vendredi 20 mai 2011
Dans quelques années, quand la poussière brûlante de cette affaire aura été essaimée par le vent de l’actualité, quelle image laissera Dominique Strauss-Kahn sur le tapis roulant de l’histoire? Elle ne lui appartient déjà plus, ballottée et emportée par les emballements de l’information. Mise en scène par les chaînes de télévision comme un suspense haletant, la séquence d’hier soir, au tribunal de New York, après celle de lundi soir, imprimera sans doute pour longtemps notre imaginaire politique. Forte, tellement plus forte, en effet, que celles du cinéma américain qui a si souvent choisi les prétoires pour être des chambres de vérité où au terme d’un long combat tombent les masques et se révèle l’âme des hommes.
Dans cette autre dimension, l’inculpation de l’ancien favori pour la présidentielle de 2012 a déjà débordé largement du champ judiciaire pour envahir la sphère de la société toute entière. Elle questionne et passionne tous les citoyens sur un sujet essentiel: le statut des puissants... et le respect des petits qui peuvent ici trouver leur revanche. Tout se fond dans un incroyable bouillonnement médiatique, comme sur la scène de l’hallucinant plateau de France 2 où les digues habituelles du débat ont cédé, libérant pêle-mêle la passion et la raison, l’émotion et la justice, le droit et l’amitié, la fidélité et le ressentiment. Au point de brouiller toutes les pistes dans un affrontement confus des convictions personnelles et de la morale.
Troublant, le soulagement avec lequel a été accueillie la remise en liberté de DSK, assortie d’une assignation à résidence, suffit à montrer que la réflexion s’est peu à peu déplacée vers le sentiment. On a salué un peu trop bruyamment une «victoire» de la défense, comme s’il s’agissait déjà du premier round d’un match de boxe. En cela, les télés hexagonales sont déjà rentrées dans le jeu et la logique de la justice américaine. Mais qu’y a-t-il à gagner? Qu’y a-t-il à perdre, sinon la crédibilité de la victime présumée, désormais dans les cordes. Tant pis pour elle, n’est-ce pas? Si elle a osé s’en prendre à une personnalité mondiale, elle devra prouver qu’elle a été agressée, même si les éléments du dossier plaident plus que raisonnablement en sa faveur. Elle subit une double peine en quelque sorte, mais qui s’en soucie?
DSK, lui, a obtenu un répit qui préserve sa dignité et lui permet de défendre l’innocence qu’il proclame. Rien de plus, rien de moins. Le voilà héros malgré lui d’un scénario qui le dépasse totalement et l’emporte dans une aventure tragique qui, seule sans doute, marquera le souvenir qu’il laissera à la postérité. En France, les sondages pour la présidentielle sont déjà insensibles à sa chute. Il n’y a pas, décidément, d’homme providentiel. Ce n’était qu’un fantasme.
Avec Merkel, le populisme ne prend pas de vacances
Les propos d’Angela Merkel sur le Portugal, l’Espagne et la Grèce ne peuvent pas même s’expliquer par l’inconséquence typique des campagnes électorales. La chancelière allemande vient de jeter de l’huile sur un feu qui crache déjà des flammes fort dangereuses.
Le message envoyé mardi 17 mai par Angela Merkel est terrible : dans des pays comme le Portugal, l’Espagne et la Grèce, a-t-elle déclaré, il n’est pas possible que les gens aient plus de congés, travaillent moins et partent à la retraite plus tôt que les Allemands.
Les Allemands recordmen d'Europe des congés
Quand bien même ces propos étaient fondés, elle n’aurait pas dû les tenir. Parce que ce n’est pas sur cela que repose le succès de la monnaie unique, et parce que de tels mots ne font qu’alimenter la mauvaise volonté de plus en plus marquée que mettent certains pays pour aider ceux qui, dans la zone euro, connaissent des difficultés financières.Il suffit d’examiner les statistiques pour voir que rien de ce qu’a dit Angela Merkel ne correspond à la réalité. Ce sont les Allemands qui détiennent le record européen du nombre de congés. Les Grecs sont ceux qui travaillent le plus. Et si les Hollandais sont bien ceux qui partent le plus tard à la retraite, les Portugais les talonnent de près, en quatrième position. Déclarer qu’une union monétaire impose à tous d’avoir le même nombre de jours de congés, le même nombre d’heures de travail et le même âge de départ à la retraite, c’est contribuer à l’ignorance, qui n’est autre que la meilleure alliée des populismes et de la xénophobie. De telles harmonisations sont les conséquences, et non les conditions de la réussite de l’euro.
Ce qui fragilise la monnaie européenne, ce sont des mesures comme la suspension des accords de Schengen, qui garantit la liberté de circulation des personnes dans la zone euro, et l’absence d’instruments communs, budget, fonds ou mécanisme, qui permettent de faire face aux chocs asymétriques que nous vivons aujourd’hui.
Suspendre Schengen est bien plus néfaste que les pays endettés
Suspendre Schengen parce que des immigrés arrivent d’Afrique du Nord est bien plus néfaste pour la monnaie unique que les dettes du Portugal, de la Grèce, de l’Espagne et de l’Irlande réunies, et contribue à différer plus encore cette harmonisation du marché du travail qui préoccupe tant Merkel. L’absence d’accord pour soutenir de façon crédible les pays de la zone euro qui connaissent des difficultés financières (ou, comme disent les économistes, "touchés par un choc asymétrique") fragilise davantage l’euro que ces questions dont les populistes font leurs choux gras.Si l’on s’en tient aux faits bruts, la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne sont les victimes d’un choc asymétrique au sein d’une union monétaire. Les raisons qui ont conduit ces pays, et pas d’autres, dans cette situation, sont diverses et variées, et tous les pays membres de la zone euro portent la responsabilité de ce qu’il s’est passé. D’ailleurs, si c’était par exemple les Pays-Bas qui étaient confrontés à un choc asymétrique, c’est sous cet angle que ce débat serait abordé, avec cette rationalité et sans le populisme de Merkel.
Nous ne voulons pas croire qu’il existe dans la zone euro des pays qui souhaitent récupérer la vieille thèse de ce ministre néerlandais qui, à la fin des années 1990, refusait que les Etats du sud de l’Europe ("le club Med", comme il disait) entrent dans l’euro. Nous ne voulons pas croire que les plans d’aide n’existent que pour expulser à terme leurs bénéficiaires de la zone euro. Angela Merkel doit faire honneur à la mémoire de Konrad Adenauer et à l'héritage d’Helmut Kohl.
Nourrir la bête populiste qui grossit dans l’Europe de l’euro, c’est ouvrir la boîte de Pandore, réveiller les spectres les plus menaçants du passé européen. Les Allemands le savent : le projet européen mérite mieux que des accès de populisme. Angela Merkel elle-même le sait : une élection vaut moins que l’avenir de l’euro.
Vu d'Allemagne
Ne mélangez pas tout, Mme Merkel
La Norvège suspend son aide à la Grèce
La riche Norvège a décidé de suspendre l'aide financière qu'elle versait à la Grèce empêtrée dans de graves difficultés financières, estimant qu'Athènes ne respectait pas ses obligations, a annoncé jeudi le chef de la diplomatie norvégienne, Jonas Gahr Stoere.
La Norvège, qui n'est pas membre de l'Union européenne, appartient en revanche à l'Espace économique européen (EEE) - les 27 pays de l'UE plus la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein - et verse à ce titre une contribution financière pour aplanir les différences économiques et sociales en Europe.
"Nous avons cependant rencontré des difficultés de mise en pratique avec la Grèce où les obligations ne sont pas remplies", a déclaré M. Stoere devant le Parlement.
"Nous sommes donc dans l'obligation de cesser jusqu'à nouvel ordre les paiements réalisés au profit de la Grèce dans le cadre de l'EEE", a-t-il dit.
Selon l'agence de presse NTB, la Norvège, mais aussi l'Islande et le Liechtenstein, soupçonnent que leurs contributions financières n'ont pas abouti aux destinataires prévus et la Grèce n'aurait pas non plus rempli son obligation de cofinancer à hauteur de 50% les projets soutenus par l'EEE.
Sur la contribution norvégienne de 248 millions de couronnes (plus de 30 millions d'euros) initialement destinée à la Grèce, seuls 13 millions ont été versés, le reste ayant été gelé jusqu'à nouvel ordre, toujours selon NTB.
La Grèce et la Norvège sont dans des situations économiques diamétralement opposées : alors que la première se débat avec de graves difficultés budgétaires qui lui valent la défiance des marchés, la seconde affiche de confortables excédents grâce notamment à sa richesse pétrolière.
DSK libéré sous caution par la justice américaine
L'ancien directeur du FMI a été formellement inculpé par le grand jury de New York. DSK, qui va devoir verser une caution d'1 million de dollars, sera assigné à résidence sous la surveillance d'un garde armé et devra porter un bracelet électronique.
• Libération conditionnelle
Une cour de justice de New York a accepté jeudi la remise en liberté de Dominique Strauss-Kahn, mis en examen notamment pour tentative de viol et agression sexuelle. «Nous sommes dans une position bien meilleure que celle dans laquelle nous étions au début», s'est félicité son avocat William Taylor à la sortie du tribunal.Le juge Michael Obus de la Cour suprême a fixé sa caution à un million de dollars, avec un dépôt de garantie de cinq millions. Dominique Strauss-Kahn passera la nuit de jeudi à vendredi une nouvelle fois à la prison de Rikers Island, avant que ses avocats ne versent la caution vendredi.
Une fois libéré, l'ancien patron du FMI sera assigné à résidence 24 heures/24 à Manhattan, avec un bracelet électronique - conditions qui avaient été proposées par ses avocats. Le juge a également demandé à Dominique Strauss-Kahn d'avoir en permanence avec lui (et à ses frais) un gardien armé. Il devra par ailleurs donner aux autorités américaines tous ses documents de voyage.
L'ancien ministre comparaîtra à nouveau devant la justice le 6 juin. Là, s'il plaide non-coupable, un procès sera alors organisé. A ce jour, la défense de Dominique Strauss-Kahn a toujours nié les charges qui pèsent contre lui. Si, au contraire, il décide de plaider coupable, il pourrait négocier sa peine avec la justice américaine et ainsi éviter le procès.
Le procureur revient sur la décision du grand jury :
L'audience avait démarré à 20h34 (heure de Paris). Dominique Strauss-Kahn était arrivé, sans menottes, en veste et en chemise, au tribunal. Avant de s'asseoir, il a adressé un sourire à sa femme Anne Sinclair, assise au premier rang au côté de la fille de Dominique Strauss-Kahn, Camille, et son compagnon. Les deux femmes, qui se tenaient par la main, sont apparues très émues.
Avant de se prononcer sur une éventuelle remise en liberté, le procureur avait officiellement notifié à l'ancien ministre son inculpation par la justice américaine. Une mise en examen qui signifie que le grand jury (23 jurés populaires) a décidé d'appuyer les poursuites initiées par le procureur de New York. Les sept chefs d'inculpation déjà connus ont été confirmés (visibles ICI).
» Ces jurés qui vont décider du sort de DSK
Dans un second temps, l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, William Taylor, a pris la parole pour demander la remise en liberté de son client. Mon client est un «homme respectable» et ne tentera pas de prendre la fuite si la justice lui accorde la liberté sous caution, a-t-il affirmé. Le parquet, de son côté, a fait valoir que Dominique Strauss-Kahn avait de «bonnes raisons de fuir». D'après lui, ce dernier disposerait «de moyens personnels, politiques et financiers pour fuir. C'est une personnalité internationale, qui jouit d'une influence dans le monde entier».
• La victime présumée se dit prête à témoigner
L'accusatrice de Dominique Strauss-Kahn, une femme de chambre guinéenne, est prête à venir témoigner devant les tribunaux face à DSK, a assuré mercredi son avocat, Jeff Shapiro. «Elle fait ça parce qu'elle pense qu'il faut le faire et elle va le faire», a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision NBC, rejetant toute théorie de complot.
Alors que les questions se multiplient autour de la personnalité de Nafissatou Diallo, le New York Post croit savoir qu'elle vivrait dans un appartement du Bronx, exclusivement loué aux adultes séropositifs par une association du quartier. Une information à prendre avec précaution, aucune source officielle ou médicale ne l'ayant confirmée. Le tabloïd n'est pas non plus en mesure de dire si Nafissatou, la victime présumée, est atteinte ou non du virus du sida.
Lors de son interview à NBC, l'avocat de la femme de chambre a formellement démenti ces informations, qu'il a jugées «scandaleuses». Les envoyés spéciaux du Parisien ont confirmé cette version. La jeune femme habiterait bien dans un immeuble du Bronx où certains logements sont loués aux séropositifs. Mais selon ses voisins, Nafissatou n'occupe pas un appartement réservé aux malades. Elle ne serait en outre pas rentrée chez elle depuis samedi, craignant pour sa sécurité et celle de sa fille, et changerait d'hôtel tous les jours.
• Le consentement de la femme de chambre, nouvelle ligne de défense ?
La presse new-yorkaise bruisse depuis mercredi d'une nouvelle stratégie de défense: la thèse de relations sexuelles consenties. Le New York Timeset le New York Post citent notamment une source «proche de la défense», affirmant que le rapport pouvait «avoir été consenti». Alors que la défense assure depuis le début que DSK nie en bloc toutes les accusations dont il est l'objet, cette thèse pourrait finalement amener les avocats à plaider coupable.L'avocat de la femme de chambre a répondu à cette possible ligne de défense, avant même que sa cliente ne témoigne devant les jurés populaires mercredi. Il a ainsi affirmé sur NBC que sa cliente nierait catégoriquement devant la justice avoir eu une relation sexuelle consentie avec DSK. «Quand les jurés vont entendre son témoignage et la voir, quand elle pourra enfin raconter son histoire publiquement», ils vont se rendre compte que «leurs allégations faisant état d'une relation sexuelle consentie ou de rendez-vous sont fausses», a-t-il expliqué.