mercredi 23 mars 2011
Primates
Monsieur Goasguen, qui a jadis fait le coup de poing avec l’extrême droite, a cru bon hier de taxer ses anciens amis de «primates». Puis il a rectifié: il voulait dire «primaires» - ce qui n’est guère plus aimable. L’injure rappelle ces tribuns de gauche qui traitent notre Président d’apprenti dictateur inculte. Ou ces tribuns de droite qui dénoncent en Martine Aubry une sadique communiste. Comme si le mépris dans l’excès valait argument... Bien sûr que le Front national professe des idées d’extrême droite, xénophobes et dangereuses pour la démocratie française. Mais elles sont d’autant plus dangereuses qu’elles ne sont pas «primaires». Et elles séduisent d’autant mieux qu’elles sont portées par une politicienne de grand talent: les idées de Marine Le Pen peuvent être dangereuses, elles n’en font pas une «primate» ni une «primaire» - en tout cas moins primaire que Monsieur Goasguen.
Monsieur Goasguen, qui a jadis fait le coup de poing avec l’extrême droite, a cru bon hier de taxer ses anciens amis de «primates». Puis il a rectifié: il voulait dire «primaires» - ce qui n’est guère plus aimable. L’injure rappelle ces tribuns de gauche qui traitent notre Président d’apprenti dictateur inculte. Ou ces tribuns de droite qui dénoncent en Martine Aubry une sadique communiste. Comme si le mépris dans l’excès valait argument... Bien sûr que le Front national professe des idées d’extrême droite, xénophobes et dangereuses pour la démocratie française. Mais elles sont d’autant plus dangereuses qu’elles ne sont pas «primaires». Et elles séduisent d’autant mieux qu’elles sont portées par une politicienne de grand talent: les idées de Marine Le Pen peuvent être dangereuses, elles n’en font pas une «primate» ni une «primaire» - en tout cas moins primaire que Monsieur Goasguen.
Les trois solidarités de notre temps
En temps de crise et de catastrophes, un mot revient comme un rappel aux consciences : solidarité. Le terme, dans son usage politique, remonte à la révolution de 1848, révolution sociale après la révolution bourgeoise de 1789. Mais le rappel de ce devoir des individus à l'égard des autres trouve sa source dans la tradition chrétienne d'une part, dans la tradition des socialistes non marxistes d'autre part. Depuis, il a souvent été la référence de tous les discours justifiant que l'État intervienne dans le social, aux lieu et place des individus, des familles ou des institutions privées.
Mais, aujourd'hui, la signification de la solidarité s'est considérablement élargie. Au départ, il s'agissait de faire face à la misère des classes pauvres, qualifiées aussi, au XIXe siècle, de « classes dangereuses ». La charité ne suffisant plus à faire face à l'ampleur du problème, des mécanismes collectifs de solidarité durent être mis en place sous l'égide de l'État (assurances sociales, retraites, etc.).
Progressivement, ce filet protecteur fut étendu. En bénéficièrent d'abord les plus démunis ou les plus revendicatifs (mineurs, ouvriers du Livre, etc.). L'Allemagne de Bismarck fut une pionnière en la matière. Bismarck n'était pourtant pas un philanthrope et la protection offerte aux prolétaires allemands était moins un effet de sa bonté d'âme que d'une appréciation réaliste de la situation. Il fallait éviter la révolution !
Le cœur et... l'intérêt
Plus d'un siècle plus tard, la réédition du même mécanisme se réalise au niveau européen. Et l'Allemagne est de nouveau en première ligne. À sa demande expresse, le traité de Maastricht avait exclu toute forme de solidarité au sein de la zone euro en cas de défaillance financière d'un État. L'Allemagne, qui avait jusque-là financé largement l'intégration européenne, refusait d'éponger les dettes des cigales grecques ou autres, afin de les contraindre à la discipline.
On connaît la suite : contraints et forcés, les Allemands et les autres Européens ont dû manifester leur solidarité financière, non seulement aux Grecs, mais aussi aux Irlandais et demain, peut-être, au Portugal et à l'Espagne. L'Allemagne aurait-elle eu des remords ? Pas du tout, mais son intérêt lui commandait d'arrêter un jeu de massacre qui pouvait mettre toute l'économie de l'Europe, y compris la sienne, en péril. Dans le futur, un mécanisme de solidarité financière européenne sera mis en place. L'histoire démontre à nouveau que la solidarité n'est pas seulement affaire de coeur, mais aussi d'intérêt bien compris.
Un troisième événement vient illustrer une autre exigence de solidarité. Les émeutes en Tunisie, en Égypte, en Libye, mais plus généralement la situation économique et sociale en Afrique sont autant d'appels à la solidarité des Européens. Certains rétorqueront : « Qu'on les rejette à la mer ! » Soit, on ne peut forcer personne à être généreux. Mais alors, entendons au moins le discours réaliste et égoïste de l'intérêt. Ne pas venir en aide à nos voisins du Sud signifie une immigration massive, incontrôlée et ingérable et/ou des troubles politiques et sociaux à nos portes.
Dans le monde global d'aujourd'hui, l'interdépendance mutuelle est incontestable, pour le meilleur ou pour le pire, et cela a un nom : solidarité. Que ceux qui ne veulent pas y mettre de la générosité aient au moins la conscience que « charité bien ordonnée ne commence PAS par soi-même ».
Fillon bétonne, Kadhafi fanfaronne
Ici au moins, il n’y aura pas eu de combat. Le Premier ministre a remporté une victoire facile... au Palais Bourbon. A quelques voix discordantes près, la représentation nationale a apporté son soutien à la politique libyenne du gouvernement. Sans broncher et sans bronca. François Fillon n’a même pas eu à batailler pour convaincre les députés de la nécessité d’une intervention militaire destinée à épargner un massacre aux victimes désignées du colonel Kadhafi.
Le Premier ministre a pris bien soin de cibler sa frappe sémantique. Au cas où on n’aurait pas bien compris, il a répété, à coups de références à la Charte des Nations-Unies, que l’action de la France restait dans le cadre de la résolution 1973. En fait, c’est plus à l’ONU qu’aux députés français qu’il s’est adressé, sur un ton de justification. Une déclaration solennelle au moment où les intentions de la France sont mises en doute par la Ligue arabe, recadrées par Washington et par avance désaprouvées par Berlin qui, déjà, prend ses distances et commence à se retirer.
Pas question donc, vraiment pas, d’afficher la moindre intention de débarquer le colonel Kadhafi. Il appartiendra au peuple libyen et à lui seul - deuxième message en boucle - de décider de son destin. Une promesse diplomatique qui peine à dissimuler l’impatience de l’Élysée et du Quai d’Orsay de voir tomber rapidement le guide illuminé de Tripoli.
Car hier, trois jours après le début des frappes, c’est bien une certaine inquiétude qui a commencé à percer des déclarations françaises. Une crainte, même: celle de l’enlisement. Henri Guaino, le conseiller spécial du chef de l’État a beau répéter que l’engagement de l’aviation française durera «le temps qu’il faudra», c’est bien un succès rapide qui était espéré, sinon escompté. Or cette perspective s’éloigne... Malgré les destructions, Kadhafi résiste, fanfaronne à la télévision où, comme cette nuit, il se montre tragiquement provocateur. Cela ne l’empêche pas de jouer assez habilement: il immobilise ses troupes obligeant du même coup les avions ennemis, soumis au mandat restrictif de l’ONU, à tourner en rond..
Chaque jour qui passe désormais jouera pour un statu quo défavorable à la coalition. Les Français ne veulent pas entendre parler d’un conflit long quand, en pleine crise économique, la guerre apparaît comme un luxe que nos démocraties n’ont plus vraiment les moyens de s’offrir. Quand on se mettra à faire les comptes, la facture passera sans doute difficilement. Quant aux opinions publiques des pays arabes, elles commencent à voir d’un mauvais oeil ce déploiement de l’Occident dans lequel l’Otan - que la France avait voulu tenir à l’écart - joue désormais un rôle clé. L’évidence s’impose, douloureusement: le rapport de forces très favorable à la coalition ne suffira pas à la faire gagner vite. Aïe, aïe, aïe...
Ici au moins, il n’y aura pas eu de combat. Le Premier ministre a remporté une victoire facile... au Palais Bourbon. A quelques voix discordantes près, la représentation nationale a apporté son soutien à la politique libyenne du gouvernement. Sans broncher et sans bronca. François Fillon n’a même pas eu à batailler pour convaincre les députés de la nécessité d’une intervention militaire destinée à épargner un massacre aux victimes désignées du colonel Kadhafi.
Le Premier ministre a pris bien soin de cibler sa frappe sémantique. Au cas où on n’aurait pas bien compris, il a répété, à coups de références à la Charte des Nations-Unies, que l’action de la France restait dans le cadre de la résolution 1973. En fait, c’est plus à l’ONU qu’aux députés français qu’il s’est adressé, sur un ton de justification. Une déclaration solennelle au moment où les intentions de la France sont mises en doute par la Ligue arabe, recadrées par Washington et par avance désaprouvées par Berlin qui, déjà, prend ses distances et commence à se retirer.
Pas question donc, vraiment pas, d’afficher la moindre intention de débarquer le colonel Kadhafi. Il appartiendra au peuple libyen et à lui seul - deuxième message en boucle - de décider de son destin. Une promesse diplomatique qui peine à dissimuler l’impatience de l’Élysée et du Quai d’Orsay de voir tomber rapidement le guide illuminé de Tripoli.
Car hier, trois jours après le début des frappes, c’est bien une certaine inquiétude qui a commencé à percer des déclarations françaises. Une crainte, même: celle de l’enlisement. Henri Guaino, le conseiller spécial du chef de l’État a beau répéter que l’engagement de l’aviation française durera «le temps qu’il faudra», c’est bien un succès rapide qui était espéré, sinon escompté. Or cette perspective s’éloigne... Malgré les destructions, Kadhafi résiste, fanfaronne à la télévision où, comme cette nuit, il se montre tragiquement provocateur. Cela ne l’empêche pas de jouer assez habilement: il immobilise ses troupes obligeant du même coup les avions ennemis, soumis au mandat restrictif de l’ONU, à tourner en rond..
Chaque jour qui passe désormais jouera pour un statu quo défavorable à la coalition. Les Français ne veulent pas entendre parler d’un conflit long quand, en pleine crise économique, la guerre apparaît comme un luxe que nos démocraties n’ont plus vraiment les moyens de s’offrir. Quand on se mettra à faire les comptes, la facture passera sans doute difficilement. Quant aux opinions publiques des pays arabes, elles commencent à voir d’un mauvais oeil ce déploiement de l’Occident dans lequel l’Otan - que la France avait voulu tenir à l’écart - joue désormais un rôle clé. L’évidence s’impose, douloureusement: le rapport de forces très favorable à la coalition ne suffira pas à la faire gagner vite. Aïe, aïe, aïe...
Kadhafi a les moyens de financer une longue guerre
Même si les Occidentaux ont gelé les avoirs libyens, le colonel a entassé une montagne d'or et de billets.
Le colonel Kadhafi promet aux alliés une guerre longue. Du point de vue financier, il en a les moyens. Certes, les États occidentaux ont gelé les avoirs du clan du dictateur, du Fonds souverain national et de la Banque centrale. Selon certaines estimations, Kadhafi ne pourrait plus accéder à près de 200 milliards de dollars.
De même, les placements effectués dans les autres régions du globe, comme dans les pays du Golfe, ne devraient pas revenir à Tripoli. «Où que se trouve l'argent placé à l'étranger, il devrait demeurer où il est: vue la pression politique exercée par les Occidentaux, il est peu probable que les pays arabes, par exemple, rendent à Kadhafi ce qu'il aurait placé chez eux», estime Gordon L. Clark, spécialiste des fonds d'investissement souverains.
Kadhafi a prévu cette situation de blocus économique et financier. Il a pris soin d'amasser un tas d'or en Libye, grâce à la Banque centrale libyenne. L'institution, dont il détient les clés, possède 143,8 tonnes de lingots dans ses coffres, selon le décompte du Fonds monétaire international. Ces réserves, qui représentent environ 4,6 milliards d'euros, placent la Libye au 24ème rang mondial des détenteurs de métal jaune, juste devant la puissante et très prospère place financière de Singapour.
Avant d'avoir à écouler son or, Kadhafi peut probablement piocher dans de profondes réserves de cash. Ces dernières ont été constituées probablement au fil des ans en écoulant sur le marché noir un tiers de la production de pétrole libyenne, selon Hasni Abidi, directeur du centre d'études et de recherches sur le monde arabe (Cermam). Près de 130 milliards de dollars auraient ainsi été siphonnés par le clan Kadhafi en l'espace de trente ans. Impossible cependant de savoir la part de cette somme détenue en liquide par Tripoli.
Dans ce contexte, le contrôle de la frontière sud de la Libye s'annonce crucial. Fin février, des rebelles disaient avoir pris le contrôle de Koufra, au sud-est du pays, et de son aéroport. Ils y ont intercepté un avion envoyé par les maîtres de Tripoli. Dans les soutes de l'appareil, 2000 kalachnikovs et 18 millions de dinars (10 millions d'euros). Un petit aperçu de la puissance financière du régime.
De même, les placements effectués dans les autres régions du globe, comme dans les pays du Golfe, ne devraient pas revenir à Tripoli. «Où que se trouve l'argent placé à l'étranger, il devrait demeurer où il est: vue la pression politique exercée par les Occidentaux, il est peu probable que les pays arabes, par exemple, rendent à Kadhafi ce qu'il aurait placé chez eux», estime Gordon L. Clark, spécialiste des fonds d'investissement souverains.
Kadhafi a prévu cette situation de blocus économique et financier. Il a pris soin d'amasser un tas d'or en Libye, grâce à la Banque centrale libyenne. L'institution, dont il détient les clés, possède 143,8 tonnes de lingots dans ses coffres, selon le décompte du Fonds monétaire international. Ces réserves, qui représentent environ 4,6 milliards d'euros, placent la Libye au 24ème rang mondial des détenteurs de métal jaune, juste devant la puissante et très prospère place financière de Singapour.
De l'or contre des armes
Cet or, Kadhafi peut l'écouler principalement en Afrique, via les frontières sud de la Libye avec le Niger, le Tchad et le Soudan. «Ces zones désertiques sont très poreuses et équipées de nombreux aérodromes», souligne le chercheur Olivier Pliez. Par ce chemin, les lingots peuvent être acheminés vers les filiales nigériennes ou tchadiennes de la Libyan Foreign Bank, qui dépend elle-même de la Banque centrale. Cet établissement possède, entre autre, plus de 80% de la Banque commerciale du Niger et 50% de la Banque commerciale du Chari, au Tchad. Tripoli pourrait également échanger son or directement contre des armes.Avant d'avoir à écouler son or, Kadhafi peut probablement piocher dans de profondes réserves de cash. Ces dernières ont été constituées probablement au fil des ans en écoulant sur le marché noir un tiers de la production de pétrole libyenne, selon Hasni Abidi, directeur du centre d'études et de recherches sur le monde arabe (Cermam). Près de 130 milliards de dollars auraient ainsi été siphonnés par le clan Kadhafi en l'espace de trente ans. Impossible cependant de savoir la part de cette somme détenue en liquide par Tripoli.
Hôtel de luxe, diamants et pétrole
Il est également probable que Kadhafi puisse toujours toucher, d'une manière ou d'une autre, une partie des revenus tirés des investissements effectués en Afriquesub-saharienne. La Libya Arab african investment company (Laaico) y a placé 5 milliards de dollars dans les hôtels de luxe, les mines de diamant ou les télécoms. La Libya Oil Holding, qui regroupe les avoirs dans le secteur pétrolier et de la distribution d'essence, est elle-même présente dans 21 pays africains.Dans ce contexte, le contrôle de la frontière sud de la Libye s'annonce crucial. Fin février, des rebelles disaient avoir pris le contrôle de Koufra, au sud-est du pays, et de son aéroport. Ils y ont intercepté un avion envoyé par les maîtres de Tripoli. Dans les soutes de l'appareil, 2000 kalachnikovs et 18 millions de dinars (10 millions d'euros). Un petit aperçu de la puissance financière du régime.
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