Le changement annoncé porte d'abord sur le contenu. Le programme gouvernemental est le copié-collé du projet présidentiel de François Hollande. Voilà qui présente au moins le mérite de la cohérence et confirme la proximité du Président avec son Premier ministre.
mercredi 4 juillet 2012
Le changement annoncé porte d'abord sur le contenu. Le programme gouvernemental est le copié-collé du projet présidentiel de François Hollande. Voilà qui présente au moins le mérite de la cohérence et confirme la proximité du Président avec son Premier ministre.
Expatriés : pourquoi ont-ils choisi de quitter la France ?
Les différentes mesures d'alourdissement de la taxation en
France ont suscité de nombreuses critiques pour l'incitation
supplémentaire à l'exil qu'elles représentent. Contrepoints a interrogé
plusieurs de ces candidats à l'exil, qui préfèrent quitter la France que
d'en supporter les pesanteurs, le manque d'opportunités, l'écrasante
pression fiscale ou la haine des créateurs de richesse.
Les différentes mesures d'alourdissement de la taxation en France par
François Hollande ont suscité de nombreuses critiques pour l'incitation
supplémentaire à l'exil qu'elles représentent pour beaucoup. A la clef,
moins d'entrepreneurs, de créateurs, de talents de demain pour financer
des dépenses déjà largement supérieures aux recettes. Afin d'en savoir
plus, Contrepoints a interrogé plusieurs de ces exilés ou candidats à
l'exil, qui préfèrent quitter la France que d'en supporter les
pesanteurs, l'écrasante pression fiscale ou la haine des créateurs de
richesse.
Loin des portraits de vils capitalistes apatrides que beaucoup se plaisent à caricaturer, les quatre personnes dont Contrepoints
vous propose un portrait croisé qui représente le vrai visage de ceux
que le "modèle social" fait fuir, qui iront apporter de la prospérité à
d'autres pays, et qui n'ont jamais été aussi nombreux qu'aujourd'hui.
Quelles motivations ?
Les motifs qui poussent ces français à fuir leur propre pays sont nombreuses. Pour les uns comme Pierrick, 25 ans, c'est le " rejet total des choix économiques et politiques pris par nos dirigeants", tous communiant dans l’État comme unique solution aux problèmes français.Pour Matt, bientôt 30 ans, qui a accumulé une dizaine de petits boulots en France ("dans le désordre, équipier McDonald's, monteur-maquettiste, projectionniste de cinéma, assistant de communication, éducateur technique, enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière"), c'est le manque d'opportunité en France qui est le facteur déclencheur :
De nouveau au chômage, j'ai eu plusieurs opportunités: monter ma propre structure d'enseignement, continuer d'être salarié-jetable, changer complètement de voie pour tenter de vivre ma passion pour l'automobile ancienne… À chaque fois, j'ai eu en travers de ma route au moins [une des scléroses de la société française], quand ce n'était pas plusieurs à la fois.Les motivations de Julien, 29 ans, ne sont pas différentes : "Après avoir fini mes études d'Histoire je n'ai trouvé aucun poste dans aucune administration (postes politisés à outrance), j'ai échoué 2 fois à l'agrégation. Pourtant après avoir envoyé des CV dans toutes les boites et administrations de la région je n'ai essuyé que des refus. Je maîtrise 2 langues parfaitement, j'ai étudié à l'étranger, j'ai Bac+5 avec mention Bien. Même la CAF n'a pas voulu de moi... Je me suis rendu compte des profondeurs qu'a touché mon pays quand j'ai voulu passer un concours de catégorie B, 15 postes sur toute la France pour presque 3000 inscrits. Du coup j'ai décidé de faire une formation professionnalisante qui me permettra d'obtenir un diplôme, je vais bientôt obtenir un CAP de pâtissier (une de mes passions) et je partirai en Suisse, [où je gagnerai nettement mieux ma vie]".
Dans le cas de Jean, 43 ans, dirigeant d'une PME qui emploie douze personnes, les motifs sont nombreux pour quitter la France, en particulier "le manque de perspective en Europe, un vieillissement structurel (et qui n'est jamais abordé, voir plus bas), la réglementation délirante en France (sociale, fiscale) et le peu de sens commun de mes compatriotes qui me désespère." Mais c'est aussi la liberté religieuse qu'il estime menacée en France : "Sans parler de l'aspect moral et religieux (catho dit "pratiquant"), bien moins oppressant ailleurs, et plus simple : réel respect des croyances, sujet non tabou, y compris au sommet de l’État."
Pour Annalea, la vingtaine, il s'agit de poursuivre ses études aux États-Unis, où son talent était reconnu : "Pour une fois, la bourse que l'on m'offrait était basée sur des critères scolaires et sur mon projet de thèse et non sur des critères ethniques, sociaux et j'en passe." Mais les opportunités futures jouent aussi : "Une de mes amies vient de trouver aux États-Unis un premier poste dans l'enseignement supérieur : salaire à 40 000 $ par an. CQFD"
Enfin pour Henri, "la France est un pays ou il fait bon vivre quand on appartient à certaines catégories" (riches profitant de la complexité fiscale, fonctionnaires ou assistés). "Pour les autres catégories de Français, il est dur de vivre en France. Instabilité juridique, criminalité, transports en Île de France relativement désastreux, prix de l'immobilier complètement hors de portée, impôts. Les classes "moyennes" et un peu au-dessus portent tout le poids des autres en France. "
Quels freins à l'exil?
La famille est clairement le principal frein cité, mais pas le seul, comme dans le cas de Jean :"Entre les études de mes enfants (3 post-bac en septembre), la vente de mon affaire (patron de PME dans l'Ouest, 12 personnes, les ventes sont délicates) et de ma maison (plus facile), cela commence à faire beaucoup de soucis."Mais les freins semblent moins forts que les incitations : "Le détail du paquet fiscal et social socialiste (RSI, SMIC, etc...) pourrait accélérer l'opération... irréversible j'en suis convaincu" pour Jean. De même, Henri, déjà parti, l'a fait avec femme et enfants.
Quelles Destinations ?
Sans surprise, les pays les plus socialistes sont loin de séduire, alors que les pays relativement plus libéraux que la France attirent, en particulier les pays anglophones : Henri a choisi le Canada : "C'est le pays le plus facile d'accès au monde en dehors des autres pays européens. Facile par les lois sur l'immigration, facile par la proximité linguistique (mais pas culturelle), facile par les 6h d'avion qui nous séparent de Paris (à contrario de Wellington, NZ ou Sidney, AUS...)."Pierrick a lui choisi l'Australie : "J'ai décidé de partir pour 1 an minimum à Melbourne via un visa working holiday." Le tout pour un départ dès début septembre.
Matt lui étudie plusieurs options : "Après, Canada, USA, Japon ou même Mongolie, de toute façon je suis certain que d'ici peu de temps on m'accordera un statut de réfugié politique…"
Jean envisage pour sa part "les États-Unis qui ont notre préférence, pour le ratio espace/liberté/sécurité et distance de la France (famille...). S'installer en Afrique, OK, mais, malgré une stabilisation politique, y investir n'est pas toujours si évident. L'Afrique du Sud présente de très bonne opportunités financières (les entreprises sont peu chères). L'Australie encore plus, mais la distance reste un sacré frein pour les vacances scolaires des enfants."
Reviendront-ils?
Rares sont les cas où la décision de partir a été prise de gaîté de cœur. Et ceux qui ont une famille excluent rarement de rentrer, même si sûrement pas avant un certain temps. Mais les obstacles sont grands. Pour Henri, "quand la poussière sera retombée [..], si les impôts baissent de moitié et que le pays redevient attractif [..], si la police peut faire son travail sans que la justice le casse. [..] Pour revenir il faut au moins une décennie, que les Français prennent conscience des problèmes et trouvent des solutions réalistes".Mais les plus jeunes se demandent vraiment si revenir un jour en France est une option. Pour Julien, "franchement non je ne reviendrai pas ou alors pour quelques mois le temps de revoir la famille. Les destinations qui m'attirent sont très compétitives en matière de santé, éducation ainsi que dans tout ce qui permet une vie de famille heureuse".
Annalea est réservée elle-aussi, critiquant en particulier le manque de liberté académique réelle en France : "Je ne suis pas hostile à un retour en France mais le monde de la recherche laisse peu d'espace de liberté (choix de sujets, orientations épistémologiques, - et donc de publication -, direction d'étudiants en thèse etc.) pour 1) qui ne correspond pas au profil (les Ph.D. américains ne sont pas reconnus sans une équivalence approuvée par une commission composée à majorité de professeurs "bien orientés") 2) qui ne rejoint pas les [mandarins] dans leur conviction".
Au final, note d'optimisme dans leur discours, tous aimeraient que la France les accueille enfin à bras ouverts et cesse de rejeter le succès et d'empêcher les talents d'émerger par un modèle figé. Ces talents dont la France se prive espèrent pouvoir revenir quand la France tournera le dos aux recettes qui assurent son échec depuis des décennies. Comme le dit Matt, "je suis d'un optimisme à faire peur, sinon, je crois que je serais déjà mort!".
Quand la Cour des comptes met le gouvernement en porte-à-faux
La Cour des comptes veut mettre l'accent sur la baisse des dépenses. Une pierre dans le jardin du gouvernement.
Le gouvernement voulait un véritable audit des finances publiques avant d'annoncer des mesures difficiles. Mais dans son "rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques", la Cour des comptes n'a pas vraiment validé les attaques de Pierre Moscovici lancées contre le bilan budgétaire de Nicolas Sarkozy. Certes, la croissance et les recettes de 2012 ont été surestimées et il faudra trouver de 6 à 10 milliards d'euros pour boucler le budget. Mais les dépenses, elles, ont été tenues : seuls 1 à 2 milliards d'euros n'ont pas été financés, un chiffre peu significatif et "qui ne se démarque pas de ceux couramment identifiés en cours d'année au cours des exercices précédents", selon le premier président de la Cour, le socialiste Didier Migaud. En revanche, les magistrats ont réservé quelques mauvaises surprises à Jean-Marc Ayrault pour le budget 2013, dans lequel il faudra trouver 33 milliards d'euros pour atteindre l'objectif d'un déficit de 3 % du PIB. Les magistrats recommandent "d'agir en priorité" sur les dépenses, plutôt que sur les recettes, ce qui met le gouvernement en porte-à-faux. Revue de détail.Limitation des hausses des dépenses. Le programme de François Hollande prévoit une augmentation de 1,1 % des dépenses publiques (État, Sécurité sociale, collectivités territoriales) en volume (c'est-à-dire en plus de l'inflation). Pour la Cour des comptes, l'effort doit être plus important. Elle recommande une hausse des dépenses limitée à la seule inflation.
Dépenses de l'État. Jean-Marc Ayrault s'est engagé à ce que l'État ne dépense pas un euro de plus en 2013 par rapport à 2012, hors charge de la dette et des pensions. En clair, les dépenses de l'État seront automatiquement réduites, sous l'effet de l'inflation. C'est ce que les spécialistes appellent la stabilité en valeur. Pour y parvenir, le Premier ministre s'est engagé à geler les effectifs de l'État. Compte tenu du recrutement de 60 000 emplois dans l'Éducation nationale, la police et la justice, cela nécessitera des coupes sombres de postes dans les autres ministères, "selon un rythme supérieur à celui appliqué à partir de 2007", rappelle la Cour des comptes. En clair, plus d'un départ sur deux de fonctionnaires à la retraite ne sera pas remplacé, en dehors des trois ministères prioritaires, soit plus que sous Sarkozy ! Pour l'instant, le Premier ministre s'est seulement contenté d'annoncer une baisse des effectifs de 2,5 % par an dans les ministères non prioritaires.
Ce contrôle du nombre de fonctionnaires ne sera pas suffisant. À effectif constant, la masse salariale de l'État (82 milliards en 2011) augmente en effet naturellement de 1,6 %, ce qui "n'est guère compatible avec le respect de la norme zéro valeur des dépenses de l'État", souligne la Cour des comptes, car elle représente 30 % des dépenses. Le respect de la norme que s'est fixée lui-même le gouvernement Ayrault sera donc difficile, sauf à tailler dans les dépenses d'interventions, prévient la Cour. À tout le moins, la stabilité des effectifs n'est pas compatible avec l'avancement salarial des fonctionnaires, souligne la Cour. Le gouvernement va devoir geler le point d'indice, réduire les mesures catégorielles ainsi que les avancements. Autant dire appliquer une cure très sévère d'austérité pour les fonctionnaires. Dans son discours de politique générale mardi, le Premier ministre a soigneusement évité le sujet. Dans sa lettre de cadrage envoyée aux ministres, il avait bien annoncé des efforts appuyés sur les autres dépenses de fonctionnement de l'État (voitures et logements de fonction, achat de matériel...) qui devront être réduites de 7 % en 2013, puis de 4 % chaque année jusqu'en 2015. Mais cela semble bien insuffisant.
Dépenses "d'interventions". Les dépenses d'interventions représentent le gros de la dépense publique (54 %). Leur réduction sera donc indispensable. Jean-Marc Ayrault veut les baisser dans les mêmes proportions que les dépenses de fonctionnement (voir plus haut). Mais la Cour des comptes doute de la faisabilité, notant "la rigidité de ces dépenses, qui recouvrent souvent des dépenses de solidarité", ce qui "rend délicate leur maîtrise". 82 % des dépenses d'interventions sont en effet des prestations sociales (par exemple l'allocation adulte handicapé), difficilement attaquables, surtout pour un gouvernement de gauche.
Outre la réduction de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités territoriales et l'État et des collectivités entre elles, la Cour des comptes suggère des mesures de court terme comme une désindexation des retraites et des allocations familiales. Mais la gauche ne s'était pas privée de critiquer l'ex-majorité quand elle a décidé de limiter à 1 % la hausse des prestations familiales et des aides au logement pour 2012...
Assurance-maladie. Chaque année, le gouvernement fixe un objectif de hausse des dépenses d'assurance-maladie à ne pas dépasser (objectif national des dépenses d'assurance-maladie, Ondam). En 2012, le précédent gouvernement a fixé l'objectif à 2,5 % contre une évolution tendancielle des dépenses de 3,5 à 4 % si rien n'était fait. La Cour des comptes reprend à son compte cet objectif pour 2013, ce qui va nécessiter de faire de nouvelles économies. Or l'actuelle ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait durement critiqué, pendant la campagne électorale, la volonté de Nicolas Sarkozy de limiter la progression des dépenses à 2,5 % par an... Le PS a d'ailleurs annoncé un Ondam à trois sur l'ensemble de la législature.
Hausse des impôts. Même dans un scénario reposant pour moitié sur une baisse des dépenses et pour moitié sur une hausse des recettes, la Cour des comptes estime que la seule révision des niches fiscales serait insuffisante pour combler les trous du budget 2013. Selon les magistrats de la rue de Cambon, il sera très difficile d'échapper à une hausse d'un impôt à large assiette. Ce qui signifie que le gouvernement pourrait être obligé d'augmenter la TVA ou la CSG, même si cette hausse ne serait que temporaire. Jean-Marc Ayrault a pourtant promis mardi, devant l'Assemblée nationale, qu'il n'y aurait pas de "tournant" de la rigueur. Il a même annoncé la suppression de la hausse de la TVA prévue par Nicolas Sarkozy pour financer des allègements de charges pour les entreprises.
Public, vous avez dit public?
Le mot qui me vient à l’esprit pour résumer les premiers pas
du gouvernement, c’est le mot public : service public, secteur public,
banque publique, entreprise publique, etc. Voilà la solution à nos
problèmes. En réalité, c’est cette obsession du secteur public, donc de
l’Etat, qui nous mène à la ruine.
Pour ce dernier article avant la trêve estivale, le mot qui me vient à
l’esprit pour résumer les « débats » des campagnes électorales et les
premiers pas du gouvernement, c’est le mot public : service public,
secteur public, banque publique, entreprise publique, etc. Voilà la
solution à nos problèmes ; un esprit malicieux ferait observer qu’on
peut aussi parler de dettes publiques ou de dépenses publiques, ce qui
est moins séduisant. En réalité, c’est cette obsession du secteur
public, donc de l’Etat, qui nous mène à la ruine.
La Banque publique d’investissement
Parmi les propositions phares de François Hollande, il y a le projet
de Banque publique d’investissement. Il paraît que cela va nous sortir
de la récession, car cette banque publique va financer les petites et
moyennes entreprises. C’est le fer de lance de la politique industrielle
et du « redressement productif » avec lequel Arnaud Montebourg nous
fait tant rêver. Notons que ce ministre a nommé 22 délégués au
redressement productif, un par région, de hauts fonctionnaires, qui,
comme chacun le sait, savent mieux créer des emplois et « veiller »,
comme l’a dit le ministre, que des entrepreneurs qui ont eu le tort de
ne pas faire l’ENA.
On ne savait pas que la France manquait de banques et que celles-ci
étaient incapables de financer les entreprises. Mais sans doute le
gouvernement pense-t-il que les banques privées ne savent pas quelles
entreprises financer et prêtent à n’importe qui, en finançant
stupidement les entreprises rentables, au lieu de soutenir les canards
boiteux ou les entreprises dont un organisme central a indiqué
l’utilité. Il est sûr qu’une banque publique d’investissement va savoir
déceler les vrais projets à financer, sans se soucier de broutilles
telles que leur rentabilité.
Le gouvernement a avancé un argument imparable : pallier les
défaillances du marché. Car bien sûr ni la bourse, ni les banques ne
songent à financer l’industrie ! On commencera fort modestement : 20
milliards de dotation au départ, grâce au doublement du plafond du
livret de développement durable. On se demande par quel mystère toutes
les économies de marché du monde ont pu se développer sans banque
publique d’investissement. Mais la France va réparer cet oubli, et
renouer avec la tradition de la banque soviétique Gosbank.
Le Fonds stratégique d’investissement
Tout cela est d’autant plus étonnant que nous disposons déjà du plus
gros établissement financier français, la Caisse des dépôts,
établissement public, qui détiendra avec l’Etat le capital de cette
banque : public plus public, ça reste public. Mais nous avions aussi le
« Fonds souverain à la française », le FSI (Fonds stratégique
d’investissement), qui prétendait déjà jouer un rôle de ce type, avec le
succès que l’on sait. Bref, on ajoute du public au public, pour
financer ce que d’habiles fonctionnaires auront décidé être les
priorités de notre économie. Quand on connaît les échecs passés de nos
politiques industrielles, on peut être sceptique.
Mais les banques publiques s’accompagnent d’entreprises publiques.
Comment est-ce possible, puisque le gouvernement « ultralibéral »
précédent avait tout privatisé ? Justement, il ne devait pas être si
libéral que cela, puisque le secteur public français reste le plus
important des économies de marché. La plupart des « services publics »
sont toujours détenus majoritairement par l’Etat. D’ailleurs, l’actuel
gouvernement entend restaurer les services publics, que Bruxelles ouvre
peu à peu à la concurrence et qui ont en outre été privatisés chez nos
principaux partenaires.
Les entreprises publiques
Au-delà des prétendus services publics totalement sous la coupe de
l’Etat, celui-ci via l’Agence des participations de l’Etat, détient
15,9% d’Air France, 10% d’Areva (mais 77% sont détenus par la CDC et le
CEA, donc la réalité est que la part publique est de 87%), 15% d’EADS,
13% de France Telecom, 36% de GDF Suez, 15% de Renault (on sait que sans
l’Etat personne ne fabrique d’automobiles !), 30% de Safran, 27% de
Thales, mais aussi des parts dans CNP assurances ou ADP.
Il faut aussi tenir compte de ce que détient le Fonds stratégique
d’investissement, totalement étatique. Un portefeuille de près de 15
milliards, qui vient s‘ajouter à la liste précédente, parfois dans les
mêmes entreprises (comme France Télécom ou ADP, ce qui augmente encore
la part de l’Etat), parfois dans d’autres entreprises. La pieuvre
étatique étend ses ramifications dans tous les secteurs. Encore une
preuve supplémentaire de cet ultralibéralisme du gouvernement précédent
que dénoncent les socialistes.
Ultralibérale aussi la part des dépenses publiques dans le PIB (56%,
record d’Europe), qui fait que, comme le montre Contribuables associés,
les Français travaillent pour l’Etat jusqu’à la mi-juillet. Le retour en
force du contrôle public des prix, dont nous avons parlé il y a quinze
jours, mais aussi du salaire minimum et désormais maximum pour les
entreprises publiques, viendra encore accentuer les choses. Ne parlons
pas de toutes les réglementations publiques, administratives, sociales,
qui accentuent la main mise de l’Etat sur la vie économique, ni des
dettes publiques, autrement plus lourdes que les dettes privées, ou de
l’école publique, qui empêche tout développement du privé.
Quand Lacordaire fait du Tocqueville
Reconnaissons que cette hypertrophie de ce qui est public, cet
étatisme, n’a pas été inventé par François Hollande. C’est une tradition
qui remonte à Colbert, au Jacobinisme, à Napoléon, largement partagée
après la guerre par la droite et la gauche. Mais François Hollande est
en train d’en rajouter une couche, au moment où nos partenaires font
reculer l’Etat, ce qui accentue encore l’exception française.
Cet article étant le dernier avant la trêve estivale, prenons un peu
de recul et citons le père Lacordaire, plus connu pour son libéralisme
politique qu’économique. On a oublié qu’il avait succédé à l’Académie
française à Tocqueville, dont il a fait l’éloge, comme c’est l’usage, en
1861. Que disait Lacordaire ?
« L’Américain ne laisse rien de lui-même à la merci d’un pouvoir
arbitraire. Il entend qu’à commencer par son âme, tout soit libre de ce
qui lui appartient et de ce qui l’entoure : famille, commune, province,
association pour les lettres ou pour les sciences, pour le culte de son
Dieu ou le bien être de son corps. Le démocrate européen [traduisons :
le Français à l’époque], idolâtre de ce qu’il appelle l’Etat, prend
l’homme dès son berceau pour l’offrir en holocauste à la toute puissance
publique. Il professe que l’enfant, avant d’être la chose de la
famille, est la chose de la cité, et que la cité (…) a le droit de
former son intelligence sur un modèle uniforme et légal. Il professe que
la commune, la province, et toute association (…) dépendent de l’Etat,
et ne peuvent ni agir, ni parler, ni vendre, ni acheter, ni exister
enfin sans l’intervention de l’Etat et dans la mesure déterminée par
lui, faisant ainsi de la servitude civile la plus absolue, le vestibule
et le fondement de la liberté politique. L’Américain ne donne à l’unité
de la patrie que juste ce qui lui faut pour être un corps ; le démocrate
européen opprime tout l’homme pour lui créer, sous le nom de patrie,
une étroite prison ».
Les Français préfèrent l'argent au temps libre
"Compte tenu de la crise des finances publiques, les Français redoutent une "américanisation" du pays, avec une protection par l’Etat qui risque de s’amenuiser et donc de rendre plus difficile leur accès aux prestations de santé, par exemple", explique Jeanne Lazarus, chargée de recherche au CNRS. A quoi s’ajoute la peur du chômage, les plans sociaux se multipliant, avec, à la clé, le risque de peiner à financer les études des enfants et, plus globalement, de voir son pouvoir d’achat diminuer.
Même les banques mutualistes n’échappent plus à l’aversion des Français pour le secteur bancaire. Il faut dire qu’elles "sont très puissantes, qu’elles ont fait beaucoup d’acquisitions et ont investi sur les marchés, comme les autres banques", décrypte Jeanne Lazarus. Conséquence, un Français sur cinq seulement voit aujourd’hui dans la banque "un partenaire" ou "une solution."
Grèce: un recul de 6,7% du PIB prévu en 2012
La Banque de Grèce avait prévu en avril l'aggravation de la récession, estimant que le PIB chuterait de "près de 5%" en 2012, soit plus que les estimations initiales (près de 3%), après un recul de 11% sur les deux dernières années. Le pays connaît sa cinquième année consécutive de récession, entamée lors de la crise des banques en 2008 et aggravée depuis 2010, année du déclenchement de la crise de la dette, qui a contraint le pays à recourir à des prêts internationaux concédés par l'Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.
"Ces chiffres sont écoeurants"
"La situation de l'économie reste critique (...) et particulièrement difficile", a indiqué Christos Staïkouras lors d'une conférence sur la croissance organisée à Athènes par l'hebdomadaire britannique The Economist. "Ces chiffres sont écoeurants", a déploré le ministre qui a rappelé que le chômage en Grèce a atteint 22% en mars. Le nouveau gouvernement grec de coalition dirigé par le conservateur Antonis Samaras, issu des législatives du 17 juin, s'est engagé à poursuivre les réformes prévues dans le plan d'assainissement de l'économie dicté par les créanciers, UE et FMI, tout en réclamant "des changements afin de favoriser la croissance". "Il est nécessaire de suivre des politiques orientées vers la croissance, de changer les politiques injustes et de les réadapter afin d'arrêter la récession" a ainsi affirmé Christos Staïkouras.
Le ministre adjoint des Finances a en outre souligné que le plan UE-FMI devait être complété par des politiques "pour favoriser l'emploi". "Il faut se mettre d'accord le plus tôt possible avec la troïka (les experts de l'UE, de la BCE et du FMI qui ont commencé mardi à contrôler les comptes grecs) pour élaborer de nouvelles politiques afin que le plan d'assainissement de l'économie soit viable", a ajouté le nouveau ministre.
Le réalisme de gauche, mode d'emploi
Jean-Marc Ayrault prononce aujourd’hui son discours de politique générale. Selon le rapport de la Cour des comptes remis lundi au gouvernement, il faudrait trouver entre 6 et 10 milliards d’euro pour que la France tienne ses engagements internationaux en terme de déficit budgétaire cette année. Pour 2013, ce sont 33 milliards d’euro qu’il faudrait trouver par des mesures supplémentaires. Comment le gouvernement va-t-il parvenir à cet objectif ? A quoi ressemblerait un "réalisme de gauche" ?
Marc Touati : La solution est relativement simple. Elle consiste à réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement de toute la puissance publique. Depuis dix ans, ces dernières augmentent en moyenne de 10 milliards d'euro par an, soit une gabegie de 100 milliards d'euro en dix ans. Pour ce faire, il faudra notamment enlever quelques tranches du mille-feuilles de la puissance publique française : Élysée, Matignon, les ministères, l'Assemblée, le Sénat, le Conseil économique et social, les régions, les cantons, les agglomérations de communes, les communes, les délégations départementales...
Les hausses d'impôts ne seront donc pas suffisantes pour atteindre l’équilibre budgétaire ?
Marc Touati : Il faut être clair, la pression fiscale de la France est déjà l'une des plus élevées du monde (comparativement au PIB). Si le gouvernement l'augmente encore, il va casser le peu de croissance qu'il reste et réduire davantage la compétitivité de nos entreprises.
Agnès Verdié-Molinié : Il faut mettre de côté les hausses d'impôt, car nous sommes déjà au maximum de la pression fiscale possible. Autrement dit, quelle que soient les hausse d'impôts décidées, les recettes fiscales supplémentaires seront très faibles, car nous avons déjà atteint le maximum de la courbe de Laffer.
Aurélien Véron : Comme l’a indiqué la Cour des comptes, notre fiscalité figure parmi les plus lourdes de l’OCDE. Elle pénalise notre compétitivité, donc l’emploi et la croissance du pays. Un chômage fort et une croissance faible tendent à diminuer nos recettes fiscales structurelles. Augmenter la pression fiscale revient donc à renforcer nos handicaps, et donc nos recettes fiscales futures, ainsi que l’a très bien démontré le prix Nobel d’Économie Arthur Laffer.
En bref, plus le pouvoir socialiste montera les impôts, plus nous nous éloignerons de l’équilibre budgétaire. Le plus efficace consiste à instaurer une fiscalité qui ne handicape ni notre économie, ni l’initiative privée. La recette universellement admise, ce sont des bases fiscales larges et des taux très bas. Rien ne dit que les socialistes auront le bon sens d’aller dans ce sens et de privilégier l’intérêt général à l’électoralisme primaire.
Sophie Pedder : Le gouvernement va devoir réaliser des économies. Le rapport de la Cour des comptes de 255 pages est parfaitement chiffré et détaillé. Il précise clairement que la moitié de l'effort devra être réalisé sur les dépenses. Les hausses d'impôts ne suffiront pas.
Pourtant, c'est sur ce dernier point que François Hollande s'est fait le plus entendre pendant sa campagne. Il s'est montré relativement discret sur les baisses de dépenses...
Selon Les Echos, les lettres de cadrage envoyées aux ministères prévoient une stabilisation des dépenses de personnel de l'État. Le gel des salaires des fonctionnaires va-t-il être reconduit par le gouvernement socialiste ?
Marc Touati : Il faut sortir du clivage gauche-droite en matières de dépenses publiques. Il ne s'agit plus de marketing ou de politique politicienne, mais de bon sens et de responsabilité a l'égard de nos enfants. Si les dirigeants des vingt dernières années avaient été un peu moins dogmatiques et un peu plus pragmatiques, nous ne serions pas dans le marasme actuel.
Agnès Verdié-Molinié : Nous avons chiffré qu'en gelant l'avancement des personnels (en plus du gel du point d'indice), il était possible d'économiser entre 2 et 3 milliards d'euros par an pour les trois fonctions publiques.
Mais il faut faire attention à tous les postes de dépenses, des dépenses de personnels qui ne sont plus assumées directement par l'État peuvent être seulement "déplacées", le gouvernement précédent a certes supprimé 150 000 postes en 5 ans au niveau de l’État, mais il a aussi laissé se créer beaucoup de postes dans les opérateurs de l’État (organismes contrôlés et financés par l'État et dont les missions sont fixées par celui-ci, ndlr). On le retrouve dans le montant des subventions versées par l’État aux opérateurs : elles étaient de 15 milliards en 2008 et sont passées à 25,8 milliards d'euros en 2012.
Aurélien Véron : Attendons la confirmation de ce gel des rémunérations. Et n’oublions pas que les seules mesures comptables sont douloureuses et n’ouvrent pas de perspectives motivantes. Ce qu’il faut espérer du gouvernement socialiste, c’est un projet de modernisation de l’État et des services publics. Aura-t-il le courage de recentrer l’État sur ses missions régaliennes et de mettre fin à ses engagements superflus ? Aura-t-il le courage d’aligner le statut des fonctionnaires sur celui de droit privé pour valoriser les fonctionnaires individuellement, et casser le mur qui séparer l’univers public du secteur privé ? L’enjeu réside dans les réformes structurelles, dans la refondation d’un État moderne, bien plus que dans des indices salariaux.
L’austérité oblige la majorité à affronter ses contradictions. Le Parti socialiste ne peut éternellement rester un parti de synthèses rassemblant le chaud et le froid, les anti-européens qui ont voté « non » lors du référendum sur le TCE, et les pro-européens qui ont défendu le « oui » avec ardeur, les anticapitalistes autour de Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, et les socio-libéraux comme Pierre Moscovici et Manuel Valls. Chaque jour, il est un peu plus évident que le gouvernement a besoin de manœuvrer avec une ligne claire face à l’incendie des dettes souveraines et de l’Europe. Sommes-nous au seuil d’une crise identitaire du PS similaire à celle de l’UMP avec Patrick Buisson et Guillaume Peltier ?
Sophie Pedder : Ce n'est pas impossible en soit. Mais la maîtrise de la dépense sociale et publique sera difficile pour un gouvernement qui a été élu avec un promesse de création de 60 000 postes dans l'enseignement.
François Hollande n'est-il pas finalement plus en pointe sur la rigueur budgétaire que ses prédécesseurs ? Va-t-il réussir là où tous les précédents gouvernements ont échoué ?
Marc Touati : Certes, ce sont souvent les pacifistes qui font la guerre et les guerriers qui font la paix. A l'instar de Gerhard Schröder, il y a plus de dix ans outre-Rhin, François Hollande pourrait, lui aussi, moderniser le pays et réduire les dépenses publiques tout en étant de gauche.
Agnès Verdié-Molinié : Il est encore trop tôt pour se prononcer. Mais il est vrai qu'annoncer une baisse de 7% des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'intervention est assez fort, aucun des derniers gouvernements n'a ni annoncé ni tenu un tel objectif sur un an.
Aurélien Véron : La gauche aura certainement plus de facilité à violer les principes de ses partenaires politiques et syndicaux que la droite, aussi archaïques soient-ils. Mais si le gouvernement se contente d’une austérité comptable et fiscale sans réformes structurelles, l’échec est garanti.
La France a besoin de refonder son modèle économique et social. Les taux d’intérêt ont beau être historiquement bas, le montant des seuls intérêts de la dette dépasse le budget additionné de la Défense nationale et de la Justice. Et l’absence de croissance ne laisse pas augurer d’amélioration, même lointaine. Le véritable enjeu pour le gouvernement n’est pas de faire passer la rigueur, mais de mettre en œuvre les réformes qui permettront au pays d’éviter la faillite et de renouer avec une croissance forte et durable
Sophie Pedder : Cela reste à confirmer, puisque outre les annonces du discours de politique générale, le budget pour l'année 2013 ne sera dévoilé qu'au mois de septembre. Le principal problème sera politique, car François Hollande, tout comme Nicolas Sarkozy d'ailleurs, n'a pas suffisamment préparé les Français à un plan de rigueur lors de sa campagne.
Ayrault, encore plus flou que Hollande
Selon Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", le Premier ministre a
rivalisé en imprécision avec le chef de l'État. Préoccupant.
Jean-Marc Ayrault
a prononcé hier devant les députés son discours de politique générale.
Vous ne l'avez guère trouvé convaincant. Votre parti pris : Ayrault est
encore plus flou que Hollande !
Jusqu'ici, Jean-Marc Ayrault donnait l'impression d'être plus carré, plus net que François Hollande,
dont la précision n'est pas la qualité première. Le discours d'hier a
montré le contraire. Sur la forme, c'était une énumération fastidieuse
de propositions déjà connues. Sur le fond, une suite d'ellipses et de
formules creuses. Autrement dit : pas de souffle et beaucoup d'air.
C'est peut-être la façon pour Jean-Marc Ayrault de marquer sa déférence :
il s'est efforcé de ne faire aucune ombre à François Hollande - ni
aucune lumière sur sa politique.
Que des conneries, je leur ai dit que des conneries !! |
Il aurait été difficile d'en donner moins ! Toutes les mesures étaient connues. Il n'en a précisé aucune. La suppression des allègements d'ISF, l'abrogation du bouclier fiscal et de la TVA sociale, c'est l'abolition de la politique de Nicolas Sarkozy ; ça ne fait pas une politique. Tout le monde sait qu'il devra augmenter la CSG, il n'en a pas dit un mot. Et il promet que les efforts à venir épargneront les "classes moyennes" - mais il ne définit pas les "classes moyennes". Et puis sur la réduction des dépenses publiques, le sujet que François Hollande esquive depuis des mois, on pouvait espérer qu'enfin, il ferait la clarté... et c'est le trou noir.
Est-ce que vous retenez quand même quelque chose de ce discours ?
Son manque de hauteur, de perspective. Un discours de politique générale sert à donner du sens. En 1981, Pierre Mauroy avait expliqué comment il voulait "changer la vie". En 1969, Chaban dessinait sa "nouvelle société". Ces formules-là restent - comme celle, moins lyrique, de Raffarin (2002) : "Notre route est droite mais la pente est forte." Avec Ayrault, on était plus près de l'allocution du maire au conseil municipal de Nantes. Pas de pensée politique, plutôt un pensum. Le pire, c'est qu'il a dit qu'il viendrait régulièrement s'expliquer devant les députés : on comprend que l'un d'entre eux ait fait un malaise !
En tout cas, Jean-Marc Ayrault peut au moins se féliciter d'avoir obtenu un vote de confiance - avec les voix du PS, des radicaux et des écologistes. Ça veut dire qu'il a une majorité solide ?
Solide, pléthorique et disciplinée - en tout cas pour l'instant. Cela dit, obtenir la confiance quand on vient de gagner les élections, c'est à la portée du premier venu. Son problème, c'est que le flou persistant dans lequel ce pouvoir s'installe, s'enlise même, oblige à se demander s'il est dans l'impréparation ou dans l'insincérité. Dans les deux cas, c'est préoccupant.