mardi 8 mai 2012
Tesson : "Hollande, homme d'apaisement et d'illusion"
Ainsi donc la France
s'est-elle donné dimanche un président de gauche élu pour cinq ans par
la grâce d'une partie de la droite. La majorité des Français ont
sanctionné un homme d'État d'une valeur exceptionnelle moins pour
l'action qu'il a menée que pour sa personnalité. Nicolas Sarkozy
a été victime de son énergie, de son volontarisme, de sa franchise et
des maladresses que ces qualités ont pu lui faire commettre. Victime de
l'incompréhension et de la hargne d'une large partie de l'opinion.
Victime enfin de la crise qui a contrarié le cours de sa politique
réformatrice. Sa défaite est honorable. Il a quitté, dimanche, le
pouvoir sur une déclaration d'une haute tenue, conforme à sa nature.
On ne s'étonne pas que les premiers mots prononcés par le nouveau
président aient participé d'un esprit d'apaisement. N'est-ce pas une
demande d'accalmie qu'a voulu exprimer la France en portant au pouvoir
un homme qui lui offre une image pacifique, "normale" et donc rassurante
? On sait que François Hollande
est un homme de mesure, et le peuple l'a senti, dans un temps de
démesure. Mais sa sagesse sera-t-elle compatible avec les tumultes qu'il
va devoir affronter ?
Ses intentions sont excellentes. Il les a résumées dimanche soir à
Tulle. D'abord rassembler, être "le président de tous". Soit. C'est
évident, qui ne le veut en accédant au pouvoir ? "Trop de fractures, de
blessures, de ruptures, de coupures", dit-il. Certes, mais c'est nier la
vie, et la politique, et leurs lois. Cela relève de l'angélisme
égalitaire. On n'est plus dans le socialisme du XVIIIe siècle.
Ensuite, changer. "Les Français viennent de choisir le changement."
Que ne l'a-t-on entendue, cette ritournelle, à droite comme à gauche !
On se rappelle un texte de l'écrivain russe Zinoviev : "On vit dans
l'attente du changement. Quel changement ? On ne sait pas exactement. Il
faut que ça change, ça ne peut plus durer, et en attendant, on
s'accommode dans la même attente vague et passive. On avance des idées,
on bâtit des projets, on fait des promesses. C'est aussi confus et
irresponsable que l'attente elle-même." Qui ne sait que les promesses ne
sont jamais tenues ?
Nous ne mettons pas un instant en doute la sincérité de Hollande.
Mais lorsqu'on l'entendait dimanche soir énumérer les têtes de chapitre
de son programme, on était stupéfait : "Redressement de notre
production. Réduction du déficit. Préservation de notre modèle social.
Égalité entre nos territoires. Priorité à l'éducation. Exigence
environnementale. Réorienter l'Europe et donner à la construction
européenne une dimension de croissance." On est dans un déni de réalité
voisin du délire. Comment en cinq ans, dans la situation actuelle du
monde, de l'Europe et de la France, réaliser ce projet, comment le
financer ? Et comment pousser l'audace jusqu'à annoncer une pareille
ambition après avoir dénoncé pendant toute la campagne l'incapacité de
son prédécesseur d'avoir mené à bien la sienne.
On veut bien entrer dans le jeu de François Hollande, on veut bien
épouser son rêve, mais à condition qu'il parle un langage de vérité,
cette vérité dont il faisait une valeur sacrée au début de sa campagne.
La vérité exige qu'il dise au peuple qui l'a élu le coût de ce plan et
le coût des sacrifices qu'il implique. Ou bien alors qu'il n'affirme
pas, comme dimanche soir, que "l'austérité n'est pas une fatalité". La
France est entrée dimanche dans l'ère de l'illusion, c'est-à-dire de la
catastrophe (comme disait Bayrou avant de se rallier).
Ou de la fausse
promesse, c'est-à-dire du mensonge.
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