Est-ce une malédiction française ? Pourquoi faut-il toujours qu'une offensive réformiste finisse par s'embourber dans une guerre de positions ? Comment le gouvernement a-t-il réussi à perdre en septembre la bataille de l'opinion qu'il semblait pourtant avoir gagné au printemps ?
Le président de la République bénéficiait de la conjonction exceptionnellement favorable de son volontarisme personnel et de la conscience - partagée par plus de deux Français sur trois avant l'été - de la nécessité de travailler plus longtemps pour sauver le régime de retraites par répartition. Une alliance rare. Qu'en a-t-il fait ? Fort de son succès initial, grisé à l'idée d'avoir raison seul contre tous ou presque, et persuadé que son courage ne serait comptable que devant l'histoire, le chef de l'exécutif a préféré s'emmurer dans le donjon de ses certitudes. Paré pour résister aux assauts pour finalement triompher à l'usure.
Au plus bas dans les sondages, le forcené de l'Élysée paie cher aujourd'hui ses rêves de bravoure. Car il ne faut pas s'y tromper : l'affaire Woerth, avec ses péripéties et ses rebondissements n'a pas vraiment pesé dans le retournement de l'opinion. Ce que la France, et pas seulement celle qui manifeste, n'a pas accepté, c'est le peu de considération qu'on a porté à ses interrogations et à ses refus.
Balayer d'un revers de main, l'injustice mécanique d'un dispositif qui, faute d'avoir choisi entre la durée de cotisation et l'âge légal de départ, pénalise inévitablement les salariés les plus modestes, c'était dangereux. Réduire la pénibilité à une évaluation de l'invalidité, voire de l'infirmité, c'était psychologiquement maladroit et politiquement désastreux. Limiter la prise en compte de l'inégalité dont les femmes sont victimes aux mères de famille de plus de trois enfants, c'était à la fois insuffisant et en décalage complet avec la réalité d'une société française très féminisée.
Et puis se sont ajoutées les déceptions. Les marges de manœuvre promises pour le débat au Sénat se sont réduites à quelques interstices vite bouchés. A l'image de son ministre du Travail, le gouvernement a opposé volontairement une image verrouillée fermant le ban d'un dialogue social croupion sur le refrain d'une souplesse impossible. Une espèce d'autisme qui a fini par exaspérer les salariés les plus modérés.
Pendant ce temps - de l'avis même d'économistes proches du pouvoir comme Nicolas Baverez - on n'a pas restructuré les caisses en profondeur, laissant planer le risque d'une rechute avant même 2018... Instinctivement, les jeunes - qu'on n'instrumentalise pas si facilement -, et même en panne de révolte, ont fini par flairer l'embrouille. Sous le soleil de ce mardi, ils seront évidemment décisifs.
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