TOUT EST DIT

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lundi 30 avril 2012

Comment François Mitterrand a discrètement placé la France sous la coupe des États-Unis

François Mitterrand avait bien caché son jeu. Au moment où une partie de la presse de droite, obnubilée par la participation de quatre ministres communistes au gouvernement, criait à la soviétisation de la France, ce qui s’opérait en réalité était le grand tournant atlantiste de la diplomatie française.

La politique d’indépendance nationale du général de Gaulle avait résisté mieux qu’on ne le dit généralement aux mandats de Pompidou et surtout de Giscard d’Estaing. Ce dernier, pourtant issu de la droite libérale pro-américaine, avait, au cours de son septennat, pris peu à peu des distances avec le grand allié, allant, au tournant des années quatre-vingt, jusqu’à lui retirer le soutien de la France dans la partie de bras de fer décisive qui devait déterminer si les Américains installeraient des fusées à tête nucléaire en Europe pour contrer celles que les Russes installaient de leur côté en visant l’Europe de l’Ouest.

Les élections de 1981 s’étaient ainsi déroulées à contre-emploi : si le PC était officiellement engagé au côté de François Mitterrand, l’ambassade soviétique soutenait discrètement Valéry Giscard d'Estaing, pendant que Jacques Chirac soutenait aussi discrètement François Mitterrand. Mais c’est François Mitterrand qui l’emporta.

Il donna assez vite de nombreux gages diplomatiques à son aile gauche qui pouvaient alimenter les craintes de bolchevisation alors prodiguées par la regrettée Annie Kriegel dans le Figaro : Claude Cheysson, diplomate tiers-mondiste aux Affaires Étrangères, Régis Debray à l’Élysée. Le discours de Mitterrand à Cancùn le 20 octobre 1981 était plein des échos de la révolte de toute la misère du monde contre les pays riches.

La réalité fut bien différente. François Mitterrand n’eut, durant sa présidence, aucun différend sérieux avec Ronald Reagan et Margaret Thatcher qui, au même moment, amorçaient le virage ultra-libéral du monde anglo-saxon.

Il prononça, et nous n’aurons garde de le lui reprocher, un discours décisif au Bundestag le 20 janvier 1983 : « les euromissiles sont à l’Est et les pacifistes à l’Ouest. » Ce discours où, seule en Europe occidentale, la France apportait clairement son appui aux États-Unis, au nez et à la barbe des ministres communistes, permit à Ronald Reagan d’installer les fusées Pershing et de gagner ainsi la bataille ultime de la guerre froide.

Le premier voyage du nouveau président hors d’Europe eut pour destination l’Arabie saoudite, il alla bien vite ensuite en Israël, ce qu’aucun président français n’avait jamais fait. Deux pays qui ne passaient pas, c’est le moins qu’on puisse dire, pour des alliés de l’Union soviétique !

Les archives ont révélé l’affaire Farewell par laquelle les services secrets français apportèrent alors un coup de main décisif aux Américains contre les Russes, assoyant la crédibilité du nouveau président comme allié sûr de Washington.

Nous avons déjà évoqué la concession capitale de François Mitterrand à Ronald Reagan en 1984 quand il accéda à la demande des Américains de soumettre la politique agricole commune à la mécanique du GATT, décision dont les conséquences devaient être désastreuses pour nos paysans.

Les Américains avaient-ils d’ailleurs des raisons de s’inquiéter ? François Mitterrand avait été sous la IVe République un ami constant de l’Amérique.

À la fin de la décennie quatre-vingt, la France de Mitterrand participa à la première guerre du Golfe contre l‘Irak, alors que, quinze ans plus tard, la France de Chirac devait s’abstenir pour la deuxième.

Lors de la décomposition du bloc soviétique, la France sembla réagir maladroitement à la réunification de l’Allemagne, paraissant vouloir la freiner, mais comment reprocher au président français de tenter de prendre quelques garanties contre d’éventuelles velléités de reconstitution de la grande Allemagne ?

Il s’en faut de beaucoup que la France ait été aussi judicieuse dans la gestion économique de la réunification. Pensant jouer au plus malin avec Helmut Kohl, François Mitterrand promut la création de la monnaie unique européenne : l’Allemagne réunifiée étant devenue trop forte à son gré, il pensa la "tenir" par là. Tel fut pris qui croyait prendre. C’est le contraire qui se passa : l’Allemagne imposa que l’euro (dont elle imposa le nom de préférence à l’écu qui sonnait trop français) soit géré comme le mark ; de fait, avec le traité de Maastricht, l’ensemble de l’Europe entrait dans la zone mark. Le régime monétaire optimal pour les Allemands n’étant pas le même que pour les Français, la croissance française s’en trouva, comme nous l’avons vu, durablement entravée et la France affaiblie.

Sachant l’histoire, Mitterrand dit une fois que, lui vivant, la France ne ferait pas la guerre à la Serbie. Madame Thatcher était sur la même longueur d’onde. Mais à ce moment-là, les États-Unis ne suivaient encore que de loin ce qui se passait dans les Balkans, il ne s’opposait donc pas vraiment à eux.

Il s’en faut de beaucoup que Jospin se soit maintenu sur cette ligne. Lorsque les États-Unis décidèrent de trancher le conflit des Balkans en prenant parti unilatéralement contre la Serbie, après une campagne de presse internationale faisant apparaitre celle-ci comme la seule coupable d’atrocités, Jospin - comme Chirac, puisque nous étions alors en période de cohabitation - s’aligna.

C’est le même couple qui engagea à la fin de 2001 l’armée française, à la suite des États-Unis, dans la guerre d’Afghanistan où, dix ans après, elle se trouve encore empêtrée.

Première guerre du Golfe, guerre des Balkans, Afghanistan : à trois reprises, un gouvernement socialiste s’alignait sans état d’âme sur les États-Unis.

L’ambassade des États-Unis intervient-elle sans discrétion dans nos banlieues pour y promouvoir (et ficher) les immigrés ou veut-elle modifier nos programmes d’histoire ? Le gouvernement Sarkozy ne dit rien et laisse faire, mais le conseil régional socialiste de Rhône-Alpes signe un accord de coopération avec la dite ambassade, comme si la France était le Guatemala.

Si l’on fait le bilan de ces trente ans, jamais un gouvernement socialiste n’a manqué à l’appel des États-Unis. Leur fidélité devait être aussi entière que ce que fut ultérieurement celle de Nicolas Sarkozy.

Rien dans tout cela qui ne rompe d’ailleurs avec la ligne traditionnelle des socialistes. Comme tous les membres de la Troisième force, les socialistes étaient sous la IVe République résolument atlantistes.

Les uns et les autres avaient voté contre la décision du général de Gaulle, en 1966 de retirer la France du dispositif intégré de l’OTAN.

Cette ligne constante d’intégration de la France au bloc occidental relativise les états d’âme que le PS sembla manifester en s’abstenant quand Nicolas Sarkozy paracheva en 2008 la réintégration de l’OTAN. Il devrait faire réfléchir les gaullistes qui, par opposition à la ligne atlantiste de Nicolas Sarkozy, seraient tentés de se rallier à Hollande.

Jacques Chirac, pour l’essentiel poursuivit, lui aussi, le rapprochement de la France avec l’OTAN mais il fut le seul à faire un écart qui pouvait rappeler la tradition gaulliste en refusant de manière spectaculaire de participer à la guerre contre l’Irak en 1983 ; cet écart suffit à déclencher un déchaînement sans précédent d’hostilité à notre égard outre-Atlantique.

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