Si le PS a rétro-pédalé (DÉJÀ) sur ses
objectifs de recul de la part du nucléaire en France, le changement de
majorité présidentiel devrait néanmoins se traduire par des inflexions
significatives.
Lors du débat télévisé avec Nicolas Sarkozy, François Hollande a fait allusion aux profits que font les pétroliers en jouant avec leurs stocks, selon les variations des cours. Ce qui fait penser à une mesure fiscale déjà retenue par le gouvernement précédent. Bercy avait provisoirement réintégré dans l'assiette imposable des pétroliers les provisions qu'ils passent pour faire face aux plus-values comptables liées à la valorisation de leurs stocks. Sur le fond, les pétroliers restent évidemment très hostiles à cette mesure, mettant en avant la marge nette très faible (1 centime d'euro par litre en moyenne) qu'ils réalisent sur la vente de carburants. « Nous achetons et vendons les carburants au prix du jour. La référence est le coût de remplacement », martèle l'un d'eux.
Au-delà de trois mois, le gouvernement cherche à mettre en place un système de TIPP flottante (compensation de la baisse d'une partie des taxes perçues par l'Etat par la hausse des recettes de la TVA sur ces mêmes carburants). Même si la précédente initiative en 2000-2002 avait coûté 2,7 milliards d'euros à l'Etat pour une baisse moyenne de 2,2 centimes sur le prix du litre.
Pas de fermeture de réacteurs avant 2017
Autre mesure phare du programme Hollande : la réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire dans la production d'électricité en France. Seul bémol : cette diminution n'est pas prévue avant 2025, voire 2030 selon certains conseillers de François Hollande. Et le nouveau président s'est engagé à ne fermer que la seule centrale de Fessenheim durant son quinquennat, sans toucher aux 24 réacteurs les plus anciens dont la fermeture serait nécessaire pour faire baisser la part relative du nucléaire, à consommation constante. Et encore la fermeture de Fessenheim n'interviendrait pas avant que la plus ancienne centrale française ne souffle ses 40 ans, en 2017, en toute fin de mandat. C'est ce que François Hollande a précisé lors d'une interview donnée le 2 mai dernier aux journaux de l'Est de la France....
Pour autant, le président socialiste a l'intention de lancer les jalons d'une « transition énergétique » qui verrait bel et bien la part du nucléaire diminuer au profit notamment des énergies renouvelables, sur fond de maitrise renforcée de la consommation, notamment dans l'habitat. Un grand débat énergétique va être organisé, sur le mode du Grenelle de l'environnement, pour mettre sur pied un programme détaillé.
De gros chantiers chez EDF, avec ou sans Henri Proglio
Au niveau des acteurs français de l'énergie, l'arrivée à l'Elysée de François Hollande ouvre des chantiers. En premier lieu chez EDF dont le PDG Henri Proglio est sur la sellette. Seul patron d'entreprise publique dont l'éviction a été publiquement évoquée par les proches de François Hollande ces dernières semaines, son remplacement pourrait faire figure d'acte symbolique pour les socialistes. « D'autant plus nécessaire que la nouvelle majorité ne va finalement pas vraiment changer de politique nucléaire », glisse un cadre du PS. Ses prises de position très ouvertement pro nucléaires et pro Sarkozy ont irrité les nouveaux dirigeants. De toute façon, si François Hollande encadre, comme annoncé, les salaires des patrons des groupes publics, Henri Proglio devra diviser le sien (1,6 million d'euros en 2011) au moins par 3,3 ! Ce qui pourrait créer opportunément un conflit avec le gouvernement ...
Avec ou sans changement de patron, EDF va devoir revoir pas mal de dossiers. En commençant par la loi Nome qui l'oblige à revendre à ses concurrents de l'électricité à un prix inférieur à celui du marché. François Brottes, conseiller énergie de François Hollande, a déclaré mi avril qu' "il est urgent de suspendre la mise en application de la loi Nome ", l'accusant de favoriser les hausses de prix et la spéculation. EDF devra également revoir de fond en comble sa tarification. François Hollande veut mettre en place un tarif progressif de l'électricité avec un prix qui grimperait en fonction du caractère de moins en moins « essentiel » de l'usage. Le prix serait inférieur à celui d'aujourd'hui pour les usages de base (dont le chauffage). Un chantier qui s'avère très complexe pour l'électricien qui dessert près de 30 millions de clients particuliers.
Des réflexionx autour des filiales infrastructures
Quant à l'ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques, préparée par presque tous les électriciens européens à l'affût depuis 2006, dont le premier tour était prévu pour 2010, elle pourrait être encore retardée. « Je n'ai pas le sentiment qu'il y ait une pression terrible de la commission européenne sur le sujet », déclarait le 12 mars François Brottes aux Echos. « A titre personnel, j'ai toujours défendu l'idée que l'hydraulique soit traité comme le nucléaire historique. L'eau est un bien national ! », ajoutait-il.
L'électricien public et son grand concurrent GDF Suez pourraient également être amenés à revoir leurs participations dans leurs filiales infrastructures, RTE (lignes haute tension), GRTgaz (gazoducs).... « Le modèle presque spécifiquement français où les infrastructures restent dans les mains des opérateurs historiques est en bout de course », souligne un cadre du PS. Rapprochement entre RTE et GRTgaz, fusion de RTE et ERDF (distribution électrique), alliance entre acteurs européens ? toutes les pistes sont sur la table.
Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, pourrait être également incité à revoir une nouvelle fois sa copie sur le prix du gaz. Hostile au mode actuel de fixation des prix réglementés qui a approuvé de fortes hausses du prix du gaz ces dernières années, le PS a souvent affirmé qu'il fallait revoir ce dispositif. Notamment pour intégrer dans les tarifs du gaz une taxe (Contribution au service public de l'électricité, CSPE) qui sert notamment à financer les énergies renouvelables et qui repose, jusqu'à présent, sur la seule électricité.
Enfin, indépendamment de la nouvelle politique énergétique voulue par François Hollande, deux dossiers importants l'attendent ces prochains mois. D'abord, le délicat remplacement de André-Claude Lacoste, le président de l'Autorité de sureté nucléaire dont le mandat arrive à échéance en novembre. L'ASN doit approuver la prolongation pour dix ans de nombreuses centrales cette année. Peut être avant, le nouveau président de la république devra se pencher sur Areva qui doit affronter un ralentissement significatif de son marché avec une structure financière fragile. Il en a conscience. « Il nous faudra remettre un certain nombre de moyens dans Areva », a-t-il déclaré face à Nicolas Sarkozy lors du débat du 2 mai. Chez Areva, où des restructurations se préparent, on n'ose y croire.
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