Le projet du gouvernement sur la réforme du statut de l’auto-entrepreneur mené par Sylvia Pinel, Ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme qui vise à limiter la durée de l’exercice à deux années semble arriver à son terme par cette dernière déclaration au contour plus amical incluant désormais des seuils afin de ne pas trop nuire aux petits revenus.
Au programme : Si les seuils de 19.000 € pour les professionnels de service et de 47.500 € pour ceux du commerce sont dépassés l’auto-entrepreneur sera complètement soumis à la réforme annoncée, à savoir deux ans maximum d’activité sous ce régime « avantageux » et dérogatoire à la norme fiscale… Pour contrebalancer tout cela, une armada de mesures d’encadrements est proposée pour aider le créateur à basculer vers l’entreprise traditionnelle : EI, SARL, SAS… On peut lire dans ce rapport : « Un groupe de travail associant notamment les fédérations professionnelles, les chambres consulaires, les experts comptables, les associations de gestion agréés, l’ARF, la BPI, Pôle emploi, l’APCE, l’ADIE, élaborera une offre d’accompagnement cohérente et à des tarifs adaptés. ».
Il n’y a sans doute pas matière à rassurer les premiers concernés qui frémissent déjà à l’idée d’enchaîner des rendez-vous, payants pour certains, avec de multiples conseillers pour explorer les arcanes de l’entreprise à la française. Le choc de complexification aura bien lieu pour les auto-entrepreneurs !
On retient aussi deux grands principes dans cette déclaration : le régime n’aurait pas fait ses preuves et il convient aux yeux de Sylvia Pinel de bien distinguer deux sortes d’auto-entrepreneurs : « entre ceux qui « créent leur emploi » et ceux qui « créent leur entreprise ». L’objectif est de mieux cibler les auto-entrepreneurs « à haut potentiel » qui ont vocation à développer une activité entrepreneuriale. ».
On rappellera que le statut imaginé par Hervé Novelli en 2009 visait à créer un échelon de statut administratif complètement différent et simplifié pour permettre aux Français de goûter à l’entrepreneuriat, d’essayer de confronter leurs compétences à une clientèle voire de créer tout simplement leur propre emploi dans un pays où le taux de chômage demeure à des niveaux trop élevés depuis trente ans.
Si, le gouvernement semble vouloir faire une avancée en ne touchant pas aux plus petits revenus d’auto-entrepreneurs (et par là même aux revenus de complément de salaire) on décèle bien dans ce discours une idéologie sous-jacente qui consiste à penser que les auto-entrepreneurs ne sont pas véritablement des entrepreneurs et qu’ils pensent plus à créer leur propre emploi que bâtir une PME de 10, 20 ou 100 salariés… les égoïstes.
Et si cela n’était pas si grave ? Vouloir créer son propre job, innover, trouver ses propres clients est une des voies à explorer pour infléchir la courbe du chômage comme l’a déclaré Tony Wagner, spécialiste de l’enseignement à Harvard, dans le New York Times : « Need a job ? Invent it »
La réforme actuelle du statut d’auto-entrepreneur est basée sur un principe plus idéologique au sens économique du terme. Certains sont convaincus que les auto-entrepreneurs sont les sous-traitants de ce monde et constituent une main d’œuvre bon marché pour les PME grâce à la flexibilité de leur statut. L’auto-entrepreneur serait donc une ressource pour la « vraie » entreprise ? Dans ce raisonnement, faire disparaître ce régime et ses acteurs pourrait provoquer une réapparition mécanique de salariés dans les PME-PMI ? À court terme, cette logique pourrait même se poser en solution évidente pour infléchir la courbe ascendante du chômage ? Mais les choses ne sont pas si simples !
Après tout, la motivation des jeunes (ou moins jeunes) entrepreneurs est aussi à trouver dans l’idée de liberté au travail, du choix de ses clients et de ses services. Bon nombre de témoignages d’auto-entrepreneurs affluent dans ce sens, on a pu en lire des centaines ici et là et on remarque que l’envie d’agir pour créer son propre emploi, ne plus être à la merci du chômage et éventuellement rencontrer un certain bien-être au travail sont des motivations récurrentes de ces créateurs. Et à ceux qui soulignent que les auto-entrepreneurs ne réussissent pas dans les affaires, qu’ils sont des chômeurs en puissance nous ne pouvons que répondre que la régression que connaît notre société n’est pas le fait de travailler coûte que coûte mais bel et bien le chômage lui-même. Il paraît inconcevable de s’attaquer aux personnes qui essayent de sortir de l’ornière du chômage et de la destruction d’emploi sous contrat (CDI – CDD) en leur offrant pour argument que leur tentative ne résout rien !
La société Freelancer.com partenaire de la FEDAE qui a évidemment signé la pétition des poussins est au cœur de ce débat. Ce site met en relation plus de 7 millions de petites entreprises ou freelances dans le monde entier et près de 25.000 utilisateurs français, pour la plupart des micro-entreprises évoluant dans ces nouveaux métiers (IT, de l’informatique ou des services en BPO – métiers externalisés).
Depuis 2009, plus de 2,4 millions de $ ont été échangés sur la plateforme par les TPE françaises qui exportent et par celles qui achètent des services en sous-traitance. De fait, des milliers d’auto-entrepreneurs français, surtout dans les services et les IT, sont déjà tournés vers l’international et ne comptent plus beaucoup sur les donneurs d’ordres locaux (les PME). Le cas est similaire en Espagne où Freelancer.com constate que l’export est l’unique porte de sortie pour la petite économie.
Mais alors, qui achète leurs services et qui travaille avec ces freelances français ? Près de 40 % des services achetés via internet le sont par des Américains (33%) et des Anglais (9,5%), les pays anglo-saxons achètent donc massivement des services aux freelances français et d’Europe du sud d’une manière plus générale. Mais les TPE françaises se tournent aussi vers l’international pour acheter des services auprès du sous-continent indien (40 % des échanges).
Ces nouveaux travailleurs ont décidé de profiter d’une flexibilité dans le travail. Ils ont des clients à l’étranger pour la majorité d’entre eux et interagissent avec des entreprises internationales dans des domaines de compétences nouveaux : programmation PHP, MySQL, architecture logicielle, l’ingénierie. Vouloir limiter leur marge d’action en les obligeant à intégrer des statuts d’entreprises plus contraignantes en terme administratif et fiscal va tout à fait à l’encontre de leur quotidien. Ces petites entreprises, personnelles, dynamiques et en phase avec les services internationaux ne pourraient perdre cette liberté. Il faut bien garder à l’esprit que le « small business » existe dans le monde entier. Croyez-moi, la France ne peut pas être le seul pays au monde où le fait de créer son activité vous plonge automatiquement dans un maquis administratif !
Hervé Gattaz candidat à la présidence du Medef va même plus loin et déclare lors d’un entretien accordé à l’AFP : « Généralisons la simplicité de ce statut aux artisans et très petites entreprises, harmonisons les règles, notamment fiscales, et facilitons les procédures d’embauches, voilà ce qui créera de l’emploi ».
Effectivement, le monde change et la perception de nos petites entreprises doit changer avec lui. Ne pas comprendre les évolutions actuelles nous amène dans l’impasse du chômage tandis que nous n’avons plus qu’un seul choix : prendre le train du changement en marche.
TOUT ÇA AU PROFIT SOUVENT DE PERSONNES SE PRÉTENDANT ARTISANS,
ASSOMMANT PLUTÔT QUE FACTURANT LE CLIENT.
VOILÀ ENCORE UNE CARACTÉRISTIQUE DU CORPORATISME FRANÇAIS.
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