur dont on sait combien il
est difficile à réduire.
Car pour quatre ou six invités vedettes que l’on va chercher à
l’étranger, histoire de souligner la réalité de l’Oumma – la communauté
islamique, qui est une communauté non seulement religieuse, mais avant
tout politique, combien d’« autochtones » ? De lecteurs attentifs du
Coran « toulousains », « lillois », « franciliens » ?
J’allais oublier la Suisse. Une dépêche de l’AFP souligne : « Le gouvernement regrette par ailleurs l’invitation par l’UOIF
de l’intellectuel suisse Tariq Ramadan “dont les positions et les
propos sont contraires à l’esprit républicain, ce qui ne rend pas
service aux musulmans de France”. » Intellectuel suisse, si, si ! Ça ne
s’arrête pas aux frontières, ça.
Pas plus que les idées, d’ailleurs.
Et s’il y a un terreau fertile pour une interprétation littérale du
Coran – la seule qui soit acceptable dans l’islam, quelle que puisse
être la modération de tel ou tel individu musulman – la réponse n’est
pas dans des mesures pointillistes. Mais dans une critique juste de ce
qu’il commande.
La réponse française est entravée par le discours et la loi sur la
non-discrimination, et par le relativisme d’Etat. Le jugement de valeur
est interdit, la préférence religieuse est hors-la-loi. La tentation est
grande alors de se laver les mains de tout, et de remplacer la vérité
et la justice par la « laïcité », ou de céder à l’illusion qu’on peut
contrôler le danger en changeant la substance de l’islam pour le rendre
laïco-compatible – c’est le choix de Sarkozy.
La réponse encore plus laïque consiste à imposer les mêmes limites
exactement à toutes les religions – en considérant l’islam comme une
religion pure et simple, sans tenir compte de sa dimension politique et
expansionniste – en interdisant leurs signes extérieurs par exemple.
C’est la loi sur la burqa, et jeudi au lycée Edmond-Rostand de
Saint-Ouen-l’Aumône dans le Val-d’Oise, le rappel à l’ordre d’une jeune
fille dont la jupe trop longue a été jugée « non conforme » au code
vestimentaire et « à connotation religieuse » (elle avait ôté son voile à
l’entrée). On en arrive à l’absurdité d’interdire un vêtement décent
alors que les trottoirs de nos lycées se remplissent chaque jour de
jeunes filles qui semblent faites pour eux…
Marine Le Pen, elle, souhaite interdire les signes religieux pour
tous dans les lieux publics, notamment dans les trains, lors des sorties
scolaires.
« Cela signifie que les nonnes voilées ne peuvent plus prendre le train ? », lui a demandé 20 minutes.
Réponse : « C’est assez dramatique de voir que vous ne savez pas que
la laïcité à la française fait qu’on n’a jamais demandé à des religieux
de s’habiller autrement qu’en religieux. »
Sauf par le décret du 28 avril 1792, sauf par l’exil des
congrégations à partir de 1901 et ses 30 à 60 mille départs, et les
religieux « clandestins » qui ne pouvaient plus porter l’habit religieux
en public…
La réponse n’est pas là. Elle est dans un rétablissement du respect
de la loi et de la morale naturelles dans la société. Elles sont –
notamment sur le mariage – islamo-incompatibles. Et si on commençait par
là ?
Jean-Luc côté pile, Mélenchon côté face
La puissance montante de Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front
de gauche, gêne François Hollande et ravit Nicolas Sarkozy. Son
tempérament explosif est tout autant son piège que son atout.
Debout au milieu d'une maison de quartier mal éclairée de la banlieue
de Lyon, le 29 janvier 2011, face à une vingtaine de personnes,
Jean-Luc s'enivre : « Nous avons pour points communs une grande
déchirure et le goût du bonheur. » 18 mars 2012. A Paris, isolé sur la
scène d'une place de la Bastille reconquise, Mélenchon se shoote, en
lançant à l'essaim populaire : « On se manquait ! On s'espérait ! On
s'est retrouvé. » En un an et demi, le candidat du Front de gauche a
plus que doublé le score de ses intentions de vote. Le voici désormais
autour de 11 %. Installé en première classe du train qui mène à
l'Elysée, il doit payer son billet au prix fort : il est monté sans
réservation. Se retrouver instrumentalisé par la droite comme le
meilleur ennemi de François Hollande peut lui coûter très cher en termes
de responsabilité aux yeux du peuple de gauche. Trop longtemps méprisé
au PS, l'ancien sénateur socialiste ne compte faire aucun cadeau : « Je
me nourris de tout », prévient le vorace. Suivant qu'il penche d'un côté
du balancier ou de l'autre, Jean-Luc Mélenchon se régale. Ou s'écoeure.
Sarkozy, l'homme qu'il rêve d'affronter
Jencule Méchancon |
Mais le plaisir s'arrête là. Lorsque Le Figaro , dès la mi-janvier, lui réserve une manchette flatteuse, et qu'il est interrogé sur ce fait, Mélenchon explose dans son bureau : « Non, mais vous me faites chà avec vos questions, là ! » Les baisers de l'UMP à l'endroit du Front de gauche contiennent du cyanure. Après s'être démarqué de François Hollande à l'automne 2011 et avoir consciencieusement tabassé Marine Le Pen pendant l'hiver, le candidat du Front de gauche compte réserver son printemps au président sortant.
Le concurrent socialiste, l'adversaire Hollande
Jean-Luc Mélenchon garde un attachement nostalgique au Parti socialiste, ne serait-ce qu'en raison du second mot qui compose son nom. A Clermont-Ferrand, le 14 mars, il a exigé de la salle qu'elle ne siffle pas le PS, « qui n'est pas notre adversaire, mais notre concurrent ». L'ancien responsable socialiste de l'Essonne est obsédé par ce qui se passe au PS. Dans le huis clos de sa loge, avant de monter à la tribune auvergnate, Mélenchon ne tient pas en place. Il parle de sondages, bien sûr, mais aussi de son ancien parti : « A l'idée de se répartir les postes en cas de victoire, ils sont dans tous leurs états », constate-t-il, fort des informations dont il dispose. Un commentaire dans lequel on peut lire, c'est selon, le dégoût ou l'envie.
Il n'y a, en revanche, pas de double lecture à faire du souvenir qu'a Jean-Luc Mélenchon de François Hollande : mauvais, pour l'éternité. Alors, quand ce dernier commence à se tasser dans les sondagesà « Il paraît qu'il est nerveux. Je crois surtout qu'il est fatigué », entame-t-il, en route pour Marseille, le 15 mars. « Je sais pourquoi il fatigue : il a repris 5 kilos, et l'organisme, dans ces cas-là, prend une châtaigne. » La campagne du socialiste ? « Elle suinte l'ennui. Sa ligne politique ne vaut rien. » La plume du socialiste ? « Aquilino Morelle, c'est un ami, mais il est chiant. » L'argument massue du socialiste ? « Hollande dit vote utile. Mais il lui faut quoi ? Etre en tête dès le premier tour ? Dans les enquêtes, il est entre 10 et 12 points de distance avec Marine Le Pen ! » Quand, le 6 mars, à Rouen, Jean-Luc Mélenchon se félicite d'avoir réuni en meeting plus de monde que « François », il lâche : « Il s'agit pour moi d'une revanche personnelle. »
Les journalistes, nouveaux amis, éternels ennemis
Quand il est de bonne composition, celui qui fut reporter d'un journal local dans sa jeunesse s'inquiète pour la presse. « Appuyez-vous, pour prendre vos notes », enjoint-il dans un train tremblant. Partageant un autre jour son succès actuel, il lance à sa suite médiatique : « C'est bien : maintenant, vous n'êtes plus les crevards de vos rédactions ! » Si le candidat a de l'humour, il garde également une certaine lucidité, quand les questions se font trop positives : « N'essayez pas de me cirer les pompes avec les sondages, de me faire oublier la manière dont je fais campagne. »
A l'inverse, Jean-Luc Mélenchon a gardé de sa jeunesse trotskiste l'idée qu'un viseur ne sert à rien sans cible. Récemment, Le Nouvel Observateur était un hebdomadaire « charognard » et ceux qui y travaillent des « fils deà [censuré] ». L'Express ? « Un journal d'extrême droite ». Quant à Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles et vigilant dénonciateur de l'absentéisme de l'euro-député, il fait partie des « ennemis », à l'instar de Christophe Barbier, Jean-Michel Aphatie, le journaliste politique de RTL, et d'autres. Auteur du livre Sexe, mensonges et médias (Plon), Quatremer agace prodigieusement un candidat traumatisé à l'idée qu'on puisse s'intéresser à sa vie privée. « Méluche » l'accuse d'être « le premier à écouter dans les chiottes ».
La fatigue qui rend faible, la rage qui rend fort
Longtemps, Jean-Luc Mélenchon ne s'est pas couché de bonne heure. A la tête d'une distribution dont les personnages secondaires sont peu connus, le héros du film s'occupe de tout ou presque, depuis presque deux ans qu'il bat la campagne. « Son agenda n'est pas humain, reconnaît son conseiller, Eric Coquerel. L'idée, c'est qu'il ne soit pas surhumain. » Outre ses déplacements, la susceptibilité de son allié, le PCF, requiert aussi du temps et de l'énergie. Sa phrase décrivant, dans le Journal du dimanche, François Hollande comme « un capitaine de pédalo », avait courroucé les communistes soucieux de ménager l'avenir avec le partenaire socialiste. Au moment de l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn, à New York, il lui a été difficile de trouver le sommeil, tant il était agité par la stupéfaction. Entretenant un rapport passionnel avec la politique, Mélenchon est un homme aux nerfs à fleur de peau, capable, dans le même après-midi, d'envoyer balader un chauffeur de taxi comme de s'arrêter dix minutes pour discuter avec une jeune fille dans la rue.
Sondages en hausse autant que salles pleines, voilà l'EPO du candidat : « On porte une ambition historique, et je ne rigole pas quand je dis ça. Ça aide à se lever le matin. » En Auvergne, le Zénith était compact, chaud, magnifique. A Paris, la Bastille était « rouge » de monde.
Peut-on transformer la liesse en avenir politique commun ? Si le Parti de gauche l'espère, le PCF, lui, temporise. Le soir du 18 mars, Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF, et leurs amis ont célébré le succès de la Bastille, dans un restaurant du XIe arrondissement. Et se sont époumonés sur des refrains révolutionnaires. Mais passé le mois de mai, chanteront-ils encore ensemble ?
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