Bastions de droite, bastions de gauche,
montée du Front national : chaque zone géographique a ses habitudes de
vote. Aux partis d'adapter leur stratégie pour réussir à attirer les
électeurs des territoires ruraux et la France des grandes couronnes
périurbaines.
Comment se compose la géographie électorale du vote pour l’élection présidentielle de 2012 ? Concrètement, qui a voté quoi où ?
David Valence :
Sur les cinquante villes les plus peuplées de France métropolitaine,
seules six ont placé en tête Nicolas Sarkozy : il s'agit de Nice, de
Toulon, d'Aix-en-Provence, de Boulogne-Billancourt, de Courbevoie et de
Versailles. A l'inverse, sept de ces cinquante villes ont placé François
Hollande en tête à plus de 65% des voix, ce qui représente une avance
considérable à Rennes, Clermont-Ferrand, Saint-Denis, Montreuil,
Roubaix, Nanterre et Vitry-sur-Seine.
L’originalité
de la victoire de François Hollande tient dans sa capacité à faire le
lien entre l’électorat urbain très diplômé et un électorat rural de la
France du Sud et de l'Ouest du Massif central, un électorat très
sensible a la question du maintien des services publics. Il
s’agit certes de territoires peu peuplés, mais le candidat PS l’a par
exemple emporté dans les départements du Cantal, de la Haute-Loire, de
l’Aveyron, qui votent traditionnellement à droite. Il fait jeu égal avec
Nicolas Sarkozy en Lozère et l'emporte dans les Hautes-Alpes et la
Loire : pour un candidat de gauche, c'est une vraie performance!
Il
y a donc une alliance objective, dans l'électorat de François Hollande,
entre des départements ruraux traditionnellement a gauche, comme
l'Ariège, le Lot ou la Nièvre, des départements ruraux autrefois a
droite, et un électorat urbain, acquis au "libéralisme culturel". On
avait déjà commencé à observer ce phénomène avec Ségolène Royal en 2007.
Il faut ajouter à cela des dynamiques régionales de long terme
favorables à la gauche, comme en Bretagne.
Où se situent les bastions de droite ?
La
droite est accrochée a la France des frontières avec l'Allemagne, la
Suisse et l'Italie, et plus largement a ce qu'on appelait autrefois les
"marches de l'Est". Nicolas Sarkozy fait de bons résultats en
Alsace, en Moselle, dans l’Ain, dans les Alpes-Maritimes, il l'emporte
dans le Doubs, le Jura, la Haute Savoie et la Savoie,… Contrairement à
certains lieux communs, cette France-la est directement ouverte sur
l'étranger. C'est aussi une France ou l'immigration est
traditionnellement importante, contrairement au Sud-ouest rural ou à la
Bretagne, territoires très peu métissés et qui votent Hollande.
Quid de l’extrême droite ?
Le
FN a fait ses meilleurs résultats dans la France de l’Est menacée par
la désindustrialisation (Moselle et Vosges par exemple) et dans le Sud
(Gard, Alpes-Maritimes). Mais les endroits où il a le plus progressé ne
sont pas ceux où il réalise ses meilleurs résultats aujourd’hui. Depuis
1995, le FN a beaucoup progressé dans la France de l’Ouest et du Sud
Ouest, une France ou l'immigration est faible, alors que jusque-là –
même si ce n’est pas très politiquement correct de le dire – la carte de
son électorat se superposait assez bien a celle de la France de
l’immigration, banlieue parisienne à part.
Quand,
vu de Paris, on moque un électorat FN qui n'aurait de la diversité
française qu'une expérience réduite, c'est a la fois faux et vrai. Si on
y regarde de plus prés, on constate que ce parti enregistre des
résultats exceptionnels dans les communes qui sont proches de secteurs
ou l'immigration est ou a été importante, mais qui ne croisent pas tous
les matins des immigrés ou des Français issus de l'immigration en bas de
chez eux. Comme l'a récemment expliqué le démographe Hervé Le Bras, ils
sont suffisamment proches de la "diversité française" pour la craindre,
mais pas assez pour l'aimer.
Comment expliquer ce rapport entre le critère géographique et le vote des électeurs ?
|
L'électorat de Hollande se compose de 90% de musulmans de fainéants et d'assistés. |
Au
cours des vingt dernières années, les personnes qui faisaient de la
géographie électorale étaient un peu marginalisées dans le monde des
sciences politiques. On considérait que la mobilité des individus
mettait à mal ces analyses traditionnelles en termes de territoires
électoraux. On en est revenu, pour la simple et bonne raison qu’en
général les gens votent en fonction de leurs entourages, de leur
quotidien, des conversations qu’ils ont, etc. La sociologie est
bien sûr un élément important, mais ce qui reste déterminant c’est le
bassin de vie, la communauté de vie, l'expérience quotidienne.
En
quoi la géographie du vote a-t-elle évolué ? Existe-t-il, au-delà du
vote pour François Hollande, une fracture entre les grandes
agglomérations et la France rurale ?
Un
candidat ne gagne une élection présidentielle que lorsqu’il sait porter
les revendications de zones et d’espaces différents. Vous devez faire le
lien entre plusieurs catégories d’électorats pour espérer l'emporter.
Ce fut l’une des clés du succès de Nicolas Sarkozy en 2007 : il avait
fait le lien entre des territoires ruraux traditionnellement acquis à la
droite et la France des grandes couronnes périurbaines.
Il
est peut-être excessif de parler de "fractures" au sein du territoire
français, mais je pense que la droite doit maintenant s’interroger sur
le basculement des grandes agglomérations vers la gauche.
Est-ce un phénomène irréversible ? Cela ressemble a une tendance
européenne, mais qui souffre des exceptions : en Espagne, la plupart des
grandes villes, sauf Barcelone, votent a droite, par exemple. La droite
doit en tout cas essayer de reconquérir des 2014 des villes comme Lyon,
Metz, Dijon ou Reims, par exemple, qui n'ont pas définitivement bascule
a gauche. Mais pour ce faire, la réduction de la droite a l'UMP n’est
peut-être pas la meilleure solution…
Que voulez-vous dire ?
Les
grandes villes ont une préférence pour les valeurs du libéralisme
culturel, qui ne sont aujourd’hui pas véritablement représentées à
l’UMP. Si la droite souhaite regagner de l’électorat auprès des grandes
villes, sans doute doit elle permettre à plus de diversité politiques de
s’exprimer en son sein.
La gauche l’a
emporté grâce à sa capacité à séduire à la fois l’électorat des
catégories sociales favorisées mais libérales sur le plan de la société
et les catégories populaires peu libérales sur le plan social mais qui
aspirent à plus de justice et d’égalité. Il sera intéressant de
voir dans quelle mesure le libéralisme culturel des élites de gauche
arrive à emporter la conviction de l’électorat populaire, qui n’est pas
lui libéral culturellement.
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