Marine Le Pen la nomme "l'agence de publicité mensongère", une "entreprise d'enfumage électoraliste". La Droite populaire, collectif de députés les plus à droite de l'UMP, vient de remettre 12 propositions pour le projet présidentiel de 2012. Ce groupe d'élus, qui va s'ouvrir "dans le mois qui vient, à tous ceux qui veulent adhérer à [leur] charte", se présente comme un regroupement de gardiens du sarkozysme, dont le socle électoral de 2007 s'était notamment nourri d'électeurs du FN. Aujourd'hui, Marine Le Pen a regagné du terrain sur cet électorat. Une dynamique que la Droite populaire, fondée par le ministre chargé des transports, Thierry Mariani, aimerait
enrayer, afin que Nicolas Sarkozy ne se fasse pas
doubler sur sa droite.
Parmi
les 12 propositions avancées mardi 27 septembre par la Droite populaire, certaines reprennent des thèmes mis en avant par Marine Le Pen, mais ce ne sont pas non plus des
"copiés-collés" du programme du FN. Revue de détails.
UNION EUROPÉENNE ET RÔLE DE L'ÉTAT
Au chapitre des différences, l'Europe et le rôle de l'Etat figurent en bonne place. Chez Marine Le Pen, l'idée est claire : il faut
sortir de l'Union européenne pour
bâtir un
"Etat stratège" et interventionniste.
Pour la Droite populaire, il faut
"corriger (…) le trop plein de l'Etat providence et ses effets néfastes". Et il n'est pas question de
sortir de l'UE. Il faut en outre
"redonner confiance en l'Europe en fixant trois priorités : la gouvernance économique et la libre circulation des hommes et des biens tout en maintenant un contrôle extérieur rigoureux aux frontières".
La Droite populaire reprend notamment la taxe Tobin, qui vise à
taxer les flux financiers, mais le Front national apparaît d'une manière générale comme plus interventionniste économiquement. La Droite populaire défend notamment l'idée d'un CDI plus flexible et la disparition des CDD.
PATRIOTISME ÉCONOMIQUE
Sur le soutien aux PME et TPE ou la lutte contre la grande distribution, les propositions de la Droite populaire et du FN se font écho.
Comme le FN, la Droite populaire envisage des
"barrières douanières modulables pour les importations en provenance des pays qui ne respectent pas les normes sociales et environnementales" dans le cadre de ce qui est nommé une "
TVA protection de l'emploi".
Une proposition qui n'est pas sans
rappeler le protectionnisme
"raisonné" du FN, qui préconise des
"écluses douanières" non pas aux portes de l'Europe mais aux frontières françaises. Des droits de douanes qui ne frapperaient pas
"de manière uniforme tous les produits importés, mais seraient ciblés selon des critères intelligents et utiles", comme les normes sociales, environnementales et sanitaires.
De la même manière, Droite populaire et Front national défendent un
"patriotisme économique".
PARTICIPATION SALARIALE
Autre point de rapprochement, la participation salariale. Pour la Droite populaire, il faut la
favoriser en
"incluant une part de cogestion (présence systématique dans les Conseils d'administration)".
Le FN va un peu plus loin en lançant l'idée d'un
"capitalisme populaire". Dans les entreprises de plus de 50 salariés, serait instaurée une
"réserve légale de titres" : les salariés
"dans leur globalité", pourraient ainsi
devenir collectivement
"propriétaires" de 10 % de l'entreprise. Cependant, ils n'auraient pas le droit de vote.
SÉCURITÉ ET IMMIGRATION
Évidemment, ce sont sur les thèmes de la sécurité, de la lutte contre l'immigration, de la lutte contre la fraude sociale, de la
"laïcité", ou encore sur
"le refus du communautarisme" que les points communs sont les plus nombreux.
Il en va ainsi de la limitation
"au strict minimum vital" de l'Aide médicale d'Etat (AME) pour les sans-papiers, de l'opposition au droit de vote pour les étrangers, ou des conditions renforcées d'acquisition de la nationalité française.
Ainsi, Marine Le Pen veut
supprimer "l'acquisition automatique de la nationalité. Il faudra faire preuve d’un talent, d’une ambition, d’une envie particulière pour devenir français". La Droite populaire aussi, en mettant en place
"un droit de la volonté" pour
"l'acquisition de la nationalité française à 18 ans".
FN et Droite populaire mettent également en avant une politique de codéveloppement pour
inciter les populations candidates à l'immigration à
rester dans leur pays d'origine. Côté UMP, on parle d'un
"plan Marshall du codéveloppement en jumelant chaque nation européenne à tous les pays de bonne gouvernance".
Côté FN, on veut
"prendre l'initiative d'organiser régulièrement une conférence euro-africaine réunissant les pays concernés afin de déterminer les besoins et de mettre en œuvre les moyens destinés à fixer les populations (...) dans leurs pays d'origine", comme le décrit le site du parti d'extrême droite.
Sur plusieurs sujets, le FN va plus loin que la Droite populaire. Ainsi, la Droite populaire veut
"restreindre" le regroupement familial
"en supprimant son automaticité". Le FN veut, lui, le
"supprimer".
Le parti d'extrême droite parle de
"rétablir l’expulsion des délinquants multirécidivistes étrangers" quand la Droite populaire veut "rendre possible le non renouvellement du titre de séjour à tout étranger condamné à une peine d'au moins un an de prison".
Ou encore, quand l'aile droite de l'UMP parle "d'instaurer des sanctions renforcées pour les trafiquants", Marine Le Pen, elle, s'est prononcée à plusieurs reprises pour le rétablissement de la peine capitale pour "les gros trafiquants".
LES AIDES SOCIALES
A première vue, le Front national peut paraitre plus "social" que la Droite populaire concernant les aides. Sur le RSA notamment, Marine Le Pen déclare que
"le RSA est un minimum auquel ont légitimement droit de nombreux Français particulièrement démunis, et il apparaît totalement stupide de vouloir réduire les revenus de ceux qui ne font aujourd’hui que survivre".
De leur côté, les députés de la Droite populaire veulent
"limiter la perception du RSA dans le temps et instaurer une compensation au versement", c'est-à-dire un temps de travail obligatoire. Si la position du FN semble plus "généreuse", il ne faut pas
oublier que, concernant les aides sociales ou le logement social, tout passe, au Front national, par le tamis de la "préférence nationale" – véritable pierre angulaire du programme – qui entend
réserver les aides aux seuls Français, ce qui n'est pas le cas de l'aile droite de l'UMP.
LUTTE CONTRE LA FRAUDE SOCIALE ET DÉMOCRATIE DIRECTE
La fraude sociale est aussi un des thèmes majeurs que FN et Droite populaire se partagent. Ils tombent d'accord sur la création d'une carte vitale sécurisée ainsi que sur la volonté de
renforcer les fichiers existants. Pour le FN, en autorisant le croisement de fichiers, pour la Droite populaire, en créant un registre national centralisé et coordonné.
Au chapitre des institutions, Droite populaire et Front national tombent d'accord sur l'instauration d'un référendum d'initiative populaire, sur le modèle suisse.
Abel Mestre