Viviane Reding, la commissaire à la justice qui menace la France de poursuites au sujet de l'expulsion des Roms, devait se rendre à Paris, jeudi 23 septembre. Jusqu'au bout, le programme de ce déplacement est resté incertain. Mme Reding souhaitait à l'origine rencontrer Michèle Alliot-Marie, la garde des sceaux, mais les autorités françaises lui ont fait savoir, début septembre, que l'entretien ne serait pas possible. Elle a dû se rabattre sur un déjeuner avec le secrétaire d'Etat au commerce et aux PME, Hervé Novelli. L'entourage de ce dernier ne confirmait pas le rendez-vous, jeudi matin. Il a été suggéré à la commissaire luxembourgeoise de renoncer à toute conférence de presse. "Mme Reding n'est pas la bienvenue", observe-t-on du côté français.
Cette dernière menace la France de poursuites pour non-transposition des garanties procédurales prévues en cas d'expulsions, et pour application "discriminatoire" de la directive sur la libre circulation des ressortissants européens. D'après nos informations, l'analyse juridique menée par les services de Mme Reding conclut bel et bien que les expulsions ordonnées par la circulaire du 5 août, qui ciblait "en priorité les Roms", ont posé un problème de "discrimination". Mme Reding suggère de lancer une procédure d'infraction dès jeudi 30 septembre. Pour l'éviter, le gouvernement français multiplie les pressions sur M. Barroso et son équipe. "Si la Commission attaque pour discrimination, cela sera vécu comme une déclaration de guerre", analyse un proche du dossier.
Mardi, Mme Reding a fait comprendre qu'elle ne souhaitait pas reculer. "Lorsqu'un homme tape du poing sur la table, c'est jugé viril, il se défend. Si une femme tape du poing sur table, elle est hystérique", a-t-elle lancé lors d'un point presse au Parlement européen.
Les autorités françaises ont répondu aux deux courriers de la Commissaire en septembre. "Toute mesure d'éloignement donne lieu à un examen circonstancié de la situation de chaque personne, dans le respect de la proportionnalité et sous le contrôle exigeant du juge", a écrit le gouvernement aux services de Mme Reding, mercredi. La circulaire du 5 août - annulée le 10 septembre - "n'a eu ni pour objet ni pour effet de créer, contrairement à la crainte que Mme Reding a pu exprimer, une quelconque discrimination". Sur les 550 campements illicites évacués, les deux tiers concernaient des gens du voyage français, et non des Roms, selon Paris.
Malvenue à Paris, Mme Reding a néanmoins reçu du soutien à... Strasbourg. Au Parlement européen, la gauche, les libéraux et les Verts l'ont exhortée à faire front. "Sur les Roms, la Commission a agi correctement. Nous ne devons pas la critiquer mais l'aider, et je dois l'inviter à s'en tenir à son point de vue", a demandé le président du groupe libéral/démocrate, le Belge Guy Verhofstadt.
Philippe Ricard
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