Militant européen convaincu, le dessinateur de presse franco-britannique est un des plus prolifiques sur les sujets européens – et l'un des préférés de Presseurop. Lors de son passage au Festival d'Internazionale à Ferrare (Italie), il nous a livré sa vision de son métier et de l'Europe.
Peut-on rire et faire rire de l’Europe ?
Nicolas Vadot : Il faut arriver à en rire soi-même, car le sujet peut
paraître un tantinet rébarbatif, mais oui, on peut rire de l’Europe. Ça
permet de désamorcer des choses. Donc, c’est tout à fait faisable.
Qu’est-ce qui vous a le plus inspiré dans l’actualité européenne ces derniers temps ?
J’essaye de ne pas réagir par rapport à l’Europe, car j’ai une
position militante : je suis un ultra-fédéraliste, je l’ai toujours été.
Alors, quand [l’ancien Premier ministre belge] Guy Verhofstadt et
[l’euro-député vert] Daniel Cohn-Bendit présentent leur livre, je ne le
descend pas. Même si c’est un catalogue de bonnes intention, j’essaye
d’avoir une approche on va dire “positiviste” de l’Europe, même si je
peux être critique. Il ne faut jamais oublier que l’UE a été créé au
départ pour qu’on arrête de se taper dessus entre Européens et que, si
on n’a pas connu de guerres sur le continent – hormis
l’ex-Yougoslavie, qui ne faisait pas partie de l’UE – c’est quand même
une super-réussite, l’UE.
Et si j’ai une mission vis-à-vis de mes lecteurs, surtout les plus
jeunes, c’est de leur rappeler : “Les gars, vous vivez en paix, mais la
paix, ça se construit tous les jours, entre démocrates, et ce n’est pas
là pour toujours, parce-que ça peut s’arrêter.”
Je travaille également pour la presse financière, pour L’Echo. Ici,
il s’agit de sujets beacoup plus pointus, comme les taux directeurs de
la BCE, l’harmonisation fiscale…et là, il est possible d’être très
didactiques. Et ça, ça m’intéresse.
Peut-on trouver dans l’actualité de l’UE de quoi faire un dessin chaque jour ?
Chaque jour, peut-être pas. D’ailleurs je n’en pond pas un par jour
sur ce sujet : disons qu’en moyenne, je dois en faire un sur cinq, ce
qui est tout à fait correct.
Y a-t-il des dessinateurs auxquels vous vous inspirez en particulier ?
J’ai une spécificité par rapport à d’autres dessinateurs : je ne suis
pas autodidacte. J’ai appris à dessiner dans un académie, et je suis
partisan de la ligne claire [le style de l’école belge]. Quand les
Américains voyent mes dessins ils disent : “C’est du dessin de presse
façon Hergé” et je le prend comme un compliment, parce que je trouve que
la ligne claire est extrêmement efficace. Mon inspirateur est également
Plantu, parce qu’il a été le premier à éditorialiser les dessins et je
pense que le dessin politique ne doit pas seulement décrire l’actualité,
mais il doit aussi la commenter. J’ai étudié un peu tous les
dessinateurs français – Cabu, Luz, Faizant, Jean Eiffel, Dubout –
puis les anglais – Searle, Scarfe, Steadman. Ce que j’ai voulu
apporter, c’est une approche ligne claire, avec en plus de la couleur.
On a trop négligé la couleur dans le dessin politique, or, dans
l’actualité européenne, on joue beaucoup sur les drapeaux et leurs
couleurs.
Qu’est ce que vous aimez et qu’est-ce que vous n'aimez pas dans l’UE ?
Ce qu’ j’aime, c’est la tour de Babel, c’est à dire le fait qu’on ne voit pas les choses d’un point de vue ethnocentriste. Et pour moi, c’est très important, car non seulement je suis à moité britannique, mais en plus, j’ai une femme australienne. J’ai vécu six ans en Australie et, là-bas, l’Europe tout le monde s’en fout. Et à la limite, ils sont plus européens que nous, parce qu’ils ne disent pas “Je vais en France, en Italie ou en Allemagne”, ils disent “Je vais en Europe”. Quant à l’europhobie des britanniques, elle m’exaspère profondément : la grande erreur de Tony Blair, ça a été de ne pas utiliser son second mandat pour forcer la Grande-Bretagne à entrer dans l’euro. J’aime ce côté supra-national, le fait de pouvoir traverser les frontières.
Ce que je n’aime pas, c’est la bureaucratie ; ce sont tous ces gens qui sont dans les bureaux de l’UE et qui ne savent même plus ce qu’ils font et le fait qu’on ait fait d’un grand idéal qu’était l’idée européenne une baudruche bureaucratique dont on ne sait pas où elle va et comment elle va s’en sortir.
Peut-on représenter l’Europe et comment avez-vous choisi de la représenter ?
Oui. Je la représente comme Miss Europe : c’est une très jolie femme. Elle était blonde aux yeux bleus au départ, puis elle est devenue brune – j’ai épousé une brune et je voulais la paix dans le couple. Elle est très jolie et élancée, voire sexy – parce que c’est comme ça que je vois l’Europe. Pour moi, l’Europe a un côté très féminin, donc positif.
Il m’arrive de représenter la bureaucratie européenne comme un homme en gris, avec son attaché-case : c’est la technocratie. L’homme en gris et Miss Europe ne s’entendent pas très bien, et c’est là probablement la limite du dessin politique, au sens où je dois forcément caricaturer, donc forcer le trait, utiliser des stéréotypes.
Pensez-vous que l’Europe a un avenir, ou qu'on est arrivés à la fin ?
J’espère franchement qu’on n’est pas arrivés à la fin, parce que si c’était le cas, je craindrais que mes enfants ne connaissent une guerre sur le continent. Je pense qu’il y a des dangers et c’est pour cela que je pense qu’il faut faire le saut fédéraliste maintenant.
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