Ségolène Royal s'est désistée de l'action en justice qu'elle avait engagée contre les journalistes Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué pour leur livre La Femme fatale, publié chez Albin Michel, a-t-on appris mercredi 2 décembre, auprès de la cour d'appel de Paris.
Le 30 juin 2008, le TGI de Paris avait débouté Mme Royal, qui avait alors immédiatement fait appel. Son avocat, Me Jean-Pierre Mignard, avait déclaré dans un communiqué que sa cliente "ne saurait accepter toute mise en cause directe ou indirecte de ses enfants ou des relations de ceux-ci avec leurs parents".
Le passage incriminé évoquait des faits remontant à août 2006 et citait Julien Dray, présenté dans le livre comme "un ami du couple" que formaient l'ex-candidate PS à la présidentielle et François Hollande, alors premier secrétaire du PS.
Le député PS de l'Essonne y rapportait des propos tenus par Mme Royal à son compagnon disant : "Si tu vas chercher Jospin pour me faire barrage, tu ne reverras jamais tes enfants." Le tribunal avait estimé que ces déclarations n'étaient "pas contraires à l'honneur" de la dirigeante socialiste, soulignant "l'étroite imbrication de [sa] vie publique et vie privée" avec celle de François Hollande.
De plus, avait souligné le tribunal, à ce moment-là, trois des quatre enfants du couple étaient majeurs et la quatrième, Flora, avait 14 ans : Ségolène Royal n'avait donc "aucune possibilité juridique d'interdire à ses enfants de voir leur père, ni aucune possibilité concrète (au regard notamment de l'âge de la mineure) de les contraindre au contraire à garder avec lui des contacts qu'ils ne souhaiteraient pas".
mercredi 2 décembre 2009
Plainte contre "La Femme fatale" : Ségolène Royal se désiste en appel
Peut-on interdire à Google de photographier votre maison ?#
A quoi ressemble la rue où habite votre ami d'enfance ? Trouverez-vous des magasins dans le quartier où vous avez rendez-vous ? Qu'y a-t-il autour de l'appartement que vous envisagez de louer pour vos vacances ? Toutes ces informations, vous pouvez les trouver facilement sur Internet, en utilisant les moteurs de recherche de Google Street view ou celui des Pages Jaunes. Des services pour l'instant réservés aux grandes villes, mais qui dévoilent des quantités d'informations qui peuvent, potentiellement, empiéter sur votre vie privée.
"Imaginez que vous postuliez à un emploi : en tapant l'adresse qui figure sur votre CV, un employeur peut voir si vous habitez dans un quartier défavorisé, voire dans un bâtiment insalubre. C'est une porte ouverte à la discrimination", s'agace Jean-Christophe Lagarde, député-maire (Nouveau Centre) de Drancy (Seine-Saint-Denis). Il a déposé la semaine dernière une proposition de loi "tendant à restreindre les immixtions des moteurs de recherche dans la vie privée", qui vise plus spécifiquement à encadrer ces services de navigation par images dans les villes. Le principe du texte est simple : pour qu'un bâtiment puisse figurer dans les moteurs, il faudrait que l'éditeur obtienne au préalable le consentement du propriétaire.
"UN PROBLÈME DE LIBERTÉ PUBLIQUE"
Actuellement, Google comme les Pages Jaunes ne demandent pas l'autorisation des propriétaires d'immeubles, partant du principe que les photographies sont prises depuis l'espace public et n'enfreignent donc pas le respect de la vie privée. En pratique, ce n'est toutefois pas aussi simple. Lors du lancement de Google Street View, des internautes ont rapidement repéré des images litigieuses : photographies qui laissent voir un intérieur à travers une fenêtre ouverte, visages de passants, voire personnes sortant de sex-shops. Depuis, le moteur de recherche floute de manière automatique – et donc partiellement efficace – les visages ou plaques d'immatriculation, et floute également certaines images sur demande.
Cette politique n'est pas admissible pour Jean-Christophe Lagarde. "On inverse la charge de la preuve : il n'est pas normal que ce soit au citoyen de demander qu'on arrête de violer sa vie privée. Alex Türk, le président la Commission nationale informatique et liberté (CNIL), souhaite d'ailleurs auditionner la commission des lois sur ce sujet : c'est un problème de libertés publiques." En pratique, si le texte était voté tel quel, la quasi-totalité du contenu de ces services se retrouverait hors-la-loi.
A l'heure actuelle, le droit français considère pourtant qu'en matière d'image, c'est au citoyen de faire la preuve du préjudice. "La jurisprudence actuelle prévoit que c'est au propriétaire d'un bien de prouver que la publication qu'une photographie de ce bien lui cause un 'trouble anormal', depuis un arrêt de la Cour de cassation datant de 2004", explique Joëlle Verbrugge, avocate et auteure d'un blog sur le droit et la photographie. "Le droit prévoit un équilibre entre le droit à la vie privée, et le droit à l'information et la liberté d'expression artistique. Si je souhaitais aujourd'hui faire retirer une photo de ma maison de Google Street View, il faudrait à la fois que je démontre que je subis un préjudice, et il faudrait que le tribunal estime que ce service n'entre pas dans le cadre du droit à l'information."
AUTOMATISATION DES IMAGES
A l'inverse, si la proposition de loi de M. Lagarde était adoptée, y aurait-il un risque que les photographes doivent demander systématiquement l'autorisation des propriétaires pour prendre des bâtiments en photo ? "Ce n'est pas du tout le même débat", estime le député. "Ce qui pose problème avec ces services, c'est leur aspect automatisé, et leur association avec un moteur de recherche. Si un photographe publie une image de votre maison sur Internet, il est quasiment impossible de savoir qu'il s'agit de votre habitation. Je ne suis pas opposé à la vidéosurveillance car les images sont uniquement accessibles à des personnes habilitées. Mais là, tout le monde peut avoir accès à toutes les informations."
Pour l'instant, la proposition de loi n'a pas été cosignée par d'autres députés, et M. Lagarde juge qu'elle peut être complétée et améliorée. Il se félicite toutefois qu'elle permette de "lancer un débat". "Notre société est fascinée par la technologie, et moi aussi. Mais il me semble que nous ne réfléchissons pas suffisamment aux conséquences que peuvent avoir ces nouveux outils", estime-t-il.
Sollicité par le Monde.fr, Pages Jaunes n'a pas souhaité commenter cette proposition de loi.
Damien Leloup
"Climategate" : le directeur du centre de recherche démissionne temporairement
Le directeur d'un centre de recherche sur le réchauffement climatique au Royaume-Uni, qui était au cœur d'une controverse après la diffusion sur Internet d'emails piratés, a renoncé à ses fonctions le temps d'une enquête indépendante, mercredi 2 décembre.
Des centaines d'emails avaient été récupérés par des pirates informatiques sur le serveur du département de recherche climatique (Climatic Research Unit, CRU) de l'université anglaise d'East Anglia (est du pays). Certains d'entre eux, qui prouveraient que le monde scientifique manipule les données pour étayer la théorie selon laquelle le réchauffement climatique est le fait de l'homme, ont été postés à la mi-novembre sur des sites Internet tenus par des opposants à cette théorie, à quelques semaines du sommet de l'ONU sur le climat à Copenhague.
Le directeur du CRU, le Pr Phil Jones, s'est retrouvé au cœur de la tempête à cause d'un envoi électronique dans lequel il évoque l'utilisation d'une "ruse" pour manipuler des relevés de température afin de "dissimuler une baisse". Après plusieurs jours de dénégations et après avoir écarté toute démission, il a décidé d'abandonner temporairement ses fonctions de directeur, le temps d'une enquête indépendante sur les accusations.
"Le plus important est que le CRU continue sa recherche d'importance internationale avec le moins d'interruptions et de désagréments possible. Après beaucoup de considération, j'ai décidé que le meilleur moyen d'y parvenir était de me mettre à l'écart du rôle de directeur pendant la durée de l'enquête indépendante", a-t-il expliqué.
A la fin de novembre, il avait qualifié de "véritables âneries" les accusations de conspiration pour truquer les données, dénonçant une diffusion hors contexte des emails. "Certains emails contiennent des mots mal choisis et ont été envoyés dans le feu de l'action, lorsque j'étais agacé. Je regrette vraiment certains envois", avait-il déclaré.
Des militants de Greenpeace envahissent l'hémicycle de l'Assemblée
L'hémicycle de l'Assemblée nationale a été évacué puis fouillé par les forces de sécurité, mercredi en fin d'après-midi, en raison d'une alerte à la bombe qui s'est produite après l'intrusion de militants de Greenpeace. Selon une source parlementaire, le standard du Palais-Bourbon a reçu, peu avant 17 heures, un appel évoquant la présence d'une bombe. La salle des Quatre-Colonnes, où se pressent habituellement les journalistes, a elle aussi été évacuée.
Plusieurs militants de l'organisation écologiste Greenpeace ont envahi brièvement, mercredi 2 décembre, les tribunes du public de l'Assemblée, une manifestante parvenant jusque dans l'Hémicycle et interrompant le débat en cours sur la conférence de Copenhague sur le climat.
Auparavant ils étaient une dizaine à se hisser sur le toit de l'Assemblée nationale, avant d'en être évacués par les pompiers.
A l'aide d'une grande échelle de pompiers dressée le long du Palais-Bourbon, les militants, qui avaient revêtu des combinaisons blanches ou rouges, ont réussi à rester sur le toit pendant une dizaine de minutes.
Rapidement interceptés par les forces de l'ordre, les manifestants ont été évacués dans des fourgons de la police exceptionnellement entrés dans la cour d'honneur de l'Assemblée. Dans les rues voisines, des militants écologistes ont brandi des banderoles jaunes sur lesquelles on pouvait lire un message adressé au président Nicolas Sarkozy : "Aux actes, M. le président"
Les militants ont reçu le soutien du député Verts Noël Mamère. "C'est formidable, c'est une action qui a pour but de sensibliser les responsables politiques aux défis lancés par l'effet de serre. Je trouve que c'est bien qu'ils viennent le faire là où bat le cœur de la démocratie et là où il devrait y avoir beaucoup plus de débats sur la question climatique et ses conséquences sociales, écologiques et économiques", a-t-il déclaré.
Difficile d'être obèse dans un avion#
Un siège? Deux sièges? Les compagnies aériennes n’ont pas résolu le problème des obèses. Encore plus en classe éco, où les passagers ont à peine la place de caler leurs jambes et la largeur du siège ne permet pas d’abuser tellement sur les plateaux-repas. Alors quand le surpoids d’un voyageur oblige celui-ci à empiéter sur le siège du voisin ou dans le couloir, difficile de trouver une solution, et la photo qui fait le tour du web ne va pas favoriser les compagnies.
En fouinant sur un blog consacré à l’aviation, le site Internet du Telegraph est tombé sur la photo d’un passager d’un vol d’American Airlines qui, outre son siège, occupait près de la moitié de l’allée centrale. Selon le blog Unusual attitude, l’image - qui a depuis fait le tour du web - aurait été prise par une hôtesse de l’air, qui «voulait illustrer les difficultés rencontrées avec les passagers qui ne rentrent pas dans les sièges». Contacté par le Telegraph, American Airlines se dit «incapable de confirmer si l’image a été prise ou non par un membre d’équipage.»
«Un compagnon de voyage totalement inacceptable»
Face à la photographie, le blogeur estime que l’homme représente «un obstacle majeur de sécurité en cas d’évacuation, un gros dérangement pour l’équipage et je dirais un compagnon de voyage totalement inacceptable pour le type assis à côté.»
Dans les commentaires du blog, un internaute confirme les faits, précisant qu’il connaît la personne qui a pris la photo. Le passager aurait été autorisé à rester à bord de l’avion, quant à son voisin, on lui aurait proposé de prendre le vol suivant, en première classe, avec un bon d’achat en compensation.
O.R.
L'UE met la finance sous surveillance
Malgré les réserves de Londres, les ministres des Finances de l'Union européenne sont arrivés à un compromis pour créer trois autorités paneuropéennes chargées de surveiller les banques, les asurances et les marchés.
Les ministres des Finances de l'UE se sont mis d'accord mercredi après de difficiles négociations pour mettre en place pour la première fois des autorités de supervision financières pan-européennes, afin de tirer les leçons de la récente crise mondiale.
"Nous venons de finaliser un peu plus de cinq heures de discussions sur le projet de directive concernant la supervision européenne. C'est un aboutissement", a déclaré à des journalistes la ministre française des Finances Christine Lagarde à Bruxelles.
"Aujourd'hui, on a un document qui est un document de compromis, mais qui nous permet d'avoir des autorités européennes de supervision", a-t-elle ajouté, estimant "qu'aujourd'hui l'Europe a fait un réel progrès en matière bancaire et financière".
"Les ministres ont trouvé un accord", en surmontant les fortes réserves qu'avaient le gouvernement britannique, réticent à accepter toute forme de régulation supranationale pour la puissante City de Londres, premier centre financier européen, a également indiqué à l'AFP une source diplomatique européenne.
Il s'agit de renforcer la supervision du secteur financier, notamment lorsque cela concerne des établissements transnationaux, à lumière de la crise de 2008, en mettant en place trois nouvelles autorités paneuropéennes chargées de surveiller les banques, les assureurs et les marchés. Elles pourront exercer des pouvoirs sur les superviseurs nationaux.
Le compromis trouvé par les ministres des Finances européens "consacre une véritable coordination européenne, avec une faculté d'intervention en cas de désaccord entre deux autorités nationales, avec une faculté d'intervention en situation d'urgence (...), pour répondre à des situations de crise telles que celle qu'on vient de vivre", a détaillé Mme Lagarde.
"Cela a été un processus laborieux parce que tout le monde n'était pas sur la même longueur d'onde", a-t-elle reconnu.
Les Européens discutaient de ce sujet depuis des mois, mais sans parvenir à un accord du fait de l'opposition britannique.
Enquête sur le couple Kouchner-Ockrent
Bernard Kouchner règne sur le Quai d'Orsay et peine à exister dans l'ombre de l'Elysée. Christine Ockrent codirige l'audiovisuel extérieur français, en proie aux conflits sociaux. Leur popularité intrigue, leur opportunisme agace, mais ils résistent et gèrent leurs affaires comme une petite entreprise. Histoire d'une duo à part.
Bernard Kouchner tel qu'en lui-même. En trente ans, des boat people aux pages people, l'homme, en apparence, n'a pas changé. Le 4 février 2009, face à David Pujadas, au 20 Heures de France 2, ses phrases s'étirent dans des soupirs de tragédien, son menton tremble sous le coup de l'indignation. Alors, ce bouquin de Pierre Péan, ces accusations de dérive opportuniste à la solde de vieux dictateurs africains? "Honteux!" ; "Ces mensonges vont disparaître..." ; "Oui, je pense qu'on peut porter plainte!"
Des mots. Neuf mois plus tard, Pierre Péan attend encore de recevoir la moindre assignation. Mais il n'en finit pas de remâcher les soupçons d'antisémitisme exprimés à son encontre par le ministre des Affaires étrangères. "Ça nous a tués, mon bouquin et moi", admet-il. Parti pour casser la baraque, Le Monde selon K. s'est vendu à 32 000 exemplaires, loin, très loin des 100 000 visés par les éditions Fayard. Kouchner, lui, s'en sort sans une égratignure. Dans les sondages, il continue de planer: 67 % d'opinions favorables au dernier palmarès de l'Ifop. La routine
Les réseaux d'Ockrent
Christine Ockrent telle qu'en elle-même. En trente ans, de son piédestal de présentatrice du JT au trône de directrice générale de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF), la reine Christine, en apparence, n'a pas changé.
Ce 10 juin 2009, devant la commission des Affaires culturelles du Sénat, qui la questionne sur le climat social à Radio France internationale (RFI), ses accents de grande bourgeoise n'estompent guère cette ironie pincée qui est aussi sa marque.
Evénement rarissime sous la coupole: la sénatrice des Verts Marie-Christine Blandin, lassée de se faire rabrouer, claque la porte en pleine séance. "Mme Ockrent nous a houspillés comme si elle s'adressait à une assemblée de grévistes récalcitrants!" dit-elle, sidérée par tant d'aplomb. Le surlendemain, elle recevra des fleurs ornées de ce mea culpa : "Seule la passion m'éclaire..."
Les grands sentiments. On dirait du Kouchner. Bernard et Christine. Une histoire française. Un couple aimanté par la lumière doublé d'une entreprise de lobbying parfaitement huilée.
Lui, l'éternel French doctor, immunisé à vie contre les accusations de cynisme et de compromission par ses états de service au chevet des damnés de la terre. Elle, l'incarnation du professionnalisme "à l'américaine", cuirassée dans son CV d'ancienne journaliste de la chaîne CBS et de première femme, en France, ayant présenté durablement le 20 Heures. Un mythe, donc, que ce tandem de feu et de glace qui, au milieu des années 1980, inaugura l'ère triomphante des amours politico-médiatiques.
"Je maintiendrai": empruntée au prince Guillaume d'Orange, la devise favorite de Christine Ockrent résume parfaitement la somme d'orgueil et d'entêtement exigée par la conquête du pouvoir. Mais l'ambition n'est qu'une lubie si elle ne s'appuie pas sur de puissants réseaux d'influence.
L'ex-journaliste peut compter sur le plus indéfectible d'entre eux: la famille. Françoise Sampermans, à l'époque directrice générale de la Générale occidentale, qui détenait L'Express, se souvient du jour de 1994 où la candidature d'Ockrent pour la direction de la rédaction lui a sauté au visage: "Je déjeunais avec sa soeur, Isabelle, ancienne dircom de la Seita, et j'évoquais mon souci de moderniser L'Express. C'est elle qui m'a soufflé le nom auquel je n'aurais jamais pensé : 'Et pourquoi pas Christine'?"
Le droit d'ingérence, spécialité de Kouchner
A l'été 2007, l'Histoire bégaie. Devant plusieurs de ses ministres, le chef du gouvernement, François Fillon, réfléchit à la création d'une société regroupant les médias français diffusés à l'étranger. Kouchner trouve l'idée épatante : "J'espère que vous n'oublierez pas Christine!" Le droit d'ingérence, sa spécialité.
Au fil du temps, Christine Ockrent a fini par se construire un carnet d'adresses digne d'un ministre, lui aussi. Comme par capillarité, c'est elle qui s'est immiscée, discrètement, au sein des cercles de réflexion les plus privés de la planète, de ceux qui bombardent les gouvernants de prescriptions économiques et diplomatiques, voire militaires.
Fidèle du groupe Bilderberg (voir l'encadré), membre de l'International Crisis Group et de l'European Council on Foreign Relations, elle joue les oracles quand son compagnon voit chaque jour son champ d'action se réduire du fait de l'activisme du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant. Se dessinent alors les contours d'un couple à front renversé, lui en bateleur d'estrade, elle en éminence géostratégique: Bernard Ockrent et Christine Kouchner, en quelque sorte.
Ils s'aiment. "Bernard et moi, ce sont deux vies qui se sont croisées, presque enroulées l'une à l'autre", dit-elle joliment. Dès lors, il n'est pas toujours facile de s'y retrouver. Dans la promotion du 14 juillet 2007 de la Légion d'honneur, Christine Ockrent est hissée au grade d'officier. Or, comme pour tous les étrangers – elle est belge – sa médaille fait partie du contingent du Quai d'Orsay, où son compagnon a emménagé avec fracas deux mois plus tôt. Népotisme? Kouchner, qui, à titre personnel, a fait le serment de refuser toute décoration de la République, grimpe aux rideaux: "Je n'ai rien signé concernant Christine. C'est Jean-Pierre Jouyet, ministre des Affaires européennes, qui s'en est occupé. De plus, l'initiative remontait au gouvernement précédent."
Joint par L'Express, le secrétaire général adjoint des Nations unies Philippe Douste-Blazy, prédécesseur de Bernard Kouchner au ministère, ne se souvient pas "d'avoir entériné ou proposé la nomination de Christine Ockrent à quelque grade que ce soit... " Bref, le doute subsiste. Ironie du sort : en 1999, pour sa première médaille de chevalier, son compagnon était déjà là, au gouvernement. Pour l'occasion, c'était à gauche. Un destin vaut parfois mieux qu'un long discours.
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2009, l'année des controverses
2009 aurait dû être leur Graal: lui, la voix de la France sous les lambris ; elle, sur les ondes et les écrans. Il n'en restera bientôt que doutes, controverses et suspicions.
A peine sorti du guêpier Péan, Kouchner pensait avoir fait le plus dur en mettant sur le banc de touche l'encombrante secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme, Rama Yade, lors du remaniement de juin dernier. Lui-même, pourtant, est passé à deux doigts du carton rouge : Nicolas Sarkozy a confié à un responsable de la majorité avoir failli l'évincer en le présentant à un poste européen. 'La magie Kouchner n'opère plus", confirme un élu UMP.
Sa diplomatie à l'estomac, ses facéties de carabin, ses emportements shakespeariens ont fini par lasser comme autant de ficelles d'un vieil acteur.
Ockrent, elle, tient et "maintient", mais à quel prix? A RFI, la mise en place d'un plan social drastique a provoqué la plus longue grève de l'audiovisuel public depuis mai 1968. A TV5, ce sont les actionnaires étrangers qui ont ferraillé pour la priver du fauteuil de directrice déléguée. "Est-ce qu'on imagine une seule seconde que le mari de Condoleezza Rice puisse diriger l'audiovisuel extérieur des Etats-Unis? interroge un ancien membre du conseil d'administration de la chaîne francophone. Dans les pays anglo-saxons, chers au coeur de Mme Ockrent, l'interdit, ce n'est même pas le conflit d'intérêts, mais l'apparence de conflit d'intérêts..."
Cette confusion des genres lui a servi d'escorte lors de ses trois excursions africaines depuis sa nomination. Accueil protocolaire sur le tarmac, formalités douanières escamotées, saut de puce en hélicoptère privé... Mais qui, au juste, le président sénégalais Abdoulaye Wade et l'Ivoirien Laurent Gbagbo avaient-ils le sentiment d'accueillir? La directrice de l'AEF, la statue cathodique ou la première dame du Quai?
C'est d'ailleurs par un coup de fil du cabinet de Bernard Kouchner qu'André Janier, alors ambassadeur de France à Abidjan, a été informé de la venue de l'éminente personnalité. "Je préférerais en parler avec l'intéressée elle-même", répondra-t-il, en briscard de la diplomatie.
Le plus drôle, c'est que Christine Ockrent n'a pas été prise une seule fois en flagrant délit d'interventionnisme depuis son sacre de février 2008. Mais il arrive que ses intuitions journalistiques forcent l'admiration.
Les "ménages" d'Ockrent
A France 24, lors d'une réunion, en septembre, elle annonce une série de grands entretiens sur l'identité française. Dans la rédaction, on s'interroge: a-t-on déjà vu CNN diffuser un programme sur l'identité américaine? Deux mois plus tard, quand le débat sur l'identité nationale, dégoupillé par le gouvernement, explose sur la place publique, c'est la stupeur. "Dans ces cas-là, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'elle a lu ça dans le marc de café lors de ce dîner d'été, au cap Nègre, avec Bernard et les époux Sarkozy", souligne un journaliste de la chaîne. Selon le directeur de la rédaction, Vincent Giret, l'idée date du mois de juin, sur une proposition de la sociologue Caroline Fourest. On ne prête qu'aux riches.
Il ne fallait pas être devin pour pressentir que le salaire d'Ockrent, dans ses nouveaux habits de cost killer, provoquerait de l'eczéma jusque chez les parlementaires. A l'instar d'Alain de Pouzilhac, PDG de l'AEF, sa rémunération annuelle peut grimper jusqu'à 310 000 euros par an, au gré d'un système de primes qui, le 4 novembre, a fortement agacé les élus examinant le budget 2010.
"Il est invraisemblable que l'on ne parvienne pas à obtenir de chiffres précis et que ces montants puissent être supérieurs à ce qui existe à l'étranger " s'est étranglé le député UMP Lionnel Luca devant la commission des Affaires étrangères. "Nous sommes légitimement choqués qu'un groupe licencie quand les salaires de ses dirigeants explosent ", a ajouté, dans le camp d'en face, le député PS Jean Glavany.
L'argent: vieux sujet, têtu comme un boomerang, qui n'a jamais vraiment laissé en paix le couple Ockrent-Kouchner. A la tête d'une petite holding, ils vivent à Paris dans un somptueux duplex loué au Vatican à des conditions longtemps restées confidentielles (voir l'encadré). Lui s'est illustré par ses brillants rapports, et la justification, auprès de quelques amis socialistes, du passage du Rubicon, en 2007: "Je n'ai pas de retraite, il me faut bien un revenu!"
Ockrent, elle, traîne une réputation de pitbull dès qu'il s'agit de monnayer son talent. A la fin des années 1980, la révélation de ses émoluments de présentatrice du JT d'Antenne 2 déclenche une grève et une polémique nationale. Dix ans plus tard, la voici sur France 3, avec un salaire deux fois supérieur à celui de Rémy Pflimlin, directeur général de la chaîne, grâce à un fructueux système de primes à l'émission. "Je me rappelle que le contrôleur d'Etat s'était arraché les cheveux au moment de valider cet accord, raconte Christian Dauriac, à l'époque directeur de la rédaction de France 3. Finalement, il a dû s'exécuter sur ordre."
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Les "ménages", ces animations de séminaires d'entreprise tarifées 15 000 euros la journée, ont longtemps constitué une manne pour celle qui, paradoxalement, se réclame du puritanisme déontologique anglo-saxon.
Sainte Christine vénérée par les jeunes générations de reporters, au point que Loïc Hervouet, alors directeur de l'Ecole supérieur de journalisme de Lille, l'invita à donner la leçon inaugurale de la promotion 1999. Une tradition. Tous les grands noms du PAF y sont passés: Jean-Pierre Elkabbach, Michèle Cotta, Robert Namias, Dominique Baudis... Tous sauf elle, en définitive. "C'est la seule à nous avoir réclamé de l'argent, raconte Loïc Hervouet. Dans mon souvenir, elle exigeait l'équivalent de 5 000 euros, puis, devant mon refus, son assistante a rappelé pour la proposer à moitié prix..." Finalement, c'est Jean-Marie Cavada qui l'a remplacée au pied levé. Et contre zéro franc.
"Chacun vit avec ses contradictions..."
Bien sûr, à 70 et 65 ans, Bernard Kouchner et Christine Ockrent ne sont pas seulement ce que le pouvoir a fait d'eux. Sous le vernis de la complaisance, l'infatigable bretteur apparaît encore, de temps à autre, en pointillés. "C'est incroyable comme il est flatteur: à chaque Conseil des ministres, il explique: 'C'est grâce à vous monsieur le Président...', souligne un membre du gouvernement. En même temps, il est l'un des rares à avoir de vrais débats avec Sarkozy et à oser, parfois, s'opposer à lui."
Ockrent, elle, fera toujours figure d'Himalaya. "Elle m'a tout appris: comment choisir le bon angle pour un reportage, pourquoi privilégier telle information... C'est la meilleure d'entre nous", affirme l'ancien journaliste de FR3 Pierre Fraidenraich. Il la découvre aux commandes du Soir 3, voilà quinze ans. Face à l'inertie de la rédaction, elle décide d'adouber deux reporters débutants pour lui servir de garde rapprochée: le premier, Fraidenraich, deviendra le patron d'iTélé ; le second, Guy Lagache, l'une des stars de M 6.
C'est sûr: Ockrent a fait valser les archaïsmes, et Kouchner, en son temps, a révolutionné les consciences. Mais cela remonte au siècle dernier, loin de la pompe, des ors et des prébendes du régime.
En 2003, lors de la publication de son best-seller sur Françoise Giroud, Une ambition française (Fayard), Christine Ockrent est accusée de trahison pour avoir révélé d'inavouables secrets sur son amie décédée. Au téléphone, un ami de la biographe lui demande comment elle régirait, elle, si l'on venait fouiller dans les arrière-cuisines de son existence? La reine Christine étouffe un rire de fillette insolente: "Chacun vit avec ses contradictions..." Quelques icônes de la politique et de la télévision ne font même que cela. C'est juste une question d'habitude.