Jeter un pont entre les générations, enrôler dans une grande alliance anti-Sarkozy les lycéens et leurs aînés, leurs parents et leurs grands-parents, mobiliser les travailleurs de demain, d'hier et d'aujourd'hui dans le combat contre une réforme des retraites devenue, par-delà toute rationalité, « la » bataille stratégique du quinquennat, voilà donc au grand jour le rêve partagé par l'extrême gauche, le rêve caressé par certains socialistes.
Plus à craindre que les appels à des grèves reconductibles dans le secteur public, le péril jeune menace-t-il la réforme des retraites ? Oui, lycéens et étudiants seront plus visibles aujourd'hui dans les manifestations. Mais cela vaut d'être relativisé. Un infime pourcentage d'établissements du secondaire restent touchés. Et il se trouvera toujours 10 % de lycéens pour faire d'un conflit ordinaire le combat héroïque de toute une jeunesse. Quant aux étudiants, ils se heurteront bien à des « facs mortes » aujourd'hui, comme le leur souhaite l'Unef, mais ce sera surtout faute de professeurs.
Il ne faut jurer de rien cependant, car, dans une société qui consacre toujours plus de moyens à préserver le niveau de vie des plus de 65 ans qu'à lutter contre la pauvreté des moins de 25 ans, les jeunes ont mille raisons de s'enflammer. Mille moins une : la réforme des retraites. Parce que celle-ci vise, justement, à leur garantir un système aussi protecteur et solidaire que celui de leurs parents, sans trop accroître l'effort financier déjà considérable demandé aux revenus du travail et du capital. Parce que cette réforme réduit cette injustice absolue qui consiste à faire payer par la dette, donc par les futures générations d'actifs, une proportion croissante des pensions servies.
Rien ne serait moins dans l'intérêt de la jeunesse de 2010 que de se prendre de nostalgie pour la retraite à 60 ans, elle dont le coût économique explique en bonne partie la triste exception française en matière d'emploi des jeunes. Pour cette génération que François Hollande juge « sacrifiée », rien ne serait pire qu'un statu quo favorable aux plus âgés.
Et, si la réforme des retraites ne résout pas ce déséquilibre des générations, elle commence à le corriger, par exemple en augmentant de moitié le nombre des trimestres validés au titre du chômage non indemnisé. Une manière d'adoucir un peu cette « double peine » infligée à des jeunes contraints de trouver plus tard un emploi qu'ils quitteront plus vieux.
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