Son erreur de diagnostic sur la crise actuelle
Alors que les Etats-Unis et le Japon ont identifié un problème de demande intérieure et opté pour des solutions monétaires, François Hollande, comme la plupart des dirigeants européen est resté bloqué sur une vision purement budgétaire de la crise. Une erreur de diagnostic qui empêche la France de retrouver le chemin de la croissance.
Jean-Charles Simon : Au moment de l’élection, il a dû penser comme beaucoup que la reprise allait s’affirmer en zone euro et en France. Alors que l’activité a rechuté en Europe fin 2012. Au-delà de ce ressac fort malvenu pour ses premiers pas budgétaires, c’est la dégradation structurelle de l’économie française sur longue période qui a été sous-estimée : perte de compétitivité de l’industrie depuis 15 ans, affaiblissement à l’export, fragilisation des entreprises illustrée par un taux de marge au plus bas... Dès lors, le pari d’un salut par une reprise "à l’ancienne" est très périlleux. Car le pays est piégé dans un triangle infernal dette / dépenses publiques / prélèvements obligatoires au plus haut, avec une croissance au mieux très faible. La fuite en avant dans les déficits étant contraire à ses convictions et sacrément osée face à l’Europe et aux marchés, et une réforme radicale du modèle français étant exclue de son logiciel, il ne lui reste que ce cabotage poussif au gré d’une incertaine consolidation de la reprise internationale…
Depuis bientôt cinq ans, les autres grandes zones économiques ont identifié
un problème de demande intérieure et non un problème de dettes ou de compétitivité.
La solution est donc monétaireRead more at http://www.atlantico.fr/decryptage/euro-bugs-virage-decisif-pourquoi-allemagne-est-loin-ne-devoir-excedents-qu-gestion-vertueuse-economie-et-que-pourra-faire-commi-898215.html#mOlf5hGTftTLZ06M.99
Depuis bientôt cinq ans, les autres grandes zones économiques ont identifié
un problème de demande intérieure et non un problème de dettes ou de compétitivité.
La solution est donc monétaireRead more at http://www.atlantico.fr/decryptage/euro-bugs-virage-decisif-pourquoi-allemagne-est-loin-ne-devoir-excedents-qu-gestion-vertueuse-economie-et-que-pourra-faire-commi-898215.html#mOlf5hGTftTLZ06M.99
L' incompréhension du monde de l'entreprise
Si le président de la République, fait rare chez les gouvernants français, a fait HEC, sa connaissance de la réalité des petites entreprises semble limitée et sa politique fiscale excède les patrons. Dans ces conditions, son objectif d'inverser la courbe du chômage avant la fin de l'année semble se transformer en mission impossible.
Christophe de Voogd : Je voudrais replacer ces sujets dans le cadre de trois remarques générales qui me paraissent essentielles :
1/ Il est un peu tôt pour établir ce qui ressemble fort à un bilan du quinquennat ! Admettons toutefois que sur la croissance, le chômage, la dette, la politique européenne, les choses sont déjà si mal engagées que la première partie du quinquennat se solde par un échec qui entraînera très vite, j’en suis convaincu, des bouleversements politiques.
2/ Il est très difficile de gouverner la France en ces temps de crise mais surtout parce que la culture politique française, la culture française tout court rend notre pays particulièrement en porte à faux avec la nature profonde de cette crise qui est une crise de compétitivité globale dans le cadre d’une nouvelle mondialisation. Or nous n’avons ni la culture de la compétitivité, ni celle du vaste monde ! Nicolas Sarkozy en a fait les frais en son temps. Au tour de François Hollande.
3/ Ceci dit –et ce qui explique le caractère bien plus rapide de l’échec du président Hollande, il a encore moins que son prédécesseur le logiciel qui convient à la situation : élevé dans les illusions du socialisme français, éduqué dans la mentalité étatiste et technocratique de la haute fonction publique, marqué par l’expérience du mitterrandisme, et doté d’un tempérament personnel peu enclin au choix tranché si celui-ci l’expose à un conflit avec ses proches, il est en complet décalage – un décalage de trente ans environ - avec les exigences de l’heure.
Concernant plus particulièrement le monde de l'entreprise, fait rare chez nos gouvernants : François Hollande a fait HEC et a enseigné l’économie. Mais les entreprises qu’il connait sont les grandes entreprises du CAC 40 et les entreprises nationales, où l’élite technocratique française détient les positions clefs. Mais ce qu’il ignore comme l’ensemble de notre classe dirigeante, c’est la vie quotidienne des PME : l’URSSAF, les problèmes de trésorerie, la relation-clientèle, le droit du travail etc…Les PME attendent encore "leur" président, même si Nicolas Sarkozy a fait des choses utiles comme le régime des heures supplémentaires ou la réforme de l’apprentissage ou du licenciement conventionnel. Réformes presque toutes supprimées par François Hollande ! La création de la BPI incarne parfaitement cette vision à la fois dirigiste, technocratique et orientée vers les grandes entreprises, malgré les proclamations d’intention. Ou encore "l’usine à gaz" du Crédit compétitivité emploi (CICE), qui servira d’abord "les gros".
Jean-Charles Simon : François Hollande semble conserver du cours d’économie à Sciences Po qu’il faisait avec Pierre Moscovici, dans les années 1980, une vision macroéconomique très mécanique, où la vie ressemble à un schéma IS/LM. Et il raffole des mécanos fiscaux.Le CICE en est un exemple frappant. Il met 20 milliards sur la table, un gros dispositif, plus important que celui de la majorité précédente avec la TVA sociale ! Et il pense se jouer de la Commission européenne et de la contrainte des déficits avec un mécanisme de crédit d’impôt pour reporter sa charge budgétaire. Mais sans mesurer, par manque de culture microéconomique, qu’il perd du même coup l’essentiel de l’effet "choc de compétitivité" espéré et qui aurait pu résulter d’un allègement direct des charges. Car les entreprises n’y voient que complexité, décalage dans le temps et même aléa, compte tenu des pétitions de principe ajoutées par la majorité dans la loi. Au moment où elles ont cruellement besoin de cash ! Ajoutons enfin un tropisme très CAC40, alors que la réalité de ces groupes n’a pas grand-chose à voir avec celle des TPE et PME françaises.
Pour ce qui est de la compréhension du monde de l'entreprise, depuis quand est-ce un prérequis ou une qualité pour un président en France ? Vous imaginez De Gaulle, Giscard ou Mitterrand avec une expérience de salarié ou de cadre moyen ou même de cadre dirigeant ? Comprendre l’entreprise n’est même pas indispensable à un économiste, les meilleurs (dont je ne fais pas partie bien entendu !) n’ayant jamais mis les pieds dans un secteur productif. Milton Friedman (qui n’avait pourtant aucune sympathie pour le bolchévisme) notait en son temps, et les choses n’ont pas du tout changé, que les patrons ne connaissent que des prix particuliers, des équilibres partiels et des détails misleading (statistiques n’est pas le pluriel d’anecdote), ils sont incapables de se livrer à une analyse macroéconomique, en équilibre général, intégrant les boucles de rétro-action et autres effets contre-intuitifs qui font le sel de la matière. Ces gens réclamaient un durcissement monétaire en pleine crise déflationniste des années 1930 (relire tous les Wall Street Journal de 1932 ou de 2009, un vrai supplice), et n’ont rien à nous dire d’intéressant en matière de prévisions. Sur les enquêtes de conjoncture réalisées à partir des sondages auprès des directeurs d’achats, Friedman disait : quand on veut savoir ce que les gens font, on ne les écoute pas, on regarde les actes. Les enseignants feraient bien de mieux connaitre l’entreprise (un gros effort à été fait par l’Institut de l’entreprise par exemple mais le chemin est long et la pente est rude), mais pour un président ce n’est pas la priorité. Les salariés sont victimes de l’illusion nominale, les financiers croient toujours que les taux vont monter (alors qu’ils passent leur temps à baisser depuis 30 ans) et les lobbyistes défendent rarement l’intérêt général : franchement, ne rien comprendre à tous ces gens lorsqu’ils défilent à l’Elysée n’est pas un drame. François Hollande ne comprend certes rien aux entreprises, mais il n’a pas été élu pour ça, et ce n’est pas son job, et qui parmi les apparatchiks du monde administrativo-politique hexagonal va lui jeter la première pierre ? L’important est qu’il ne fasse pas trop de dégâts car les PME françaises ont des marges étroites, des dettes importantes et aucune perspective de croissance du coté de la demande. Nul besoin d’un haut niveau de compréhension pour prendre conscience de cela et pour tenter quelques améliorations, il faut juste un peu de bon sens, de la modération fiscale et réglementaire. Il est vrai que, même avec cet abaissement des exigences en tête, ça part très mal depuis 18 mois. Mais tout n’est pas perdu, il reste plus de 3 ans…
Le refus de diminuer les dépenses publiques
Selon la Commission européenne, le déficit du pays atteindra 3,7% en 2015, au lieu des 3% espérés. En cause, le choix du président de privilégier la hausse des impôts plutôt que de réduire les dépenses.
Christophe de Voogd : Claude Weil, peu suspect d’hostilité, vient de définir admirablement le "hollandisme" et donne une clef de lecture de bien des aspects du quinquennat en cours : celui-ci est fondé sur la double volonté d’éviter, d’un côté le chaos financier –d’où l’obsession budgétaire- et de l’autre le chaos social - d’où le refus de diminuer les dépense publiques. Refus qui a aussi de décisives motivations électorales vu la clientèle du PS ! Résultat : non seulement le matraquage fiscal mais surtout l’impossibilité de donner un cap ; car François Hollande avance en fait sur une ligne de crête entre deux précipices… position littéralement vertigineuse et donc invendable à l’opinion !
Jean-Charles Simon : Sur les dépenses publiques, c’est l’échec majeur. Car pour la France, la seule issue par le haut serait un choc sur les dépenses publiques pour permettre une baisse massive des prélèvements. Tout en dépend. Soyons justes, aucune majorité n’a un bon bilan en la matière au cours des dernières décennies. Pour une raison simple : l’essentiel du sujet, ce sont les dépenses sociales. Elles atteignent 32,5% du PIB à elles seules, un record mondial. Et tandis que les autres postes décroissent légèrement depuis 20 ans en part du PIB, ces dépenses progressent régulièrement. Mais les remettre en cause, c’est toucher au sacrosaint modèle social français. Et inéluctablement, pour être à la hauteur des enjeux, privatiser une partie des couvertures publiques santé et retraite. Des réformes engagées ailleurs, y compris dans des social-démocraties historiques ! Pour le reste, la gestion des administrations n’étant pas le fort de l’exécutif, qui aime mieux faire des lois, les coupes sont faites un peu à l’aveugle, en paupérisant les services touchés sans les réformer en profondeur.
Mathieu Mucherie : L'absence de réforme des dépenses publiques ? Ok, ça c’est plus gênant, car cela relève de son domaine. Sauf que le programme sur lequel il a été élu en 2012 était très clair : consolidation du socle bureaucratique traditionnel, calinothérapie des enseignants, appui aux collectivités locales, un petit geste pour tout le monde, etc. Le peuple a voté ! Et si le président souhaite conserver sa base électorale (la Fédération PS du Pas-de-Calais n’est pas composée que de jeunes entrepreneurs vifs et polyglottes), il n’a pas le choix, il lui faut dépenser beaucoup et n’importe comment. La plupart des gens qui lui reprocheront de céder (aux Bretons, aux DOM-TOM,…) ont fait ou ont laissé faire les mêmes choses. J’espère simplement qu’il ne multipliera pas trop les programmes hors-bilan, les garanties et autres dépenses cachées ou à retardement, pour qu’une vague imputation des responsabilités puisse encore se faire vers 2017. Mais "découvrir" fin 2013 que François Hollande est un peu plus dépensôlatre et un peu plus stato-centré qu’Alain Madelin, c’est franchement abuser. Du reste le champion de la compression des dépenses au cours de ce cycle a été Berlusconi (!!!), vous voyez bien que ça ne sert à rien de faire des efforts : ce n’est pas connu et a fortiori reconnu, et cela n’empêche pas de se faire virer par la BCE :
Les excès de la finance
En janvier 2012, François Hollande prononçait le discours fondateur de sa compagne, le discours du Bourget. "Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance", avait-il déclaré devant 20 000 partisans.
Jean-Charles Simon : Il n'a rien fait contre les excès de la finance et il a eu raison !D’autant que celle-ci est très bienveillante, ce qui devient rare autour de lui… Qu’on en juge : les taux d’intérêt français, l’écart avec les taux allemands ou encore les CDS du pays ont reculé en 18 mois. Et les dégradations de Moody’s et Fitch, puis la seconde couche de S&P n’y ont rien changé. En vérité, il est assez impuissant sur les sujets pour lesquels la France ne peut agir seule. Mais il aurait pu être beaucoup plus audacieux sur sa loi bancaire, alors qu’elle est étrangement vide. Tout comme la réforme de l’assurance vie va accoucher d’une souris. Et il freine même la taxation des transactions financières, en France comme dans l’Union : un comble ! Il me paraît craindre une fragilisation du secteur financier en France et ses conséquences – et il a raison. Et avoir surtout redouté une explosion de la prime de risque de la France sur les marchés, avec une crise à l’italienne, voire pire. Alors qu’à partir du moment où la BCE s’engageait à des interventions illimitées pour sauver l’euro, la France se retrouvait immunisée et arrimée à l’Allemagne, car il est difficile de concevoir la monnaie unique sans elle.
Mathieu Mucherie : Paris est une place financière secondaire, donc les excès y sont secondaires. Les choses sérieuses relèvent de la FED, de la Maison Blanche, du Procureur de New York, des autorités britanniques, de la BCE, de la BRI et de quelques autres instances. Le président de la République française est la cinquième roue du carrosse dans ce domaine. Il ne lui sera pas facile d’avoir une prise ne serait-ce que légère sur quelques dossiers sérieux. Il traîne en plus, quoi qu’il fasse, un certain nombre de handicaps :
1/ la misérable réputation de ses prédécesseurs qui tous un jour ont promis de "domestiquer la finance mondiale" (Chirac comparait la spéculation à un SIDA mental…),
2/ la grande dépendance de la France envers tous ces méchants financiers (nos déficits se transforment en OAT qui sont achetés… par nos "ennemis" !),
3/ divers boulets qui décrédibilisent, comme par exemple la "taxe Tobin" (qui fait se retourner James Tobin dans sa tombe). Il est vrai que François Hollande a aggravé son cas avec le projet mort-né de séparation des banques, ou avec la taxe à 75%, etc. Mais qui va lui lancer la première pierre ? Ceux qui ont surfé pendant 15 ans sur une fabuleuse bulle immobilière ?
L' absence de vision européenne
Après avoir tenté d'imposer un nouvel axe avec les pays du Sud, François Hollande semble de plus isolé en Europe. Le couple franco-allemand est au point mort et Angela Merkel est seule à la tête de l'Europe.
Christophe de Voogd : Sur ce point, l’échec est patent et sidère les observateurs bruxellois : le couple franco-allemand a quasiment disparu, laissant l’Allemagne seule en tête de l’Union. En 18 mois aucune initiative de quelque envergure. La chose est a priori surprenante car François Hollande a toujours été très engagé en matière européenne, seul sujet où il a vraiment imposé une ligne au PS en 2005. Comment comprendre l’inertie actuelle ? Je crois qu’elle s’explique d’abord par la faiblesse économique et le climat politique du pays qui l’empêche de peser autant qu’avant ; Mais assurément la campagne électorale allemande n’a pas favorisé les initiatives communes. Il est possible qu’avec l’entrée du SPD au gouvernement et les pressions qui s’exercent sur Berlin, les choses changent et permettent un compromis franco-allemand pour la relance européenne. Mais encore faut-il trancher à Paris sur la politique à suivre.
Mathieu Mucherie : Je ferais la même remarque que sur la connaissance du monde l'entreprise : ce n'est pas son job (en plus nos partenaires en ont parfois ras le bol de toutes ces « visions » françaises pour l’Europe !), pas sa plate-forme 2012, pas l’urgence. Mais là aussi il a aggravé son cas. En particulier avec son erreur de diagnostic sur la nature de la crise (crise monétaire et non budgétaire), même si cette erreur est faite par à peu près tout le monde elle est très grave. Elle enferme dans une impasse budgétariste du type "damned if I do, damned if I don’t". Si on réduit les déficits, on accentue la crise de la demande et les pressions déflationnistes qui vont compliquer le remboursement des dettes, mais si on ne les réduit pas un peu on passe encore plus pour des menteurs et des laxistes et on sent bien que le crédit de la France n’est pas infini. Alors que seule une détente monétaire permet de s’en sortir par le haut dans de telles circonstances. Montebourg évoque parfois l’euro trop cher, mais il faut dire que cela n’empêche pas vraiment les nomenklaturistes BCE de dormir. Hollande devrait l’appuyer et ne pas laisser ce terrain au couple Mélenchon Le Pen, mettre le peu de crédit qui lui reste dans cette bataille (une bataille noble si elle est couplée à quelques réformes, c’était celle de Jacques Rueff !), trouver quelques alliés (avec la récession partout en Europe, c’est possible), faire de la pédagogie, pointer les contradictions et les mensonges de la Bundesbank, parler du scandale de M3 à 2%/an, contraindre l’institution de Francfort à quelques progrès de transparence… et alors, là, on pourra le saluer bien bas, et célébrer sa vision européenne, et tout et tout. Mais je rêve peut-être…
La mauvaise gestion du dossier syrien et la perte d'influence de la France dans le Monde
Le président de la République avait acquis une certaine crédibilité sur le dossier malien. Mais ses erreurs stratégiques sur le dossier syrien l'ont marginalisé face à Obama et Poutine. Surtout, François Hollande s'est écarté du rôle géopolitique historique de la France.
Jean-Bernard Pinatel : Le dossier syrien ne marque pas les limites de l’influence française comme l’a soutenu Natalie Nougayrède dans Le Monde du 1er Octobre. Ce sont les trois erreurs politiques et stratégiques commises par François Hollande dans ce dossier qui ont affaibli l’influence de la France dans le Monde.
La première erreur du chef de l’Etat est d’avoir réagi trop vite dans l’émotion et d’avoir attribué immédiatement, dans sa pensée et probablement dans le cercle de ses proches, le crime au régime Syrien. Et ce, alors qu’il ne disposait d’aucune information vérifiée par nos services qui n’avaient pas eu le temps nécessaire, ni pour recueillir des preuves sur le terrain, ni pour confronter leurs analyses avec les services amis. Il enclenchait ainsi un processus pervers dans son entourage dont le rôle n’était plus de l’informer objectivement mais de conforter le discours présidentiel, au besoin en déformant la réalité
[1].
La seconde erreur est de s’être satisfait, voire d’avoir été flatté de se trouver seul en tête à tête avec Obama. Et de n’avoir pas compris que le président américain, auto-piégé par l’évocation d’une ligne rouge à ne pas franchir, n’avait aucune envie de s’engager dans l’aventure syrienne sans preuves formelles et au moment même où il était en plein combat avec l’aile droite républicaine du Sénat qui refusait de voter le budget. Ainsi François Hollande n’a jugé bon d’explorer d’autres options envisageables ni avec nos partenaires européens ni avec la Russie.
La troisième erreur est une conséquence des deux premières. Il s’est écarté du rôle géopolitique de la France : être un moteur dans la construction d’une unité diplomatique et militaire de l’Europe, qui seule peut établir un pont entre les intérêts diamétralement opposés de la Russie et des Etats-Unis dans cette partie du Monde. Il a ainsi ouvert la porte à la proposition Russe qui l’a mis immédiatement hors-jeu, les Américains et les Russes discutant ensemble sur les termes de la résolution à présenter au Conseil de sécurité. Par sa réaction hâtive, Hollande s’est écarté du rôle que l’on attend de la France dans la communauté internationale : aider les victimes, faire une pression égale sur les belligérants pour les amener autour d’une table de négociation. Eviter de rajouter la guerre à la guerre par une intervention ou en distribuant des armes aux rebelles car on ne peut jamais contrôler dans quelles mains elles aboutiront finalement. Comme le montre les défections de plusieurs unités de l’ASL qui viennent de rejoindre les katibas djihadistes.
Ces trois erreurs ont affaibli l’influence de la France dans le Monde et ont fait perdre à François Hollande la crédibilité qu’il avait acquise dans le dossier malien.
[1] Il se murmure dans les cercles militaires que les analystes de la DGSE sont furieux de ne pas avoir retrouvé, dans le texte qui a été distribué aux médias, les conclusions de l’étude qui avait été transmises au cabinet du ministre de la Défense.