dimanche 3 juin 2012
Les marchés ont-ils déjà acté la fin de l’euro ?
Les taux obligataires allemands à deux
ans ont atteint vendredi matin -0,002%. Une situation qui traduit une
convergence entre les investisseurs inquiets et les spéculateurs :
jamais la Grèce n'a été aussi proche d'une sortie de la zone euro.
Jean-François Robin :
Ce taux obligataire signifie que les investisseurs sont prêts à perdre
de l’argent pour une motivation principale : conserver leur capital à
tout prix, sachant qu’ils ont perdu beaucoup d’argent sur le marché des
actions ou sur d’autres titres relatifs à des pays en difficultés tels
que l’Italie, la Grèce ou encore l’Irlande. L’Allemagne étant le pays
attirant la plus forte confiance des investisseurs, ces derniers
s’orientent vers les bonds allemands afin de préserver leur argent,
quitte à devoir payer pour cela.
Il existe
cependant un second facteur d’une tout autre nature : une anticipation
de certains acteurs quant à un éclatement de la zone euro. En
effet, si tel est le cas, les obligations allemandes seraient alors
libellées en deutsche mark, une monnaie qui serait fortement réévaluée
par rapports aux autres devises européennes, une appréciation
probablement à deux chiffres. Ainsi, les pertes réalisées sur
le taux négatif de -0,002% seraient alors largement compensées par un
effet sur le taux de change. Il s’agit donc d’un comportement spéculatif
qui mise sur l’éclatement de la zone euro et dont l’explication réside
dans le fait que seule l’Allemagne présente une dette notée triple A qui
soit véritablement liquide.
Nous sommes
incontestablement au moment le plus critique depuis le début de cette
crise puisque jamais un membre de la zone euro n’a été aussi proche de
la sortie. La probabilité de voir la Grèce sortir de l'union monétaire n’a jamais été aussi forte.
Le
scénario d’éclatement de la zone euro, qui pouvait être perçu comme de
la science fiction il y a encore trois ans, est aujourd’hui réel avec
une probabilité loin d’être nulle. Pis, si la Grèce sort, les inquiétudes se porteront alors sur l’Espagne ou le Portugal quant à une issue similaire.
Il n’est donc plus exclu que la Grèce quitte la zone euro faute de
financement à l’issue des élections qui se tiendront, qu’elle le
souhaite ou non.
En effet, si le Fond monétaire
international et l’Union européenne décident de couper les financements
suite aux résultats des élections, la péninsule hellénique n’aura pas
les moyens de payer les salaires des fonctionnaires, les pensions...
Pour ce faire, elle sera donc contrainte d’imprimer de la monnaie, ce
qui requiert de sortir de l’union monétaire. Donc même si la Troîka -
FMI, UE et BCE - décide d’arrêter son soutien, la Grèce n’aura pas
d’autres choix que de quitter l’euro, même si elle ne le souhaite pas
puisque, sans aides, le pays ne parvient pas à se financer. L’avenir de la Grèce au sein de la zone euro ne dépend donc pas uniquement du choix des Grecs.
L’exposition
des banques envers la Grèce est considérablement plus faible qu’il y a
quelques mois puisqu’elles ont accepté de perdre la moitié de la valeur
des dettes grecques qu’elles détenaient (dans le cadre de l’accord sur
la restructuration de la dette grecque négocié en février, ndlr). Le
risque porte donc essentiellement sur les institutions publiques telles
que la BCE ou encore le FESF (le Fond européen de stabilité financière)
qui ont beaucoup prêté au pays et qu’il faudrait alors recapitaliser.
70% des pertes seraient alors pour le secteur public. A titre d’exemple, cela pourrait coûter à la France 90 milliards d’euros.
Cependant,
si une sortie de la Grèce coûterait chère, la maintenir le serait
aussi. Aucune des deux solutions n’étant « bonne » en soi, le choix sera
donc politique. Economiquement, l’arbitrage est le suivant : préfère
t-on accepter une perte aujourd’hui ou la diffuser dans le temps en
continuant de prêter au Grecs ? L’élection en Grèce tranchera sur cette
question.
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