jeudi 11 septembre 2014
Budget 2015 : et maintenant, un peu d’action virile !
Il aura fallu un peu plus de deux ans, un changement de premier ministre, un remaniement gouvernemental express, pas mal d’atermoiements et beaucoup de petites phrases sur twitter et dans la presse, mais maintenant, c’est sûr : le pays est entre de bonnes mains. Et déjà, les premiers signes positifs s’accumulent.
C’est ainsi qu’on apprend qu’enfin, la pauvreté recule en France.
C’est l’INSEE qui le dit, après avoir fait tout plein de petits calculs précis sur les grands et les petits agrégats économiques et sociaux dont il dispose, et ses conclusions sont claires : sonnez hautbois, résonnez musettes, la pauvreté a reculé en France entre 2011 et 2012, de plus de 200.000 personnes. Pas de doute : on va dans la bonne direction et on se réjouit déjà de savoir que le socialisme plus ou moins concentré que l’équipe actuelle applique avec obstination au tissu social du pays va produire des efforts encore plus mirifiques. Et en plus de la pauvreté qui diminue, les inégalités reculent et bientôt, l’égalité qui est, ne l’oublions pas, le but ultime de tous les socialistes, sera d’actualité pour les Français. Déjà, les 5% les plus favorisés de la population ont vu leur niveau de vie reculer davantage que celui du dixième le plus pauvre. N’est-ce-pas génial ?
Oui, bon, je sais qu’à côté de ces chiffres joyeux, certains, chafouins, me feront remarquer qu’en réalité, ce recul de la pauvreté n’est provoqué que par une baisse du niveau de vie médian et que la pauvreté est précisément calculée à partir de ce niveau de vie médian. Mais bon, on était, tous, prévenus dès mai 2012 : Hollande n’aime pas les riches, et les deux ans qu’il a passés à l’Élysée ont amplement démontré qu’il entendait les bouter hors du pays, ce qu’il est parvenu à faire avec un succès raisonnable. Voilà au moins un objectif de campagne rempli : les riches pas aimables (et les autres) sont partis, le niveau de vie médian a donc baissé ce qui fait mécaniquement reculer la pauvreté.
Et puis ça va, à la fin. Seuls les plus pointilleux m’obligeront à dire que la baisse des inégalités s’accompagne en réalité d’une augmentation du nombre des plus pauvres (qui « progresse » de 100.000 personnes), chiffres d’autant plus agaçants que les 2,5 millions de personnes les plus pauvres doivent désormais tenir un mois avec moins de 672 euros, ce qui est très éloigné d’un salaire de ministre, de député, ou même d’un chef de cabinet de sénateur. Donc, oui, il y a moins de pauvres, mais ceux qui restent le sont bien plus, et il y a aussi nettement moins de riches et tout le monde a dégringolé. Pas de quoi en faire un drame, hein ?
De toute façon, tout le monde sait déjà exactement pourquoi on en est arrivé là.
D’abord, bien sûr, il y a ces vagues puissantes et ininterrompues d’ultra-turbolibéralisme, qui est au libéralisme ce que l’acide fluorhydrique est au jus de citron, qui se sont abattues sur la France depuis ces dix, pardon, vingt, pardon trente dernières années, au bas mot, et qui ont provoqué le lâchage sauvage de néo-renards turbo-libres dans l’ultra-poulailler français avec les dégâts que l’on sait : une presse veule et toujours plus complaisante envers le Grand Kapital, des politiciens tous les jours plus putassièrement favorables aux entreprises (à tel point que le dernier discours de Valls devant des patrons à ce sujet a laissé les médias froids devant tant de platitudes), des libéralisations et des privatisations par milliers, depuis les taxis jusqu’au rail, au ferries ou au gaz, sans arrêt et sans jamais tenir compte des plus faibles ou des syndicats… Et, bien sûr, l’annulation et l’abrogation ininterrompues de lois protectrices au point que les codes du travail, de la fiscalité, de la sécurité sociale ou de tant d’autres sont devenus de petits timbres postaux rikikis, aux rares articles se battant en duel, cachant à peine la nudité de la République vendue aux marchands du Temple, snif.
Et au delà de ce turbo-libéralisme sans freins ni lois, il faut tenir compte de l’austérité insoutenable, débridée et mortifère qui fut imposée, depuis la plus humble administration jusqu’aux plus hautes sphères de l’État, par une Europe inflexible et sans cœur, et qui n’aura que précipité la descente aux enfers de la France, en l’obligeant, quasiment l’arme sur la tempe, à contracter encore et toujours de la dette, parce qu’équilibrer un budget, dans ces conditions, c’est trop dur, quarante fois de suite. Ô rage ô désespoir, ô finance ennemie, tout s’est mal goupillé dans cette France meurtrie !
Mais comme je l’ai dit, maintenant, fini de rire. Certes, il a fallu deux ans, confiés à Jean-Marc Ayrault, pour bien analyser en profondeur l’ampleur de la crise. Et les réformes qui furent mises en place, un peu à la hâte et sans cette indispensable examen approfondi de la situation, paraissent à présent un peu molles, à tel point que, tous comptes faits, il va falloir réformer les réformes. Mais allons, soyons clément pour Jean-Marc qui a eu tant de mal à lutter à la fois contre la méchante conjoncture et sa terrible dépendance au Valium.
À la suite de quoi, un gouvernement de combat fut mis en place, non pas une fois, mais bien deux, parce que si le premier gouvernement de combat coupe le poil défaitiste, le second l’empêche de repousser en se séparant des éléments les plus navrants.
Maintenant, il faut faire front. On va donc faire des économies, version grand format ! Ou non. Ou si. Et si ça ne suffit pas, pardon, et comme ça ne suffira pas, on arrêtera d’en distribuer un peu partout, quand bien même les directeurs des administrations touchées par ces terribles coupes sombres claires de printemps ? rouspèteraient.
Reste que le budget qui se profile va demander un doigté inégalé. Quel chiffre mettre pour les prévisions de déficits ? (Ah oui, il y aura du déficit, une quarante et unième fois, que voulez-vous, on a encore ripé). Devra-t-on mettre, comme les années précédentes, un chiffre parfaitement ridicule d’optimisme béat, au risque de passer, pour la énième année consécutive, pour des guignols ? Ne vous inquiétez pas. De toute façon, le déficit explosera, comme prévu, et le chiffre, quel qu’il soit, sera faux, comme il l’a toujours été. D’t’façon, c’est la fotapadchance, et à cette misérable inflation bien trop faible pour atténuer les malheurs du pays. Et puis, d’allers-retours en compromis, de rétro-pédalages en promesses annulées, de messages contradictoires en discours confus, qui comprendra vraiment quelque chose à la politique économique française ? Vous verrez, ça passera sans problème.
Baste donc et hauts les cœurs ! Grâce à ce gouvernement de combat, on trouvera une solution. Comme promis, la TVA n’augmentera pas de trois points (Deux suffiront). Comme promis, on va économiser plein de trucs ici, là, et là aussi, avec des petits mouvements ici et là encore. Des milliards, plein, je vous dis. Et on va faire très attention à ne pas relancer le bâtiment pour un milliard (oups, raté), éviter les gestes fiscaux à 1.25 milliard le package (oh, zut, loupé – de peu), et les allègements fiscaux seront millimétriques (aaaaattendez pas si vite oups et voilà, CICE et pacte truc machin, on y était presque, zut alors).
Non, vraiment, il n’y a aucune raison de ne pas voir un réel espoir dans les changements introduits dès le début de cette rentrée. Les frémissements sont là. Les inversions se font sentir. La virilité et le volontarisme poilu, que dis-je, violemment testostéroïné du gouvernement n’est plus à démontrer et le résultat prévisible sera grandiose.
Ce pays est foutu.
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