Natacha Polony n’est pas une experte assermentée, comment ose-t-on la laisser parler ?
Piloter la mondialisation est le dernier avatar de cette antique
entreprise qui mena les hommes de savoir dans le cabinet des princes.
Cette prétention à gouverner rationnellement les hommes serait comique
dans sa formulation si elle n’était tragique dans ses conséquences. Nous
lui devons le triomphe de la science économique, et, par conséquent,
l’essentiel de notre sujétion présente. L’arnaque à l’expertise
économique possède une longue histoire, depuis l’Académie des sciences
morales et politiques jusqu’à l’ENA. Elle a pour caractéristique la
production d’une masse effarante de gens sérieux dont l’aplomb ne laisse
pas d’étonner.
Prenons le débat qui opposa Natacha Polony et Alain Minc sur le
plateau de Laurent Ruquier, “On n’est pas couché” (France 2, 22
septembre 2012). Une journaliste sortie d’un roman de Nabokov, tout à la
fois ludique et lettrée, demande au conseiller des princes pourquoi le
peuple est absent de son dernier livre sur les Nations. Surpris par
cette attaque qui ne peut venir que d’une “animatrice” (Monsieur Minc ne
sait pas que cette animatrice est agrégée de Lettres modernes,
laquelle, par élégance, ne le détrompera pas), notre expert s’engage
aussitôt dans un long tableau chiffré de l’économie mondiale. La
sentence tombe : le tort de la pauvrette consiste à s’en tenir à une
vision franco-française du problème. Essayons de décomposer ce sophisme.
A) Vous souhaitez parler des problèmes français ? Commencez par étudier la courbe du chômage en Chine.
B) Vous n’avez pas le temps d’étudier la courbe du chômage en Chine ?
C’est donc que vous êtes enfermé dans votre “petite France”.
C) Par suite, taisez-vous.
Dans le domaine aujourd’hui si répandu de l’expertise économique, la
règle est claire : un problème sera d’autant plus réel qu’il nous
dépasse entièrement. Voilà pourquoi toutes les instances qu’il nous
faudrait réguler forment des entités plus hautes que la pauvre France :
Union européenne, FMI, Banque centrale européenne, etc. Ces instances
ont beau se donner des buts aussi sublimes que la paix ou la prospérité,
elles trouvent dans la disqualification du quidam leur véritable raison
d’être.
Après avoir péniblement cherché à discréditer son interlocutrice sur
le terrain des chiffres, Monsieur Minc s’en est pris à son
souverainisme. (Entendre : à son pétainisme inconscient). Voyez comme
tout s’enchaîne à merveille : non seulement Natacha Polony est
économiquement inculte, mais elle est éthiquement suspecte. Que notre
ami fédéraliste ait l’impression de lutter, en mocassin, contre le
retour du fascisme en Europe (car rien n’est trop grand pour une âme
aussi noble), prouve, s’il en était besoin, l’actualité de Cervantès :
les belles idées demeurent, après le sentiment amoureux, la meilleure
façon de se raconter des histoires sur soi-même.
jeudi 4 octobre 2012
Alain Minc, ou l’antifascisme en mocassin
Qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’un économiste se trompe ?
Qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’un économiste se trompe ?
Il n’est pas nécessaire d’être de gauche pour constater l’inanité des
prédictions économiques de droite. L’une des plus amusantes concerne
l’explosion des taux d’intérêt sur la dette française, laquelle devait
accompagner, pour ainsi dire mécaniquement, l’élection de François
Hollande. Le président élu, l’effet mécanique n’a pas eu lieu. Cette
prévision avait pourtant tous les atours de la technicité. Quant à son
auteur, inutile de préciser qu’il continue de jouir d’une excellente
réputation auprès de ses pairs. En somme, le seul problème de cette
prédiction est sa fausseté, encore que parler de fausseté, ou de
problème, paraît bien exagéré.
Qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’un économiste se trompe ? Les
prédictions économiques sont si régulièrement fausses que nous ne
prêtons plus à leur destin qu’une attention distraite. Les feuilles
mortes se ramassent à la pelle, et ce n’est pas l’automne qui me
contredira.
Grèce : six ans de solitude
72 mois de concessions, 72 mois de récession
Même aux Etats-Unis, après la crise de 1929, au bout de six ans, ils
avaient compris. Ils avaient déjà élu Roosevelt qui relançait son pays
avec le New-Deal, une politique de type socialiste qui donnerait
aujourd’hui des malaises vagaux à Mario Draghi. Ou aux habituels
éditorialistes de C dans l’air qui disent la même chose que
Mario Draghi. Mais tout le monde médiatique et politique ne dit-il pas,
aujourd’hui en Europe, la même chose ? À part, peut-être les différents
Fronts de Gauche, que ce soit ces temps-ci au Portugal (Bloco de
Esquerda, PCP) où un million de personnes- dans un pays qui en compte
dix ! – viennent de descendre dans la rue pour protester contre
l’austérité et en Espagne (Izquierda Unida) où l’agitation sociale
devient endémique et menace l’unité même de la « communauté de nations
». Seulement, les Américains, en 1932, quand ils élirent Roosevelt et renvoyèrent à ses chères études le libéral Hoover, pouvaient encore voter pour qui leur plaisait et n’étaient pas sous la coupe d’instances supranationales et des amicales pressions qui vont avec. Ce qui fut encore le cas en Grèce, aux législatives du 17 juin 2012 quand la coalition Syriza, le Front de Gauche local, fut devancée de quelques décimales par Nouvelle Démocratie, le parti de droite qui bénéficia ainsi des cinquante sièges accordés en prime à la formation arrivée en tête et qui put faire alliance avec les socialistes du PASOK moribond et une petite formation de centre gauche.
La Grèce étant visiblement notre avenir proche comme elle fut notre passé lointain, trop lointain, on indiquera aimablement à la rue de Solferino et à Matignon qu’il arrive, quand une crise dure trop longtemps que les gens décident de ne plus respecter une alternance classique droite gauche mais se mettent tout simplement à voter… plus à gauche, ou pour formuler les choses autrement, pour une gauche qui se souvient qu’elle est de gauche. L’hégémonie du PS, à gauche, n’ira plus forcément de soi dans les années qui viennent.
Pour en revenir à la Grèce, les partis grecs partisans du mémorandum européen (mémorandum est un mot poli pour dire diktat en 2012) ont sauvé une majorité précaire de justesse, grâce notamment à l’attitude obsidionale du KKE, le parti communiste grec « old school », stalinien comme pas deux et enfermé dans sa logique bolchévique, un peu comme Lutte Ouvrière chez nous, à la différence qu’il peut encore faire élire entre dix et vingt députés.
Et c’est la même histoire depuis six longues années avec un gouvernement grec majoritaire au parlement et minoritaire dans l’opinion qui présente comme en France son projet de budget 2013. Avec pour la sixième fois les mêmes méthodes qui enfoncent un peu plus le pays dans une récession sans fin de plus en plus violente, générant au sein d’une population désespérée les pires pulsions. On se drogue et on se suicide beaucoup en Grèce, ces temps-ci. Et quand on ne retourne pas la violence contre soi-même, on la retourne contre l’immigré. Les agressions racistes et autres ratonnades sont devenues une spécialité dans les quartiers populaires d’Athènes ou Salonique. Il ne s’agit même plus uniquement des délires de quelques militants néo-nazis d’Aube Dorée mais d’un lumpenprolétariat qui s’attaque à ce qu’il a sous la main, un peu comme lors de ce nettoyage marseillais d’un camp rom par les habitants d’un quartier avec incendie à la clef, le tout sous surveillance policière, une des scènes les plus objectivement monstrueuses de cette rentrée si l’on prend le temps de réfléchir à ce que cela suppose en matière de désespérance et de fin d’un certain modèle républicain atomisé par le tout-marché.
Ce budget, bien entendu, comme le sera le nôtre si le Traité budgétaire est ratifié, s’élabore sous la tutelle de la troïka. Elle est composée de deux Allemands-(Matthias Mors (UE) et Klaus Masuch (BCE)-ainsi que du Danois Poul Thomsen du FMI. Evidemment, ils sont moins faciles à trouver que des clandestins albanais quand on est en colère.
Le gouvernement grec table sur une contraction de l’économie de 3,8 à 4% et le projet de budget prévoit 7,8 milliards d’euros de coupes en 2013. Pour trouver cet argent, le gouvernement va, comme d’habitude, tailler dans les retraites, les salaires des fonctionnaires (juges, universitaires, policiers ou pompiers) et les aides sociales. Pour les policiers, qu’ils fassent tout de même attention, le syndrome de la crosse en l’air est quelque chose qui arrive assez souvent dans ce genre de circonstances historiques. Encore une fois, l’église orthodoxe comme les armateurs ne sont pas prévus au programme. Pour les armateurs, l’actuelle équipe gouvernementale a sans doutetrop peur d’une réaction à la Bernard Arnault… Tout cela fait près de 3,5 milliards d’euros d’économies. Une saignée pour quoi faire ? Pour une aumône de 31,5 milliards accordée par la Troïka, qui ira directement recapitaliser les banques privées.
En face, la rue résiste comme elle peut, à coup de grèves générales comme mercredi dernier. Et le cauchemar continue depuis six ans. Six ans de solitude.
"La fanfaronnade qui ridiculise Hollande"
Contre le traité budgétaire européen négocié par Sarkozy, le chef de l'État invite finalement sa majorité à le voter.
On est pour ou contre l'Europe.
À chacun ses convictions. Les souverainistes - il y en a à droite, il y
en a à gauche - ont leurs arguments, ils ont le droit de refuser le
mouvement de l'histoire et de penser que la France peut encore espérer dominer le monde. De même, le Front de gauche a-t-il le droit de croire encore à la dictature du prolétariat. Et les Verts celui de continuer à caresser leur utopie.
Mais si l'on est pour l'Europe, il faut saisir toutes les occasions
qui se présentent en faveur de son avancée, ce qui n'exclut pas, bien au
contraire, le débat autour des modalités de cette avancée. Ce débat, la
crise l'a interrompu. L'Europe piétine depuis quatre ans. La montée en
puissance de l'Allemagne et les problèmes rencontrés au cours de cette
période par les pays de l'Europe du Sud ont modifié la donne européenne
et menacé un équilibre que Merkel et Sarkozy ont tenté de restaurer, à
la fois dans l'intérêt commun de l'Europe et chacun dans son propre
intérêt.
Hollande n'est pas très franc du collier
Le traité budgétaire européen est le fruit de cette initiative. Mais
ce texte n'est que le premier jalon d'un processus ambitieux qui va dans
le sens de l'unification politique de l'Europe, dont le terme est prévu
en 2014 et qui répond aux voeux de tous les Européens convaincus.
Rejeter ce traité, c'est agir contre l'Europe. Parmi les Européens
convaincus, on croyait naguère que figurait François Hollande. Tout dans
son passé donnait à le croire. Et d'ailleurs on le croit encore. Mais
pour des raisons électorales, il a fait des manières à propos de ce
traité, tout simplement parce que celui-ci était l'oeuvre de Sarkozy. Au
fond, il n'a jamais cessé d'y être favorable, et d'ailleurs il invite
aujourd'hui sa majorité à le voter, bien qu'il ait posé dans le passé
des conditions qui n'ont jamais été remplies. Passons sur cette
inconséquence.
La morale de l'histoire, c'est que François Hollande n'est pas très
franc du collier. Et finalement pas très malin. Il aurait pu se
dispenser durant sa campagne d'une fanfaronnade qui le ridiculise aux
yeux de ses partenaires européens, et surtout d'Angela Merkel, et qui
l'affaiblit vis-à-vis de sa majorité. Il aurait de toute façon été élu.
Il lui suffisait d'insulter Sarkozy, ce dont il ne s'est pas privé.
Quoi qu'il en soit, le voilà qui aujourd'hui défend et avalise un
texte dont Sarkozy est l'auteur, dont il avait dit qu'il était
inacceptable, qu'il n'est pas parvenu à faire amender, et qu'une partie
de sa majorité va rejeter. Que d'affronts ! Félicitons-nous cependant de
ce ralliement puisque nous sommes européens. Et prenons acte de la
fragilité de la majorité, en nous en réjouissant puisque nous ne sommes
pas socialistes.
Hollande n'est pas au bout de ses peines
Le traité va donc être ratifié la semaine prochaine. Les voix de
l'opposition ne seront sans doute pas nécessaires au gouvernement pour
obtenir la majorité. Si elles l'étaient, ce serait savoureux. Dans tous
les cas, ce le sera, car nul n'ignore que la gauche est divisée sur le
sujet et que pour rassembler une majorité elle devra compter sur
quelques-uns des siens aux convictions élastiques.
François Hollande n'en est pas pour autant au bout de ses peines. Ce
traité en effet et sa ratification engagent la France dans la voie de
l'intégration européenne. Les étapes en sont fixées. Cela signifie qu'à
chacune d'entre elles, la même comédie risque de se reproduire, qui
provoquera les mêmes palinodies au sein de la famille de gauche
s'agissant d'un sujet majeur, voire déterminant : l'Europe. On peut très
bien imaginer qu'à la faveur d'un débat interne imparfaitement géré sa
majorité échappe à François Hollande. Certes, la droite pourra toujours
venir à son secours puisqu'elle vote selon ses convictions.
Mais il sera alors non pas avéré, car cela est déjà avéré, il sera
officialisé que François Hollande aura été élu sur un malentendu, voire
sur un mensonge. Il est peu probable que son autorité en sorte
renforcée, de même que son crédit, national et international. Le
président sera condamné à gouverner par louvoiements. Mais n'est-ce pas
ce qu'il fait déjà en d'autres domaines ? En matière de sécurité
intérieure, par exemple. Un cap répressif, un cap permissif, ou les deux
à la fois. Un coup Valls, un coup Taubira. Il n'y a de volontarisme
chez Hollande qu'en matière de politique fiscale.
Le droit de vote des étrangers, ce n’est ni maintenant ni jamais !
Le droit de vote des étrangers, ce n’est ni maintenant ni jamais !
Dans un journal du matin, un aréopage de parlementaires écolos, qui
n’ont rien de plus écologiquement urgent, a récemment publié une tribune
intitulée : « Le droit de vote des étrangers, c’est maintenant ! »
(avec un point d’exclamation qui traduit bien les arrogances
totalitaires de ces gens). Les OGM, le
nucléaire, le supposé réchauffement climatique, le mariage homo, les
tourterelles et l’âge du capitaine ne suffisent pas à les occuper… Donc,
le droit de vote aux étrangers dont les incidences écologiques
n’échapperont à personne…
On dira : « Normal, c’était une promesse électorale du candidat
Hollande, alias le président normal. » Mais les signataires de ce texte
insipide n’ont pas tort qui rappellent que, en 2005-2006, Sarkozy et
quelques-uns de ses janissaires n’excluaient pas un tel mauvais coup :
« Ils disaient voir alors dans l’octroi de ce droit un facteur
d’intégration, une preuve supplémentaire de la tradition républicaine
d’accueil, un acte audacieux. »
Un facteur d’intégration ? Non. De désintégration. Une tradition
républicaine d’accueil ? Non. L’auberge espagnole (mais pas avec des
Espagnols, hélas…). Un acte audacieux ? Non. Suicidaire. A l’époque, on
ne se souvient d’ailleurs pas avoir entendu Copé aujourd’hui excité
comme une puce sur le sujet.
Dans le même quotidien du matin et une tribune dans la même page, on
a également droit à la prose – moins échevelée – de Fatima Orsatelli,
conseillère régionale de Provence-Alpes-Côte d’Azur, apparentée
socialiste, déléguée à la Politique de la ville. Elle n’a pas tort non
plus quand elle remarque que cette fièvre sur le sujet marque « une
nouvelle tentation d’instrumentaliser la situation des étrangers de
notre pays au service d’arrière-pensées électorales. » C’est vrai. La
gauche a besoin du vote des étrangers pour se maintenir au pouvoir. Même
si c’est un calcul à court terme dans la mesure où ces votes prendront
très vite un caractère communautaire. Voter pour un infidèle quand on
peut voter pour un muslim halal ? T’as qu’à croire… La fausse droite,
elle, réduite aux caquets, s’essouffle à faire la course derrière le
Front national.
L’autre grande fumisterie consiste à parler, sans plus de précisions, d’étrangers.
Tout le monde sait que ce droit de vote s’adresse principalement – ne
serait-ce que parce qu’ils sont et de loin les plus nombreux – aux
ressortissants musulmans (de toutes nationalités et de toutes
obédiences).
Fatima Orsatelli, qui est lucide, remarque encore : « Les étrangers
vivant dans notre pays sont aussi fatigués. Leur aspiration première
n’est pas de pouvoir voter aux élections locales, mais d’être considérés
pour leur apport à la vie nationale, aussi bien dans la sphère
économique que sociale. » Certes. A supposer que cet apport à la
vie nationale ne se traduise pas, comme c’est le cas trop souvent, à
venir grossir la rubrique de ce que la « grosse » presse appelle des
« faits divers »…
Dans sa cinquième proposition, le candidat Hollande conditionnait
l’octroi du droit de vote aux étrangers résidant depuis cinq ans dans
notre pays. Cinq ans, c’est le délai fixé pour pouvoir demander d’être
naturalisé. Et du même coup avoir tous les mêmes droits (et les mêmes
devoirs, mais ça c’est une autre histoire) que les Français. On peut
choisir de devenir français. Parce qu’on aime la France, qu’on a choisi
d’y faire sa vie et d’en partager le passé, le présent et l’avenir.
Encore faut-il, pour que tout cela reste cohérent, qu’on en finisse avec
l’insupportable double nationalité. Le « vivre ensemble » ? Pourquoi
pas ? Mais essayez, pour l’heure, d’aller vendre cette salade aux
« desouche » qui tentent de survivre dans les zones de non-droit…
La réunification allemande est notre péché originel
30 ans après son arrivée au pouvoir, le 1er octobre 1982, et
22 ans après la réunification allemande, le 3 octobre 1990, l’Allemagne
célèbre l’héritage d’Helmut Kohl. Mais pour Wolfgang Münchau, le
chancelier de l‘unité allemande est aussi celui qui a semé les germes de
la crise européenne actuelle.
Il était de retour, là, dans la salle du groupe CDU-CSU du
Bundestag [le 25 septembre, pour lors d’une ses rares apparitions
publiques à l’occasion d’une cérémonie en son honneur] . Lui, l'un des
derniers grands européens des chrétiens-démocrates allemands, entouré
d'un bataillon d'eurosceptiques l'applaudissant poliment lors de sa
visite au Reichstag. Helmut Kohl craint aujourd'hui pour son grand rêve d'unité européenne. Et il a raison.
Grand amateur de métaphores, Helmut Kohl ne manquait jamais une occasion de nous parler des deux faces d'une même médaille : l'unité de l'Allemagne et celle de l'Europe. La formule était accrocheuse et il est probable qu'il aurait lui aussi bien aimé y croire. Elle s'est toutefois révélée fausse. L'unité allemande n'est pas le revers de l'unité européenne mais plutôt son antithèse. La réunification allemande n'est pas seulement une des causes profondes de la crise européenne, elle est aussi à l'origine de notre incapacité à en sortir. Telle est en effet la tragédie de l'ancien chancelier : la réalisation de son grand œuvre politique (la réunification allemande) portait en elle la destruction de son plus grand rêve politique (l'unité européenne).
Je suis absolument convaincu que l'ancienne république fédérale, non réunifiée, aurait mieux su gérer la crise de l'euro. Nous aurions une union bancaire et budgétaire et la dette de la Grèce aurait été effacée. L'intégration européenne était l'ultime raison d'être de l'ancienne république fédérale. La crise aurait été l'occasion d'un renouveau institutionnel de l'Union européenne.
Au lieu de l'unité européenne, nous avons procédé à l'unité nationale. Nous avons changé de capitale en même temps que de culture politique, désormais plus proche de Moscou que de Bruxelles, Paris et Londres. Je me souviens de la réponse que m'avait faite un député et haut responsable de la CDU il y a quelques années alors que je l'interrogeais sur la coordination des politiques économiques dans l'espace européen : l'Allemagne ne coopère pas au niveau européen mais au niveau du G20, les vingt pays les plus industrialisés au monde. L'Allemagne ne se considère plus comme un membre de l'Union européenne mais comme une puissance autonome, traitant d'égale à égale avec les Américains, les Russes et les Chinois sans se préoccuper de petits importuns comme les Etats européens.
L'Allemagne représente aujourd'hui plus d'un quart de la puissance économique européenne mais répugne à endosser un rôle de leader qu'elle n'a jamais voulu en Europe. Partenaire comme les autres, l'ancienne république fédérale se serait comportée comme les Pays-Bas aujourd'hui, c'est-à-dire de manière critique mais constructive.
Je dois avouer avoir longtemps fait partie de ceux qui croyaient à la métaphore de Kohl sur les deux faces de la médaille. Au début des années 90, il était inconcevable que l'Allemagne se détache un jour du consensus proeuropéen. Ce glissement s'est en partie opéré avec l'arrivée de responsables politiques est-allemands, comme Angela Merkel, qui n'avaient pas de lien personnel avec le projet européen et se sont détournés de l'intégration européenne.
La réintégration de l'ex-Allemagne de l'Est ne suffit toutefois pas à expliquer cette évolution. Dans les pays occidentaux aussi, les priorités ont changé. L'une des raisons est économique. A cause du poids de la réunification, l'Allemagne a adopté la monnaie unique avec un cours surévalué. Résultat, durant 10 ans, la politique économique de l'Allemagne a consisté à augmenter sa compétitivité au lieu d'essayer de renforcer la productivité de l'espace européen dans son ensemble. C'est là l'une des principales causes de la crise actuelle.
La réunification de l'Allemagne et celle de l'Europe ne vont pas de pair, toutes deux ont économiquement mal tourné. Les futurs historiens porteront, à mon avis, un regard plus critique sur la réunification et les mérites du chancelier Kohl qu'à l'heure actuelle.
Grand amateur de métaphores, Helmut Kohl ne manquait jamais une occasion de nous parler des deux faces d'une même médaille : l'unité de l'Allemagne et celle de l'Europe. La formule était accrocheuse et il est probable qu'il aurait lui aussi bien aimé y croire. Elle s'est toutefois révélée fausse. L'unité allemande n'est pas le revers de l'unité européenne mais plutôt son antithèse. La réunification allemande n'est pas seulement une des causes profondes de la crise européenne, elle est aussi à l'origine de notre incapacité à en sortir. Telle est en effet la tragédie de l'ancien chancelier : la réalisation de son grand œuvre politique (la réunification allemande) portait en elle la destruction de son plus grand rêve politique (l'unité européenne).
Changement de culture politique
La réunification précipitée de l'Allemagne a coûté près de 2 000 milliards d'euros de transferts sociaux. C'est le plus bel exemple de mauvaise gestion économique au monde. Un record sur le point d’être battu par le désastre européen. Comment s'étonner que les citoyens allemands qui ont déjà dû (et doivent encore) payer pour la réunification, refusent aujourd'hui de continuer à mettre la main au portefeuille pour l'Europe?Je suis absolument convaincu que l'ancienne république fédérale, non réunifiée, aurait mieux su gérer la crise de l'euro. Nous aurions une union bancaire et budgétaire et la dette de la Grèce aurait été effacée. L'intégration européenne était l'ultime raison d'être de l'ancienne république fédérale. La crise aurait été l'occasion d'un renouveau institutionnel de l'Union européenne.
Au lieu de l'unité européenne, nous avons procédé à l'unité nationale. Nous avons changé de capitale en même temps que de culture politique, désormais plus proche de Moscou que de Bruxelles, Paris et Londres. Je me souviens de la réponse que m'avait faite un député et haut responsable de la CDU il y a quelques années alors que je l'interrogeais sur la coordination des politiques économiques dans l'espace européen : l'Allemagne ne coopère pas au niveau européen mais au niveau du G20, les vingt pays les plus industrialisés au monde. L'Allemagne ne se considère plus comme un membre de l'Union européenne mais comme une puissance autonome, traitant d'égale à égale avec les Américains, les Russes et les Chinois sans se préoccuper de petits importuns comme les Etats européens.
Attitude critique mais constructive
Comment en est-on arrivé là ? La réunification allemande a escamoté un paramètre fondamental de la dynamique européenne qui reposait sur l'équilibre entre les cinq plus grands pays membres (Allemagne de l'Ouest, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne). Ce n'est pas un hasard si les Britanniques ont perdu tout intérêt pour le projet européen après la réunification de l'Allemagne. Le désengagement progressif du Royaume-Uni n'a fait qu'aggraver ce déséquilibre.L'Allemagne représente aujourd'hui plus d'un quart de la puissance économique européenne mais répugne à endosser un rôle de leader qu'elle n'a jamais voulu en Europe. Partenaire comme les autres, l'ancienne république fédérale se serait comportée comme les Pays-Bas aujourd'hui, c'est-à-dire de manière critique mais constructive.
Je dois avouer avoir longtemps fait partie de ceux qui croyaient à la métaphore de Kohl sur les deux faces de la médaille. Au début des années 90, il était inconcevable que l'Allemagne se détache un jour du consensus proeuropéen. Ce glissement s'est en partie opéré avec l'arrivée de responsables politiques est-allemands, comme Angela Merkel, qui n'avaient pas de lien personnel avec le projet européen et se sont détournés de l'intégration européenne.
La réintégration de l'ex-Allemagne de l'Est ne suffit toutefois pas à expliquer cette évolution. Dans les pays occidentaux aussi, les priorités ont changé. L'une des raisons est économique. A cause du poids de la réunification, l'Allemagne a adopté la monnaie unique avec un cours surévalué. Résultat, durant 10 ans, la politique économique de l'Allemagne a consisté à augmenter sa compétitivité au lieu d'essayer de renforcer la productivité de l'espace européen dans son ensemble. C'est là l'une des principales causes de la crise actuelle.
La réunification de l'Allemagne et celle de l'Europe ne vont pas de pair, toutes deux ont économiquement mal tourné. Les futurs historiens porteront, à mon avis, un regard plus critique sur la réunification et les mérites du chancelier Kohl qu'à l'heure actuelle.
Réforme de l'État : le modèle suisse
Ce n'est pas en Suisse qu'on prendrait des mesures contre les entrepreneurs comme viennent de le faire les socialistes français.
Le constat : l’État-Providence est au bout du rouleau
Comme je l'expliquais récemment ici, la politique d'incitation au crédit des principaux gouvernements et des banques centrales est à l'origine de la crise.
En France, l’État-Providence accumule les dettes depuis 38 ans (1974). En 2013 encore, le gouvernement prévoit de dépenser 20% de plus que le montant de ses recettes. La Suisse a évité cette dérive du crédit, en inventant la "règle d'or" d'équilibre budgétaire en 2002. Le pays n'a que très peu de dette (tableau ci-dessous).
La France est une société malheureuse, qui n'a plus confiance dans l'avenir. Le modèle de croissance à crédit est épuisé. En Suisse, la société, libérale sur le plan économique comme sur le plan social, fonctionne bien. Nulle trace de la déprime qui règne dans l'hexagone.
La solution : faire maigrir l’État et libérer les initiatives. Ça s'appelle le Libéralisme !
Les très grands écarts constatés entre les pays les plus et les moins collectivistes montrent bien que nos sociétés n'ont pas besoin d'un État obèse pour fonctionner.
Vouloir un État "fit" est un choix politique.
Revoir les missions de l’État
En France il y a 34 ministres, en Suisse 7. Combien de ministères français pourraient être supprimés sans dommage ? Certainement la majorité. Il y a peu de missions pour lesquelles l’État est indispensable : la sécurité, l'administration de la justice, le soutien des personnes incapables de subvenir à leurs besoins, la défense et les relations internationales.
Il faudrait ajouter l'enseignement, mais le "mammouth" aurait besoin d'une sérieuse réforme. L'enseignement privé, qui fonctionne mieux que le public, ne coûte-t-il pas moins cher ?
Et l'économie ? Moi qui suis chef d'entreprise, je ne vois pas la nécessité de ce ministère, qui dépense l'argent public de manière inopportune en cherchant à prolonger la survie d'industries condamnées, ou en lançant des projets sans avenir.
La question de la protection sociale
En Suisse, l'assurance-maladie est privée. Elle n'accumule pas les déficits. Et croyez-moi la santé est tout aussi bien assurée en Suisse.
L'assurance-chômage est particulièrement coûteuse en France, sans parler du RSA et des autres dispositifs. Ici en Suisse il y a moins de "protection sociale" mais quasiment pas de chômage (3,7%) : quand on perd son emploi, on se bouge et on en retrouve un très vite. L'école forme les jeunes en tenant le plus grand compte des besoins de l'économie, le code du travail ne fait pas 3000 pages, les gens ont envie de travailler et les entreprises sont extrêmement compétitives (malgré le haut niveau du Franc suisse).
Logiquement, en Suisse les charges sociales sur les salaires sont beaucoup plus faibles : 6,25% pour les salariés et l'employeur, plus une cotisation maladie de 7 à 18%. En France c'est 25% pour le salarié et 50% pour l'employeur.
La Suisse, un État fit
La Confédération helvétique est un État fit. Léger. Très décentralisé : les cantons décident presque tout à leur niveau, sans pour autant être atteints de folie des grandeurs comme les régions et départements français. En Suisse, l’État a une influence limitée : les citoyens ont toujours le dernier mot grâce aux referendums d'initiative populaire, organisés au niveau fédéral, cantonal et communal.
L’État consomme 35% de la richesse produite en Suisse. En France c'est 56%. Qu'est-ce que l’État Français fait de plus avec ses dépenses supplémentaires ?
Rien.
En Suisse, les transports fonctionnent, la sécurité est bien assurée, la population est davantage connectée à Internet qu'en France, l'industrie a bien mieux résisté, le chômage est à 3,7%, et j'ai déjà dit qu'il y a peu de dette.
C'est un exemple de pays libéral, certes imparfait : l'impôt sur le revenu atteint le niveau élevé de 45%, il y a un ISF à 1%. Mais pas de CSG ou d'impôt sur les plus-values, et le taux de TVA est la moitié du taux français. Ce n'est pas en Suisse qu'on prendrait des mesures contre les entrepreneurs comme viennent de le faire les socialistes français.
La société suisse a établi un consensus sur la nécessité de travailler beaucoup, on l'a vu avec l'échec du récent referendum qui proposait de passer de 4 à 6 semaines de vacances. Ici les entrepreneurs se sentent encouragés.
Si l'économie suisse marche, c'est parce qu'elle est libérale
Je sais que les Français ont un complexe de supériorité face à la Suisse. Et une excuse: "si ça marche, c'est parce que c'est un petit pays !"
La vérité, c'est que si ça marche, c'est parce que c'est libéral. Quand les socialistes français auront échoué comme c'est prévisible, la France aura une opportunité de prendre enfin la direction du libéralisme.
Mais en en aura-t-elle le courage ?
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