samedi 17 mars 2012
“J’ai appris”
A quoi peut bien servir un meeting alors que les chaînes
d’information accompagnent les candidats dans tous leurs déplacements,
que les écrans Internet fonctionnent vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, comme les réseaux sociaux et la transmission instantanée
des rumeurs et des humeurs ?
Eh bien, rien ne remplace le bon vieux meeting à l’heure de la
domination de l’image. François Hollande s’était lancé à lui-même le
défi de réussir le sien au Bourget le 22 janvier : ce fut le vrai départ
de sa campagne. Nicolas Sarkozy avait à son tour besoin d’un meeting
puissant pour franchir le cap délicat d’une campagne qui entrait dans sa
troisième semaine.
Il avait misé gros sur ce rassemblement de Villepinte, dimanche, au point de le préfacer par cette confidence publique : « Si je suis battu, je quitterai la vie politique. » Alors, il a déjà perdu la partie ! s’emballaient les commentaires. « Climat crépusculaire », se
réjouissait François Bayrou. Il n’était pourtant pas nécessaire de
convoquer les “psys” pour comprendre : comme de Gaulle partant pour
Baden en Mai 68, Sarkozy dramatisait la séquence, mettait les électeurs
devant leurs responsabilités, et il allait se ressourcer à Villepinte
devant la foule de ses partisans.
Une foule de 60 000 ou 70 000 personnes, soigneusement
organisée et mise en scène, avec ses couleurs et ses drapeaux, c’est
fait pour donner le spectacle de la force qui émane d’elle et porter le
candidat. Le meeting a ainsi trois objectifs : doper Sarkozy, toujours
en position de challenger face à Hollande ; mobiliser non seulement le
public de droite mais surtout les cadres et les militants de la machine
électorale, si sensibles aux états d’âme ; enfin, et ce n’est pas le
moindre, impressionner l’adversaire. L’état-major de l’UMP avait été
soufflé par la prestation de Hollande au Bourget ; il fallait montrer à
la gauche que les jeux n’étaient pas faits. « C’est très long, très dur une campagne », convenait une porte-parole du candidat socialiste.
Lundi soir, un premier institut de sondage, l’Ifop (pour Europe 1 et
Public Sénat), annonçait le succès du meeting : Nicolas Sarkozy
dépassait le score de François Hollande au premier tour dans les
intentions de vote : 28,5 contre 27 %. Un point et demi d’écart. Un
écart symbolique, mais un signal. Jusque-là, toutes les enquêtes
présentaient des résultats dans l’autre sens. Il y a un an, les mêmes
instituts se posaient la question de savoir si Sarkozy ne serait pas
éliminé du second tour par Marine Le Pen… Or les sondages pèsent sur le
moral des troupes, à commencer par celui des élus.
Il y avait pourtant quelque chose d’étrange. Le candidat désigné
comme le plus rejeté par les Français, accablé par ses “fautes
originelles” et son bilan, était pourtant celui qui obtenait à chaque
émission de télévision des records d’audience. Comme si le public
voulait voir le grand acteur résister à ses contradicteurs, aux
questions insistantes, parfois jusqu’à l’insolence, de nos confrères
journalistes. Sur France 2, le 8 mars, il fait le meilleur score de
l’émission Des paroles et des actes (près de 6 millions de téléspectateurs) ; sur TF1, le 12, à Parole de candidat,
il est encore suivi par 4,6 millions de téléspectateurs, soit le double
de Bayrou et 1,3 million de plus que Hollande (mais 100 000 de moins
que pour le match Mélenchon-Marine Le Pen).
Grâce à ses émissions répétées comme à ses meetings, il est
parvenu à rassembler son camp, à faire peu à peu le plein de ses voix
sur deux thèmes : oui, « j’ai appris », durant ces cinq années, à travers la crise, les épreuves, et les succès aussi ; oui, je veux « protéger les Français »,
chez eux, comme en Europe, les protéger des projets de société de la
gauche (sur l’euthanasie, le mariage gay, le droit de vote aux
étrangers), les protéger des coups de boutoir de la mondialisation sur
nos marchés. Il aura su se servir de deux outils pour se faire entendre :
l’humilité, si peu habituelle chez lui (« J’ai retenu la leçon »), et l’art de la pédagogie appuyé sur sa connaissance des dossiers.
Reste à ses adversaires un ultime argument : ce qu’il propose
aujourd’hui, que ne l’a-t-il fait depuis cinq ans ? La vraie question
est ailleurs : est-ce ou non plus efficace et plus judicieux que ce qui
existe ? Si la réponse est non, n’en parlons plus. Mais si la réponse
est oui, alors il ne faut pas compter sur les autres pour le faire à sa
place. Des promesses ? Les autres n’en font-ils pas ? Mais il y a cette
fois, par rapport aux engagements de 2007, un fait nouveau – capital – ,
l’usage du référendum d’initiative populaire qu’il a lui-même voulu.
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