C’est toujours pareil avec les révolutions ! On se rassemble, on s’encourage, on tire, on pousse, et parfois le dictateur tombe du piédestal qu’il pensait éternel. Puis viennent les questions. Comment et à quel rythme bâtir une démocratie malgré les séquelles de la dictature qui vous transforment le changement en une éreintante course à handicap ?
La Tunisie, encore étonnée de passer d’un système unanimiste à un système pluraliste, se mesure à deux dangers : d’un côté un scénario à l’iranienne, avec confiscation de la Révolution par les islamistes, de l’autre le retour d’anciens cadres du RCD (ex-parti au pouvoir), qui cherchent à rebondir comme d’anciens dirigeants communistes l’ont fait en Roumanie après 1989.
Contrairement à la Pologne qui a pu s’appuyer sur les dirigeants du très puissant syndicat Solidarnosc, aucune force constituée n’a structuré et organisé la révolution tunisienne. Ce fut un soulèvement populaire considérable, mais cela explique qu’aujourd’hui chacun cherche sa légitimité. Tout le monde se dit et se pense dépositaire de la volonté du peuple…
Heureusement pour elle, la Tunisie ne manque pas d’hommes et des femmes de haut niveau. Encore faut-il que les solides expertises acquises dans l’exercice d’une profession soient transposées dans la sphère politique. Or en Tunisie comme en France, un chef d’entreprise renommé ne devient pas automatiquement un bon ministre de même qu’un juriste brillant ne fait pas forcément un parlementaire de poids.
Derrière le débat technique lié à la date des premières élections pluralistes se profilent les enjeux politiques. L’Assemblée constituante attendue le 23 octobre aura toute latitude, à commencer par le choix du pouvoir exécutif : celui-ci sera responsable devant elle et elle pourra le censurer. Après vingt-trois ans de dictature Ben Ali, on comprend que la Tunisie se méfie farouchement d’un nouveau pouvoir exécutif personnalisé et qu’elle privilégie un régime plus parlementaire que présidentiel.
Qu’on regarde du côté des principes ou du côté des hommes, c’est, dans tous les sens du terme, une jeune nation qui reste à bâtir entre une Algérie sous influence de l’armée, un Maroc imprégné de culture monarchique et une Libye en guerre. Le concours apporté aux démocrates tunisiens ne doit pas faiblir au fil du temps car ce qui se construira dans ce pays d’ici à la fin de l’année sera décisif pour l’avenir de ce remarquable mais encore incertain « printemps arabe ».
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