François Hollande « rénove »… En ressortant le « camarade Michel » de la naphtaline !
En 2009 Nicolas Sarkozy nous avait concocté une « Commission
Balladur », chargée de réfléchir à la modernisation de la vie publique.
Les membres de cette Commission, tous plus éminents les uns que les
autres, avaient cogité une vingtaine de propositions dont aucune, ou à
peu près, n’avaient au final été retenues. A peine élu François
Hollande se balladurise donc à son tour et nous sort, autre recyclage de Premier ministre, une « Commission Jospin ».
Lors de son interview télévisée du 14 juillet à l’Hôtel de la Marine (voir Présent
d’hier), le président Hollande avait annoncé son intention de confier
« une mission » à l’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin,
dont il avait loué « l’intégrité ». Une qualité plutôt rare au PS, où
elle contraste fortement avec les turpitudes de certains pontes
socialistes du Pas-de-Calais, des Bouches-du-Rhône , du Vaucluse ou du
Val d’Oise, département dont DSK fut l’élu.
D’où sans l’aura d’honnêteté qui entoure Jospin. En tout cas, pour
François Hollande, le « renouveau » de la vie publique, sa
« modernisation » et surtout sa « moralisation » commencent par le
retour en politique de Lionel Jospin.
Samedi le président de la République nous avait expliqué « Il y a
des règles qui sont demandées, parce que nous sommes dans une période
difficile et qu’il y a une exigence de moralisation, de rénovation (…)
Donc, je vais proposer une commission dans un délai très court, qui sera
présidée par un homme incontestable pour son intégrité … ». Une sorte
de renvoi d’ascenseur à celui qui, quinze ans auparavant lui avait en
quelque sorte ouvert la voie élyséenne en l’installant à la tête du PS
(1997). Après la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques
Chirac, les socialistes ayant remporté les élections législatives
anticipées qui suivirent, Jospin s’était trouvé propulsé à Matignon.
Il lui fallait un remplaçant rue Solferino.
Pour « rénover », « moderniser », « moraliser » — trois termes dont
le chef de l’Etat se gargarise devant les micros et les caméras —, ce
dernier ne trouve donc rien de mieux que de ressortir le « camarade
Michel » de la naphtaline où ce dernier hibernait depuis dix ans.
Depuis en fait ce mémorable 21 avril 2002 où le Premier ministre
socialiste, qui se voyait arriver à l’Elysée dans un fauteuil, avait été
éliminé, à sa grande surprise, dès le premier tour par Jean-Marie Le
Pen, causant un fort traumatisme au PS, à ses élus et à ses électeurs.
Quelques mois auparavant, une polémique sur le passé trotskyste de
Lionel Jospin avait révélé au grand public l’engagement passé du Premier
ministre dans le groupuscule lambertiste l’OCI
(Organisation Communiste Internationaliste), devenu aujourd’hui le
Parti des travailleurs. Un groupuscule révolutionnaire dont les
candidats obtiennent autour de 0,30% de suffrages, chaque fois qu’ils
sortent de la clandestinité pour se présenter à une élection, et dans
les rangs duquel Lionel Jospin milita plusieurs années : de sa sortie de
l’ENA à son entrée au PS, c’est-à-dire l’ancienne SFIO
« rénovée » par François Mitterrand. « Camarade Michel » était le nom
de guerre du haut-fonctionnaire ainsi entré, dans une sorte de
clandestinité militante, en religion trotskiste…
La Pérestroïka selon Hollande et le « camarade Michel »
Aujourd’hui donc le « camarade Michel » reprend du service. Le voici
président de la « Commission pour la rénovation de la vie publique »
qui vient d’être officiellement créée. A cet effet François Hollande,
qui n’a pas perdu de temps entre l’annonce de ladite Commission et sa
concrétisation, a rencontré dès lundi matin à l’Elysée l’ancien Premier
ministre, afin de lui remettre sa « lettre de mission ». En quoi
consiste exactement la « mission » du « camarade Michel » ? D’abord, la
dite commission qui se réunira pour la première fois le 25 juillet
prochain (toujours au pas de charge : Hollande est pressé de rénover,
moderniser, moraliser), se compose de quatorze membres. Les principaux
axes de réflexion de cet aéropage d’universitaires, de magistrats et de
hauts fonctionnaires porteront en priorité sur la recherche et la
définition d’un « meilleur déroulement de l’élection présidentielle
(mode désignation des candidats) », mais aussi sur « le statut
juridictionnel du chef de l’Etat ». Autre champ de réflexion à
défricher : « La commission examinera les voies d’une réforme des modes
de scrutin concernant les élections législatives et sénatoriales
(quelle dose de proportionnelle installer ? Celle-ci doit-elle être
appliquée sur le plan national ou de façon plus restrictive, dans un
cadre régional ?) Elle formulera aussi des propositions « permettant
d’assurer le non cumul des mandats des membres du parlement et du
gouvernement avec l’exercice de responsabilités exécutives locales ».
La parité (comment l’améliorer et peut-être la rendre intégrale)
figurera aussi au programme de ce nouveau « Comité Théodule » — un de
plus ! — ainsi que « l’élaboration de règles de déontologie permettant d’assurer une meilleure transparence de la vie publique ».
En URSS, il y a un peu plus d’un quart de
siècle, le camarade Gorbatchev (Mikaïl de son prénom) appelait le train
de réformes qu’il s’apprêtait à mettre sur les rails : la Pérestroïka ! C’est en somme une sorte de Pérestroïka hollandaise que le camarade Michel est chargée de conduire à son tour. « Nous
devons travailler à un rythme assez soutenu, le Président attendant que
nous lui remettions nos réflexions tout début novembre » a confié le retraité de l’île de Ré à la presse. On frise le stakhanovisme.
Début Novembre… La Toussaint n’est-elle pas aussi une date tout
indiqué pour enterrer en grandes pompes les propositions que formulera
le Comité Jospin ? Et l’occasion, au passage, de déposer quelques fleurs
du souvenir à la mémoire des défuntes propositions du Comité Balladur.
Attention aussi que pour l’occasion, le « camarade Michel », dit aussi
« l’austère qui se marre », ne devienne pas l’homme qui rie dans les
cimetières… Des Comités de réformes !
Roselyne Bachelot « crache dans la soupe »
Nous l’avons déjà dit, mais répétons-le : cette commission,
strictement paritaire — un homme, une femme —, se composera de quatorze
membres, s’agissant pour l’essentiel d’universitaires, de magistrats,
de hauts fonctionnaires. Et parmi tous ces mandarins, d’une ancienne
ministre de Nicolas Sarkozy, exhibée bien sûr par l’Elysée comme une
prise de guerre : Roselyne Bachelot !
L’ancienne ministre du gouvernement Fillon, on le sait depuis le
soir de la défaite de Nicolas Sarkozy, n’était pas d’accord avec la
ligne politique de la campagne présidentielle de son champion,
« impulsée », accuse-t-elle, par le trio de conseillers du président
sortant : Patrick Buisson, Claude Guéant, Emmanuelle Mignon ». Trois
conseillers qu’elle nomme « la bête à trois têtes ».
Bachelot, qui est elle-même du genre dragon cracheuse de flammes, vient même d’écrire un livre, A feu et à sang. Carnets d’une présidentielle de tous les dangers
(Flamarion), pour flageller ses anciens comparses, coupables à ses yeux
de « dérive droitière ». Qu’elle préfère qualifier de « dérive
populiste », l’expression lui paraissant plus stigmatisante.
Le populisme… voilà l’ennemi de Roselyne ! Un ennemi qu’elle partage
avec toute la gauche. Pas de rapprochement possible avec le Front
national. Alain Sanders fustigeait Dans Présent du jeudi 12
juillet, cette droite ersatz à travers trois de ses représentants :
François Baroin, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire : « Ces
trois-là (…) entre un socialo-communiste et un candidat de la vraie
droite, appelleront toujours à voter pour le socialo-communiste ». La Fillonniste
Roselyne Bachelot est un autre spécimen de cette droite là. Une droite
qui défend le mariage gay et la parentée homosexuelle, mais prône
l’exclusion des nationaux.
Dans le livre avec lequel elle espère mettre l’UMP
à « feu et à sang », Bachelot n’en finit pas de dénigrer cette
stratégie populiste et « maurassienne » qui, selon elle, serait à
l’origine de la défaite de Nicolas Sarkozy. « On aurait été mieux
qualifié au second tour avec une autre stratégie plus sociale, plus
rassembleuse. Le FN est contenu par un plafond de verre et il l’aurait
été encore mieux si nous l’avions vraiment combattu ! ». Feu donc, sur le mouvement national ! Avec toute la gauche, rose, verte ou rouge comme compagnon d’armes.
« Ces courtisanes qui font tout pour être ministre… »
On comprend pourquoi la gauche a si facilement récupéré Mme Bachelot. Certains UMP,
comme Christian Estrosi et Nadine Morano, l’accusent aujourd’hui sans
ménagement de cracher dans la soupe du sarkozysme après s’en être
goinfré. Henri Guaino, qui la connaît bien, est encore plus méchant. Il
fait de Roselyne Bachelot « l’exemple même de ces courtisanes qui font tout pour être ministre et mordent ensuite la main de leur bienfaiteur ».
N’entrons pas dans le jeu des invectives désobligeantes. Disons
simplement que Roselyne Bachelot, , comme François Baroin, Nathalie
Kosciusko-Morizet, Bruno Lemaire et malheureusement beaucoup d’autres,
représentent ces élus de droite qui pensent à gauche. Comme le disait
Alain Sanders : « C’est sûr qu’avec des gens de “droite“ comme
ceux-là, la gauche peut dormir tranquille. Même battue, elle serait
toujours au pouvoir ». Au côté du camarade Michel, dont elle va contribué à nourrir la réflexion, Mme Bachelot est enfin à sa vraie place…