dimanche 3 juin 2012
Elizabeth II, fine politique derrière un mutisme de façade
Reine depuis le 6 février 1952 et
réputée pour sa santé de fer, elle est aussi présentée comme l'une des
femmes les plus puissantes du monde. Si ses pouvoirs sont limités par la
Constitution, son influence sur la vie politique anglaise est discrète
mais bien réelle.
Cela fait 60 ans qu'Elisabeth II règne
sur 1 milliard de loyaux sujets. Le 6 février 1952, à l'âge de 25 ans,
Elisabeth Alexandra Mary Windsor, devient reine du Royaume-Uni, reine de
seize États indépendants du Commonwealth, chef du Commonwealth des
nations (54 États), lord grand amiral de l’Amirauté
britannique, gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre, commandant en
chef des armées, défenseur de la foi, source des honneurs, seigneur de
l’île de Man, duc de Normandie, duc de Lancastre... « Pour
les Maoris, elle est aussi Kotuku (qui signifie le "héron blanc", un
oiseau rare et sacré), ou Missis Kwin, pour les Papous de
Nouvelle-Guinée. Pour son mari, elle est simplement Lilibet ou "ma
Petite Saucisse" », précise le spécialiste de la royauté, Stéphane Bern, dans une interview au Figaro Madame.
Malgré
cette impressionnante liste de titres, les pouvoirs de la reine
d'Angleterre sont très limités par la Constitution britannique. Selon la
formule consacrée, elle « règne mais ne gouverne pas » et son rôle symbolique se réduit à « être consultée, encourager et mettre en garde ».
Mais pour beaucoup d'Anglais, la reine est le ciment de la nation, et
représente la continuité à la tête de l'Etat. Mieux : elle EST l'Etat.
La
Constitution lui confère tout de même deux pouvoirs qui - si elle les
exerçait - pourraient causer une importante crise politique. La reine peut en effet refuser à un gouvernement sa demande de dissoudre le Parlement et d'appeler à de nouvelles élections si elle estime qu'un gouvernement peut être légitimement formé. L'autre pouvoir qui fait trembler le gouvernement est sa capacité à choisir le Premier ministre.
Un pouvoir qui n'est qu'une formalité lorsqu'il y a une majorité
évidente, mais qui peut devenir très rapidement controversé après des
élections plus serrées. En février 1974, Elisabeth II a par exemple nommé comme Premier ministre Harold Wilson, chef du Labour à l'époque, alors que son parti n'était pas majoritaire à la Chambre.
Il
serait donc injustifié de comparer Elisabeth II à une vulgaire
marionnette que l'on utilise pour les cérémonies officielles, et autres
remises de médailles : son pouvoir va en réalité au-delà de ce
que prévoit la Constitution, et dépend en grande partie de la manière
dont elle souhaite l'exercer. En l’occurrence, Elisabeth II a « une aura d'une portée que peu de politiques parviennent à atteindre », souligne le site du Daily Mail. Elle est connue pour son caractère, qu'elle a fort, pour ne pas dire mauvais.
La
jeune femme en donne d'ailleurs l'expression à l'occasion de son
couronnement, le 2 juin 1953. Le gouvernement et l'archevêque de
Canterbury sont hostiles à la retransmission télévisée de la cérémonie, raconte Le Figaro.
Pour Elisabeth, rien ne doit entraver le droit de son peuple à être
témoin du sacre en direct. Cette affirmation d'autorité donne le "la".
Depuis le début de son règne, son influence sur la vie politique
anglaise est discrète mais réelle. Comme le souligne le Daily Mail, « l'autorité de la reine ressemble à un grognement tranquille (...) et mystérieux ».
Constitutionnellement, « la reine n'est ni de gauche ni de droite. Elle met tous les politiciens dans le même sac ». La célèbre définition d'Edward Ford, conseiller à Buckingham Palace entre 1952 et 1967, lui irait comme un gant. Enfin presque. Sur le plan politique, Elisabeth II soutiendrait plutôt une droite modérée, adepte du consensus.
Ses
préférences transparaissent d'ailleurs assez nettement. Elle ne cache
pas son enthousiasme pour le Commonwealth, ce qui la distingue nettement
de la plupart des politiciens britanniques, qui sont souvent peu
intéressés par la vie des jeunes britanniques noirs et asiatiques. En
matière de mixité ethnique et de mélange social, les réceptions à
Buckingham Palace sont souvent bien plus bigarrées que celles de Downing
Street ou de la City.
Elle exige d'être informée, très précisément, de
l'état de son royaume. Tous les documents ministériels lui sont
transmis, quotidiennement. Sa Majesté connaît les dossiers « souvent mieux que les députés de la Chambre », dit Tony Blair. Chaque
mardi à 18h, elle s'entretient avec le Premier ministre du moment, qui
renoncerait à n'importe quel rendez-vous pour ne pas louper cette
entrevue hebdomadaire. Totalement privés, sans microphone ni même
secrétaire présent, ces entretiens sont l'occasion de discussions
précieuses : « C'est un lieu sur pour les souverains et
ministres pour se retrouver, ils peuvent y avoir ce genre de
conversations qu'ils ne peuvent avoir avec personne d'autre dans le
pays », explique Sir Gus O'Donnell, secrétaire de
cabinet. Depuis Winston Churchill (1951-1955), Elisabeth II a accordé
audience à 12 Premiers ministres.
Avec Tony Blair, le dixième des chefs de « son » gouvernement, le courant passe bien, rappelle Le Monde. La reine s'était d'ailleurs félicitée de la victoire du travailliste en 1997 et du retour à l'alternance après dix-huit ans de pouvoir conservateur.
En revanche, elle avait désapprouvé le radicalisme du New Labour -
décentralisation et fin de la présence des pairs héréditaires sur le
plan institutionnel, libéralisation des mœurs ou interdiction de la
chasse à courre.
Malgré son âge (86 ans), « il n'est pas question de retraite », souligne le chroniqueur royal Robert Jobson. D'une part, elle est en parfaite santé. D'autre part, Elisabeth II n'a pas pas du tout l'intention de céder la place à son fils aîné, le prince Charles, 63 ans, ou à son petit-fils William, deuxième dans l'ordre de succession.
Elizabeth II est reine « par la grâce de Dieu » et prend son rôle très à coeur. « Depuis qu'elle est toute petite, elle sait quel est son destin. Bien qu'elle soit timide, elle considère le fait d'être reine comme une vocation, un destin auquel elle ne peut échapper », rappelle le Daily Mail. Elle a d’ailleurs réitéré son serment de consacrer sa vie entière à servir ses sujets, en février dernier à l'occasion du 60e
anniversaire de son accession au trône. Confirmant ainsi à ceux qui en
auraient douté qu'une abdication n'est aucunement à l'ordre du jour.
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