Taux de syndicalisation très bas, mots
d’ordres trop vagues et généraux, guerres de succession, les syndicats
ont-ils toujours autant les moyens de mobiliser la population ?
La CGT décide de faire cavalier seul pour
une journée d’action pour la « défense de l’emploi et l’industrie ».
Cette journée est finalement peu suivie. Les syndicats aujourd’hui
ont-ils encore le pouvoir de faire descendre les citoyens dans les
rues ?
Stéphane Sirot :
Le passé récent tendrait à prouver que oui, car en 2009 du fait de la
crise puis en 2010 sur le sujet des retraites, les organisations
syndicales ont réussi à mobiliser, à la fois sur le nombre et la durée,
plusieurs millions de salariés. Cela prouve qu’il reste encore – dans
notre pays où il y a une vieille tradition de manifestation et de
conflictualité - une capacité de mobilisation assez forte. En revanche
on peut tout de même y opposer plusieurs observations. Dans un
premier temps, les mots d’ordres qui paraissent un peu trop vagues et
généraux, sans véritable prise immédiate avec la situation des salariés
ont toujours du mal à mobiliser.
Lancer
des mots d’ordre qui ont comme principaux sujets, tels que celui de ce
mardi, la sauvegarde de l’industrie ne séduit pas car ils ne sont pas
couplés à des initiatives de réformes. Ils sont généralistes voire
incompréhensibles. D’autre part, la journée d’action dont on parle, a du
mal à offrir des résultats aux organisations syndicales et paraissent
davantage à des moments de médiatisation, de revendication ou d’alerte
de l’opinion plutôt que des mouvements de rapports de force capables de
changer des orientations gouvernementales ou patronales. De plus la conjoncture immédiate n’est pas du tout favorable aux grandes mobilisations.
Celles de 2009 et 2010 se sont d’ailleurs conclues par des échecs à
répétition et c’est une constante depuis environ 2003. Cela a tendance à
décourager les syndiqués.
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Les tarés de l'éducation nationale |
De toute façon, un
syndicat tout seul aujourd’hui a beaucoup de mal à réunir ses salariés.
Je pense que même si c’est vague, il y a une demande de démarche
unitaire de la part des organisations syndicales plutôt et il semble de
plus en plus que cela réponde à des nécessités qui ne sont pas seulement
celles de la société mais qui tiennent aux enjeux internes du syndicat
qui lance les mobilisations. Je parle bien entendu de la CGT. Ce mardi,
pour elle, les enjeux sont peut-être autant identitaires que sociaux.
Les syndicats doivent-ils être unis pour avoir une chance de mobiliser la population ?
En
tout cas, s’ils ne parviennent pas à faire une démonstration minimale
de leur capacité d’action individuelle sur des revendications bien
identifiées. On est de toute façon dans un contexte de relative
faiblesse du mouvement syndical avec des taux de syndicalisation très
bas et un doute des salariés sur leurs capacités à peser sur le réel.
Ces éléments sont complexes à dépasser et le sont d’autant moins quand
le syndicat paraît s’engager en solitaire dans une forme d’action qui en
plus paraît discutable.
Le charisme d’un leader fait-il la force d’un syndicat ?
Cela
ne suffit pas bien entendu, toutefois l’épaisseur d’un leader syndical
compte. C’est tout de même un facteur incontournable, de la même manière
que dans un parti politique même si ce sont deux types d'organisation
très différents. Dans toute forme d’organisation massive il y a
une nécessité d’imprimer un rythme, un sens à l’action syndicale, de
nourrir une réflexion et encore plus dans une période comme la nôtre qui
est incertaine et qui amène les syndicats à s’interroger sur leur
parole et leur capacité à la faire porter par une voix assez assurée
pour qu’elle puisse être entendue. Je pense d’ailleurs que
l’actuelle querelle de succession au sein de la CGT pose un véritable
problème à cette confédérati
Dans cette série de concertations ouvertes faisant
suite à la conférence sociale ouverte par François Hollande, si la CGT
veut être en capacité de se faire entendre, de peser, et créer une
dynamique syndicale notamment avec la CFDT, les circonstances sont
particulièrement contre-productives. Le manque de représentants qui
aient une légitimité suffisamment forte dans cette période de transition
c’est évidemment un flottement mal venu dans une période où s’ouvrent
des discussions autour de la question de l’emploi et une batterie de
sujets de fond qui sont sensibles pour les salariés et les syndicats.
Quel est l’avenir du syndicalisme en France aujourd’hui ?
Il
y a un impératif – même si les solutions à trouver sont compliquées et
multiples - qui est évidemment de faire face à ce désert syndical qui
s’est constitué en France avec des taux de syndicalisation qui sont
entre 6 et 7 % globalement et qui atteignent à peine 5 % dans le secteur
privé. Ce sont des chiffres qui sont ceux de la fin du 19ème siècle. C’est une menace pour les syndicats et la négociation.
D’une part, les syndicats ont du mal à faire valoir leur légitimité
avec des taux aussi faibles et de l’autre la négociation a aussi du mal à
faire valoir sa propre légitimité dans la mesure où des négociations
et des accords sont légitimes à partir du moment où leurs acteurs ont
eux-mêmes une légitimité. C’est contre-productif. Et au-delà de cela on a
un problème de renouvellement du syndicalisme car il vieillit
rapidement avec des moyennes d’âge autour de 45 ans, des jeunes qui
adhèrent peu. Ainsi à l’horizon de 10 ou 20 ans, c’est une menace
importante.
Pourquoi les jeunes n’adhèrent pas aux syndicats ?
On
peut l’expliquer par plusieurs facteurs. Dans un premier temps, c’est
en raison de la précarité du travail qui touche en particulier les
jeunes. Or, l’acte de syndicalisation est plus volontiers fait par des
salariés bien intégrés et assis dans leur poste – en bref qui disposent
d’un CDI. Les salariés qui passent d’un secteur à un autre et
qui sont menacés par la précarité ont plus de mal à être suivis par les
syndicats car ils sont structurés de telle façon que quand on change de
secteur on échappe au syndicat où éventuellement on était syndiqué
premièrement. D’ailleurs c’est l’une des réflexions que les syndicats doivent produire sur l’évolution de leur structuration.
Les
jeunes d’autre part ont plus de difficulté à se reconnaître dans des
organisations collectives qui portent des valeurs collectives. Ils sont
beaucoup moins sensibles que leurs ainés à cette démarche.
Il
y a donc des chantiers à mener sur l’évolution du salariat, mais aussi
sur le décalage énorme entre la sociologie des syndicats et la
sociologie du monde du travail qui s’il a toujours plus ou moins existé a
atteint des proportions énormes. Ils ont aussi besoin de
démontrer leur efficience, quoi qu’il arrive des salariés précaires ou
pas auront d’autant de difficulté à adhérer à un syndicat qu’ils auront
l’impression que celui-ci ne parvient pas à obtenir des résultats ou à
changer quoi que ce soit à leur situation.
on dans les négociations sociales qui se
sont ouvertes au mois de septembre.
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