TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 21 août 2010

Dégradation

Le Times de Londres a dit "Gestapo" et parlait de la France et de ce qu’elle fait à des Européens qu’on appelle Roms ou Gitans ou Tziganes, et qu’on exterminait il y a soixante-dix ans, et qu’on expulse simplement aujourd’hui.

Rien à voir évidemment. Le Times de Londres dit donc n’importe quoi en disant Gestapo, et on pourrait hausser les épaules quand des Anglais troquent leur understatement pour l’outrance… Mais ce mépris serait un évitement. Si le journal de référence des conservateurs britanniques vitupère tel un forum Internet mal modéré, c’est son problème et leur égarement. Notre souci est ailleurs: c’est la France, ce qu’elle devient, ce qu’elle montre, qui provoque cette régression.

Peut-on s’arrêter un instant, pour se demander à quoi nous ressemblons? Un pays qui cherche des familles dans des camps illégaux, et les enfourne dans des avions pour un retour à la case départ, et se lave les mains de la suite, satisfait même d’avoir démontré son autorité au monde ou à soi-même, capable encore de donner des leçons aux autres. Un pays qui subit les tirs croisés des moralistes de tous bords, et s’en moque. Le New York Times il y a quelques jours – la gauche américaine – le Times londonien ensuite – la droite anglaise. Et des Allemands aussi. Et des Bulgares et des Espagnols, et des Roumains bien sûr, et sans parler de nazisme, tous fustigent notre "xénophobie", notre "racisme", et les "gesticulations" de celui qui nous préside, et qui a lancé cette séquence.

Nous sommes seuls, et notre indifférence nous le masque. Ou notre légèreté. C’est peut-être le pire, cette cruauté inconséquente, cette manière de fondre sur des populations, de décréter soudain leur présence chez nous comme intolérable, puis de reprendre le cours de nos petites affaires. On expulse des Roms, par-ci, par-là, on arrêtera, on recommencera. Voici les Gitans, variable d’ajustement des preuves d’autorité du pouvoir. Ils ont l’habitude. Ils paient leur écot, ceux qui passent à travers les gouttes resteront en France, d’autres reviendront, cela n’aura rien changé au front sécuritaire. Ils auront été une distraction estivale, quand un grand pays broie de petites gens, entre deux choses sérieuses.

Nicolas Sarkozy a cessé d’animer lui-même la scène sécuritaire. Vendredi, il organisait une réunion pour confirmer qu’on raboterait des niches fiscales. On y verra un énorme rien, puisqu’on savait déjà tout. Ou une réponse aux menaces sucrées d’une agence de notation financière, Moody’s, qui avertissait les grands pays que leurs capacités à emprunter n’étaient pas garanties éternellement, et la dégradation au bout du laxisme.

La France a su réagir aux avertissements de Moody’s, quoi qu’on en pense et on en pense souvent du mal: on se soumet aux réalités du monde, aux normes, au rating financier. Il faudrait imaginer des agences de rating moral, auxquelles on obéirait, aussi promptement? Elles existent d’ailleurs, se nomment The Times ou El Pais, on peut prétendre qu’elles disent n’importe quoi mais on aura tort: elles nous ont dégradés, et le stigmate restera.


Claude Askolovitch

Pourquoi les compagnies low cost n'aiment pas certains passagers

Trois incidents en six mois mettent en cause easyJet, qui a refusé l'embarquement de passagers handicapés. Une enquête est en cours à la Direction générale de l'aviation civile. Mais les passagers à mobilité réduite ne sont pas les seuls visés par les mesures discriminatoires des compagnies à bas coût. Les enfants non accompagnés ne sont pas acceptés non plus par ces transporteurs. Ces derniers manifestent également peu d'enthousiasme à faire voyager des groupes et, en général, tous les passagers susceptibles de poser des problèmes.

Cet ostracisme est provoqué par le modèle économique des compagnies low cost. Le principe de base, pour offrir des billets à prix cassés par rapport aux compagnies classiques, consiste à optimiser l'exploitation de chaque avion pour réaliser chaque jour au moins une étape de plus. Comme la hausse de la vitesse en vol n'apporterait qu'un gain de temps marginal et très coûteux en carburant, c'est la réduction du temps d'escale au sol qui permet d'y arriver. Le "demi-tour" à l'aéroport, en jargon aéronautique, dure en général une heure en moyen-courrier, mais peut être réduit à vingt minutes par un transporteur low cost. À la fin de la journée, l'avion aura alors "économisé" au moins deux heures.

Gagner du temps

Pour gagner ce pari, débarquement et embarquement des passagers doivent être réalisés très rapidement pendant que les hôtesses effectuent un nettoyage sommaire de l'avion. Un passager à mobilité réduite est susceptible de gripper ce dispositif. Toujours pour limiter les coûts, le personnel d'escale, très peu nombreux, effectue successivement plusieurs tâches comme la billetterie, l'enregistrement, l'embarquement, etc. Personne n'est donc prévu pour accompagner des enfants mineurs. Les handicapés moteurs doivent, eux, voyager sous la responsabilité d'un membre de leur famille présent à bord ou d'un autre passager. Et, pour compliquer le tout, les réglementations européennes, nationales et parfois des aéroports ne s'accordent pas toujours, rendant parfois un trajet aller possible, mais pas le retour... Le souci de fluidité des opérations au sol des low cost est tel que le passager avec bagage de soute est presque un gêneur, car il provoque des pertes de temps et des coûts de manutention. On lui facture donc dès la première valise.

L'enquête de la Direction générale de l'aviation civile devrait clarifier ces points et montrer pourquoi un passager refusé à bord d'un avion d'easyJet est accepté sur celui d'Air France. Les règles de sécurité sont, en effet, les mêmes et reposent d'ailleurs sur des normes européennes, en particulier l'évacuation d'un avion en 90 secondes. Pour cela, easyJet avait demandé à Airbus de lui dessiner une version spéciale de l'A319 équipée de deux issues de secours au lieu d'une, ce qui permet d'embarquer 156 passagers, contre 142 sur le modèle standard. Près de 10 % de rentabilité de plus.

NOUS SOMMES PASSÉS À L'ÈRE DU TRANSPORT DE BÊTES HUMAINES !!!

Brice Hortefeux, les "bien-pensants" et la "gauche milliardaire"

Le ton est inhabituel, offensif, cinglant parfois à l'égard de ses adversaires politiques. Brice Hortefeux assume et défend la séquence sécuritaire du gouvernement. Dans un entretien au Monde, le ministre de l'intérieur s'adresse à tous ceux qui dénoncent une surenchère dangereuse : "Vous êtes aveuglés par le sentiment dominant des soi-disant bien-pensants qui, en se gargarisant de leur pensée, renoncent à agir (...) Que certaines voix de la gauche milliardaire aient du mal à le comprendre ne me trouble pas du tout, bien au contraire "
Des protestations ? " Je vous invite à ne pas confondre le petit milieu politico-médiatique parisien et la réalité de la société française ! La sécurité est l'un des tout premiers droits. Ceux qui le nient ne sont généralement pas les moins privilégiés."

"POURQUOI RECULERAIS-JE ?"
Des dissensions à droite ? "Pourquoi reculerais-je ?" Des critiques de l'ONU ou de la commission européenne ? "Que chacun assume ses responsabilités !" Des attaques du Parti socialiste ? "Sur la sécurité et l'immigration, comme sur la fiscalité ou les retraites, la gauche se tait car elle n'a strictement rien à dire. Son silence est un programme."

Le ministre de l'intérieur affirme par ailleurs que le gouvernement a entendu le message de l'opinion, notamment des "classes populaires" sur l'insécurité. Mais il défend dans le même temps les suppressions de poste dans la police et la gendarmerie.

"Sauf à vouloir augmenter les impôts ou y soumettre les ménages qui n'en payent pas aujourd'hui, les contraintes budgétaires nous imposent de maîtriser les effectifs. J'assume cette vérité. En 2011, compte tenu des recrutements effectués cette année et notamment des 1500 adjoints de sécurité supplémentaires, il y aura certes une diminution de 712 postes dans la police et 96 dans la gendarmerie. C'est une évolution modeste : en 2011, nous atteindrons donc 99,5% des effectifs d'aujourd'hui. "

Sondage : le PS s'oppose suffisamment au gouvernement

A une semaine de son université d'été à La Rochelle, le Parti socialiste retrouve une place de sérieux opposant au gouvernement aux yeux des Français. Selon un sondage Ifop à paraître dans Dimanche Ouest-France, 51% des personnes interrogées estiment que le PS s'oppose suffisamment au gouvernement (contre 40% en août 2009), 49% considèrent qu'il est proche des préoccupations des Français (41% en août 2009).

Mais seulement 39% (31% en 2009) estiment que le PS dispose de dirigeants de qualité et 34% (27% en 2009) qu'il a un projet pour la France. Ces chiffres sont faibles, mais en progression depuis un an.

Chez les sympathisants socialistes, 53% estiment que le PS s'oppose suffisamment au gouvernement, 78% considèrent qu'il est proche des Français, 61% qu'il a des dirigeants de qualité et 62% qu'il a un projet pour la France.

A la question ouverte sur le meilleur candidat du PS à l'élection présidentielle de 2012, Dominique Strauss-Kahn, le patron du FMI, arrive largement en tête. 30% des sondés le citent spontanément alors qu'ils n'étaient que 23% en janvier 2010. La première secrétaire du PS, Martine Aubry, perd 7 points avec 13% des Français à la citer spontanément (20% en janvier 2010) et Ségolène Royal perd un point par rapport à janvier 2009 où ils n'étaient que 8% à la préférer.

Chez les socialistes, Dominique Strauss-Kahn garde son avance avec 34% contre 24% pour Martine Aubry et 13% pour Ségolène Royal.

Enfin, 50% des Français s'estiment satisfaits de la façon dont Martine Aubry dirige le parti (69% pour les sympathisants socialistes). Ce score est en nette hausse par rapport à 2009 où ils n'étaient que 29% de satisfaits (41% chez les sympathisants socialistes).

Sondage réalisé les 19 et 20 août par téléphone auprès d'un échantillon national représentatif de 1.005 personnes âgées de 18 ans et plus (méthode des quotas).

SONDAGE DES FRANÇAIS EN VACANCES !!!!

UNE IMAGE VAUT PARFOIS MIEUX QU'UN LONG DISCOURS :
LA FRANCE FACE AU MONDE.



Prix du porc. Une filière qui craint le naufrage

Si les producteurs de lait ne vont pas bien, les producteurs de porc ne sont pas en très grande forme non plus. La flambée du prix de l'aliment du bétail est en train de remettre en question un fragile équilibre. La profession craint le naufrage.

Pourquoi le cochon va mal?
La principale raison, c'est que depuis cet été, le prix des céréales flambe. Or, c'est l'aliment principal des cochons. Il pèse 60% dans le coût de revient. Les Bretons, qui ont fait le choix du hors-sol, en produisent peu à la ferme. Ils sont donc très dépendants du marché extérieur. En quelques semaines, le prix de l'aliment acheté par les éleveurs a renchéri de 10% et ce n'est pas fini, semble-t-il. La solution pour les producteurs serait de pouvoir répercuter cette hausse dans leur prix de vente. Mais ce n'est pas le cas. Le prix de base auquel ils sont payés est régi par la loi de l'offre et de la demande, sans discussion possible. Jeudi dernier, le cours du porc au marché au cadran de Plérin (22) s'est établi à 1,24euro. «Il devrait être à 1,30euro pour compenser la hausse du prix de l'aliment», calcule Jean Pierre Joly, directeur du marché du porc breton.

Des producteurs déjà mal en point.
Cette flambée des céréales intervient alors qu'une grande partie des producteurs est loin d'avoir pansé les plaies de la crise précédente. Selon Inaporc, l'interprofession porcine, un producteur breton sur deux est dans le rouge. «Si on n'arrive pas à répercuter cette hausse, c'est le naufrage assuré de la profession», prévient son président Guillaume Roué. La Bretagne compte 3.500 producteurs.

La concurrence allemande.
Dans le porc, comme dans le lait, la France est en train de se faire tailler des croupières par l'Allemagne. Ce pays qui mise à fond sur son industrie devient un concurrent plus que redoutable. Idéalement placé au coeur des grands bassins de consommation, ce pays est passé à l'offensive, développant à tout va son industrie porcine. «En huit ans, elle a augmenté sa production de 15millions de porcs, c'est l'équivalent de la production bretonne», indique Jean-Pierre Joly. Les professionnels bretons considèrent que leurs homologues allemands bénéficient d'un excellent environnement politique et social: main-d'oeuvre bon marché, fiscalité plus favorable... «Bruxelles nous dit qu'elle n'y peut rien, mais si ça continue, les Allemands vont finir par nous tuer», s'alarme un éleveur breton.

Appel à la grande distribution.
Répercuter la hausse est devenu un leitmotiv. «Il faut impérativement jouer la solidarité interprofessionnelle», répète Guillaume Roué. Un discours relayé par le Syndicat national du commerce du porc. «On demande à la filière et particulièrement aux salaisonniers de privilégier l'origine nationale. Nos concurrents savent le faire très bien», insiste Paul Rouche, président de la SNCP. L'appel s'adresse aussi, évidemment, à la grande distribution. «Il suffirait de donner 10 centimes supplémentaires aux producteurs. C'est dérisoire quand on voit le prix des grillades proposées cet été dans les rayons. Il n'y a aucune raison que le consommateur paie plus cher», affirme Jean-Pierre Joly.

Les rabots de Brégançon

Il n’y a pas que les Roms dans la vie. Ayant chanté tout l’été, le thème de l’insécurité s’épuise. D’autres échéances budgétaires se profilent.

Il s’agit de combler la dette publique, sans trop désespérer le pays profond. Le combat promet d’être rude. Mieux vaut, d’ores et déjà, affûter ses arguments.

Une forteresse du XI e siècle convient à pareille “veillée d’armes”. C’est donc au fort de Brégançon, cet Élysée varois, que furent convoqués les ministres de Bercy. L’austérité mérite un austère décor. Objectif affiché : “anticiper le retour des vacances, afin d’être prêt pour la rentrée.”

Car les perspectives, hélas, ne semblent guère réjouissantes.

L’État révise à la baisse la croissance pour 2011.

Ses caisses, plus que jamais, réclament de l’argent.

La solution ? On ne voit guère que l’appel au contribuable, mais la doctrine sarkozyste s’y refuse absolument.

Question de principe.

Une ruse d’ébéniste suffit pourtant à contourner l’obstacle. Le gouvernement décide de “raboter les niches fiscales et sociales”. Dès l’automne, a-t-on appris hier, “elles vont diminuer à hauteur de dix milliards d’euros.” Et voilà. Nombre de charges, jadis “déductibles” par les ménages, ne le seront plus. Le rabot sauve les meubles, les impôts n’augmenteront pas. Mais les Français en paieront davantage…

Le sens du vent

Comment être plus durable qu'un vent favorable ?
S'ils veulent devenir une vraie force politique au-delà de succès électoraux éphémères, les écologistes n'échapperont pas au test de l'anémomètre. Ce n'est pas seulement une question de direction, ni de souffle, mais de constance. Cette vraie faiblesse, qui se confond avec leur histoire, les Verts n'ont, jusqu'à présent, jamais pu ou voulu la corriger. Ils ont l'occasion de le faire. Vont-ils la saisir, et surtout, comment ?
L'affichage d'une inhabituelle sérénité collective depuis le début de leurs journées d'été de Nantes est le signe d'une météo provisoirement apaisée mais il n'est pas suffisant pour garantir des lendemains conquérants. L'essentiel n'est pas réglé. Loin de là. Fondre toutes les sensibilités écologistes dans un seul mouvement n'allait pas de soi et l'opération semble plutôt bien engagée après avoir été longtemps contestée. Mais sur quelles bases et pour en faire quoi ?
La mise sur orbite de l'ex-juge Eva Joly pour la candidature à la présidentielle montre à quel point la galaxie écologiste subit l'attraction de la logique de la Ve république. L'intéressée parle elle-même de « primaires » de l'écologie, une version des très classiques primaires des ego, qui consacreraient la banalisation de la démarche écolo et ouvrirait la porte aux rivalités groupusculaires. Sur la base de sondages sans grande signification, les militants s'emballent déjà pour l'ex-juge au profil si original mais qui n'a jamais exercé de mandat autre que celui de députée européenne depuis 2008. Une légèreté récurrente ?
A Nantes, on râpe consciencieusement les aspérités à coup de langue de bois zénifiante. Mais sur l'essentiel, on reste encore dans le mou. Les réserves de Daniel Cohn-Bendit ne sont pas seulement de l'ordre de l'humeur. En priant ses amis de commencer par mettre au clair leur alliance avec le PS pour les futures législatives, Dany les invite à se concentrer sur leur identité plus encore que sur leur stratégie. A définir leur positionnement par rapport au capitalisme, qui est toujours aussi flottant. A rester fidèles à une conception parlementaire du pouvoir en privilégiant l'importance d'un groupe à l'Assemblée, plutôt que le soleil aveuglant de 2012, pour faire avancer les causes de l'écologie. A choisir les responsabilités de l'âge adulte plutôt que les illusions d'une éternelle adolescence.

Olivier Picard

Redonner le goût du vivre ensemble

Les problèmes de sécurité et d'immigration auront, tout l'été, questionné l'opinion. Le président de la République et des ministres ont été critiqués, souvent à juste titre, pour les mots employés pour manifester leur détermination en ces domaines. En effet, à forcer le trait, on risque de réveiller les sentiments xénophobes qui sommeillent dans notre pays, et aussi de provoquer colère et explosion dans les populations qui se sentent visées. En ce qui concerne les Roms, on sait que les solutions passent par l'Union européenne, et que la France a obligation, ainsi que la Roumanie, de se conformer aux directives de l'Europe.

Cependant, les déclarations et les décisions ne sont pas toujours adéquates, mais de là à accuser le gouvernement de racisme, lui reprocher d'utiliser des méthodes de la gestapo, il y a un pas qui ne peut être franchi. Certaines manières de critiquer sont, elles aussi, outrancières et déplacées.

Ces crispations, ces polémiques sont révélatrices du mauvais état dans lequel se trouve la société française, si du moins on en croit le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye qui, dans son rapport 2009, révèle une fois encore les détresses de la société : « La synthèse de son rapport, écrit dans Esprit Pierre Gastineau, montre aujourd'hui une société des plus fracturées, où la méfiance règne en maître, d'où une incompréhension grandissante et une agressivité de plus en plus courante... L'administration, par ses lenteurs, ses incompréhensions, y contribue, ainsi que la complexité toujours croissante de la loi et son inintelligibilité. » (1)

Mais de plus, la crise financière, le chômage qui frappe principalement les jeunes et les populations les plus fragilisées, l'immigration si difficile à gérer, ne font qu'augmenter une sourde inquiétude. C'est un triste constat qui ne devrait laisser personne indifférent. Or, « le chacun pour soi remplace l'envie de vivre ensemble... On devient de plus en plus consommateur de République plutôt que citoyen », écrivait encore Jean-Paul Delevoye qui, prévoyant la crise sécuritaire actuelle, ajoutait : « Le thème dominant est devenu l'insécurité, se protéger de l'autre dans une société fragmentée inquiète et sans espérance collective. Politiquement, cela peut mal tourner. C'est pourquoi je pense que le vivre ensemble va s'imposer comme le thème central de la présidentielle 2012. »

Tout cela devrait contribuer à mobiliser toutes les énergies, c'est-à-dire chaque citoyen, là où il se trouve, pour ouvrir le dialogue là où il n'existe pas et l'approfondir là où il existe. Il en va de même pour toutes les organisations sociales et bien évidemment pour toutes les forces politiques, y compris bien sûr pour les oppositions. En effet, si celles-ci réalisent leurs aspirations, elles auront à gouverner demain et se trouveront, à leur tour, au pied du mur, c'est-à-dire face aux problèmes si difficiles à résoudre.

(1) Revue Esprit, juin 2010.

Les petits futés du web n'ont pas peur des gros

Ils s’attaquent à des citadelles réputées imprenables. Leurs armes ? Un site Internet qui casse les prix ou les codes. Et une bonne dose de culot.
La crise du disque ? Chez My Major Company, c’est plutôt celle du disque lombaire. «Entre les enregistrements en studio, le tournage des clips, les négociations avec les distributeurs et la gestion de notre site Web, on court dans tous les sens !» souffle Sevan Barsikian, qui semble aussi fourbu que s’il portait lui-même les guitares. Avec ses deux associés cet ancien de BMG a eu l’idée il y a deux ans d’utiliser le Web pour financer l’éclosion de nouveaux artistes, comme Grégoire et son tube «Toi + moi» (700.000 albums vendus).

Les internautes qui se connectent à Mymajorcompany.com peuvent miser jusqu’à 1.000 euros par carte de crédit sur l’un ou plusieurs des 10.000 chanteurs répertoriés. Quand l’un d’entre eux atteint la barre des 100. 000 euros, la start-up produit son CD. Et ça marche. En deux ans, 25 artistes ont déjà récolté la fameuse somme. La Camerounaise Irma y est même parvenue en… quarante-huit heures.

Secouer le cocotier. S’attaquer au bastion des maisons de disques, il fallait être un peu fou, non ? «Exactement le genre de réflexion qui nous a motivés !» répond Sevan Barsikian en riant. Il n’est pas le seul à jouer les bravaches. Comme lui, des dizaines de trublions du Net se frottent à des secteurs pas vraiment propices à la vente en ligne, car trop chers (joaillerie, automobile), trop réglementés (médecine, finance) ou déjà dominés par des mastodontes (meubles, petites annonces).

«On peut aussi voir ces marchés comme des business pérennes avec des acteurs sclérosés, la niche idéale en somme», note Pierre Kosciusko-Morizet, patron de Price Minister et business angel à ses heures. En secouant le cocotier, les nouveaux venus grappillent vite des parts de marché. Pas suffisamment pour déloger Universal Music, Cartier ou Renault, mais assez pour les taquiner. Après tout, dans le livre, le voyage ou la Bourse, Amazon, Expedia et Boursorama ont commencé ainsi.

Qui sont ces empêcheurs de tourner en rond ? Des cadres du métier qui ont démissionné pour mieux l’attaquer de l’extérieur, comme Marc Adamowicz, ancien de chez Krys et fondateur de Happyview.fr, un site de vente de lunettes. Ou de complets étrangers, qui débarquent avec un œil neuf. Quel que soit leur profil, les casseurs de codes s’entourent d’experts du secteur et de spécialistes du changement.

Pour créer Prêt d’union, le premier site français de crédit entre particuliers dont le lancement est prévu en octobre, Charles Egly, un ex-BNP, a recruté dans la banque et chez Poweo, l’opérateur d’électricité alternatif, où l’on sait ce que c’est que de ferrailler contre un monopole. Et d’être tenace. «Sur ces marchés matures, la victoire n’est possible que sur la durée», explique Marc Simoncini, l’inventeur de Meetic, qui investit à titre personnel dans ce type de projets iconoclastes.

Pour créer Prêt d’union, le premier site français de crédit entre particuliers dont le lancement est prévu en octobre, Charles Egly, un ex-BNP, a recruté dans la banque et chez Poweo, l’opérateur d’électricité alternatif, où l’on sait ce que c’est que de ferrailler contre un monopole. Et d’être tenace. «Sur ces marchés matures, la victoire n’est possible que sur la durée», explique Marc Simoncini, l’inventeur de Meetic, qui investit à titre personnel dans ce type de projets iconoclastes.

Structures légères. S’ils doivent s’armer de patience, les petits futés du Web jouissent en revanche d’un vrai avantage face aux gros : ils n’ont pas de lourde structure à gérer et peuvent facilement appliquer les bonnes recettes d’Internet. Myfab.com, un site de vente de meubles sur commande, a installé ses équipes à côté de ses usines chinoises. «Plus besoin d’importateurs, de grossistes, de magasins, ni de publicité : au final, nous faisons économiser à nos clients jusqu’à 80% par rapport au prix habituel !» se réjouit Stéphane Setbon, le PDG, passé par Rothschild.

Seule contrainte : il faut attendre deux mois pour être livré. Tout l’inverse de Toluna, qui utilise l’immédiateté d’Internet pour réinventer les études de marché. «En moins de vingt-quatre heures, le directeur marketing d’une multinationale qui souhaite peaufiner le lancement d’un produit peut recueillir l’avis de nos millions d’internautes qualifiés, dans 34 pays», détaille Frédéric-Charles Petit, le fondateur, un ancien avocat d’affaires.

Force de conviction. Souples et réactives, ces start-up culottées doivent aussi pousser leurs partenaires du monde réel à se mettre au diapason. Pas toujours évident. Pionnier dans la vente de diamants en ligne avec Adamence, Alexandre Murat, un HEC de 38 ans passé par le conseil en marketing, a dû batailler ferme auprès des ateliers de joaillerie pour qu’ils lui livrent plus rapidement des solitaires.

En confiant au même artisan le polissage et le grattage des anneaux bruts, par exemple, il a réduit le temps de production à dix jours, contre trente à quarante dans une boutique de la place Vendôme. Benoît Sineau, le fondateur de Happytime, qui agglomère les offres de milliers de spas, ateliers de cuisine ou circuits de pilotage, demande, lui, à ses prestataires d’ajuster à la seconde leurs disponibilités pour permettre aux internau-tes de réserver à la date de leur choix. De quoi faire trembler les ténors du coffret-cadeau, dont les bénéficiaires se voient rarement proposer un créneau qui leur convient.

As du contre-pied. La bonne idée n’est pas toujours révolutionnaire. Prenez Leboncoin.fr, dirigé par Olivier Aizac. Ce site de petites annonces en ligne, qui a réalisé l’an dernier 18 millions d’euros de chiffre d’affaires, a pris de court le géant eBay (8,7 milliards de dollars de revenus) en jouant la proximité. Design sans fioritures, annonces minimalistes et pour certaines sans photo, recherche par régions en cliquant sur une carte de France…

Contre toute attente, «le bon coin» est l’une des requêtes les plus tapées sur Google en France. Et les visiteurs y passent en moyenne quarante minutes par mois, presque autant que sur eBay.fr. Piqué au vif, l’américain a rajouté récemment à son célèbre service d’enchères une section «petites annonces», bien en évidence sur sa page d’accueil. Devinez quoi ? Il y a même une carte de France…

Posture de victime. C’est que les gros sont chatouilleux. Et s’ils tolèrent un temps qu’on leur mordille les mollets, ils peuvent aussi montrer les crocs. Philippe Koenig, cofondateur avec son frère Thierry d’Auto-IES.com, le premier vendeur de voitures neuves sur Internet, en sait quelque chose : pendant des années, les constructeurs lui ont mis des bâtons dans les roues pour protéger leurs concessionnaires. «Ces ripostes prouvent en général que le business model a fait mouche», note Marc Simoncini.

Elles permettent aussi aux petits de crier aux «vieilles mafias» et aux «rentes de situation». «David contre Goliath, c’est une bonne posture pour se faire connaître du grand public», glisse en souriant l’un de nos témoins. Et pour peu que les pouvoirs publics s’en mêlent… «Les réseaux d’opticiens ont fait courir la rumeur que la vente de lunettes en ligne était illégale», raconte Marc Adamowicz, le patron d’Happyview.fr, qui a fait le siège du ministère de la Santé pour que sa locataire, Roselyne Bachelot, publie un démenti officiel. Ce qu’il a obtenu. En même temps qu’un joli coup de pub.
Sevan Barsikian, Michaël Goldman, Anthony Marciano, fondateurs de My Major Company : "Nous signons deux fois plus de jeunes artistes que les majors"
L'industrie du disque n’a plus assez d’argent pour lancer de nouveaux talents ? Il suffit d’en demander aux particuliers. Voilà l’idée des trois fondateurs de My Major Company (dont le fils de Jean-Jacques Goldman, au centre). Sur leur site, les internautes misent sur leur artiste préféré. Et si l’album marche, ils touchent une partie des gains. Cette maison de disques à la sauce 2.0 bouscule les habitudes du métier : les budgets sont publics, les dépenses pour les clips réduites, les contrats plus rémunérateurs pour les artistes. Les internautes sont même consultés pour le choix des titres et le plan de com. Stéphane Courbit, le magnat du jeu en ligne, y a investi 3 millions d’euros l’an dernier. Et le concept vient d’être élargi à l’édition de romans, en partenariat avec la maison XO.

Marc Adamowicz, P-DG de Happyview.fr : "Je veux en finir avec les tarifs opaques des opticiens"
Marc Adamowicz est intarissable sur la «mafia» et les marges «injustifiées» des chaînes d’opticiens. Il parle d’or : c’est un ancien du marketing de Krys. Depuis qu’il vend des lunettes pas chères sur Internet, il assure que ses fournisseurs font l’objet de pressions… Son business model ? Expédier par la poste plusieurs montures avec des verres blancs à ses clients, qui ont une semaine pour choisir celle qu’ils préfèrent. Sans boutique et «avec 20% de marge en moins sur chaque paire». Adamowicz facture l’ensemble monture et verres entre 39 et 169 euros.

Frédéric-Charles Petit, P-DG de Toluna : "Tous les grands instituts de sondage utilisent nos panels en ligne"
Ne lui dites pas qu’il concurrence l’Ifop et Ipsos : ce sont ses clients ! Depuis 2000, l’ex-avocat Frédéric-Charles Petit loue son logiciel de sondage et ses 4 millions de contacts aux grands instituts mais aussi aux entreprises (Shell, M6, SNCF) en mal d’études marketing rapides et pas chères. Avec 77 millions d’euros de chiffre d’affaires, c’est le leader mondial du panel en ligne.

Olivier Aizac, DG de Leboncoin.fr : "Deux fois plus de pages vues qu’eBay !"
Pour créer «la plus grande braderie sur Internet», cet Essec de 36 ans, ancien professionnel de la petite annonce en ligne (CadresOnline, Bonjour.fr), a développé la version française d’un site norvégien en adoptant un fond jaunâtre («ça fatigue moins les yeux»), un design amateur, une recherche par localités… Bref, en jouant la proximité avec les internautes, quand ses concurrents misent sur l’exhaustivité et l’international. Bien vu : en trois ans, Leboncoin.fr est devenu l’un des sites les plus visités de France, grâce notamment à ses rubriques «immobilier» et «voitures d’occasion». Il totalise 4,5 milliards de pages vues par mois, deux fois plus qu’eBay.fr, pour un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros qui a triplé l’an dernier.

Alexandre Murat, P-DG d’Adamence : "Après m’avoir combattu, la place Vendôme me copie !"
Dix carats, 100 000 euros : le plus gros diamant qu’Alexandre Murat a vendu sur son site à ce jour. Depuis 2005, cet HEC de 38 ans, ex-consultant en marketing, propose des pierres entre 20 et 40% moins cher que ses concurrents en dur (les prix commencent à 290 euros). Il se fournit directement à Anvers, personnalise les bagues, livre en dix jours au lieu d’un mois et offre le retour sous trente jours si le modèle ne plaît pas. Résultat : 2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009. Ses concurrents de la place Vendôme, où il a son siège – «ça rassure les clients» –, se mettent tous à ouvrir leur site.



Grégoire Silly