Crise Semaine
de quatre jours, quatre ans de chômage payés à 90%… Démoralisés par la
rigueur, les militants socialistes se réfugient dans l’utopie… Et le
gouvernement ne fait rien pour les décourager. Un double langage
difficile à tenir bien longtemps...
Il y a les faits : le constat par François Hollande que « les marchés, c’est tous les jours » et que « l’Europe ne peut plus être en retard » (le Monde du
18 octobre)… Et il y a le rêve dans lequel se sont reconnus près d’un
tiers des militants socialistes (ceux qui n’ont pas voté pour la motion
“officielle” présentée par Harlem Désir dans la perspective du congrès
de Toulouse qui s’ouvre ce vendredi) : celui d’une politique qui
permettrait de « retrouver l’équilibre des finances publiques sans recourir à l’austérité » en changeant « totalement de modèle de développement » (motion
Hessel-Larrouturou, “Oser, plus loin, plus vite” : 11,9 % des voix),
notamment par l’augmentation des impôts et l’instauration pour tous,
inactifs compris, d’un revenu minimum égal au smic (motion
Maurel-Filoche, “Maintenant la gauche” : 13,4 %)… Sans parler de la
priorité donnée à la sortie du nucléaire par la motion “Question de
principes” (Juliette Méadel : 5,2 % des voix) ou de la proposition
d’abaisser à 15 ans l’âge du droit de vote pour les élections locales
(motion “Toulouse, mon congrès”, Constance Blanchard : 1,4 %)…
Du haut de ses 68 %, la motion de Harlem Désir incarne-t-elle pour
autant le choix du réalisme ? Rien n’est moins sûr quand on y lit que
l’une des pistes pour résorber le chômage réside dans l’instauration de
« surcotisations sur les CDD et l’intérim » ou dans le renforcement du rôle des syndicats dans l’acceptation des plans sociaux…
La vérité est que, partagés entre leur soutien naturel au
gouvernement et la déception qu’ils subissent, les militants socialistes
se défoulent dans une course à gauche qui ne peut que légitimer, à
terme, les positions de Jean-Luc Mélenchon, dont l’influence n’a été
endiguée, au printemps dernier, que par un classique réflexe de vote
utile. La percée inattendue de la motion Hessel, promise à l’origine à
la marginalité, est en soi un signal : jamais, dans l’histoire des
congrès socialistes, autant de militants ne s’étaient prononcés pour des
mesures non seulement aussi radicales, mais surtout autant
déconnectées de la réalité.
Une seule référence : le New Deal de 1933
La motion Hessel comme la motion Maurel n’ont qu’une référence en
tête : le New Deal de Roosevelt (1933-1938). Mais en oubliant de
préciser que celui-ci n’aurait pu porter ses fruits sans un facteur
historique décisif : la course aux armements qui ferait bientôt des
États-Unis l’arsenal et le fournisseur de matières premières de la
moitié de la planète, de l’Empire britannique à la Chine en passant par
l’URSS (à partir de 1941), elle-même remplacée (après 1945) par
l’Europe occidentale en pleine reconstruction ! D’où une absence totale
de concurrence qui plaçait son industrie dans une situation où la
compétitivité à l’exportation était le cadet des soucis des chefs
d’entreprise américains – sauf pour les produits destinés au marché
intérieur, sur lequel, depuis la fin du XIXe siècle, les lois antitrust
limitaient les situations de monopole…
Comme si l’exemple américain des années 1930 et 1940 était
transposable, dans un contexte de guerre économique mondial, à un pays
aussi ouvert sur le monde que la France, la motion Hessel-Larrouturou
propose rien de moins qu’un passage généralisé aux 32 heures, autrement
dit à la semaine de quatre jours. Il suffisait d’y penser : c’est en « partageant le travail » qu’on « luttera contre le chômage sans attendre le retour de la croissance » !
Mais qui, dans notre contexte de libre-échange mondial, achètera des
produits qui intègrent dans leur prix de vente un coût salarial aussi
prohibitif ? Les signataires de la motion se gardent bien de répondre,
fût-ce par un classique appel au protectionnisme (qui fut le corollaire
du New Deal). Mais à l’intention des salariés qui, en dépit de ce
programme, connaîtraient encore le chômage, ils proposent un miracle
dans le miracle : une indemnisation à 90 % pendant quatre ans et sans
dégressivité !
Le protectionnisme, la motion Maurel-Filoche est la seule à
l’évoquer. Mais sur le mode bien connu du “y a qu’à” : leur programme,
fondé lui aussi sur l’abaissement de la durée du travail (pour « retrouver le temps de vivre »), exige « la mise en place de politiques tarifaires aux frontières [NDLR : celles de la France ? celles de l’Union européenne ? ] afin de veiller au respect des normes environnementales et sociales et de faire respecter un juste échange ».
Ainsi pourra-t-on mettre en place cette autre recette miracle, déjà
tentée, en 1981, par Pierre Mauroy : la relance par la consommation, qui
fait l’objet de cette sentence définitive : « Il ne faut pas attendre la relance pour augmenter les salaires. Il faut augmenter les salaires pour permettre la relance. »
Et aussi : « La compétitivité n’exige pas de baisser le
coût du travail. C’est au contraire le coût du capital, ses taux de
profits, de marges, de dividendes, qu’il faut baisser. » Mais d’où surgira, alors, l’investissement, créateur d’emplois ? La réponse, sans doute, au prochain congrès socialiste…
Comment s’étonner, dès lors, que le « choc de compétitivité »,
évoqué début septembre par François Hollande devant un parterre de
grands patrons participant au forum franco-allemand d’Évian, soit devenu
tabou au sein même du gouvernement ? Tout se passe comme si, débordé
par sa base – et pas mécontent, au fond, de voir les courants
socialistes rivaliser d’utopies plutôt que de critiques contre sa
politique – , le chef de l’État avait décidé, soudain, de capituler.
Après avoir laissé suggérer que plusieurs ministres (Jérôme Cahuzac,
Michel Sapin et Marisol Touraine en particulier) avaient pris leurs
distances avec l’idée qu’une baisse des cotisations patronales puisse
être compensée par une hausse de la CSG ou de la TVA, le premier
ministre n’a pas davantage repris cette même Marisol Touraine quand
celle-ci s’est clairement prononcée, dimanche dernier, contre un « choc de compétitivité de 30 milliards d’euros ».
30 milliards d’euros ? Ce serait justement, selon le Figaro,
le total des baisses de charges que préconiserait le rapport Gallois,
demandé par François Hollande à l’ancien président d’EADS et attendu
pour le 5 novembre (20 milliards sur les cotisations patronales et 10
autres sur les cotisations salariales) !
jeudi 25 octobre 2012
PS : le délire en prime
Entre le retour sur terre que tente François Hollande et les rêves
fous d’une partie du PS, combien de temps peut durer le compromis ?
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