Ce mariage homosexuel est le produit de la mauvaise conscience.
Comment expliquer autrement que le président de la République, qui en a
fait l’un de ses engagements – quand lui-même n’a jamais pu ou voulu se
résoudre à se marier –, se serve d’un mot qui n’est qu’un masque : « le mariage pour tous » ?
Pourquoi se cache-t-il derrière cette formule alors que le mariage
pour tous ne peut pas exister ? Le grand rabbin Gilles Bernheim le
rappelle dans son texte lumineux (« Ce que l’on oublie souvent de dire »)
: un homme ne peut pas se marier avec une femme déjà mariée ; une femme
ne peut pas se marier avec deux hommes (et inversement) ; un père ne
peut pas se marier avec sa fille, même si leur amour est uniquement
paternel et filial. Le “mariage pour tous” se réduit au mariage
homosexuel. Si les promoteurs du projet ne le désignent pas par son nom,
c’est bien par gêne, par embarras : le mariage et la famille sont si
liés, si enracinés dans la société des hommes, que la République hésite à
infliger une blessure morale à toute une partie de la communauté
nationale. Au nom de quelle légitimité vient-elle violer ce que la Bible
appelle le « tabernacle » de l’intimité de chacun et saccager la
confiance encore inscrite dans ses institutions ?
Il aura fallu des années de lobbying et de propagande pour en arriver
là. Les associations de promotion du projet avaient déjà obtenu de la
gauche en 1999 le vote d’une loi instituant le pacs (pacte civil de
solidarité) – au prétexte de l’égalité des droits. En 2000, première
année d’application de cette loi, il y eut 305 000 mariages et 22 000
pacs, dont 5 000 entre homosexuels. Dix ans plus tard, on a compté
50 000 mariages de moins et 180 000 pacs de plus, cependant que la
proportion de contrats homosexuels restait la même depuis cinq ans :
5 %. Cela montre bien que chacun a pu faire en toute liberté son choix
de vie : le mariage pour les uns, le pacte pour les autres, sans
remettre en question la spécificité de chacun, ni l’existence d’un père
et d’une mère propre au seul mariage. Pourquoi vouloir mettre de la
confusion dans le mariage si les droits réclamés par les associations
n’étaient que ceux d’une niche fiscale supplémentaire ? On pouvait
aménager le pacs – qui l’a d’ailleurs déjà été. Mais non, il fallait le
mariage.
Alors on a placé les enfants en tête des cortèges. On nous a fait
croire que 300 000 enfants étaient concernés par l’homoparentalité,
qu’ils n’attendaient que leur prise en charge par un couple homosexuel.
Trois cent mille quand il y a 827 000 naissances en France – un sur
trois ! L’Institut national des études démographiques a remis les choses
à leur place ; avec ses instruments de mesure, il en a dénombré dix
fois moins. Cela ne signifie pas que la question ne se pose pas ;
faut-il pour autant ériger l’exception en règle générale ? Tous ces
enfants ont le même besoin de grandir, de mûrir, de se socialiser, dans
l’amour, la confiance et la stabilité. « L’enfant ne se construit qu’en se différenciant, ce qui suppose qu’il sache à qui il ressemble, écrit aussi Gilles Bernheim : le père et la mère indiquent à l’enfant sa généalogie. »
Ses origines, son père, sa mère, et ainsi de suite pour se projeter
dans l’avenir : sa propre famille, son bonheur. Et la République qui
établit son état civil à sa naissance voudrait lui attribuer un “parent
1” et un “parent 2” à la place d’une mère et d’un père ! Triste
République.
On comprend qu’elle ait mauvaise conscience. On sait bien que, comme
en 1999, les promoteurs de cette loi n’entendent pas en rester là – non
seulement ils revendiquent l’adoption et la procréation médicale
assistée, mais ils veulent, vieille utopie révolutionnaire, transformer
la nature, faire qu’il n’y ait plus ni fille ni garçon, ni femme ni
homme, mais des êtres humains indifférenciés. Ainsi serait dynamité le
projet familial dont les ancres plongent dans cette différence entre
sexes ; ainsi seraient déracinés les hommes et les femmes livrés aux
vents des idées dominantes. Quelques milliers de militants auraient dès
lors communiqué le renoncement et la fatigue de soi à tout un peuple à
travers ses élites et ses élus dans un aller sans retour.
Vieux normalien philosophe, chroniqueur lucide des atrocités du XXe
siècle qu’il avait traversé, Thierry Maulnier écrivait il y a quarante
ans déjà, au lendemain de Mai 68 : « Malheur à celui qui approuve ce
qui le condamne, dit quelque part la Bible. Malheur à la société qui
affirme ce qui la nie. Malheur à ceux qui choisissent et chérissent,
entre toutes les valeurs possibles, celles qui expliquent leur propre
destruction… » La mauvaise conscience est une longue et douloureuse
maladie qui ne ronge que l’Occident – c’est-à-dire un sixième de la
population de la planète.
jeudi 25 octobre 2012
Un aller sans retour
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