Très au delà de leurs différences politiques, les
français méritent une autre élection présidentielle que le seul
referendum pour ou contre Nicolas Sarkozy. A quelques jours désormais
du premier tour, pour que la campagne décolle vraiment enfin. Pour que
les français, qui attendent une grande conversation sur l'avenir,
l'obtiennent. Pour qu'ils puissent s'y investir très au delà du fauteuil
du téléspectateur des monologues télévisuels ronronnants ou des débats
audiovisuels des candidats avec les seuls journalistes. Pour que nous
échappions au spectre de l'abstention. Il faut le retour de Sarko là où
nous avons pour l'instant un Président sortant qui peine encore à
revêtir la totalité ducostume du candidat.
Une comparaison avec 2007 accusatrice
La comparaison avec 2007, malgré des efforts récents et désordonnés,
est accusatrice. Comme un sentiment diffus d'impréparation. Une
organisation qui apparaît floue. Où sont les seconds rôles ? Et surtout
pas de véritable histoire à nous raconter. Manquent un récit, des
acteurs, une structure et une discipline narrative aussi. Nicolas
Sarkozy n'a pas encore vraiment trouvé la ligne éditoriale de l'histoire
réélection.
Dans ce temps de bataille des histoires que constitue la conversation on
et off line des candidats avec les électeurs, celle du Président est
dominée. Pourtant les narrations des autres candidats n'emballent pas
vraiment les foules. Mais l'histoire qui était la plus attendue pour y
adhérer, pour s'y opposer aussi, celle du tenant du titre, ex magicien
des campagnes, ne parvient pas encore à être captée clairement par
l'opinion.
Un chef de campagne qui doute
L'expérience Sarkozy 2012 demeure brouillée. Le Guide a laissé la
place à un chef d'une campagne qui doute. En 2007, la marque Sarko était
tout à la fois globale et locale, populaire et "people". On l'aimait
ou on la détestait. Elle séduisait ou elle faisait peur. Elle ne fait
plus vraiment rêver ses fans et elle n'inquiète plus trop ses
adversaires. Elle avait ses codes génétiques. Qui peut prétendre
aujourd'hui décrire son ADN? Et surtout, elle choisissait ses cibles,
elle les "impactait", les fidélisait, les développait sans cesse. Elle a
trop lu de sondages, s'est éloignée, a oublié de se relier à ses
publics réels.
En 2007 les scénaristes de Nicolas Sarkozy nous livraient des séquences
que nous dévorions épisodes après épisodes. La « machine de guerre
fictionnelle » écrasait tout sur son passage. En 2012, des séquences
sans contrôle s'entrechoquent. Les seconds rôles quittent l'espace de
l'écran. Même le tempo n'est pas encore le sien. Le pont narratif entre
la Présidence et la campagne, n'a pas été suffisamment préparé. La fin
d'année 2011 aurait dû permettre cette évolution du récit. Le public
attendait de nouvelles intrigues, de nouveaux personnages.
Une campagne définie par son indéfinition
Ce qui définit encore le mieux sa campagne, c'est son indéfinition.
Et c'est inacceptable face à la complexité du Monde et celle de nos vies
citoyennes. Sans tomber dans la simplicité, là où « Yes We Can »
sonnait comme une victoire annoncée partagée et confiante, la « France
Forte » raisonne comme une Ligne Maginot. Une « contre-narration ».
Ses partisans devraient lui dire : « Sarko sors de cette maudite boîte
présidentielle ! Ton mea culpa, épaules basses, on s'en fout ! Tiens toi
droit, parle des français, de ton action, pas de toi. Dis leur que tu
les aimes. Montre que tu t'arraches pour eux ». La normalité du voisin
de palier, du mec qui a souffert, ni n'est rassurante encore moins
séduit. Le « je suis une personne comme vous ! » cette nouvelle
définition de la proximité qui place le candidat non seulement au cœur
de la société mais à la place même du citoyen, comme un clone politique
de chacun ne sied pas au Président candidat. On a même parfois le
sentiment que le langage du corps du candidat annonce une défaite du
Président. Il n'est pas certain du tout que les français et en
particulier, celles et ceux qui avaient choisis Sarko en 2007 avaient
envie que le candidat exprime tant de regrets. En tout cas pas durant
cette séquence. Ils préfèrent la tonalité plus combattante inaugurée
depuis. Et de loin.
Une élection doit être un choix, pas un référendum
On veut s'élever dans le vote. Je veux croire que celui qui est là peut
changer ma vie, celle de mes proches ou au moins la rendre meilleure. Il
faut un souffle. « Nous sommes tout prêt du gouffre. Je suis un
rempart. Le seul. » devrait être le registre. Karl Rove, le stratège de
Bush en 2004 l'exprimait assez bien : « une élection doit être un choix,
pas un referendum ». David Axelrod, le conseiller historique de Barack
Obama s'en inspirant directement décrit la ligne de la prochaine
campagne du Président sortant qui partage avec Nicolas Sarkozy une
situation électorale complexe : « On ne va pas les laisser gagner par
défaut. Et il ne sera pas suffisant de dire qu'ils sont différents
d'Obama. »
Avec des challengers majeurs si peu idéologiquement positionnés,
l'élection ne sera qu'un référendum sur la présidence Sarkozy. Dans
l'état de crise économique et sociale du pays, nous savons ce qui va se
passer ! Ce referendum pour ou contre Sarkozy favorise le seul François
Hollande et à l'exception notable d'un Jean Luc Mélenchon, neutralise
les performances des autres candidats du premier tour et en particulier
de François Bayrou et Marine Le Pen. Avec des compétiteurs incarnant
pleinement des visions différenciées du destin du pays, le débat
s'engagerait vraiment sur toute sa surface de premier tour.
Une autre histoire que celle qui semble aujourd'hui écrite, celle d'une
défaite annoncée pour Sarkozy, et surtout celle d'un pays qui n'aura pas
eu le débat tant attendu.
vendredi 6 avril 2012
Du référendum à l'élection, où est passé Sarko?
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