Les braises du conflit opposant les producteurs de lait aux industriels depuis maintenant plus d'un an sont encore chaudes. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), sa branche laitière (la FNPL), ainsi que les Jeunes Agriculteurs (JA), proches de la première centrale française, ont lancé, mercredi 4 août, un ultimatum aux industriels : ces derniers ont jusqu'au 12 août pour revenir à la table des négociations.
Principal point d'achoppement, le prix du lait pour le troisième trimestre. Les livraisons effectuées en juillet doivent être payées le 15 août. Or, certains agriculteurs ne connaissent toujours pas aujourd'hui la valeur de leur production déjà livrée. Depuis l'accord du 3 juin 2009, le prix du litre de lait est fixé chaque trimestre pour les trois mois suivants par une négociation de l'interprofessionnelle, rassemblant la FNPL et les industriels du secteur. La réunion de juin – censée établir les prix de juillet, août, et septembre – s'est soldée par un échec, tout comme celles qui ont suivi.
La conjoncture s'est pourtant améliorée et n'a plus rien à voir avec la crise de 2009, où la demande était en chute libre. Les producteurs français, qui ont connu en moyenne une baisse de 54% de leurs revenus en 2009, entendent profiter eux aussi de cette embellie: ils réclament une augmentation des prix à 330 euros la tonne, loin des 295 euros du deuxième trimestre et des 313,68 proposés par le groupe Lactalis.
RÔLES INVERSÉS
Epandages massifs et spectaculaires, ouverture des "tanks"…: la "grève du lait" de septembre 2009 avait été lancée par des agriculteurs rassemblées autour de la bannière de l'Association des producteurs de lait indépendants (APLI). Un mouvement auquel la FNSEA s'était fermement opposée, au risque de se couper de sa base. Mais désormais, les rôles s'inversent: la FNSEA s'agite et l'APLI observe. "On va laisser faire les syndicats dits “représentatifs” [FNSEA, JA, FNPL], voir s'ils sont capables d'engager une grève du lait au niveau européen et là, nous, on suivra", explique Pascal Massol, président de l'APLI.
"Alors qu'en août 2009 la FNSEA a joué la carte de l'accord et attendu des termes satisfaisants, elle a cette fois compris que sa base militante voulait qu'elle joue son rôle de syndicat et plus seulement de partenaire, explique François Purseigle, sociologue à l'Institut national polytechnique de Toulouse. La FNSEA ne veut pas revivre une grève du lait et risquer une nouvelle déstabilisation. Elle anticipe donc le conflit à venir. Sentant le vent gronder, elle a préféré mener les choses et ne pas laisser de marge de manœuvre à l'APLI."
Pour le moment, les agriculteurs se limitent donc surtout à apposer des autocollants sur les produits faits à partir de "lait inéquitable". Et ils ont demandé aux consommateurs de boycotter les produits vendus par Lactalis (Président, Bridel…), Bongrain (Cœur de lion…) ou Bel (La Vache qui rit…). Luc Morelon, porte-parole de Lactalis, dit "ne pas refuser le dialogue" : "Le problème reste le même, explique-t-il. La question est de savoir combien de temps on va continuer à surpayer le lait en France, notamment par rapport à l'Allemagne." Une différence qu'il estime de "40 euros par tonne".
Bruno Le Maire, le ministre de l'agriculture, a apporté, mercredi 4 août, sur RTL, son soutien aux producteurs : "Lorsque les prix s'effondrent, la répercussion est immédiate sur les revenus des producteurs. (…) Les prix remontent, je souhaite que les producteurs soient correctement rémunérés. Ils ne le sont pas aujourd'hui." Dans son entourage, on annonce un plan de développement de la filière laitière pour la rentrée. Et la Commission européenne doit aussi rendre public un paquet législatif à l'automne avec des mesures spécifiques au secteur du lait.
Le conflit ne devrait pas connaître de conclusion rapide. L'APLI mise, pour le moment, sur sa marque de "lait équitable". Un produit "respectant un prix décent pour les producteurs à 400 euros la tonne", explique M.Massol : "On a déjà reçu l'accord de principe d'industriels et de producteurs. On doit pouvoir le commercialiser, fin 2010, en Poitou-Charentes avec le soutien de Ségolène Royal." Les trois syndicats majoritaires ont eux refusé de se prononcer sur les types d'actions envisagées à la fin de leur ultimatum.
Tiphaine de Tricornot
jeudi 5 août 2010
Pourquoi la filière laitière se remet à bouillir
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