mardi 8 mai 2012
Le changement, c’est pour dans plus tard, promis
Et voilà, l’agonie d’un suspense colossal est à présent terminée.
Dans un bel élan presque unanime (puisque une petite moitié n’est pas
d’accord) le peuple s’est décidé ; il y a une belle victoire avec un
candidat qui saura montrer sa belle tête de vainqueur. Mais pour le changement, ce sera pour plus tard.
Youpi, donc, exit Sarkozy, bonjour Hollande.
Si, en 2007, nous échappâmes à la bravitude, nous aurons eu droit en
2012 à la palpitance terrible d’une attente insoutenable de bout en bout
puisque finalement, le candidat désigné par les sondages et propulsé
par les médias sera arrivé à bon port en passant chacune des étapes
exactement comme prévu. Et comme prévu, cette élection fut discrètement
marquée par l’absence totale et compacte de tout candidat libéral, ainsi
que de toute proposition libérale dans les programmes plus ou moins
farfelus qui nous furent proposés.
Et finalement, heureusement ! Comme l’a fait remarquer Tartine Aubry,
la République du Bisounoursland a déjà eu tant de bobos avec toutes les
méchancetés que Nicolas Sarkozy lui a fait subir qu’il était plus que
temps qu’un vent nouveau de changement profond souffle sur ce pays, avec
de la douceur et des petits poutous câlins.
Cependant, il est bon de préciser que cette République ne s’est pas
construite dans la précipitation ; le bisou citoyen et la manifestation
festive ont eu besoin de temps pour se développer. Certes, le changement, c’est maintenant, mais pas dans la précipitation.
En effet, dans un premier temps, et sauf à diriger par décrets, le
président et son futur gouvernement vont se retrouver, au moins jusqu’à
mi-juin, avec une assemblée officiellement de droite. Courte
cohabitation d’un mois, il est vrai, mais c’est sans doute une trentaine
de jours pendant lesquels le changement, ce sera pianissimo,
et se fera par petites touches modestes et furtives, et, en tout cas,
pas par la loi. Autrement dit, la période de grâce, traditionnellement
calibrée sur une centaine de jours, se trouve déjà écornée d’un bon mois
pendant lequel on va surtout compter les pâquerettes et refaire la déco
intérieure de l’Élysée. Eh oui : si Hollande arrive à l’Élysée, le
Changement, lui, a pris un petit train qui s’est arrêté en rase
campagne…
En outre, Hollande ne pourra, après les législatives, compter sur un
groupe socialiste monolithique parlant d’une seule voix comme un seul
homme. Il y a fort à parier que l’assemblée sera bigarrée : un peu du
Front de la gauche, du Front de la droite peut-être, un ou deux
Modémistes égarés, quelques Verts qui auront eu la présence d’esprit de
ne pas trop se déchirer pendant la présidentielle et auront fourbi leurs
armes pour cette phase décisive… Bref : il n’y aura pas cohabitation,
mais il y aura certainement de petits moments de flottements mous qui
augurent d’un changement forcément feutré et obligatoirement calibré au
micromètre pour ne froisser aucune tendance. En fait de bouleversement,
ce sera plutôt des petites variations sur thème.
Les flottements promettent d’ailleurs d’apparaître dans les prochains
jours lorsqu’il s’agira de pondre un gouvernement. Là encore, si
changement il y a, il ne sera très probablement pas du goût de tous les
joyeux électeurs du président puisque pour arriver à son poste, il aura
fallu composer avec une foule hétéroclite de communistes, d’arrivistes
républicains énervés, d’écologistes plus ou moins subtils,
d’anti-sarkozystes bornés ou monomaniaques, en plus des traditionnels
socialistes déjà pas réputés, à la base, pour leur grand esprit
confraternel aux embrassades onctueuses.
Il ne serait ainsi pas surprenant d’avoir un gouvernement qui s’ouvre
au centre, comme un autre jadis s’ouvrit à gauche. En fait de
changement, il pourrait surtout s’agir de surprises, pas toutes
agréables sur le plan strictement politique. En somme, le changement, c’est comme d’habitude.
Et au-delà de tous ces aspects purement politiciens, force est de
constater que la situation française n’a pas évolué d’un pouce.
Nous sommes lundi 7 mai 2012 et nous avons toujours une dette de plus
de 1600 milliards d’euros. Et si Hollande n’applique ne serait-ce
qu’une partie de son programme (ce qui est improbable, de toute façon),
le changement ne sera pas pour maintenant sur ce front-là.
Nous sommes lundi 7 mai 2012 et il y a toujours plusieurs millions de chômeurs. Dans les jours qui viennent, l’euphorie du changement
de tête à l’exécutif retombera, et l’absence de modification dans cette
situation laissera planer un gros doute : et si le changement, c’était
pas tout à fait pour maintenant, mais pour un peu plus tard, quand la
croissance reviendra grâce aux efforts magnifiques que la fine équipe
socialiste s’emploiera à nous faire gober ? Parce que c’est évident,
avec toute la douceur et les câlins qu’on nous promet, la croissance va
forcément revenir, voyez-vous !
Comme je l’ai déjà écrit hier,
les cinq années qui viennent seront décisives. Les socialistes, cette
fois-ci officiels et assumés, disposeront peu ou prou de tous les
leviers de pouvoir, de la majorité des régions, des départements, des
grandes villes. Le plantage, catastrophique, complet, total, est absolument inévitable
et nos fiers collectivistes seront aux premières loges. Au moins, ils
ne pourront pas dire qu’on ne les a pas prévenus. Et comme l’État vient
de recevoir un véritable chèque en blanc du peuple, et un chèque en bois
des politiciens, il va donc continuer à grossir, sans en avoir les
moyens.
Or, on sait maintenant tous comment terminent les pays dont les
dettes sont devenues trop grosses : la Grèce nous pave le chemin. Et il
ne sera pas très Bisounoursland.
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