La Commission européenne rendra sa copie sur le remodelage de la surveil-lance et de la coordination macroéconomique au sein de la zone euro le 29 septembre, la « task force » Van Rompuy le 29 octobre. En dépit du diagnostic aujourd'hui largement partagé de l'échec du Pacte de stabilité et de croissance à assurer la soutenabilité des finances publiques au sein de la zone euro, les avis diffèrent sur les mesures à prendre, de sorte qu'on peut craindre un compromis insuffisamment ambitieux pour mettre la zone euro à l'abri d'une nouvelle crise.
Les objectifs généraux ne sont pas en cause : il s'agit à la fois de renforcer le Pacte de stabilité, afin qu'il soit mieux respecté, et d'élargir la surveillance macroéconomique à l'ensemble des déséquilibres de chaque économie - pas seulement dans le champ strictement budgétaire. C'est ce à quoi se sont attachés les deux groupes de travail, principalement sous deux angles : primo, un « semestre européen » au cours duquel, chaque année, le budget et plus largement les politiques macroéconomiques de chaque Etat membre seront examinés par la Commission et le Conseil avant leur vote par le Parlement national ; secundo, un renforcement des sanctions à l'égard des contrevenants au Pacte.
Après le Conseil du 16 septembre, il semble que les propositions n'offriront pas de rupture radicale avec la procédure de surveillance existante, qui a pourtant échoué. Si le « semestre européen » peut créer les conditions d'un début de « gouvernement européen », avec une attention plus forte portée aux orientations nationales, on peut toujours craindre un manque d'engagement pratique des Etats en faveur d'une véritable gouvernance budgétaire.
Tout d'abord, l'élargissement de la surveillance macroéconomique n'est assorti d'aucun dispositif nouveau de coercition : la menace de sanctions reste réservée au domaine strictement budgétaire, tandis qu'une dérive par exemple de la compétitivité d'un pays fait juste l'objet de rapports et de réunions différant peu, fondamentalement, du dispositif de coordination actuel (la surveillance via les grandes orientations de politique économique), qui n'a jamais été véritablement mobilisé par le Conseil. Les sanctions budgétaires elles-mêmes ne sont pas fondamentalement remodelées.
Ensuite, la question délicate d'une éventuelle restructuration des dettes souveraines n'est pas évoquée. On comprend la prudence des dirigeants européens sur ce sujet dangereux. Cependant, les marchés continuent d'attribuer une probabilité élevée à une dévalorisation partielle de certaines dettes souveraines dans la zone euro. Reconnaître officiellement cette éventualité inciterait les Etats à plus de discipline et les marchés à prêter plus rigoureusement aux Etats. Maintenant que le Fonds de stabilité est (presque) opérationnel, que la BCE agit comme prêteur en dernier ressort et que les « stress tests » ont accru la transparence financière, les risques de contagion sont plus limités, même s'ils n'ont évidemment pas disparu.
Enfin et surtout, le Conseil demeure au centre du dispositif de surveillance : c'est à lui de déclencher les sanctions par un vote à la majorité qualifiée (hors le pays en cause). Or il sera toujours difficile à une assemblée de ministres des Finances de sanctionner l'un des leurs, surtout lorsqu'il représente un grand pays et surtout lorsque d'autres sujets épineux (la politique agricole commune, les perspectives budgétaires) sont également en cours de discussion.
Ainsi, le problème principal de la surveillance risque de ne pas être traité. Une piste serait par exemple de créer des incitations à la discipline, potentiellement plus efficaces que les sanctions. Delpla et von Weizsäcker ont ainsi proposé un mécanisme de mise en commun des émissions souveraines dans la limite de 60 % du PIB, chaque pays devant se débrouiller seul avec les marchés pour lever des fonds au-delà de cette limite, à un taux fortement différencié selon le niveau de dette. D'autres mécanismes d'incitations pourraient être envisagés, par exemple en rendant variable une partie des déboursements européens au titre des fonds de cohésion et régionaux.
Une autre piste consisterait à préserver la souveraineté nationale budgétaire tout en responsabilisant les Etats face aux conséquences européennes de leurs actions nationales, sur le modèle de ce qui se met en place pour la surveillance financière : des autorités européennes munies d'une certaine indépendance et reposant sur l'expertise d'autorités nationales elles aussi indépendantes.
Laurence Boone est chef économiste France chez Barclays Capital, Agnès Benassy Quéré est directrice au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).
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