Pour sa première journée de campagne, jeudi, à Annecy, Nicolas Sarkozy, qui se dit à la fois heureux et soulagé d’y être, a décliné un propos en trois temps : critique de son adversaire socialiste, négation d’une droitisation pointée du doigt par ses concurrents, et affirmation de son honnêteté.
S’en prenant longuement et violemment, sans jamais le nommer, à François Hollande, le candidat de l’UMP a lancé : « Quand on met en danger la politique familiale, (…) quand on remet en cause la réforme des retraites, (…) quand on prend le risque du vote communautaire en donnant le droit de vote aux étrangers aux élections locales, (…) quand on compromet l’avenir de la filière nucléaire, on affaiblit la France. (…) Quand on dit à la presse anglaise qu’on est libéral et quand on vient expliquer aux Français que l’ennemi c’est la finance, on ment. On ment matin et soir et ce mensonge n’est pas à l’honneur de celui qui le professe. »
Accusations auxquelles le candidat socialiste a prétendu répondre avec calme : « Moi, je ne veux pas rester sur des pugilats, sur des phrases, sur des invectives. » Ce qui ne l’a pas empêché d’accuser son principal adversaire de se livrer à « des attaques qui n’ont pas de sens quand il y a, en plus, falsification, caricature, manipulation ». Tout l’inverse de lui-même, qui entend rester « à un niveau digne »…
« Nous sommes des gestionnaires efficaces, nous l’avons montré dans le passé », a poursuivi François Hollande, sans s’attarder davantage sur le sujet.
Là aussi, là encore, on se croirait dans la cour de récré du petit Nicolas… Toi, t’es méchant ; moi, j’suis gentil… Pitoyable !
Sarkozy aussi est gentil. Et il se rebiffe lorsqu’on le taxe de droitisation. « Je ne comprends pas le débat sur la droitisation », a-t-il lancé, avant d’assurer qu’il ne s’adresserait pas une seule fois pendant cette campagne « à la France de droite contre la France de gauche ».
« En cinq ans, a-t-il ajouté, en appelant son bilan en renfort, je ne me suis pas une seule fois posé la question de savoir si les décisions que je prenais, si les réformes que j’engageais, c’était pour faire plaisir à la droite ou à la gauche parce que je n’ai jamais eu d’autre critère que celui de l’intérêt général. » C’est beau, c’est grand, c’est généreux ! Et c’est gaullien : « La France, ce n’est pas la droite, la France, ce n’est pas la gauche, la France, c’est tous les Français, disait le général De Gaulle. »
En ce cinquantième anniversaire de 1962, la référence risque, en effet, de convaincre une partie de son électorat de sa volonté de ne pas se droitiser…
Sarko, en définitive, c’est le candidat qu’il nous faut… – je livre gratuitement, mais peut-être pas sans arrière-pensées, ce projet de slogan, moins sujet à caution que l’actuel, si l’on en croit la multiplication, en vingt-quatre heures, des parodies…
D’ailleurs, c’est bien clair, les méchants, ce sont les élites – ça ! ça fait peuple ! Et le candidat de dénoncer « l’entre-soi des élites », qu’elles soient politiques, économiques, administratives, syndicales, etc. Et donc, Sarkozy, s’il est élu – demain, on rase gratis, entend « rendre la parole à cette France du non ».
Et si cette France du non la prenait le jour du vote, cette parole ?
Ben non (justement), car le changement, c’est Sarkozy. Attention ! faut suivre, c’est un peu alambiqué : « J’ai voulu que la France change pour préserver ce à quoi vous teniez le plus, pour garder notre capacité à décider par nous-mêmes. »
Nicolas Sarkozy, ce sera un président de l’effort ! Effort contre les « vieux démons de l’idéologie », contre « la pression de la rue », pour « garantir notre niveau de vie ».
Mais ce sera aussi, et il offre une nouvelle fois son bilan comme garantie, un président du devoir. « Le devoir du président de la République, c’est de tenir compte des fragilités de la société, c’est de faire accepter les réformes sans faire exploser la société », observe-t-il, en s’auto-congratulant in petto.
Le candidat joue aussi de la corde de la sincérité, voire de l’humilité. « J’ai commis des erreurs, mais je me suis toujours efforcé d’être juste, d’être sincère et de donner tout ce que je pouvais, même quand les souffrances personnelles étaient présentes. »
Mais il entend incarner aussi la grandeur, et annonce « l’avènement d’un monde nouveau », pour l’accouchement duquel il se croit le mieux placé. Le choix, pour lui, est simple : « Nous pouvons choisir d’attendre et de subir ; nous pouvons au contraire choisir de précéder le mouvement, d’orienter le mouvement dans la direction que nous voulons. »
Foin des idées passées – « tout est à réinventer » – « nous pouvons décider de laisser les autres écrire notre histoire à notre place, mais nous pouvons choisir – c’est mon choix – d’écrire nous-mêmes notre histoire, l’histoire de la France et l’histoire des Français ».
Pour ça, Nicolas, il va falloir donner des preuves aux Français – plutôt que des gages à Bruxelles. Pour ça, il va falloir aussi sortir du duel avec un socialisme qui, plus sectaire, court cependant (plus vite, certes) dans la même direction. Il ne suffit pas de faire se désister quelques candidats pour jouer la partition de la majorité. Vouloir mettre le mieux placé KO, c’est aussi devoir répondre – sans droitisation ? – aux exigences des électeurs de celle qui le suit dans les sondages. C’est s’apercevoir peut-être que le 22 avril succède au 21…
Bref, redonner la parole au peuple français, c’est prendre un risque. En reconnaissant d’abord, même si c’est la faute des élites, qu’on n’a pas su le faire auparavant…
Dominique de Villepin – qui n’entend pas jouer le jeu du désistement pour l’heure, peut-être parce que la carotte n’est pas assez grosse pour effacer le contentieux – note que Nicolas Sarkozy « aime davantage conquérir le pouvoir que l’exercer », qu’il est « meilleur candidat que président ». Mais, ajoute-t-il, « il aura du mal à soutenir un bilan ».
Eh oui ! Nicolas ! La partie est beaucoup plus difficile avec un bilan qu’avec des promesses !
vendredi 17 février 2012
Entre promesses et bilan, le candidat Sarkozy joue de l’attaque et de la sincérité
OLIVIER FIGUERAS
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